B. LE PAPIER CARTON
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Données de base |
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Marché |
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Importance dans les ordures ménagères |
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Cadre juridique |
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Traitement Utilisations |
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Consommation de papier carton : 10,3 millions
de
tonnes
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Papier : 16,1 % des déchets
ménagers,
soit 67,3 kg/habitant/an
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Loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative
à
l'élimination des déchets et à la
récupération des matériaux
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Pratiquement toutes les utilisations courantes issues de
la
pâte vierge
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1. Situation
Depuis
l'imprimerie et les premiers emballages carton, la production du papier carton
n'a cessé de progresser. La société de l'image et
l'évolution technologique n'ont pas entamé ce mouvement, puisque
la consommation de papier augmente avec le développement et la richesse
d'un pays (photocopies, imprimantes...). Aux États-Unis, la consommation
individuelle de papier est six fois supérieure à celle de la
moyenne mondiale. La consommation mondiale devrait s'accroître
annuellement de 9 millions de tonnes pour atteindre 350 millions de tonnes
en 2005.
Pendant longtemps, le papier a été réalisé à
partir de fibre de cellulose issue de sous-produits de la forêt (petits
bois d'éclaircies, copeaux, délignification de feuillus ou de
résineux), transformés sous forme de pâte. Mais la
quasi
totalité des produits à base de papiers sont recyclables,
c'est-à-dire qu'ils peuvent être utilisés pour fabriquer
des produits comparables. Ainsi, la récupération et l'utilisation
de vieux papiers n'ont-elles cessé de progresser depuis la Seconde
Guerre mondiale.
L'exploitation de cette matière première secondaire a
donné naissance à une véritable industrie de
transformation : 121 millions de tonnes sont recyclées dans le
monde, dont 35 millions de tonnes en Europe et 4,5 millions de tonnes
en France.
a) La récupération
Le gisement est triple :
le circuit industriel.
Il s'agit des sous produits de la
production et de la transformation des papiers-cartons (chutes de fabrication,
rognures d'imprimerie...) ;
le circuit commercial.
Il s'agit des produits qui -après
usage- peuvent être récupérés (emballages, journaux
invendus...) ;
le circuit des déchets ménagers.
Il concerne les
produits issus de la consommation des ménages (journaux, magazines,
produits de bureaux, emballages ménagers...).
Les différents circuits n'ont pas la même importance. 93 %
des fibres récupérées sont issues du circuit industriel et
commercial. L'ensemble se présente comme dans le schéma de la
page suivante.
Les circuits collectés se sont structurés. Les industriels sont
regroupés dans le Groupement français des papetiers utilisateurs
de papiers recyclables et de cartons recyclables (REVIPAP, REVIPAC). Ces deux
syndicats professionnels ont signé avec Éco-Emballages une
convention portant sur un engagement total de reprise, sans limite
quantitative, des déchets de vieux papiers et cartons collectés
et triés.
Depuis 1988, dans le cadre d'un " protocole d'accord vieux papiers ",
les papetiers garantissent l'écoulement des matériaux
récupérés. Quatre cents contrats liant les
collectivités locales, les récupérateurs et les recycleurs
ont été signés.
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Cycle de vie du papier carton |
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Bois de trituration (éclaircies, déchets de scieries...) |
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Papiers cartons récupérés |
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Matière de base |
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Transformation |
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Papier carton |
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Produits industriels |
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Produits de consommation |
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Chutes industrielles (chutes de coupes) |
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Cartons Emballages Journaux |
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Cartons Emballages |
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Bureaux |
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Journaux Magazines |
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Papier de consommation (papier absorbant, papier toilette) |
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Déchets récupérés (grandes surfaces, invendus...) |
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Déchets récupérés |
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Déchets récupérés |
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Déchets récupérés |
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Papier carton récupéré |
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Résultats
En 1998, ces trois circuits ont représenté une consommation de
papiers et cartons de 10,7 millions de tonnes. 4 millions de tonnes ont
été récupérées, soit un taux de
récupération de 43,7 % (défini par le rapport entre
la récupération de vieux papiers et cartons, et la consommation
de papiers et cartons). Malgré son augmentation en 1998, ce taux est
relativement faible par rapport à d'autres pays
105(
*
)
.
Il ne couvre pas les besoins nationaux en vieux papiers. L'industrie
papetière française est donc importatrice de vieux papiers. Les
importations oscillent entre 1 et 1,2 million de tonnes. Malgré des
exportations non négligeables (entre 750 et 900.000 tonnes depuis cinq
ans), la balance des échanges des vieux papiers est déficitaire
(en 1998, 1,15 million de tonnes importées, 840.000 tonnes
exportées, soit un solde net de - 315.000 tonnes).
b) Le recyclage
Description technique
L'industrie du recyclage des vieux papiers et cartons est mature. Le circuit
industriel se présente de la façon suivante :
Pré-traitement
Détenteur (industriel, grande surface, collectivité
locale) tri sélectif éventuel
(papiers/journaux/cartons...) conditionnement (balles)
transport vers l'usine de
recyclage deuxième
tri premier traitement physique.
Premier traitement physique
Au cours de cette phase de traitement, sont éliminées les
impuretés :
+
grandes que les fibres (plastique, agrafes...) par
procédé de grilles et
densimétrie
,
+
lourdes que les fibres (sable, verre...) par
procédé de
gravimétrie
,
+
légères que les fibres (plastiques, colles...) par
procédé mécanique de "
centrifugage
".
L'opération principale consiste dans le " défibrage ".
