B. LA VALORISATION DES DÉCHETS
1. Les modes de traitement des déchets
a) La situation en France
En 1995,
près de 95 % de la population française était
desservie par des installations de traitement ou par des décharges
autorisées recevant plus de 3.000 tonnes de déchets par an.
Le stockage reste le principal mode d'élimination de ces déchets.
En 1995, près de la moitié des ordures ménagères a
été stockée dans des décharges et/ou des centres
d'enfouissement technique (CET) réglementés. Environ 40 %
des ordures ménagères ont été
incinérées en 1995.
Le compostage et les autres traitements biologiques concernent un peu plus de
7 % des tonnages traités (essentiellement des ordures
ménagères).
Modes de traitement des ordures ménagères en 1995 |
||
Modes |
Quantités d'ordures ménagères traitées |
|
de traitement |
en millions de tonnes |
en % |
Recyclage des matériaux |
1,6 |
6,2 |
Traitements biologiques, |
1,7 |
6,5 |
Traitements thermiques, |
10,3 |
39,6 |
Mise en décharge |
12,4 |
47,7 |
Total |
26,0 |
100,0 |
Source : ADEME 1995 |
b) Comparaisons internationales
Comparaison des politiques nationales de traitement des déchets (juin 1997) |
|||
États |
Recyclage |
Incinération |
Décharge Stockage |
France |
12 % (dont 6 % de compost) |
40 % |
48 % |
Allemagne |
18 % (dont 2 % de compost) |
34 % |
48 % |
Suède |
23 % (dont 5 % de compost) |
40 % |
37 % |
Norvège |
13 % (dont 1 % de compost) |
18 % |
69 % |
Danemark |
20 % |
60 % |
20 % |
Pays-Bas |
43 % (dont 20 % de compost) |
26 % |
31 % |
Belgique (Flandre, Wallonie) |
35 % - 11 % |
29 % - 31 % |
36 % - 58 % |
Italie |
9 % (dont 2 % de compost) |
6 % |
85 % |
Royaume-Uni |
25 % |
5 % |
70 % |
États-Unis |
24 % |
15 % |
61 % |
Japon |
11 % (dont 2 % divers) |
74 % |
15 % |
Canada |
30 % |
4 % |
66 % |
Suisse |
39 % |
47 % |
14 % |
Autriche |
33 % (dont 17 % de compost) |
12 % |
55 % |
Espagne |
13 % (compost) |
4 % |
83 % |
Source : ADEME |
2. La valorisation
a) La valorisation, qu'est-ce que c'est ?
"
Valoriser : donner de la valeur à quelque
chose
" Peut on se satisfaire de cette définition et
s'applique-t-elle aux déchets ?
3(
*
)
Malgré des avancées
législatives , la valorisation reste un concept ambigu qui se
définit surtout par opposition à l'élimination qui, par
définition, se contente de faire disparaître. Mais est-ce un
objectif principal, secondaire, à quel moment peut - on estimer qu'il y
a bien eu valorisation...?
La notion est apparue dans les textes en 1989
4(
*
)
, mais les textes de
référence sont la directive cadre européenne de
1991
5(
*
)
et la loi
française du 13 juillet 1992 aux termes de laquelle la valorisation
consiste dans
" le réemploi, le recyclage ou toute autre action
visant à obtenir, à partir des déchets, des
matériaux réutilisables ou de l'énergie ".
Il y
aurait donc une valorisation matière qui doit permettre de
réutiliser les éléments constitutifs du déchet en
les intégrant dans le circuit économique, et une valorisation
énergétique, sans que le législateur ait fixé une
priorité entre les deux.
Il convient de mesurer les inconvénients qu'il y a, à juxtaposer
ces deux types de valorisation qui si elles sont complémentaires,
peuvent aussi devenir contradictoires, car il peut y avoir en
réalité " cannibalisation " d'une technique par une
autre. Le développement d'une technique -l'incinération-
empêche, par un mouvement en spirale, tout développement de
l'autre -la valorisation matière-.
