IV. Audition de M. Michel
Héon, Chef de la Mission emplois-jeunes,
M. Jean-Paul de Gaudemar,
Directeur de l'enseignement scolaire et
M. Daniel Vimont, Conseiller
technique
auprès de M. Jack Lang, ministre de l'Education
nationale
Le programme " Nouveaux services - Emplois-jeunes " a constitué une opération d'envergure pour l'éducation nationale. 8.401 conventions ont été signées entre les établissements et les recteurs d'académie. 70.000 emplois budgétaires ont été créés. L'éducation nationale souhaite maintenir ce nombre de postes budgétaires, ce qui implique le recrutement de près de 10.000 aides éducateurs chaque année compte tenu du turn-over.
La procédure de recrutement des aides éducateurs n'a pas évolué depuis la mise en place du dispositif. L'implantation des postes dans les établissements est fondée, dans les académies, sur une logique de projet : le recteur choisit de signer les conventions en fonction de leur intérêt. S'agissant du recrutement des personnes, de nombreuses académies ont choisi de passer une convention avec l'ANPE : l'ANPE est chargée de sélectionner 3 ou 4 candidats, l'établissement se chargeant, en concertation avec les équipes pédagogiques, du recrutement final. Il est toutefois à noter que le nombre de candidats diminue, sans doute en raison de l'amélioration du marché du travail : alors qu'en 1997, on dénombrait 5 candidats par poste, on ne compte plus aujourd'hui que 2 candidats.
S'agissant du profil des jeunes recrutés, trois caractéristiques doivent être signalées :
- il s'agit d'un public fortement féminisé, 74 % des aides éducateurs étant des femmes ;
- 41 % des aides éducateurs étaient au chômage avant la signature de leur contrat, soit un pourcentage moindre que pour les autres emplois-jeunes : en moyenne, 75 % des emplois-jeunes étaient au chômage ;
- le dernier diplôme obtenu est le baccalauréat pour 58 % des aides éducateurs, un diplôme de niveau bac + 2 pour 28 % et un diplôme de niveau supérieur à bac + 2 pour 14 %.
Environ, 14.000 jeunes ont rompu leur contrat avant le terme de celui-ci. Cela ne signifie pas pour autant une déception des jeunes vis-à-vis de leur emploi. Interrogés sur la raison de la rupture de leur contrat, les jeunes la justifient le plus souvent par des raisons indépendantes de leurs conditions d'emploi. Ainsi, 59 % des jeunes répondent avoir trouvé un emploi qui leur convenait mieux. Seuls, 19 % des jeunes n'étaient pas satisfaits de leur emploi. Il est à noter qu'un quart des jeunes ayant quitté leurs fonctions pour reprendre un emploi ont signé un nouveau contrat d'emploi-jeune. En outre, 30 % des aides éducateurs souhaitent rester à l'avenir dans l'éducation nationale.
Les conditions de travail des aides éducateurs apparaissent satisfaisantes : ils bénéficient de sept semaines de congés payés, la durée hebdomadaire de travail est de 35 heures, le remboursement des frais de déplacement est assuré. Toutefois, si le régime est favorable, des difficultés d'application peuvent apparaître ici ou là. Certains établissements ont d'ailleurs été condamnés à plusieurs reprises par les conseils de prud'hommes pour mauvaise application du droit du travail.
Les activités exercées par les aides éducateurs sont diverses : aide à l'enseignement, soutien scolaire, informatique, surveillance et accompagnement des sorties scolaires, animation, médiation, tâches administratives... En moyenne, les aides éducateurs exercent près de six activités différentes, dont trois régulièrement. L'informatique est le plus souvent leur activité principale.
Les emplois-jeunes ont fait la preuve de leur utilité et de leur caractère novateur, même si des différences peuvent exister selon le degré d'enseignement. Si, dans le premier degré, ils ont trouvé toute leur place pour conduire de nouvelles activités, ils se sont, dans le second degré, insérés dans des activités situées aux frontières des emplois existants.