Le produit est inséré dans un mixeur (un " pulpeur ")
avec apport d'eau, qui casse les liaisons entre les fibres. Le papier-carton se
transforme en pâte, et les principales impuretés peuvent
être éliminées par les procédés
évoqués.
Deuxième traitement physico-chimique
Le désencrage
.
La fibre,
débarrassée des impuretés solides, est nettoyée par
injection de produit dissolvant et d'air. Le système, basé sur la
flottaison différente des matières, va faire remonter l'encre et
les matières ayant des propriétés de surface
différentes des fibres (vernis...). On observe que si le
défibrage est, dans tous les cas, indispensable pour éliminer les
impuretés physiques, le désencrage n'est pas systématique,
et n'est mis en oeuvre que lorsque la qualité du produit physique
l'exige. Les boues de désencrage sont une conséquence de l'encre
qui préexiste sur le papier. Ces différents
procédés ont pu faire douter du bilan strictement
écologique du recyclage des papiers. Certaines boues peuvent cependant,
par la suite, être valorisés dans l'amendement des sols.
Les FCR (fibres cellulosiques de
récupération).
A l'issue de ces différents
traitements, le produit est lavé, et constitue les FCR qui peuvent
être traitées comme, ou avec, des fibres vierges. Il convient
cependant de noter que les fibres recyclées ne se substituent pas aux
fibres vierges. Cette notion, encore en vigueur il y a quelques années,
est aujourd'hui dépassée. La
quasi
totalité des
papetiers utilisent des fibres recyclées, soit en complément des
fibres vierges, soit pour des utilisations spécifiques. S'il n'y avait
pas de récupération en France, les fibres seraient
achetées à l'étranger. D'ailleurs, lorsque la
récupération est insuffisante, les vieux papiers et cartons sont
importés.
Résultats
Les capacités de recyclage se sont beaucoup développées au
cours des dernières années. On dénombre soixante
sociétés, environ cent usines, traitant 4,5 millions de
tonnes. Plus d'un million de tonnes de capacités supplémentaires
en France ont été ajoutées au cours des cinq
dernières années. Plus d'un million et demi de tonnes l'ont
été pour les seules capacités de désencrage en
Europe en deux ans.
La consommation de produits papiers et cartons récupérés
est en constante augmentation. Près de 4,5 millions de tonnes de
produits papiers et cartons ont été recyclées en 1997 par
l'industrie papetière pour une production globale avoisinant les neuf
millions de tonnes, tous secteurs confondus. La collecte a progressé de
59 % en dix ans.
Évolution de la consommation de produits papiers-cartons de récupération (en milliers de tonnes) |
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1988 |
2.812 |
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1993 |
3.778 |
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1989 |
3.086 |
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1994 |
4.075 |
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1990 |
3.295 |
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1995 |
4.160 |
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1991 |
3.367 |
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1996 |
4.192 |
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1992 |
3.527 |
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1997 |
4.470 |
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1998 |
4.931 |
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Source : REVIPAP |
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L'importance de cette valorisation matière est
donnée
par le
taux d'utilisation
qui mesure la part des vieux papiers et
cartons consommée par l'industrie papetière dans l'ensemble des
quantités produites. Depuis quelques années, cette part oscille
entre 47 et 49 %. Ainsi, près de la moitié de la production
papetière est-elle réalisée en France à partir de
fibres recyclées.
Le taux d'utilisation des vieux papiers s'est sensiblement
amélioré au cours des dernières années, notamment
dans la presse et l'emballage.
Évolution du taux d'utilisation de fibres de récupération |
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Papiers et cartons produits |
1988 |
1997 |
Journal |
42,3 % |
61,3 % |
Impression / Écriture |
9,6 % |
7,6 % |
Emballage et conditionnement |
77,1 % |
82,6 % |
Sanitaire et domestique |
35,5 % |
41,0 % |
Industriels et spéciaux |
23,5 % |
30,5 % |
Total |
44,5 % |
48,9 % |
Source :REVIPAP. |
Néanmoins, il s'agit d'un taux relativement médiocre par rapport à d'autres pays d'Europe (à l'exception des grands pays forestiers et " papetiers ") 106( * ) .
Le
recyclage des vieux papiers
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Pays |
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Taux de récupération |
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Taux d'utilisation |
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France |
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41,6 % |
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49,6 % |
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Allemagne |
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71,1 % |
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73,6 % |
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Suisse |
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67,4 % |
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64,9 % |
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Pays-Bas |
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64,7 % |
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70,5 % |
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Espagne |
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41,1 % |
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73,6 % |
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Royaume Uni |
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39,6 % |
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69,9 % |
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Italie |
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30,7 % |
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50,5 % |
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États-Unis |
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45,0 % |
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Japon |
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51,3 % |
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Taux de récupération = récupération des vieux papiers et cartons / consommation de vieux papiers et cartons |
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Taux d'utilisation = consommation de vieux papiers et cartons / production de vieux papiers et cartons |
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Nota : On observera cependant que les taux 100 % de récupération ou 100 % d'utilisation n'existent pas. Il existe une fraction qui ne peut être récupérée (car elle est soit stockée -livres-, soit consommée -papiers ménagers-) et un apport de fibre vierge est, de toute façon indispensable, ne serait-ce que pour satisfaire la croissance de la demande mondiale de papier. |
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Source : REVIPAP |
Encadré n° 24
Le
recyclage des billets de banque
___
Le
recyclage des papiers peut prendre des formes inattendues. Aux
États-Unis, une société a ainsi recyclé deux tonnes
de dollars américains usagés en les transformant en panneaux pour
cloisons. Les problèmes techniques étaient importants, mais
l'opération a rencontré un net succès commercial.
