D. LES MÉDICAMENTS
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Données de base |
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Marché |
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Importance dans les ordures ménagères |
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Cadre juridique |
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Valorisation |
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3 milliards de boites, soit 70.000 tonnes d'emballages et de médicaments |
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0,25 % des déchets ménagers, soit 1 kg/habitant/an |
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Application de la réglementation générale sur les emballages + accord syndicat professionnel / pouvoirs publics (20 septembre 1993 - 13 août 1997) |
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Réaffectation des produits
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1. Situation
a) Le gisement
Les
déchets issus des médicaments (DIM) sont évalués
à 70.000 tonnes, soit 1 kg par an et par habitant (La
comparaison avec les déchets ménagers est facile puisque ces
derniers représentent 1 kg par jour et par habitant). 90 % des
DIM sont constitués par des notices et emballages (flacons, ampoules,
carton, plastique, aluminium...), et 10 % sont des médicaments. Sur
100 grammes de médicaments, 1 à 2 % sont des composants
actifs et 98 / 99 % sont des excipients de confort.
Après une croissance régulière (la France est connue pour
sa " boulimie médicamenteuse "), le volume a tendance à
se stabiliser (sensibilisation des médecins prestataires aux efforts
d'économies...). Il ne faut cependant pas s'attendre à une chute
brutale. L'automédication reste une pratique courante en France. Quant
à la réduction du nombre de médicaments (mini-doses,
plaquettes plus petites...), elle n'aurait aucun effet sur les déchets,
au contraire (multiplication des emballages). La suppression des emballages est
d'ailleurs impossible, puisque l'Union européenne interdit la vente de
médicaments à l'unité.
b) La collecte
Trois
événements ont favorisé une mobilisation de la profession
pour
" prendre en charge le médicament du berceau à la
tombe "
, et s'intéresser au devenir des produits qu'elle
distribue. Tout d'abord, les médicaments non utilisés (MNU) sont
spontanément considérés par le consommateur comme un
produit toxique ou dangereux. Ensuite, bien qu'elle ne soit pas
expressément visée par la loi de 1992, sur la suppression des
décharges, ou le décret du 1
er
avril 1992, sur les
déchets d'emballage, ces deux textes constituaient un contexte favorable
à une action. Enfin, au début des années 1990, des
organisations humanitaires avaient lancé des opérations de
collecte de médicaments qui avaient alors été
reçues favorablement par l'opinion, et avaient donné des
résultats.
C'est ainsi qu'a été créée en 1993, à
l'
initiative de la profession pharmaceutique
, l'association Cyclamed,
dont l'objet est de
" valoriser l'ensemble des déchets issus des
médicaments "
. Après un test dans deux régions,
l'association a été agréée par les pouvoirs
publics
168(
*
)
, et l'action s'est
généralisée à partir de 1995 dans l'ensemble du
territoire métropolitain. Les pharmaciens participant à
l'opération reçoivent en officine les médicaments et
emballages non utilisés, et procèdent à un premier tri
entre les médicaments réutilisables à des fins
humanitaires (mis en " carton vert "), et les emballages et
médicaments périmés (mis en " cartons rouges ").
Les cartons sont ensuite collectés, à l'occasion des livraisons,
par les répartiteurs qui opèrent un second tri parmi les
médicaments réutilisables.
c) La valorisation
Jusqu'à l'intervention du Cyclamed, plus de la
moitié
des DIM était mise en décharge. Désormais, les DIM
récupérés sont valorisés, les répartiteurs
opérant le tri final préalable aux deux voies de valorisation.
La valorisation humanitaire.
Il s'agit de redistribuer les
médicaments non utilisés aux associations et organisations non
gouvernementales partenaires du Cyclamed. En 1998, cette redistribution a
porté sur 15 millions de boites, soit moins de 1.000 tonnes. On note
toutefois une nette diminution de cette action qui ne représente plus
que 10 % de la valorisation totale en 1998, contre 22 % en 1995. Ce
mouvement est lié notamment à une sélection rigoureuse des
médicaments réutilisés, qui exclut les médicaments
de confort, une réorientation de l'aide vers les pays d'Afrique et
d'Asie, qui implique des médicaments adaptés aux pathologies
spécifiques et des dates de péremption éloignées,
et un glissement vers la valorisation énergétique, plus simple
à mettre en oeuvre.
