3. Des efforts d'accessibilité intellectuelle
Les documents d'information réalisés par le CRS sont relativement austères , et s'apparentent en cela aux rapports réalisés en France par la Cour des Comptes : il s'agit en effet de documents agraphés, monochromes, sauf pour la page de couverture (qui est noire et bleue), à la calligraphie serrée, avec de nombreuses notes de bas de page, des tableaux et presque jamais de graphiques.
• A la lecture ces documents sont pourtant d'une très grande clarté , aussi bien dans la construction que dans le détail.
Tous les concepts employés sont ainsi définis en termes simples. Par exemple, le CRS Report for Congress de 12 pages relatif à l'orientation de la politique monétaire consacre 6 pages à rappeler ce qu'est la politique monétaire, en quoi elle est importante, quels sont les indicateurs de la politique monétaire et comment interpréter les variations des taux d'intérêt.
Les principales définitions sont d'ailleurs reprises dans les résumés des rapports. Tous les documents du CRS sont en effet précédés d'un résumé, commencent par des éléments de cadrage très généraux et comportent lorsqu'il y a lieu un rappel des compétences du Congrès sur le sujet traité, ainsi qu'une chronologie des débats parlementaires sur le thème traité et des textes proposés ou adoptés, de sorte que les rapports du CRS constituent de réels outils de travail pour les commissions, les parlementaires et leurs assistants.
Un exemple de CRS Report for Congress « Les banques de développement multilatérales : enjeux pour le 106 ème Congrès » Ce rapport de 18 pages commence par un sommaire analytique, un résumé d'une page, un encart de dix lignes précisant les derniers développements législatifs et la liste des rapports du CRS sur des thèmes connexes. Ensuite, le rapport rappelle de manière aussi simple que précise ce que sont les banques multilatérales de développement (comme la Banque mondiale), comment elles sont organisées et quels types de concours elles accordent (en trois pages). Puis le rapport rappelle la participation des États-Unis à ces institutions, en précisant les administrations fédérales impliquées (une page), et détaille les prérogatives du Congrès, la procédure budgétaire d'allocation de crédits à ces institutions, ainsi que l'ensemble des textes et résolutions relatifs à ces institutions discutés au Congrès au cours des deux dernières années (en quatre pages au total). Enfin, le rapport expose les principaux débats relatifs à ces institutions en cours au Congrès (la restructuration des institutions financières internationales, la contribution des États-Unis à ces institutions, les institutions financières internationales et la dette des pays en développement, les institutions financières internationales et la lutte contre la pauvreté). Pour chacun de ces débats, le rapport résume les résolutions qui ont été déposées ainsi, le cas échéant que les déclarations des commissions compétentes, de l'administration fédérale, du G 7, etc. Pour les débats les plus tranchés, le rapport liste enfin « le pour et le contre » : s'agissant par exemple, de la question « les États-Unis doivent-ils faire transiter leur aide au développement par des institutions multilatérales ? » , le rapport expose quatre séries d'arguments favorables (comme le fait que les coûts de gestion des institutions financières internationales soient limités et que ces institutions concourent à la formation d'une économie mondiale conforme aux intérêts des États-Unis) et trois séries d'arguments opposés (comme le fait que les institutions multilatérales ne prennent pas en compte des enjeux essentiels, comme la protection de l'environnement, ou, qu'elles favorisent l'hypertrophie du secteur public en prêtant pour des projets agrées par les autorités publiques). Il est à noter que le rapport liste l'ensemble de ces arguments, sans les hiérarchiser, les discuter ou les confronter les uns aux autres. Enfin, le rapport se conclut par des références bibliographiques, précisant notamment comment accéder aux publications et aux sites internet de chacune des organisations concernées, puis détaillant les références des textes en discussion. |
De même, les analyses techniques vont droit à l'essentiel, et partent toujours de détails concrets , à l'instar du CRS Report for Congress relatif au commerce extérieur américain qui commence par l'évocation du café (importé) que les Américains boivent chaque jour.