Une piste pour les billets en francs qui seront retirés de la
circulation entre le 1
er
janvier et le 30 juin 2002 ?
Chaque année, 700 millions de billets, soit 700 tonnes (un billet
pèse environ un gramme) sont détruits, brûlés. La
chaleur dégagée par cette opération fournit 25 % de
la vapeur nécessaire à la fabrication de nouveaux billets.
En 2002, 1,3 milliard de billets seront récupérés, soit
1.300 tonnes.
" La voie du recyclage est indiscutablement la plus
économique "
. La profession a ainsi calculé que le
recyclage, par rapport à l'incinération avec
récupération d'énergie, permet une économie globale
de l'ordre de 250 à 600 F la tonne.
Ce chiffrage paraît quelque peu contestable dans la mesure où la
comparaison n'inclut pas les coûts de collecte qui sont
déterminants. On peut même estimer que le surcoût de la
collecte sélective par rapport à la collecte en mélange
gomme une large partie de l'avantage financier théorique de la
valorisation matière.
Il ne faut cependant pas s'arrêter là, car l'intérêt
n'est pas dans la seule économie réalisée, mais
plutôt dans le partage des financements. En effet, dans la formule
" collecte des déchets / incinération ",
l'ensemble du coût est supporté par la collectivité
(indépendamment des aides publiques ou privées et des recettes
liées à la vente d'énergie), tandis que dans la formule
" collecte séparative / tri
conditionnement / traitement ", toute la partie traitement
matière (y compris le transport du centre de tri à l'industrie)
est prise en charge par le recycleur. Ainsi, le financement est-il
partagé entre la collectivité et la profession.
Mais les relations entre les deux s'équilibrent dans le temps. Au
départ, la collecte et le tri sont à la charge de la
collectivité, et l'élimination / valorisation est
à la charge du recycleur. Mais, plus la collecte est importante et mieux
le produit est trié, plus vite la collectivité change de statut
pour devenir, non seulement un partenaire, mais un véritable
fournisseur. Les relations s'équilibrent à l'avantage de tous.
Encadré n° 25
Le
marché international des vieux papiers
___
Il
existe un marché spécifique des vieux papiers et cartons de
récupération en marge du marché de la fibre vierge. En
1998, 35 millions de tonnes ont été échangées sur
le marché international.
Première raison. : le décalage entre lieux de production
et lieux de consommation
Le cartonnage est gros consommateur de vieux papiers et cartons de
récupération, notamment. Le problème vient du fait que les
lieux de consommation et les lieux de production sont différents ;
il y a des besoins dans les pays du Sud (emballages des produits des industries
agricoles et agro-alimentaires), alors que les consommateurs sont plutôt
dans les pays du Nord. Les cartons sont donc réexpédiés,
vides, vers le Sud.
Deuxième raison : il existe des marchés
spécifiques pour les vieux papiers qui ne peuvent être satisfaits
par la fibre vierge
Rappelons que le bois contient 50 % d'eau. Il faut, par
conséquent, deux tonnes de bois pour faire une tonne de papier, et
quatre tonnes de bois pour faire une tonne de cartons d'emballages. Le bois et
la fibre vierge, a priori moins chers, peuvent s'avérer plus
coûteux que la fibre récupérée qui contient beaucoup
moins d'eau, et est plus facile à traiter, notamment pour les
emballages. C'est ce qui explique que la Finlande et la Suède, parmi les
plus gros producteurs de bois et de fibres, sont néanmoins importateurs
nets de vieux papiers. En 1997, le déficit commercial de la Suède
sur ce secteur était même supérieur à celui de la
France !
Troisième raison : des segments de marché très
différenciés
Pourquoi la France, qui manque de papiers-cartons de
récupération, en exporte-t-elle ? Il existe, en
réalité, une très grande diversité de
papiers-cartons, et les qualités demandées sur un marché
ne sont pas forcément celles que l'on récupère. En France,
en raison du poids des grandes enseignes commerciales, on
récupère beaucoup de cartons d'emballages, catégorie dite
" des CCR " (caisses cartons de récupération). Il y a
donc une exportation de cartons. 50 % des exportations françaises
sont des CCR, notamment en Espagne qui absorbe 60 % de nos exportations
totales.
Quatrième raison : la stabilité des bateaux
L'Asie est gros acheteur de papiers et cartons de récupération.
Pour la simple raison que, tant pour des raisons de coût que de
stabilité, un bateau ne peut naviguer à vide... C'est pourquoi on
remplit les bateaux de vieux papiers !...
2. Perspectives
L'industrie du recyclage des papiers et cartons est mature, et
peu
de bouleversements sont attendus. Néanmoins, la physionomie de la
filière devrait être modifiée par plusieurs facteurs. Ces
modifications concernent :
la concurrence des plastiques,
les techniques de tri et de traitement,
la récupération et ses limites,
l'inconnue des coûts,
le " serpent de mer " des journaux gratuits.
a) La concurrence des plastiques
Il
convient de bien différencier les potentialités de
récupération et de recyclage selon les segments de marché.
Si le carton ondulé présente encore des possibilités de
développement importantes, à partir de fibres recyclées,
d'autres utilisations et, par conséquent, d'autres gisements sont plus
problématiques. Deux situations peuvent être
évoquées : la politique des distributeurs et les nouveaux
matériaux (le " tetra pack ").