La valorisation énergétique.
On notera, au
préalable, que la faiblesse des gisements et la multiplication des
matériaux des emballages (verre, carton, plastique, aluminium...) exclut
toute valorisation matière. Les DIM correspondant aux médicaments
non réutilisables et aux emballages sont dirigés vers les
incinérateurs avec récupération d'énergie. Cela
représentait, en 1998, 9.300 tonnes, ce qui aurait permis de chauffer et
d'éclairer 5.000 logements.
La répartition entre les différentes formes de valorisation
s'établit comme suit :
Collecte et valorisation des médicaments (en tonnes) |
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1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Valorisation humanitaire |
1.515 t |
1.508 t |
1.031 t |
963 t |
Valorisation énergétique |
5.379 t |
7.714 t |
8.635 t |
9.330 t |
Total |
6.894 t |
9.222 t |
9.666 t |
10.293 t |
Source : Cyclamed |
2. Commentaires et perspectives
a) Les motifs de satisfaction
La mobilisation d'une profession
Cyclamed est une action exemplaire, car elle a été
entièrement organisée et financée par une profession qui
s'est engagée à prendre en charge
" du berceau
jusqu'à la tombe "
le devenir des produits qu'elle fabriquait
et qu'elle distribuait.
Le financement de l'opération (transport, matériels, bennes,
communication) repose sur le volontariat, sur un engagement des producteurs qui
élaborent, fabriquent et conditionnent les médicaments. 98 %
des cotisations potentielles ont été perçues. On observera
que pendant deux ans, 1993 et 1994, la profession a contribué au
financement d'une opération qui n'a eu d'effets visibles que deux ans
plus tard, à partir de 1995. Le budget de l'association était de
48,5 millions de francs en 1997.
Outre ce financement des actions externes, l'essentiel repose sur le
pharmacien, en officine, qui récupère et trie les
médicaments usagés. 90 % des 22.500 officines de France
métropolitaine participent à cette opération. Il peut
être intéressant de constater que cette action a été
parfaitement perçue par les intéressés, comme faisant
partie de leur responsabilité propre. Avec le temps, leur
appréciation sur le rôle écologique de cette action, et
plus encore sur la responsabilité des citoyens, s'est en revanche
beaucoup effritée.
Appréciation de l'opération Cyclamed (total 100 avec les multi-réponses) |
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Ensemble
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Pharmaciens ayant un rôle actif dans l'opération |
C'est le rôle du pharmacien |
31 |
49 |
C'est écologique |
29 |
16 |
Cela permet le recyclage de médicaments |
21 |
10 |
Cela participe à l'aide humanitaire |
19 |
15 |
Cela responsabilise les gens |
12 |
n.p. |
Source : Cyclamed, Rapport d'activité 1997 |
Le
succès de l'opération a été facilité par
l'organisation rigoureuse d'une profession extrêmement encadrée
sur le plan juridique, par l'importance du réseau (22.500 officines) et
des habitudes des Français : chaque jour, 3 millions de personnes
vont dans une pharmacie.
L'adhésion des consommateurs
Le " réflexe Cyclamed " s'est bien imposé. La
notoriété est bonne (14 % de notoriété
spontanée, 73 % de notoriété assistée), et
plus de la moitié des personnes interrogées disent qu'elles
rapportent leurs médicaments en officine, fusse occasionnellement. Cette
adhésion est certainement le résultat d'une intense communication
axée sur deux piliers : les campagnes TV
" seul
média susceptible de faire changer les comportements
", et la
communication de proximité en officine. L'" apprentissage " a
d'ailleurs été rapide, avec une augmentation de la collecte de
près de 50 % en trois ans.
On notera également que les régions les moins riches ou
plutôt rurales (Limousin, Bretagne) ont des résultats par habitant
très sensiblement supérieurs (de l'ordre du tiers à la
moitié) aux régions urbaines (Ile-de-France, PACA).