En revanche, dans l'enseignement supérieur, les emplois-jeunes sont un échec. Une circulaire du 23 juin 1998 avait prévu de recruter des jeunes docteurs agents de développement des nouvelles technologies dans les instituts universitaires de formation des maîtres. Mais seuls 79 postes ont été pourvus sur les 400 prévus. Il semble que les jeunes docteurs aient préféré intégrer directement le marché du travail, profitant de l'amélioration de la situation de l'emploi.
La formation des aides éducateurs repose sur une logique différente de celle des autres emplois-jeunes. Elle vise moins à assurer leur professionnalisation dans leur mission au sein de l'éducation nationale qu'à préparer leur insertion professionnelle ultérieure, le ministère de l'éducation nationale ayant précisé dès 1997 que les aides éducateurs n'avaient pas vocation à rester dans l'éducation nationale.
La politique de formation a été révisée au cours du programme. Initialement, elle visait principalement à augmenter le niveau de formation académique des aides éducateurs. On estimait alors que c'était l'insuffisance du niveau de formation initiale qui expliquait le chômage des jeunes. Cette politique s'est traduite par une volonté de permettre aux emplois-jeunes de poursuivre leurs études et a alors pris la forme d'une inscription massive des aides éducateurs au CNED.
A partir de 1999, cette politique de formation a été réorientée. L'objectif de la formation vise désormais plus à offrir une professionnalisation externe au jeune pour renforcer son employabilité qu'à augmenter son niveau de formation académique. Cette réorientation s'est notamment exprimée dans la signature de deux accords-cadres -l'un avec le ministère de la jeunesse et des sports pour les diplômes du sport et de l'animation, l'autre avec le ministère de l'emploi et de la solidarité pour les diplômes et certificats du secteur social. Toutefois, compte tenu de perspectives d'insertion, le nombre d'aides éducateurs autorisés à suivre un parcours de formation dans le cadre de ces accords a été limité à 8.000 sur trois ans.
La principale difficulté rencontrée en matière de formation est celle de la définition du projet professionnel par le jeune. Environ, 75 % des aides éducateurs recrutés ont bénéficié d'un entretien d'élaboration de projet et la majeure partie de ces entretiens a abouti à la validation d'un projet professionnel. L'objectif que se fixe le ministère est que, d'ici 2 ans et demi, tous les aides éducateurs aient vu leur projet professionnel validé.
Le ministère de l'éducation nationale s'attache également à favoriser les passerelles entre les aides éducateurs et les entreprises pour favoriser leur insertion professionnelle dans le secteur marchand.
Ainsi, huit accords-cadres nationaux ont été conclus entre le ministère et les entreprises, permettant de dégager près de 10.000 perspectives d'embauches pour les aides éducateurs. Dix autres accords-cadres sont actuellement en cours de négociations. Par ailleurs, un accord avec une branche professionnelle -la Fédération française du bâtiment- prévoit le recrutement de 5.000 aides éducateurs pour les métiers tertiaires de ce secteur. Enfin, 23 accords locaux ont également été conclus par les recteurs d'académie avec des entreprises locales. La totalité des perspectives d'embauche sur l'ensemble de la France s'élève environ à 40 000 emplois.
Au 30 avril 2000, plus de 300 recrutements avaient été réalisés au titre des accords locaux.
S'agissant de la pérennisation des fonctions d'aide éducateur, celle-ci s'apprécie différemment selon le degré d'enseignement : elle pourrait être plus facile dans le premier degré où les aides éducateurs ont trouvé toute leur place dans la conduite de nouvelles activités. En tout état de cause, la pérennisation et la solvabilisation des fonctions d'aide éducateur relèvent de décisions gouvernementales non arrêtées à ce jour. Une réversibilité du processus semble toutefois difficilement imaginable, notamment dans le premier degré.