La politique des distributeurs
D'autres segments pourraient connaître la même évolution en
défaveur du carton, menacé par l'utilisation croissante des
plastiques. La politique menée par les grandes enseignes de distribution
devrait accélérer la substitution du plastique au carton. Cela
concerne tout d'abord les sur-emballages, et surtout les caisses de manutention
et les palettes (auquel cas la substitution porte sur le bois et non le
carton). La grande distribution tend à mettre directement en rayon les
caisses et palettes, ce qui évite la manutention. Le plastique se
prête idéalement à ces nouvelles présentations
commerciales, tant pour des raisons d'esthétique et de commodité,
que de marketing. Le glissement vers le plastique permet en effet d'avoir des
caisses à la fois standardisées, faciles à manipuler, et
individualisées selon la marque. La caisse plastique permet d'imposer
plus facilement (par la forme, la couleur...) la marque du distributeur.
Ainsi, derrière le choix du matériau, se profilent d'autres
enjeux économiques, notamment le rapport (de force ?) entre
producteurs -qui cherchent l'individualisation des produits et des marques
(politique d'appellations contrôlées...)- et distributeurs -qui
cherchent à tirer la valeur ajoutée vers eux en ayant des
sous-traitants interchangeables et en développant leur propre marque
distributeur.
Ces reculs probables du carton ne font que renforcer l'importance que
revêtira, à l'avenir, la collecte sélective soutenue par
les collectivités locales.
Encadré n° 26
Le
tetra pack
___
Depuis
les premières utilisations en 1930 aux États-Unis (il s'agissait
alors de boites pliantes en carton baigné dans un bain de paraffine), le
carton est couramment utilisé dans les emballages alimentaires liquides,
en mélange avec d'autres matériaux. On les appelle les emballages
complexes, dont le plus connu est le " tetra pack ",
utilisé pour le lait à longue conservation.
Les packs sont constitués de deux ou trois matériaux : le
carton à 95 %, l'aluminium -avec un film de 6,35 microns
(0,00635 mm) en couche interne- pour le lait, le plastique -en couche interne
ou externe- (pour les jus de fruits), ou les trois à la fois.
Le marché mondial des emballages complexes à base de carton est
considérable : 100 milliards d'unités par an, ce qui
représente 20 millions de tonnes de carton. 60 % du marché
concerne le pack de lait, 40 % du marché concerne les jus de fruits.
Les États-Unis sont le premier marché mondial, sous l'effet
d'une consommation de lait importante (140 litres de lait par personne, moins
que le record de 260 litres de lait en Islande, contre 60 litres en France). Le
marché français représente 6/7 % du marché
mondial.
La récupération et la valorisation des emballages en carton pose
des problèmes techniques et économiques. La difficulté de
traitement (puisqu'il faut des installations spéciales pour
séparer les différents éléments) a
été longtemps compensée par une bonne qualité des
cartons utilisés, à partir de fibres longues. La qualité a
toutefois commencé à baisser il y a quinze ans, grâce
à la technique des " multijets ". Avec le
" monojet ", on recouvre une couche de carton par deux couches
-intérieure, extérieure- de plastique. Avec le double jet, deux
épaisseurs de cartons sont collées entre elles, et recouvertes
par deux couches extérieures de plastique. Mais, tandis que le
" monojet " utilisait des fibres longues, le double jet se contente
de fibres courtes, moins intéressantes à valoriser.
Sur le plan économique, le marché des packs est très
évolutif. D'une part le segment des packs de lait régresse,
tandis que le segment des jus de fruits se développe très
fortement. D'autre part, il est très vraisemblable qu'un glissement
s'opère en faveur des emballages plastique, beaucoup moins chers :
une brique carton/aluminium coûte environ 70 centimes
une brique carton/plastique, 50 centimes
une bouteille plastique, 30 à 35 centimes
un sac plastique, 15 à 20 centimes
(prix de l'emballage imprimé couleur, étiqueté,
près à l'emploi...)
Le marché du carton, déjà vulnérable sur les prix,
pourrait souffrir d'une concurrence accrue du plastique.
b) Les avancées technologiques
Les
recherches sur les techniques de récupération et de valorisation
concernent le tri et les techniques de recyclage.
Le tri
Il existe une gamme très étendue de papiers et cartons, selon les
utilisateurs (grammage, finesse, blancheur, résistance...). En France,
les industriels ont développé des filières et des
équipements qui n'imposent pas de tris très fins, contrairement
à l'Allemagne par exemple qui, en jouant sur un gisement et une
récupération beaucoup plus importants, a choisi des modes de
traitement avec un tri assez fin.
Cette situation française est à la fois un avantage pour le
centre de tri, qui n'opère qu'un tri léger, et pour l'industriel,
puisqu'il est mieux préparé que d'autres à recevoir des
papiers en mélange, et un inconvénient, car le produit revendu en
mélange n'a qu'une faible valeur, et que l'industriel, à son
tour, n'apporte qu'une faible valeur ajoutée.
Lorsque le gisement et la récupération progressent, la question
du tri par matière (carton, journaux, magazines, autres...) se repose.
Encadré n° 27
La
machine à trier le carton
___
Bien
qu'elle soit très spécifique, l'expérience
américaine de tri automatique de cartons mérite d'être
évoquée.
Deux éléments doivent cependant être rappelés au
préalable.
Aux États-Unis, la consommation individuelle de papier est dix
fois supérieure à la moyenne mondiale.
Aux États-Unis, les papiers, journaux et cartons collectés
dans les déchets ménagers représentent plus de 80 %
de l'ensemble des déchets collectés.
Fort de ces deux caractéristiques, le prix des matériaux est
assez élevé : 40 dollars pour les papiers
mélangés, le double, soit 80 dollars, pour les journaux et,
surtout, les cartons triés.