• Concision et simplicité se traduisent parfois par certains raccourcis. Le CRS Report for Congress relatif aux relations franco-américaines présente la politique économique impulsée par le Gouvernement de M. Lionel Jospin à partir de 1997 en des termes proches de ceux que nous utilisons traditionnellement pour décrire les politiques économiques de pays en développement fidèles aux prescriptions du Fonds monétaire international : « il a accentué les efforts pour mettre un terme à la corruption dans la vie politique, l'administration et les affaires, et il a cherché à ouvrir davantage l'économie aux investissements étrangers, en raison notamment des pressions exercées par l'Union européenne ».
• Néanmoins, la clarté s'accompagne toujours d'une certaine exhaustivité . Par exemple, ce même CRS Report for Congress sur les relations franco-américaines présente une synthèse extrêmement réussie de la situation politique française, de l'histoire et des valeurs de la France, qui « comme les États-Unis, croît qu'elle a un rôle spécial dans le monde » ; puis propose une analyse bienveillante de la perception française des États-Unis, du Congrès et de l'Union européenne ; développe longuement les enjeux de la présidence française de l'Union européenne, les grands débats transatlantiques (relations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis, rôle de l'OTAN, politique européenne de sécurité et de défense) ou la restructuration des forces armées françaises ; dresse un panorama des politiques étrangères respectives de la France et des États-Unis région par région et de la relation spéciale entre la France et les États-Unis ; enfin conclut par un petit guide opérationnel à l'usage des parlementaires :
« Pour ceux qui au Congrès... souhaitent préserver le leadership américain et la primauté de l'OTAN dans les affaires de sécurité européenne, les efforts de la France pour construire une Union politique et une défense européenne effective pourraient réduire le rôle et l'influence des États-Unis sur le continent. Pour ceux qui souhaitent une plus grande contribution des autres pays aux maintien de la paix, au financement des institutions internationales et à l'aide au développement, l'influence et la politique française soutiennent le plus souvent les intérêts américains et réduisent les besoins de dépenses des États-Unis. Pour ceux qui souhaitent un meilleur partage du fardeau au sein de l'OTAN, l'initiative européenne de défense recèle à tout le moins la possibilité d'une capacité militaire européenne accrue. Enfin, pour ceux qui souhaitent réduire la présence militaire américaine en Europe, et corollairement les responsabilités des États-Unis pour la stabilité de l'Europe, l'initiative européenne de défense, largement impulsée par la France, pourrait servir un jour les intérêts des États-Unis si elle contribue à la stabilité d'une région du monde cruciale pour le commerce et l'investissement des États-Unis ».
En outre, les documents du CRS sont toujours extrêmement précis . Ainsi, le rapport précédent est nourri de nombreuses déclarations de responsables politiques français et européens, pour la plupart très récentes, empruntées à des revues internationales, à des historiens français, aux journaux Le Monde , Libération , Le Figaro et International Herald Tribune , aux communiqués de presse de la présidence de l'Union européenne, mais aussi aux sites internet de la présidence de la République, du Premier ministre, des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, voire aux comptes rendus d'audition devant les commissions de l'Assemblée nationale.
• Enfin, la rigueur et la technicité ne sont jamais sacrifiées à la clarté. Le CRS Report for Congress relatif à l'orientation de la politique monétaire contient ainsi de longs développements sur le contenu en information des agrégats monétaires, qui sont beaucoup plus approfondis que les publications de la Banque de France ou de la Banque centrale européenne.
De même, le CRS Report for Congress sur le coût de l'euro pour les États-Unis évoque longuement le seigneuriage (l'avantage résultant de la détention de monnaie nationale à l'étranger) et les difficultés de politique monétaire résultant des changements de comportement induits pour les agrégats monétaires, alors que ces thèmes sont peu présents dans les débats européens relatifs à l'Union économique et monétaire.
Au total, l'observateur est frappé par la qualité des rapports du CRS.