B. LES OUTILS ET LA STRATÉGIE DU DÉVELOPPEMENT

1. La tradition d'un interventionnisme public " éclairé "

L'interventionnisme étatique est une donnée essentielle de l'histoire économique de Singapour ces trente dernières années. A tel point que certains sociologues voient dans l'intervention de l'Etat dans l'économie, fréquente en Asie, l'héritage confucéen des civilisations sinisées, ou encore une manifestation de la notion d'intérêt public, particulièrement forte dans des sociétés où le groupe prime sur l'individu.

Dans une publication de 1993 7 ( * ) la Banque Mondiale soulignait ainsi que trois dragons sur quatre (Corée, Taïwan et Singapour) disposaient dans leur système institutionnel, d'un ministère central de l'économie, d'une bureaucratie forte, d'une stabilité politique et d'un leadership politique " visionnaire " (ce qui n'était pas à son sens le cas de Hong Kong).

La Banque Mondiale estimait même que " la bureaucratie peut faciliter ou empêcher les réformes . Dans beaucoup de pays d'Asie du Sud-Est ayant réussi leur industrialisation, l'administration a été l'agent du développement. Les technocrates ont pris part au choix politique de la réforme. A Singapour, bureaucrates et responsables politiques ont travaillé main dans la main pour le programme national ".

Ce même rapport poursuivait en indiquant que Singapour (comme la Corée et Taiwan) bénéficiait d'un leadership politique " visionnaire " et d'une administration efficace. Ces pays auraient également, toujours dans la même analyse, construit le consensus national sur l'objectif du développement et se seraient appuyés sur un appareil centralisé de mise en oeuvre de leurs stratégies interventionnistes. Et la Banque Mondiale d'en conclure : " contrairement aux idées mondialement reçues, un des facteurs de succès économique de l'Asie du Sud-Est a été un Gouvernement actif. Mais ce n'est pas plus d'intervention qui a été le facteur-clé de réussite, mais une meilleure intervention ".

A Singapour, plusieurs agences d'Etat sont en charge de la mise en oeuvre de la politique industrielle. Trois d'entre elles sont particulièrement significatives :

le " Trade Development Board " , qui a 5 fonctions principales : promouvoir la liberté commerciale dans les forums de négociation internationaux ; explorer les marchés et produits susceptibles de constituer des niches pour les exportations singapouriennes ; faire de Singapour une base attractive pour les acteurs du commerce international ; développer l'infrastructure commerciale et d'affaires de Singapour ; aider les entreprises singapouriennes à investir à l'étranger ;

l'" Economic Development Board " (EDB) qui sera l'objet de plus amples développements ci-après, car elle est, depuis 1961, l'agence gouvernementale chargée de la définition et de la mise en oeuvre de la stratégie de développement économique et industriel de Singapour ;

la " Jurong Town Corporation " (JTC), établie en 1968, qui est l'agence singapourienne chargée du développement et de la gestion des parcs industriels spécialisés . Sa mission est de soutenir la croissance de l'économie singapourienne en fournissant aux industriels un vaste choix d'installations à des prix compétitifs.

a) L'Economic Development Board, agence de prospective, de développement économique et de capital-risque

L'Economic Development Board, qui dépend du ministère du commerce et de l'industrie, est l'un des principaux moyens d'action du Gouvernement singapourien dans le domaine économique. Cette administration a joué un rôle essentiel dans le développement de l'industrie manufacturière, des services à l'industrie et du secteur des services.

Ses attributions et ses moyens sont très larges et son action est, actuellement, largement orientée vers l'émergence des nouvelles technologies :

LES BUTS DE L'EDB

Vision : " Faire de Singapour une économie du savoir vibrante et robuste ".

Mission : Promouvoir et développer les industries de l'économie du savoir, au travers du programme " Industrie 21 ", programme décennal dont le but est de favoriser l'accession de l'industrie à l'économie du savoir, et pour cela :

- favoriser un " écosystème " de commerce électronique pour entrer dans l'économie numérique ;

- promouvoir les services et applications mobiles et faire de Singapour une plate-forme régionale en la matière ;

- encourager les sociétés du secteur des nouvelles technologies à faire de Singapour leur base de recherche et développement ;

- chercher à développer de nouveaux secteurs d'activité à Singapour ;

- promouvoir l'innovation ;

- promouvoir des incitations et des infrastructures pour les activités de la société de l'information ;

- encourager la formation dans les domaines des NTIC, des sciences de la vie, de l'optique, des circuits intégrés et de la logistique ;

- faciliter le recrutement de la main-d'oeuvre qualifiée étrangère.

Source : EDB's Yearbook 2000.

Les principales actions de l'EDB visent à :

- fournir un service intégré d'aide à l'investissement (de l'identification des opportunités commerciales à la mise en oeuvre rapide des projets) ;

- développer des programmes et incitations diverses qui répondent aux besoins de l'économie, aux tendances technologiques et aux aspirations de développement de Singapour ;

- soutenir les entreprises basées à Singapour pour leur planification stratégique et le développement de leur activité régionale à partir de Singapour.

Les déclinaisons de ces principes sont nombreuses :

- programme d'aide aux " entreprises locales prometteuses " ;

- soutien à l'industrie manufacturière ;

- aide à l'implantation ;

- actions de formation ;

- actions de promotion des infrastructures ;

- co-investissement dans les entreprises à fort potentiel (où l'Etat singapourien peut même prendre temporairement une part en capital).

Cette agence est particulièrement active, comme le montre son bilan d'activité :

EDB : LE BILAN 1999 SELON SON PRÉSIDENT

En 1999, l'économie singapourienne a cru de 5,4 %, dont 13,9 % dans le secteur de l'industrie manufacturière, secteur qui a été un instrument essentiel pour faire sortir Singapour de la crise asiatique.

L'action d'EDB a apporté à l'économie singapourienne 8 milliards 8 ( * ) de dollars singapouriens d'investissements en actifs fixes en 1999, et 1,6 milliards 9 ( * ) de dollars singapouriens de volume d'affaires dans les services, générant une valeur ajoutée de 7,7 milliards 10 ( * ) de dollars singapouriens et créant 21.000 emplois.

Dans le secteur manufacturier, la ventilation sectorielle et régionale des investissements est la suivante :

INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS PAR SECTEURS EN 1999

RÉGION D'ORIGINE

Source : EDB's Yearbook 2000.

* 7 " The lessons of East Asia, an overview of Country experience ", World Bank, 1993.

* 8 33,6 milliards de francs.

* 9 6,72 milliards de francs.

* 10 32,34 milliards de francs.

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