Le carton étant le produit récupéré qui avait le
plus de valeur marchande, il est apparu intéressant de parvenir à
trier le carton de façon mécanique. La machine conçue par
la société Talco est un séparateur à peigne
tournant qui permet de séparer les papiers et les cartons, les papiers
tombant à travers de larges alvéoles, les cartons, rigides,
remontant le long du tapis, et étant éjectés en fin de
parcours. L'investissement est de 80.000 dollars.
Selon l'industriel, cette machine permet de trier 10 tonnes/heure. Sur
une hypothèse de 6 tonnes/heure, un tri manuel équivalant exige
dans le meilleur des cas 6 personnes (1 personne par tonne par
heure). Le séparateur fait le même travail avec seulement
2 personnes, soit, pour un coût annuel de 20.000 dollars par
personne, 80.000 dollars d'économies.
Concernant les
techniques de recyclage
, il existe deux courants
contradictoires. Les avancées technologiques sur le recyclage
lui-même sont compensées par les innovations constantes dans les
papiers. Des améliorations sont attendues tant :
dans la préparation des FCR (séparation des fibres courtes,
pour des utilisations dans le secteur imprimerie et graphique, et des fibres
longues, plutôt utilisées dans les emballages),
dans le désencrage et la qualité des encres (encore qu'il
faille se méfier des fausses bonnes idées, telles que les encres
à l'eau qui ne contiennent pas de solvant, et sont moins polluantes
à fabriquer, mais beaucoup plus difficiles à séparer),
et, surtout, dans les techniques de traitement (raffinage haute
concentration...) et les processus de fabrication qui permettront
d'accroître, de façon significative (de 10 à 30 %), la
part des produits recyclés dans une fibre, sans changer les
caractéristiques ou les qualités du produit.
Dans le même ordre d'idées, et suivant une pratique bien
établie pour d'autres matériaux, les pratiques nouvelles tendent
à développer des utilisations en mélange (par exemple une
couverture extérieure en fibre vierge et intérieure en fibre de
récupération).
A l'inverse, les papiers -comme les emballages- complexes ou multicouches
(couvertures pelliculées, résistance à
l'humidité...) peuvent diminuer la recyclabilité. Quelques doses
de produit additionnel peuvent même interdire la réutilisation de
l'ensemble. Cette composante est intégrée par les fabricants qui,
souvent, ont les deux activités (producteurs de fibres à partir
de matière vierge et à partir de FCR), mais les pressions
à l'innovation et au positionnement
marketing
sont
fortes.
c) La récupération
La seule
limite vraiment importante de la valorisation est la
récupération. C'est une phase clef pour l'ensemble de la
filière. Or, cette phase n'est pas, aujourd'hui, satisfaisante.
" Le taux de récupération en France de produits à
base de papiers et cartons destinés au recyclage demeure encore l'un des
plus faibles d'Europe : 41,6 % comparé à la moyenne
européenne (49,8 % en 1996) ou à l'Allemagne
(71,1 %). "
Dans ce pays, la progression a été
considérable, le double de celle de la France : 12 points en
deux ans (59,3 % en 1994, 71,1 % en 1996), contre 5,5 points
seulement en France (36,1 % en 1996, 41,6 % en 1996).
L'amélioration de la récupération est d'autant plus
nécessaire que l'outil de traitement existe, et qu'elle conditionne la
rentabilité des investissements. L'industrie papetière est une
industrie lourde, très capitalistique. L'investissement pour le
traitement des vieux papiers représente environ deux années de
son chiffre d'affaires. On note, en outre, une évolution constante vers
des installations de grande capacité. Il y a vingt ans, les usines
traitaient de 30 à 60.000 tonnes. Aujourd'hui, on estime la taille
critique à 150/200.000 tonnes. Mais il existe en Europe et en France des
projets d'usines de 200/300.000 tonnes.
L'industriel ne s'engage pas dans de tels investissements sans avoir une
garantie d'apport. Le seul marché français ne suffira pas
(même un grand hypermarché ne représente que 2.000 tonnes
par an), et la collecte sera européenne, voire mondiale. Il n'en demeure
pas moins que la récupération dans notre pays peut et doit
s'améliorer.
Deux gisements sont encore insuffisamment exploités.
Le
premier gisement
est celui des
ménages
. REVIPAP
ne dispose pas, hélas, de taux de récupération des papiers
et cartons ménagers, mais ce taux devrait être très faible.
Selon Éco-Emballages, la récupération des seuls emballages
cartons (hors papiers et journaux) des ménages ne serait pas
supérieure à 11 %. Là encore, des
améliorations sont possibles.
Ainsi, chaque année, 2,5 millions de tonnes de produits papiers et
cartons usagés sont mises en décharge ; 2,3 millions de
tonnes sont incinérées. On estime que 70 % peuvent
être recyclables (ce qui représente tout de même 3,36
millions de tonnes). Encore faut-il que ces produits soient
récupérés.
Le
second gisement
est celui des
bureaux
. Les quelques
dispositifs qui existent dans ce domaine devraient se multiplier. Les
administrations, et pas seulement les services du ministère de
l'Environnement, pourraient, devraient concourir bien davantage qu'aujourd'hui
à la récupération des papiers usagés, triés.
Encadré n° 28
La
collecte des papiers de bureau
___
Chaque
employé produit en moyenne 100 kg de déchets de bureau par
an, dont 70 à 85 % sont constitués de papiers et cartons. Le
gisement annuel des papiers de bureau est de l'ordre de 1,5 million de tonnes.
L'enjeu de la récupération des papiers de bureau
Pour la collectivité.
