B. UNE ADMINISTRATION ET UN PERSONNEL TRÈS SOUCIEUX DE LEUR INDÉPENDANCE
Votre rapporteur spécial a été frappé du souci très fort d'indépendance de la part de cette administration et de ses fonctionnaires : indépendance vis-à-vis des magistrats qui conduirait presque à oublier que la protection judiciaire de la jeunesse fait partie du service public de la justice ; très forte autonomie des services et des agents, notamment vis-à-vis de la hiérarchie.
1. Une administration attachée à son indépendance
Les magistrats interrogés ont admis avoir des relations difficiles avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Tout en reconnaissant l'insuffisance des effectifs de cette administration, ils ont regretté que leurs décisions soient exécutées de manière très variable en fonction des priorités définies par les éducateurs. Ils ont souligné la volonté délibérée des agents de la protection judiciaire de la jeunesse de cantonner leurs activités dans le domaine éducatif et social au détriment de mesures plus judiciaires comme le suivi des sursis avec mise à l'épreuve ou l'exécution des travaux d'intérêt général.
Ils ont également précisé que les « mises en attente » correspondaient en réalité à des classements administratifs. En effet, une mesure comme le suivi des sursis avec mise à l'épreuve est limitée dans le temps. Si la mesure n'a toujours pas été exécutée lorsque la durée de la peine est écoulée, le mineur délinquant est resté libre sans avoir fait l'objet d'un suivi de la part d'un éducateur. La peine perd donc tout son sens.
Ce tableau alarmiste doit être relativisé. Certains magistrats ont de très bonnes relations avec les éducateurs avec lesquels ils travaillent. Par ailleurs, la directrice du CAE de Mulhouse a assuré à votre rapporteur spécial que la mise de dossiers en attente était précédée d'une rencontre avec les magistrats pour sélectionner les mesures mises en oeuvre. Elle a également souligné que l'exécution des mandats judiciaires était ralentie en raison des délais importants (entre six mois et un an) entre le prononcé des sanctions et leur notification. Les services judiciaires portent donc leur part de responsabilité dans les dysfonctionnements de l'application des peines.
Toutefois, il est évident qu'institutionnellement, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse donne le sentiment de chercher à échapper à l'emprise du juge, comme en témoigne la récente réforme des services éducatifs auprès du tribunal (SEAT).
La réforme des services éducatifs auprès du tribunal (SEAT)
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a
envoyé le 15 mai 2001 une note à l'ensemble des directions
régionales et départementales redéfinissant le contenu des
missions et l'organisation des SEAT.
Dans les SEAT auprès des juridictions comportant trois à six postes de juges des enfants, deux options sont ouvertes. Les SEAT peuvent être maintenus dans les tribunaux sous la forme d'unités éducatives placées sous l'autorité hiérarchique du directeur d'un service de milieu ouvert. Les missions dévolues aux SEAT peuvent également être confiées à un ou plusieurs services implantés sur le territoire. Enfin, en ce qui concerne les SEAT implantés dans des tribunaux comportant un ou deux juges des enfants, leurs missions seront confiées à un service de milieu ouvert du ressort de la juridiction. Elles seront organisées selon les modalités les mieux adaptées à chaque ressort : - soit par spécialisation d'un ou de plusieurs personnels appartenant à un service de milieu ouvert ; - soit par rotation des personnels d'un ou de plusieurs services de milieu ouvert pour assurer une permanence au tribunal selon une périodicité définie. |
Source : Synthèse de la note 522/2001 du 15 mai 2001 de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sur « les missions éducatives exercées au tribunal, contenu d'organisation » .
Votre rapporteur spécial ne dispose pas d'éléments d'information suffisants pour pouvoir porter un jugement sur cette réforme. Toutefois, il est évident qu'elle vise à renforcer l'autonomie des services de protection judiciaire de la jeunesse par rapport aux services judiciaires. Dans la mesure où les premiers sont déjà tentés par une mise en oeuvre très sélective des mandats judiciaires qui leur sont confiés, on peut légitimement se demander si ce travers ne risque pas d'être accentué par la réforme précitée.