II. DES AMBIGUÏTÉS CONFIRMÉES
A. LES FORMATIONS DIFFICILES D'ACCÈS
Lors de l'examen de la loi du 16 octobre 1997, la commission des affaires sociales, par la voix de son rapporteur, M. Louis Souvet, avait souligné que la création des emplois-jeunes soulevait le problème de l'inadaptation ou de la médiocre qualité de la formation initiale aux besoins des entreprises . Elle s'inquiétait du manque de coordination avec le dispositif de formation professionnelle. Votre commission avait d'ailleurs proposé sans succès d'adosser la création des emplois-jeunes au recours à l'apprentissage au sein des collectivités locales et des entreprises partenaires, recours à l'apprentissage qui devait être encouragé et financé dans les mêmes conditions que les emplois-jeunes.
Votre rapporteur, pour sa part, avait regretté le coût du dispositif " sans qu'il y ait un véritable projet pour les jeunes sans formation " et avait souhaité que les conventions d'emplois-jeunes prévoient systématiquement les modalités d'un tutorat.
A l'époque, la réponse du ministre de l'Emploi et de la Solidarité partait du postulat que les emplois-jeunes étaient une " démarche économique qui visait à accélérer un processus de passage vers une société de services ". L'hypothèse d'une solvabilisation réelle des emplois conduisait naturellement à minorer la question de la formation : " nous sommes là en présence de jeunes qui certes sont au chômage mais qui sont en pleine santé, si je puis dire, tant physique que morale. Ils ont une qualification ou non, ils ont suivi une formation ou non, mais ils sont avant tout prêts à travailler. Un encadrement classique, qui fait bien son travail, devrait donc suffire pour permettre à des jeunes qui ne sont ni en difficulté, ni en insertion, de travailler effectivement dans les entreprises ". 3 ( * )
La réalité conduit à être nuancé : les titulaires des emplois-jeunes, s'ils ont à 33 % le baccalauréat ou un diplôme de niveau inférieur et s'ils ont, à plus de 40 %, un diplôme d'enseignement supérieur, sont aussi pour 24,8 % -soit près du quart- des jeunes sans qualification. La structure des emplois-jeunes reflète la situation d'ensemble des jeunes d'une classe d'âge à la sortie du système scolaire.
La réalité est que le besoin de formation est fort pour les titulaires d'emplois-jeunes, soit que leur qualification soit très insuffisante, soit qu'ils disposent de diplômes qui ne les préparent pas pour autant à un accès aisé au monde du travail.
L'impératif de formation des emplois-jeunes est souvent passé au second plan dans la gestion du dispositif des emplois-jeunes, ce qui a conduit inéluctablement à minorer l'investissement financier sur ces formations, au détriment en définitive des jeunes eux-mêmes.
L'insuffisante réflexion sur les conséquences de l'inadéquation des compétences des jeunes sortis du système scolaire par rapport au monde de l'entreprise va conduire à certaines erreurs.
1. Des formations tardives
Tout d'abord, la question de la formation a été prise en compte tardivement . Comme l'indique le cabinet de Mme Aubry, une priorité a été donnée dans une première phase à la création de nouveaux emplois à partir de la reconnaissance des nouveaux besoins en services, cette phase étant considérée comme celle qui devait nécessairement précéder celle de la formation.
L'effort de formation va donc intervenir trop tardivement. Il faudra attendre le 30 mai 2000 pour voir adopter une circulaire sur les modalités de mise en place des plans de formation. Ainsi, un dispositif a été mis en place pour mobiliser 700 millions de francs pour financer la formation des emplois-jeunes dans le cadre de conventions passées entre l'Etat, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et les fédérations d'employeurs.
Mais, de fait, cet effort aurait dû intervenir plus tôt d'autant que la mise en place sur le terrain ne sera pas nécessairement efficace si elle est opérée dans la précipitation dans la perspective de l'arrivée à échéance de beaucoup de contrats.
Il importe de souligner que les régions, soucieuses de ne pas laisser perdurer des situations de carence totale en formation, ont financé de leur propre initiative, dans le cadre de leur compétence au titre de la formation professionnelle, des programmes ad hoc pour les emplois-jeunes, alors que ce dispositif procédait entièrement de l'initiative et des impulsions de l'Etat. M. Jean Proriol, vice-président du Conseil régional d'Auvergne, a exposé pour l'Association des régions de France (ARF) les initiatives des régions qui -il convient de le souligner- se sont faites dans certains domaines en partenariat avec les conseils généraux.
Nombre des interlocuteurs de votre rapporteur ont regretté les difficultés d'accès à la formation des emplois-jeunes notamment dans le domaine des associations et des collectivités locales.
Pour ces dernières, ce n'est que tardivement que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) a décidé d'ouvrir des formations pour les emplois-jeunes. Il faudra attendre mars 2000 pour que les emplois-jeunes soient autorisés à suivre les cycles de préparation aux concours externes de la fonction publique territoriale, les frais de formation étant alors à la charge de la collectivité locale.
Malgré l'absence de prise en charge financière au titre du CNFPT, certaines collectivités locales ont, de leur propre initiative, décidé d'aider l'accès des emplois-jeunes à la fonction publique territoriale. Tel est le cas de la commune de Garges-lès-Gonesse par exemple. Chaque recrutement d'emplois-jeunes est effectué dans le cadre d'une " charte " qui fixe les droits et devoirs de chacun et précise notamment que la commune s'engage à favoriser pour les agents qui le souhaitent l'accès aux concours et leur intégration à la fonction publique territoriale. A cet effet, la commune s'engage notamment à financer une formation d'adaptation à l'emploi qualifiante ou diplômante, suivie éventuellement d'une préparation aux concours de la fonction publique territoriale.
EDF-GDF a noté que le soutien de l'Etat à la formation pour les emplois-jeunes créés dans des associations subventionnées, à travers la mise en place des plates-formes régionales de professionnalisation, demeurait encore " très attendu ".
L'UNIOPSS souligne le caractère coûteux des formations dans le secteur social et médico-social et s'inquiète au demeurant des facilités offertes à l'Education nationale pour assurer la prise en charge des emplois-jeunes dans les organismes de formation au travail social.
Nombre d'emplois-jeunes ne bénéficient que d'une formation extrêmement réduite : dans le secteur sportif, les formations mises en oeuvre au niveau des directions régionales de la jeunesse et des sports par l'intermédiaire des CREPS, visent à répondre à " des manques immédiats de connaissance " constatés à l'embauche des jeunes. La nécessité de combler des lacunes élémentaires est incontestable ; pour autant, l'acquisition de connaissances de base ne garantit pas par elle-même l'accès au marché du travail à l'issue du contrat d'emplois-jeunes.
* 3 JO Débat Sénat débat du 30 septembre 1997.