Tout procédé de traitement coûte cher, mais les effets
d'échelle sont importants en particulier pour l'incinération avec
valorisation énergétique. Il faut donc, dans cette logique,
construire grand et collecter beaucoup, pour parvenir à des coûts
satisfaisants. La " valorisation matière " suit la même
loi, appliquée cette fois à la baisse, puisque moins on fait de
valorisation, plus elle coûte cher, et moins on peut en faire. Au total,
même si tous les rapports l'évoquent, même si beaucoup de
responsables tentent de la développer, la " valorisation
matière " des déchets impose une grande détermination
politique.
Selon l'ADEME, les différents sens de la valorisation sont les
suivants :
Encadré n° 1
Récupération et valorisation
Les définitions de l'ADEME
___
La
valorisation
consiste dans "
le réemploi, le recyclage ou
toute autre action visant à obtenir, à partir des déchets,
des matériaux réutilisables ou de l'énergie
"
(loi du 13 juillet 1992).
Récupérer
un déchet, c'est le sortir de son
circuit traditionnel de collecte et de traitement. Par exemple, mettre des
bouteilles ou des journaux dans un conteneur spécial, au lieu de les
jeter à la poubelle. La récupération, qui suppose une
collecte séparée ou un tri, se situe en amont de la valorisation
qui consiste, d'une certaine façon, à redonner une valeur
marchande à ces déchets. La valorisation s'effectue par divers
moyens.
Le
recyclage
est la réintroduction directe d'un déchet
dans le cycle de production dont il est issu, en remplacement total ou partiel
d'une matière première neuve. Par exemple, prendre des bouteilles
cassées, les refondre, et en faire des bouteilles neuves.
Le
réemploi
: c'est un nouvel emploi d'un déchet
pour un usage analogue à celui de sa première utilisation. C'est,
en quelque sorte, prolonger la durée de vie du produit avant qu'il ne
devienne un déchet. Par exemple, la consigne des bouteilles, à
nouveau remplies après leur nettoyage.
La
réutilisation
consiste à utiliser un déchet
pour un usage différent de son premier emploi, ou à faire,
à partir d'un déchet, un autre produit que celui qui lui a
donné naissance. Par exemple, utiliser des pneus de voiture pour
protéger la coque des barques ou chalutiers.
La
régénération
consiste en un
procédé physique ou chimique qui redonne à un
déchet les caractéristiques permettant de l'utiliser en
remplacement d'une matière première neuve. C'est le cas, par
exemple, de la régénération des huiles usées ou des
solvants, ou du papier qui est à la fois recyclé et
régénéré par le désencrage.
La
valorisation énergétique
consiste à utiliser
les calories contenues dans les déchets, en les brûlant et en
récupérant l'énergie ainsi produite pour, par exemple,
chauffer des immeubles ou produire de l'électricité. C'est
l'exploitation du gisement d'énergie que contiennent les déchets.
Source : ADEME, Les déchets en France
b) La valorisation pour quoi faire ?
Quelques raisons d'y croire
Disons le clairement, valoriser les déchets est avant tout un choix
politique, un choix de société. A chaque époque correspond
un choix de traitement des déchets. Comme certains ont
préféré mettre leurs déchets en décharge
plutôt qu'au fond des bois, ou ont choisi de les brûler
plutôt qu'ils s'entassent et pourrissent à proximité de nos
villes, nous pensons que l'époque appelle aujourd'hui un changement
d'attitude. Plus positive, plus économe, plus responsable.
Les déchets constituent un produit qu'il faut utiliser au mieux de nos
possibilités du moment. La valorisation est non seulement utile, mais
aussi souhaitable. Toute l'activité humaine consiste à
créer des richesses en partant d'un produit pour en fabriquer un autre,
en transformant les choses pour en créer de nouvelles. Le déchet
peut être ce produit qu'il faut savoir utiliser et transformer pour en
faire un matériau utile, une véritable " matière
première secondaire ".
Car utiliser un déchet c'est préserver les matières
premières naturelles. Les déchets peuvent ainsi se substituer aux
importations de matériaux. C'est aussi, bien souvent, réaliser
une économie en termes financiers. Il existe de très nombreux cas
où utiliser un déchet est moins coûteux pour tout le monde
qu'utiliser une matière première naturelle (le verre,
l'aluminium, par exemple). De plus, dans un grand nombre de cas, les
dépenses de traitement sont réparties entre la
collectivité et la filière industrielle, et, si la dépense
totale est la même, le financement est plus
équilibré.
