C. LA RECHERCHE D'OBJECTIVITÉ : ATOUT OU HANDICAP ?
1. Une recherche constante d'objectivité
Le CRS a statutairement pour mission de réaliser des travaux non - partisans et objectifs . La capacité à conduire des travaux objectifs est ainsi l'un des principaux critères de recrutement des analystes.
• S'agissant des travaux écrits, ce souci d'objectivité se traduit également en principe par des exigences de forme et de fond :
- la rédaction des travaux du CRS est toujours policée et mesurée. En outre, la plupart des travaux du CRS ne font aucune référence aux opinions des groupes de pression et, en matière économique, ne citent pratiquement jamais d'économistes , mais seulement des arguments , à l'appui de telle ou telle thèse ;
- les experts de CRS ne font en principe jamais de préconisations en matière de politique publique, même si ce principe souffre de menues exceptions lorsque l'analyse débouche sur des conclusions incontestables. Par exemple, le CRS Report for Congress relatif au coût de l'euro pour les États-Unis remarque que les États-Unis pourraient accroître la « portabilité du dollar », donc l'utilisation du dollar comme monnaie de réserve et les recettes de seigneuriage international, en émettant des billets d'une valeur unitaire plus élevée (500 $) ;
- la présentation des arguments ou des pour et des contre d'une proposition parlementaire doit être équilibrée . Il convient de souligner que c'est d'ailleurs cet attachement du CRS, non seulement à l'objectivité, mais aussi à l'exposition équilibrée des principaux points de vue, qui constitue la spécificité et la difficulté de ses travaux. En effet, les conclusions des Think Tanks , par exemple, reflètent toujours plus ou moins un point de vue particulier.
S'agissant des documents écrits, le respect de ces exigences se traduit par une procédure relativement élaborée. En effet, chaque expert soumet successivement ses notes et rapports :
- à la critique scientifique de ses collègues ( peer review ), qui le conduit souvent à réécrire pour partie son texte, à la suite de débats parfois passionnés ;
- à son chef de division (l'équivalent d'un responsable de secrétariat au Sénat), chargé plus particulièrement de vérifier l'objectivité, l'expression et la construction de l'analyse ;
- enfin à un comité de lecture permanent de trois fonctionnaires ( review office ) qui relit tout les documents et décide de leur objectivité, donc de leur diffusion. Parallèlement, ce comité de lecture est également chargé d'évaluer et d'anticiper les thèmes d'études susceptibles d'intéresser le Congrès.
• S'agissant des consultations orales, notamment téléphoniques, ce souci d'objectivité et d'équilibre se traduit également par une grande prudence . En effet, même lors d'entretiens relativement brefs, les experts du CRS doivent en principe toujours proposer un large éventail de points de vue.
En outre, ils sont censés ne jamais révéler leurs conclusions personnelles, même lorsqu'elle leur est expressément demandée, ce qui doit d'ailleurs être relativement frustrant pour les deux parties, même si c'est sans doute indispensable au maintien de la crédibilité institutionnelle du CRS.
• De même, quoique les experts du CRS puissent en principe publier à l'extérieur, leurs articles doivent spécifier que leur contenu ne correspond qu'aux vues de leur auteur et non pas à celles du CRS ; ils doivent recueillir l'autorisation préalable de leur hiérarchie ; et celle-ci peut s'opposer à la publication d'éditoriaux ou d'articles trop partisans.
• Enfin le CRS ne répond pas aux questions jugées de nature politique . Par exemple, le CRS ne renseignera jamais un parlementaire sur les activités d'un de ses collègues, alors même que cette information est évidemment publique.