2. Les modalités d'évaluation par le CBO de l'impact budgétaire des textes législatifs
Précisons que le CBO n'étudie lui même l'impact des propositions de textes législatifs sur les recettes fédérales qu'en matière de droits de douane. S'agissant de l'impact des mesures fiscales en matière de recettes d'impôts sur le revenus et sur la propriété, d'impôts sur les sociétés, de droits d'accises et de droits d'enregistrement, le CBO est légalement contraint de retenir les estimations des fonctionnaires de la commission conjointe des impôts ( Joint Committee on Taxation ), dont le rôle est détaillé au chapitre IV.
Pour le reste, le CBO est tenu de réaliser ses évaluations de manière indépendante et impartiale.
En pratique, pour estimer le coût d'une nouvelle mesure, le CBO part de ses propres projections de base des dépenses et des recettes relatives aux programmes en vigueur.
Ensuite, une centaine d'analystes spécialisés utilisent leur expérience et leur jugement d'expert pour formuler des hypothèses vraisemblables quant au comportement des agents économiques concernés (par exemple, pour estimer le nombre de collectivités locales qui chercheraient à bénéficier d'un nouveau programme fédéral subventionnant des politiques locales de protection de l'environnement).
A partir de ces hypothèses, de micro-simulations réalisées à l'aide de fichiers de données fiscales et sociales, de calculs économétriques, de modélisations, et de nouveaux jugements d'experts, ils publient alors des estimations de coût.
Les estimations utilisées dans le cadre de la procédure législative ne sont jamais « dynamiques », c'est à dire qu'elles ne prennent jamais en compte les effets de retour d'une mesure donnée sur les recettes ou les dépenses fiscales . Par exemple, ces estimations ne prennent pas en compte l'idée selon laquelle des allégements fiscaux ciblés sur un secteur d'activité pourraient relancer l'activité de ce secteur, donc l'emploi et les recettes fiscales et sociales.
Comme le suggèrent par ailleurs les exemples détaillés plus loin, ces estimations sont évidemment fragiles , alors même qu'elles peuvent avoir des conséquences politiques importantes en suggérant que la mesure préconisée par un parlementaire influent de la majorité est trop coûteuse pour pouvoir être adoptée. Ces estimations sont donc fréquemment contestées, et les responsables du CBO sont « bombardés » d'appels de la part de parlementaires ou de staffers qui cherchent à influencer les estimations.
Dans certains cas, les hypothèses retenues sont d'ailleurs déterminantes . Par exemple, à partir d'hypothèses dissemblables sur le comportement des entreprises concernées, le CBO et l'administration fédérale ont récemment publié des estimations prévisionnelles de recettes très différentes pour la vente aux enchères de fréquences hertziennes et ces différences techniques sont devenues un enjeu politique majeur.
Le CBO estime alors que le meilleur moyen de se protéger de ces influences n'est pas de s'isoler, mais de pratiquer une grande transparence et de « parler à tout le monde », aussi bien à l'intérieur du Congrès qu'au dehors.
Le Congressionnal Budget Act de 1974 dispose d'ailleurs que le CBO doit publier les fondements de ses estimations, et le CBO interprète de manière extensive, publiant en principe l'ensemble des hypothèses et des méthodes utilisées dans ses chiffrages, et se tenant à la disposition des parlementaires concernés, comme de leurs staffers , pour toute précision méthodologique. Le CBO est donc transparent sur ses méthodes.
En second lieu, le CBO s'efforce de désamorcer les incompréhensions en amont, comme en aval.
En aval, le CBO s'attache ainsi à publier des notes de chiffrage claires et faciles à comprendre.
En amont, lorsqu'un texte est officiellement déposé, les experts du CBO prennent l'attache des staffers des commissions ou des parlementaires qui en sont à l'origine, afin de s'assurer qu'ils en ont bien interprété la rédaction. Ces contacts informels permettent d'ailleurs également aux analystes du CBO d'obtenir des indications relatives au calendrier parlementaire, donc à leurs délais de travail.
En outre, le CBO peut réaliser des estimations confidentielles pour des propositions de texte qui n'ont pas encore été rendu publics, et peut réaliser, à la demande, des estimations préliminaires dans des délais relativement brefs. Ces procédures sont d'ailleurs fort utiles aux parlementaires, car elles permettent parfois d'identifier les défauts de conception ou de rédaction de leurs propositions.
Au total, les parlementaires les plus prudents peuvent donc largement éviter le camouflet que risque de constituer une estimation formelle du CBO suggérant que leur proposition de loi ou d'amendement est excessivement coûteuse.
In fine , la meilleure protection du CBO est toutefois sa réputation d'indépendance, d'intégrité et de qualité.
Le CBO s'enorgueillit ainsi de son label et de sa réputation d'indépendance , qui sert à la fois de ciment interne, et d'image externe.
Par ailleurs, le CBO attache un grand prix à la sauvegarde de sa réputation académique : ses estimations de coût sont ainsi soigneusement révisées en interne, et sont parfois soumises à titre officieux à des experts extérieurs avant leur diffusion.
Néanmoins, les dirigeants du CBO soulignent que leur tâche est de plus en plus ardue . Les textes législatifs sont en effet de plus en plus complexes, et il est difficile de démêler les impact budgétaires de mesures politiquement sensibles comme la hausse du salaire minimum ou le relèvement des quotas d'immigration.
Dans certains cas, le CBO estime d'ailleurs que certains textes sont « non chiffrables », comme le sont en France de nombreuses mesures fiscales recensées dans le bleu budgétaire des Voies et moyens .