3. Observations
Votre rapporteur spécial a tenu également à examiner en quoi, entre 2000 et 2001, l'infléchissement proclamé avait pu se traduire dans les faits 25 ( * ) .
Cette comparaison des actions financées en 2001 par rapport à celles financées en 2000, outre une diminution de 20 millions de francs des crédits dépensés, montre à la fois des pesanteurs et des changements. Les pesanteurs se retrouvent dans le financement, qui semble pérenne, d'actions financièrement lourdes comme l'injonction thérapeutique (7,7 millions de francs en 2001), les équipes mobiles de proximité (3,5 millions de francs), les CEIP (2,1 millions de francs), les CESC (17 millions de francs), les contributions aux organismes internationaux (4,7 millions de francs), le FRAD (2,4 millions de francs), le CIFAD (2,35 millions de francs) et la coopération internationale des douanes (1,46 million). Au total, la moitié des financements répartis correspondent à des actions reconduites chaque année, limitant les moyens pour les objectifs réels des crédits interministériels à moins de 40 millions de francs. C'est peu pour promouvoir des actions innovantes...
Il semble évident, à la lecture des décisions de financement prises en 2000 et 2001, que le choix budgétaire de rapatrier dans les crédits des ministères dépensiers les sommes correspondant à des dépenses pérennes de fonctionnement s'est traduit dès les premières demandes relatives à 2000. Cependant, cet infléchissement est apparu à votre rapporteur spécial encore trop lent, trop inégal, et surtout trop incomplet.
Trop lent dans la mesure où de nombreuses actions semblent correspondre à des actions dont le financement a pu être contesté par le passé : il eut été préférable soit de les rapatrier complètement - mais cela aurait probablement eu pour effet d'optique de diminuer en net les moyens de la MILDT à un moment où le gouvernement clamait vouloir lui redonner confiance et moyens - soit de financer ces dépenses sur le propre budget des ministères par redéploiements internes - mais cela aurait probablement risqué de supprimer un certain nombre d'actions. Votre rapporteur spécial est conscient des difficultés rencontrées mais estime qu'une politique doit être menée et suivie jusqu'à son terme et ne pas s'arrêter à mi-chemin, surtout s'agissant de dépenses ne correspondant pas aux missions et objectifs que le Premier ministre lui-même a définis pour la MILDT.
Trop inégal puisque la différence de rythme entre les ministères est flagrante à l'examen des différentes actions. Là où le ministère de la Justice semble faire un effort particulier pour réintégrer à son budget un certain nombre de dépenses, il semblerait que le ministère de l'Intérieur 26 ( * ) ou celui des Affaires étrangères aient le plus grand mal à comprendre les évolutions en cours. Cette situation ne peut durer plus longtemps et votre rapporteur spécial espère que ces départements ministériels comprendront qu'il n'est plus possible de saisir le COCOI comme un « troisième tour budgétaire » pour leur propre fonctionnement (CEIP pour l'AFSSAPS, comités d'éducation du ministère de l'Éducation nationale) ou le financement de leurs propres missions (contributions françaises au PNUCID ou au CIFAD, par exemple).
Trop incomplet bien sûr puisque plusieurs préoccupations exprimées par la Cour des comptes restent lettre morte. Le plus grand manque qu'a pu déplorer votre rapporteur spécial est celui de l'évaluation. Le compte-rendu d'évaluation des ministères sur l'utilisation des crédits 1999 oscille entre laconique (ministère de l'Intérieur) et inexistant (douanes). De même, votre rapporteur spécial n'a pas pu consulter quelques évaluations rétroactives sur des projets menés, faute de réponse à ses demandes.
Ce qui vaut pour l'évaluation vaut aussi pour la présentation a priori des projets à financer. Il est apparu fort regrettable à votre rapporteur spécial que les demandes de financement, qui doivent pourtant s'inscrire dans une logique de projets, ne fassent l'objet d'aucune note formalisée, d'aucun dossier de présentation, sur le modèle de ceux soumis à l'approbation par exemple des instances de décision de certains fonds ministériels.
Votre rapporteur spécial considère ainsi qu'il convient d'amplifier le mouvement de rebasage budgétaire des actions récurrentes, quitte à diminuer visuellement les crédits de la MILDT.
De même, il propose à la MILDT d'établir une fiche unique de prise en considération des projets, qu'aurait à lui adresser le ministère demandeur, et sur laquelle figureraient plusieurs informations : description du contexte du projet, description des opérateurs et informations notamment financières à leur sujet, présentation d'un budget prévisionnel détaillé, rappel des évaluations précédentes et prévisibles, objectifs poursuivis et éventuellement indicateurs chiffrés mis en place. De tels documents, un pour chaque projet individualisé, renforceraient la logique de projet, permettraient à la MILDT de mieux identifier ce qu'elle finance, et aux administrations de mieux argumenter leurs demandes.
Un tel modèle pourrait aussi valoir pour les comptes-rendus annuels d'utilisation des crédits par les chefs de projets départementaux.
Au total, votre rapporteur spécial n'a pu que constater la prise en compte des observations de la Cour des comptes mais aussi la lente mise en oeuvre de celles-ci. Si la tâche de la MILDT n'est pas toujours facilitée par les conditions de l'exécution budgétaire et par les réticences plus ou moins volontaires des différents ministères, elle a une grande responsabilité dans le processus en cours. A elle de donner les impulsions, d'initier les projets, voire de les proposer aux ministères, de fournir des cadres stratégiques stricts et rigoureux. C'est parce que les politiques interministérielles sont difficiles à gérer et que les réflexes ont la vie dure, qu'il existe des structures ad hoc comme la MILDT.
* 25 Voir le tableau de l'annexe 3.
* 26 A noter l'honnêteté de celui-ci qui, dans sa note de demande de crédits, explique qu'il n'a pas voulu donner un « habillage » factice à certaines actions.