La récupération et la
valorisation des papiers de bureau évite la mise en décharge
(minimum 250 F/tonne) ou l'incinération (minium 400 F/tonne).
Ces coûts ne peuvent que croître à l'avenir.
Par ailleurs, selon Federec (Fédération des entreprises de
récupération), entre 5 et 10.000 emplois sont liés
aujourd'hui à la collecte et au tri des papiers cartons. La collecte, le
tri, le recyclage de 1000 tonne de papiers de bureau entraîne la
création de deux emplois, soit 2.000 emplois pour un million de tonnes.
Pour la filière.
La filière de traitement des vieux
papiers et cartons est en surcapacité. La récupération est
insuffisante par rapport aux possibilités de traitement. Or,
aujourd'hui, moins de 15 % du gisement des papiers de bureau est
recyclé. Il s'agit d'un petit gisement, mais dont les marges de
progression sont les plus fortes, d'autant que la récupération
est relativement simple à organiser.
Pour l'entreprise.
Les papiers de bureau sont des déchets
industriels banals, assimilables aux ordures ménagères. S'il n'y
a pas aujourd'hui d'obligation formelle, le contexte réglementaire et
financier devrait changer sous deux effets. Tout d'abord, la loi du 13 juillet
1992 ne permet plus de mettre les papiers de bureau en décharge
(puisqu'ils peuvent être valorisés, et ne constituent donc pas des
déchets ultimes). Ensuite, le coût de l'incinération
devrait augmenter très sensiblement. Enfin, même si peu de
communes l'on encore appliquée, la redevance spéciale
instituée par les communes qui assurent la collecte des déchets
industriels banals devrait se généraliser, ce qui conduira les
entreprises à payer -et donc s'efforcer de maîtriser les
coûts correspondants-. Par ailleurs, la collecte sélective des
papiers de bureau est une opportunité de communication interne et un
dispositif facile à mettre en oeuvre.
La procédure
La collecte sélective suit un circuit simple :
collecte : en général, bacs près des
photocopieuses. Coût des bacs entre 5 F (carton) et 300 F
(poubelle acier à plusieurs compartiments) ;
stockage interne : éventuellement broyage (pour papiers
confidentiels) ;
regroupement avant enlèvement (bennes de 5.000 F à
25.000 F selon taille et fermeture) ;
enlèvement par opérateurs extérieurs ;
achat des " sortes ". Les " sortes " sont des
catégories de vieux papiers et cartons définis par une norme
européenne dite " EN 643 ". Cette nomenclature distingue
54 " sortes " différentes ;
traitement en filière (élimination des agrafes, trombones,
colles... puis traitement courant).
Appréciation
Le
bilan financier
est positif. L'économie
réalisée (coût du service
-
recettes des
récupérations, comparé au coût de traitement sans
collecte sélective) est de 10 à 40 %. Il existe toutefois un
seuil de rentabilité évalué à 500 kg/mois.
En 1999, la collecte sélective des déchets est
opérationnelle dans deux administrations : le ministère de
l'Équipement (administration centrale et services
déconcentrés) et le ministère de l'Environnement. Dans les
deux cas, le budget " gestion des déchets " a
été divisé par deux après deux ans (de 600.000
à 300.000 F pour l'Équipement, de 400.000 à
200.000 F pour l'Environnement).
Des
retours d'expérience
encore incertains. La collecte
sélective se développe assez rapidement depuis trois ans, avec
cependant des résultats parfois décevants. La collecte est
souvent inférieure aux prévisions. Attention également aux
baisses de motivation (baisse des quantités recueillies) et de vigilance
(moindre tri).
Les
conditions financières
des contrats doivent être
préparées avec précaution. Les prix de reprise sont non
seulement très variables -comme sur l'ensemble de la filière
papiers cartons recyclés-, mais subissent une décote par rapport
aux barèmes internationaux (les tarifs sont donnés pour des
" sortes " triées, et pas après la première
collecte). Les pénalités, notamment en cas de non respect des
qualités requises, peuvent être lourdes, ce qui impose de rappeler
les consignes de tri régulièrement.
Des possibilités d'entraînement
La collecte des vieux papiers est un élément d'une
stratégie environnementale d'une gestion dite " verte "
beaucoup plus ambitieuse. Elle peut, par conséquent, être
accompagnée ou suivie par d'autres actions concourant aux mêmes
objectifs.
Concernant les déchets proprement dits, privilégier les
fournisseurs qui offrent des services de reprise d'équipements en fin de
vie, privilégier les communications par tableau au niveau des services
-de préférence aux notes de service-, redécouvrir le
recto
des feuilles pour les brouillons, étendre le tri
sélectif à d'autres matériaux (boites, piles...),
favoriser l'utilisation de matériaux recyclés (si le papier clair
reste dans la
quasi
totalité des cas réalisé
à partir de pâte à papier vierge, le papier de bureau
recyclé peut être utilisé dans des conditions parfaitement
compétitives pour le carton, les chemises, les dossiers...
L'extension à d'autres domaines. Une nouvelle gestion des papiers
peut aussi entraîner une nouvelle approche d'autres
éléments du fonctionnement des administrations et
entreprises : eau, parc automobile, énergie... Il n'y eut,
jusqu'à présent que de petites mesures ponctuelles, le plus
souvent inappliquées. Mais une véritable politique appuyée
sur une volonté manifeste, des formations adaptées et des
contrôles intérieurs ou extérieurs manquent encore -ce
pourrait être le rôle des rapporteurs spéciaux des
commissions des Finances-.
