Etude 1
L'information sur le suivi infra-annuel des soldes publics
Le suivi infra-annuel des recettes, des dépenses et donc du solde des administrations publiques permet, d'une part de comparer l'évolution constatée des finances publiques par rapport à l'objectif final annoncé et, d'autre part d'ajuster les politiques de dépenses, voire de recettes, des administrations concernées en cours d'exécution afin de corriger les écarts qui apparaissent. Le suivi des soldes publics ne peut ainsi être considéré comme une simple photographie d'un processus exogène.
Parce que les soldes budgétaires annoncés recouvrent des enjeux politiques majeurs, les résultats intermédiaires exercent en effet une influence significative sur la gestion des moyens d'actions des administrations. Que les capacités de financement s'accumulent pour former une « cagnotte » et ce sont des moyens de dépenses ou de réduction de la dette, voire de réduction des impôts, qui apparaissent à solde budgétaire annoncé inchangé. Si, au contraire, le déficit s'accroît en cours d'année, des emprunts supplémentaires peuvent être levés ou bien des dépenses reportées. Ainsi, la connaissance des soldes publics conduit directement à l'élaboration d'actions nouvelles dictées par des choix politiques. Dans de telles conditions, le suivi le plus fréquent et le plus détaillé possible permet un réel débat pluraliste et démocratique. De plus, depuis l'adoption du traité de Maastricht, la communication des soldes publics agrégés et du niveau de la dette est devenue une exigence européenne.
Nous étudierons dans une première partie comment les Etats communiquent tant en matière de soldes publics agrégés que de soldes des administrations centrales puis, nous présenterons dans une seconde partie la situation spécifique des administrations de sécurité sociale.
1.1. Le suivi de l'exécution des comptes des administrations centrales et des soldes publics
Le suivi des soldes publics consolidés étant une exigence européenne, les Etats-Unis n'y sont naturellement pas soumis. La manière dont est traité ce suivi ne constituera donc qu'un critère de comparaison entre les situations française, britannique et allemande. En revanche chacune de leurs administrations centrales communique mensuellement sur un niveau plus ou moins agrégé de recettes, de dépenses et donc finalement sur les capacités ou besoins de financement. Ces publications mensuelles seront étudiées et comparées en elles-mêmes, mais elles seront également replacées dans l'ensemble du dispositif d'informations infra annuelles mis en place par chacune des administrations centrales.
Nous étudierons successivement les situations française, britannique, allemande et américaine.
1.1.1 Le suivi de l'exécution des comptes français
Le suivi mensuel de l'exécution des comptes de l'Etat français repose sur la publication de la Situation du Budget de l'Etat . Ce document est complété par la Situation mensuelle des opérations du Trésor et par le Tableau synthétique des opérations du Trésor . On peut dès à présent remarquer l'absence de documents infra annuels présentant l'évolution du solde agrégé des différentes administrations publiques.
La Situation du Budget de l'Etat ou Situation mensuelle budgétaire , est un document apparu en avril 1996. Il remplace une publication de même nature, mais de périodicité trimestrielle. Cette information budgétaire était alors incluse dans les Notes Bleues de Bercy . On y trouve, sous une forme agrégée et comptable, une présentation des dépenses, des recettes et des différents soldes effectifs du mois étudié. Ces chiffres sont mis en correspondance avec ceux du même mois de l'année précédente et avec l'exécution de la Loi de Finances. On peut regretter le peu de mise en perspective tant vis à vis d'une chronologie mensuelle rétrospective que d'une estimation prospective des dépenses et des recettes. De plus, aucune référence n'est faite au sujet des deux critères de convergence budgétaire retenus par Bruxelles pour la stabilité de l'Euro, à savoir le solde budgétaire et le niveau de la dette publique en pourcentage du PIB. Par ailleurs, il est également regrettable qu'aucun calendrier de publication ne soit disponible d'autant plus que le rythme de publication est quelque peu erratique. Il varie dans des délais allant de un à trois mois.
Tableau 1.1.1.a
Chronologie de parution de la Situation du budget de l'Etat
Situation budgétaire au : |
Parution de l'information : |
Situation budgétaire au : |
Parution de l'information : |
31 mars 2000 |
09/05/2000 |
30 septembre 1999 |
11/1999 |
29 février 2000 |
06/04/2000 |
31 août 1999 |
10/1999 |
31 janvier 2000 |
03/2000 |
31 juillet 1999 |
09/1999 |
31 décembre 1999 |
03/2000 |
30 juin 1999 |
08/1999 |
30 novembre 1999 |
01/2000 |
31 mai 1999 |
07/1999 |
31 octobre 1999 |
12/1999 |
30 avril 1999 |
05/1999 |
La S ituation mensuelle des opérations du Trésor présente de façon succincte le budget de l'Etat et de manière détaillée la situation de la trésorerie publique. Cette publication souffre également d'un manque de mise en perspective historique, de l'inexistence d'un calendrier de publications et de délais de mise à disposition parfois importants.