Peut-être faut-il voir, dans ce décalage, quelques traces d'une
" sagesse paysanne " où l'on avait l'habitude de
récupérer et de ne pas jeter comme en ville. Ce
phénomène, qui peut être constaté pour d'autres
collectes, a son importance dans le choix des modes de traitement des
déchets ménagers.
b) Limites ou interrogations
Le périmètre d'action. Le
problème des
aiguilles
La très grande majorité des seringues et aiguilles
utilisées vient du milieu hospitalier et des professions
libérales de santé, et suit le circuit des déchets
industriels spéciaux. Il existe, cependant, une petite part
d'auto-injection, légale (diabétiques) et illégale
(toxicomanie) qui, elle, pose des problèmes importants de santé
publique au moment de l'élimination (piqûre, risque de
contamination). Il n'est pas rare de retrouver des aiguilles sur les tapis en
centres de tri, en vrac, ou dans des bouteilles plastiques.
Ce problème n'a pas trouvé de réponse satisfaisante. Les
aiguilles ne sont ni des médicaments, ni des emballages, mais des
accessoires, et ne sont par conséquent pas collectées par le
circuit Cyclamed. Comme l'a précisé M. Bernard
Mesuré, président du Cyclamed, lors de son audition,
" il
y a bien eu une opération test pour inclure les seringues parmi les
produits collectés, mais cela a failli faire exploser le dispositif.
Devant les risques d'incidents et d'accidents, les pharmaciens ne voulaient
plus rien collecter du tout "
.
L'opération étant fondée sur le volontariat, et
étant totalement autofinancée par les industriels, il
paraît difficile d'imposer une contrainte aussi lourde sans un support
matériel et/ou financier public. D'un autre côté, il faut
rappeler que l'association bénéficie d'un agrément des
pouvoirs publics, et que toute recherche de solution qui impliquerait les
professionnels de santé ne peut être écartée
d'emblée.
Les voies sont aujourd'hui cherchées en amont. Tout d'abord, les
recherches sont aujourd'hui menées sur des aiguilles rétractables
ou des poches hermétiques destinées aux usages individuels. Une
autre solution consisterait à faire travailler ensemble les professions
médicales et les collectivités locales afin d'identifier la
population à risques (diabétiques notamment), et mener une action
conjointe d'information pour les inciter à limiter les risques pour
autrui en évitant de mettre des seringues parmi d'autres déchets
valorisables.
La pérennité du système
L'opération Cyclamed est un succès. La progression des volumes
collectés, l'image positive auprès de la population, et surtout
l'implication totale de la profession, ont montré que la collecte
sélective sur des niches bien spécifiques est possible.
D'ailleurs, l'expérience française a été suivie
dans d'autres pays, notamment dans les pays où il existe un
quasi
monopole pharmaceutique : l'Espagne, le Portugal, la Belgique et,
bientôt, l'Allemagne.
Néanmoins, deux éléments incitent à une certaine
prudence quant à la pérennité du système. Tout
d'abord, la " performance " reste modeste, 14 % seulement du
gisement est capté, tandis que le surplus de travail que
représente cette mission de service public ne peut être
considéré comme négligeable face au développement
de nouvelles concurrences, telles la vente en grandes surfaces ou en
parapharmacie qui n'ont pas les mêmes pratiques.
Ensuite, le système était parfaitement justifié dans un
contexte, à une période, où plus de la moitié des
médicaments allaient en décharge. La valorisation
énergétique était alors un plus par rapport à la
mise en décharge. Or, celle-ci ne sera plus possible à compter de
juillet 2002, et l'incinération avec récupération de
chaleur deviendra alors l'un des modes courants d'élimination des
déchets non valorisables par une valorisation matière. Les
pharmaciens peuvent alors s'interroger sur l'opportunité de maintenir un
système de collecte spécifique, alors que, dans 80 % des cas
(c'est-à-dire hors valorisation humanitaire), le produit collecté
avec tant de soins et d'efforts aura la même destination que s'il avait
été mis à la poubelle...