Comme l'observe notre collègue sénateur, Serge
Lepeltier
1
, au sujet d'économies d'énergie,
" une impulsion politique dans les administrations publiques pourrait
être un signal fort pour les entreprises et les citoyens. "
. Ses
propos peuvent être parfaitement transposés dans le domaine des
déchets.
Des possibilités de développement
Répétons-le, le gisement existe, et est incroyablement sous
exploité. Des marges de progression existent. Notamment dans les
collectivités locales (sous réserve d'atteindre un seuil minimum
de 500 kg/mois), les administrations centrales et déconcentrées.
En 1999, le ministère de l'Intérieur s'est, à son tour,
engagé dans le processus, mais d'autres administrations pourraient s'en
inspirer.
Selon l'un de nos interlocuteurs, une collecte sélective des papiers
blancs organisée par le ministère de l'Économie, des
Finances et de l'Industrie, entraînerait une économie de plus d'un
million de francs par an. Aujourd'hui, seuls les journaux et magazines sont
collectés. Le gisement valorisable est considérable. Pour celui
qui le veut, tout est valorisable.
La collecte sélective des papiers de bureau est une occasion et un
nouvel état d'esprit.
________________________
1
Rapport de M. Serge Lepeltier au nom de la
Délégation du Sénat pour la Planification (Sénat
1998-1999, n° 346) :
" La réglementation qui
limite à 19° C la température dans les locaux publics
habités ou recevant du public n'est pas contrôlée et n'est,
le plus souvent, pas respectée. L'immeuble emblématique du
ministère des Finances à Bercy a même été
conçu pour réguler avec une grande précision la
température de chaque bureau à 21° C. Il s'agit là
d'une observation d'autant plus regrettable que ce bâtiment abrite
désormais le ministre en charge de faire respecter ladite
réglementation
(...)
"
. On ajoutera sur ce point qu'un
degré de plus augmente le coût de fonctionnement de l'ordre de
7 %.
Source : ADEME, 1998
d) Les limites de la récupération
Si des
potentialités existent, notamment sur le gisement des ménages, la
récupération nouvelle ne va pas sans difficultés.
Tout d'abord, l'évolution du marché vers la concentration des
capacités a pour effet d'
éloigner le gisement
de la
localisation des usines de recyclage. Le phénomène, qui existait
au plan international, générant des flux de trafic importants
entre zones de production de vieux papiers et cartons (Allemagne...) et zones
de consommation (Europe du Sud, Asie...), va se reproduire, cette fois au plan
national. Il existe, aujourd'hui, une centaine d'usines de retraitement des
vieux papiers et cartons récupérés. La concentration des
installations va entraîner des flux de transport nouveaux ; d'autant
plus que le gisement sera diffus.
Ensuite, on peut s'attendre à une
augmentation des coûts
.
La matière collectée sera moins " pure " que
précédemment. Les chutes industrielles, les journaux invendus,
les emballages issus des grands centres commerciaux sont parfaitement
homogènes. Ce qui n'est pas le cas des papiers, journaux et cartons
issus des collectes sélectives des déchets ménagers. Il
est, par ailleurs, parfaitement utopique d'envisager que la matière
arrive parfaitement " propre " et triée par type de papier ou
de carton. Aucun circuit ne survivrait à une telle exigence, et le
coût prohibitif casserait la filière.
En allant chercher des gisements de plus en plus difficiles à traiter,
la séparation s'impose. Il faut donc s'attendre à recevoir des
produits en mélange qu'il faudra trier, le moins mal possible, dans un
rapport de coût / efficacité acceptable. Même si
les équipements français sont adaptés à un
traitement multifibres, la tendance va probablement vers une
amélioration des tris en amont, notamment pour les emballages
cartons
107(
*
)
.
Autre conséquence des collectes des papiers des ménages, les
déchets ultimes vont progresser
. La part des déchets
ultimes est aujourd'hui de l'ordre de 10 à 12 % (incluant les
plastiques, les métaux -agrafes, trombones...-, les colles...). Cette
évolution entraînera, elle aussi, une légère
augmentation du coût du traitement.
Ces augmentations devraient toutefois être compensées par un effet
" volume ", voire un effet " qualité " (s'il y a eu
tri) qui augmenterait la valeur des produits collectés revendus aux
recycleurs.
Troisième conséquence : le
basculement des
coûts
. On a vu que, pour la collectivité,
l'intérêt réside principalement dans le fait que les
coûts du recyclage sont partagés. Le traitement est pris en charge
par l'industrie, tandis que la collectivité finance la collecte et le
tri. En s'orientant délibérément vers la
récupération des papiers et emballages ménagers, la
collecte, et surtout le tri, sont alors majorés de façon
significative. La recette ne peut augmenter dans les mêmes proportions
que moyennant un tri très fin pour parvenir à des produits
homogènes.
e) L'inconnue du prix du papier
Signe
parmi d'autres, Éco-Emballages verse un soutien financier à la
tonne triée de 750 à 1.950 francs par tonne, mais a fixé
sa garantie de prix de reprise à ... 0 franc la tonne -prix garanti,
complété par " un intéressement selon
l'évolution des cours "- tant l'évolution des cours est
erratique.
Deux phénomènes complémentaires ont été
constatés au cours des années récentes. Tout d'abord, le
lien fibre vierge / fibre de récupération s'est
distendu. Les deux marchés, qui représentent chacun environ la
moitié des besoins de production, ont une taille critique : les
franges de substitution sont faibles, chaque fibre a son marché propre.
Par conséquent, le marché directeur n'est plus celui de la
pâte à papier, et moins encore celui du bois.