Tableau 1.1.1.b
Chronologie de parution de la Situation mensuelle des opérations du Trésor
Situation du Trésor au : |
Parution de l'information : |
Situation du Trésor au : |
Parution de l'information : |
31 mars 2000 |
02/05/2000 |
30 septembre 1999 |
11/1999 |
29 février 2000 |
04/2000 |
31 août 1999 |
09/1999 |
31 janvier 2000 |
03/2000 |
31 juillet 1999 |
09/1999 |
31 décembre 1999 |
03/2000 |
30 juin 1999 |
08/1999 |
30 novembre 1999 |
28/12/1999 |
31 mai 1999 |
07/1999 |
31 octobre 1999 |
12/1999 |
30 avril 1999 |
06/1999 |
Encadré 1.1.1.a : La Situation du budget de l'Etat
(mensuel)
|
Le Tableau synthétique des opérations du Trésor reprend les informations des deux précédentes publications auxquelles est ajoutée une information sur le bilan de l'Etat. Ici également, il n'existe que peu de mise en perspective et les délais de publications peuvent atteindre quatre mois.
Tableau 1.1.1.c
Chronologie de parution du Tableau synthétique des opérations du Trésor
Situation du Trésor au : |
Parution de l'information : |
Situation du Trésor au : |
Parution de l'information : |
31 mars 2000 |
22/06/2000 |
30 septembre 1999 |
11/1999 |
29 février 2000 |
06/06/2000 |
31 août 1999 |
10/1999 |
31 janvier 2000 |
11/05/2000 |
31 juillet 1999 |
09/1999 |
31 décembre 1999 |
20/04/2000 |
30 juin 1999 |
09/1999 |
30 novembre 1999 |
13/01/2000 |
31 mai 1999 |
07/1999 |
31 octobre 1999 |
12/1999 |
30 avril 1999 |
07/1999 |
Comparée aux situations des trois autres pays étudiés, la situation française paraît paradoxale. En effet, à la vue des résultats publiés qui ne sont jamais révisés, on pourrait croire que l'information française est parfaite : relativement rapide, et surtout totalement fiable. Pourtant à la vue des rapports annuels de la Cour des comptes et des débats sur la « cagnotte » un tel résultat ne peut que surprendre.
Tableau 1.1.1.d
Solde du budget de l'Etat de la France (en milliards FF)
Déficit pour : |
|||
Date de publication |
Mai 1999 |
1998 |
1999 |
La situation du budget de l'Etat |
|||
Juillet 1999 |
91,6 |
252,3 |
|
Juillet 2000 |
91,6 |
252,3 |
215,3 |
Mars 2000 |
252,3 |
215,3 |
|
Les comptes de l'Etat 1999 |
215,3 |
Source : La situation du budget de l'Etat, Les comptes de l'Etat
Au total l'information sur les recettes et les dépenses effectives de l'Etat français reste insatisfaisante.
Il est en effet impossible de se faire une idée un peu précise sur l'utilisation des recettes publiques. Les présentations sont beaucoup trop comptables et agrégées alors qu'il serait souhaitable de disposer d'informations beaucoup plus fonctionnelles et détaillées, au moins par ministère par exemple. Par ailleurs, aucun citoyen, parlementaire ou institut de recherche ne dispose ni des moyens ni des informations nécessaires à l'analyse des recettes et dépenses effectives ou attendues. Quelles sont les méthodes et les hypothèses retenues par Bercy afin de calculer les recettes prévisionnelles notamment ? Ainsi c'est l'essentiel du débat public qui est biaisé puisque seul le gouvernement est réellement en mesure de discuter des chiffres qu'il avance. Il est par ailleurs évident que lorsque la Cour des Comptes met en cause la « sincérité » des comptes de l'Etat, elle ne traite que de manipulations purement comptables et légales. Ainsi, même de ce point de vue personne n'a les moyens de discuter les affirmations gouvernementales. Le « débat » sur la « cagnotte » n'en est qu'une illustration exemplaire.