Mais si les deux marchés sont
quasi
indépendants, ils sont
tous deux déterminés sur le marché mondial. Or, il existe
une surcapacité structurelle dans chacun des deux marchés, de
l'ordre de 15 %. Lorsque la demande baisse, les chutes des cours sont
alors vertigineuses sur les deux marchés, le temps que la production
s'ajuste. Ainsi, la valorisation reste-t-elle toujours une activité
à risques ou, plutôt, une activité cyclique, avec des
périodes à risques et des périodes de
prospérité.
Il existe, en outre, de fortes particularités locales, en fonction de la
demande. Ainsi, aux États-Unis, le prix des cartons
récupérés parmi les déchets industriels ou les
déchets ménagers a-t-il considérablement augmenté,
en huit ans. Des sociétés qui se sont bâties sur le
recyclage et sur des déchets spécifiques (petit mobilier,
décors de studios...) à une époque où le carton
était bon marché sont évidemment très
vulnérables à une telle hausse de prix, même si la
matière première ne représente que 3 % du coût
du produit final. Car, outre le prix, les petites sociétés sont
en concurrence avec des sociétés qui travaillent sur la
matière vierge, ou en fibres mélangées qui, elles, sont de
très grosses unités. Les coûts de production sont alors
radicalement différents.
En période de crise, seules quatre grosses unités ont la
capacité de résister, et les déconvenues des
sociétés misant sur des niches étroites sont
fréquentes.
f) Le " serpent de mer " des journaux gratuits
L'information commerciale et institutionnelle gratuite dans les
boites aux lettres connaît une véritable explosion depuis quelques
années. Elle représente chaque année en moyenne 36 kilos
par boite aux lettres, c'est à dire par foyer. Les chiffres sont
périodiquement réévalués. Ils étaient
estimés, dans le rapport Dron (1997)
108(
*
)
, à 30 kilos par foyer et
par an, avec un taux de croissance annuel de 10 % ; selon le cercle
national du recyclage, on serait aujourd'hui à 36 kilos avec une
progression de 15% par an, soit un doublement en cinq ans. A raison de 2,7
personnes par foyer, cela représente 13,3 kilos par habitant soit
750.000 tonnes.
Ce phénomène a des conséquences multiples : sociales
(risques accrus de cambriolages...), économiques (captation de la
publicité dont aurait normalement bénéficié la
presse), et, dans notre optique, source de gaspillage, de pollution et,
surtout, de coûts de collecte et de traitement pour les
collectivités locales . Ainsi, tandis que la distribution massive
dans les boites aux lettres sont, la plupart du temps, à l'initiative ou
au bénéfice des grands commerces présents dans la
région, leur quantité croissante est une charge pour les
municipalités. Sur la base d'un coût minimum de traitement de
400 francs la tonne, les journaux gratuits représentent une charge
pour les collectivités locales de l'ordre de 300 millions de francs
Cette situation est déplorée par un très grand nombre
d'élus, de tous bords, comme en témoignent les initiatives
nombreuses visant à réguler cette évolution par la
fiscalité.
|
Proposition de loi tendant à protéger les particuliers contre la distribution abusive de prospectus publicitaires ou publications gratuites non adressées, de MM. Jean Besson et Bernard Hugo, sénateurs (Sénat n° 137, 1994-1995) |
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Proposition de loi visant à instituer une taxe sur la diffusion non nominative de prospectus publicitaires gratuits à but commercial, de M. Jean-Louis Masson, député (AN n° 350, onzième législature) |
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Proposition de loi tendant à créer une taxe communale sur les documents répondant à un but lucratif distribués gratuitement en nombre, émanant des membres du groupe communiste et apparenté (AN n° 623, onzième législature) |
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Proposition de loi portant sur l'élimination des déchets et la récupération des matériaux, émanant de plusieurs membres du groupe RPR (Sénat n° 163, 1998-1999) |
Ces
initiatives ont été l'occasion de suggérer quelques
pistes. Parfois hétérodoxes. La dernière proposition vise
notamment à taxer la distribution de journaux gratuits, et à
financer la construction d'incinérateurs. Vos deux rapporteurs expriment
des réserves sur cette dernière suggestion, considérant
que, dès lors que la filière du recyclage existe et ne demande
qu'à s'amplifier, comme c'est précisément le cas pour le
papier-carton, d'autres formes de traitement permettant une valorisation
matière paraissent plus appropriées. Mais ces questions
techniques de périmètres et d'affectation ne sont pas de vraies
querelles. Une solution de compromis doit pouvoir être trouvée car
tous les responsables locaux sont d'accord sur le constat, et attendent une
amélioration.
Malgré cette
quasi
unanimité, une telle solution ne s'est
pas encore imposée. La difficulté vient du fait que les maires
n'ont pas été les seuls à se plaindre, et que les journaux
gratuits font aussi d'autres victimes, en particulier la presse écrite
qui se voit pénalisée par une baisse de ses recettes
publicitaires. C'est ainsi qu'une taxe d'origine parlementaire a
été votée en 1997, lors de la discussion du projet de loi
de finances pour 1998 visant à créer une taxe dont le produit
permettrait d'abonder le fonds de modernisation de la presse
109(
*
)
.
Ainsi, une taxe sur les journaux gratuits a bien été
adoptée, en 1997 mais elle vise un tout autre objet que celui qui
préoccupe la totalité des maires de France. Il n'en demeure pas
moins que le dossier est aujourd'hui plus délicat qu'hier, et qu'il
paraît difficile de créer une nouvelle taxe deux ans après
la première
110(
*
)
. Ne
doutons pas que les experts de Bercy sauront trouver une solution au
problème qui leur est posé par les 36.000 maires de France.