6(
*
)
Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, il est indispensable
d'
anticiper
. Anticiper l'évolution de la réglementation,
de la demande sociale, des marchés, en particulier celui de
l'énergie. Aujourd'hui, les prévisionnistes mettent en garde
l'opinion mondiale sur l'illusion de l'énergie à bon
marché, et donnent à la planète un demi siècle de
répit. Au delà, ou le monde manquera de sources d'énergie
fossile ou son utilisation sera plus coûteuse. Certes les
découvertes de gisements ne sont pas terminées, mais l'extraction
et le transport du pétrole notamment seront de toutes façons plus
coûteux (cf. les nouvelles réserves de l'Asie centrale dont
l'acheminement en Europe passe nécessairement par des régions
instables). Sans que l'on sache quand ni comment, l'augmentation des
matières premières est inévitable. C'est cette
capacité de projection qui paraît déterminante, et
même être un devoir politique.
Nous pensons donc que valoriser les déchets, c'est une façon de
s'engager sur l'avenir. C'est parfois ce qui manque le plus en politique.
Gérer ses déchets est une garantie et une assurance sur l'avenir.
Tous ces arguments sont parfaitement connus et ne méritent pas qu'on s'y
étende davantage.
Partir des besoins ou partir du gisement ?
Une critique fréquente consiste à dire qu'il ne faut pas partir
du déchet, pour voir ce que l'on peut en faire, mais que la seule
attitude possible est de partir du marché, et voir alors si le
déchet peut être utilisé . Ainsi, dans les deux cas
précités, le verre et l'aluminium, les industriels ont
naturellement récupéré les déchets puisque la
fabrication de verre et d'aluminium à partir de matériaux
usagés coûtait moins cher que la même fabrication à
partir de matière première naturelle. C'est ce qu'on appelle
" partir du marché ", c'est à dire faire une analyse
de coûts, chercher une matière première et s'apercevoir que
l'utilisation des déchets est non seulement parfaitement valable mais en
plus, moins coûteuse que la fabrication à partir de la
matière vierge.
Nous pensons toutefois que cette attitude parfaitement rationnelle pour une
entreprise, ne peut fonder une véritable gestion des déchets qui
ne se limite pas à un calcul de court terme mais impose comme on l'a
dit, de se projeter sur l'avenir. Dans ce domaine, le seul marché ne
paraît pas suffisant pour faire émerger des solutions de fond. En
outre, contrairement à l'argument présenté ci dessus, il
existe de très nombreux exemples, où la réussite est
partie du déchet ou du sous-produit lui même. Ainsi, la
valorisation énergétique ou la valorisation des mâchefers
en technique routière ne sont pas les premiers
buts
de
l'incinération, mais les incinérateurs ont, à juste titre,
cherché à valoriser la chaleur et les matériaux qu'ils
avaient produits.
7(
*
)
Dans ce cas,
la démarche est bien partie du gisement , du sous produit (chaleur) ou
du déchet (mâchefer) pour chercher la valorisation.
La même démarche peut inspirer les collectivités locales
aujourd'hui. En dépit de certaines appréhensions, la collecte
sélective est un succès. Les français ont montré
qu'ils pouvaient, qu'ils voulaient trier leurs déchets, qu'ils
pouvaient, qu'ils voulaient participer. Les collectivités locales se
trouvent aujourd'hui devant de grandes masses de déchets propres parfois
imprévus (objets en plastiques de toutes sortes dans les conteneurs
réservés aux emballages, bois dans les déchetteries...).
L'élu est donc confronté à un triple défi :
tenir compte des contraintes économiques, mais aussi répondre aux
attentes des administrés et anticiper les évolutions.
Ce sont ces raisons qui fondent la politique de recyclage. Mais bien
évidemment, cette politique doit partir des contextes locaux (dispersion
de l'habitat, habitudes culturelles différentes en milieu urbain et en
milieu rural...), ainsi que de la géographie industrielle et des
initiatives locales. Car il est préférable d'avoir un gisement
à proximité d'une industrie, plutôt qu'être
obligé de traverser la France pour envoyer des déchets dans la
seule usine susceptible des les traiter aujourd'hui. L'élu doit d'abord
connaître son gisement et se demander où sont les industries qui
peuvent utiliser et valoriser les matières premières
secondaires, proposées par les collectivités locales ?
Histoire, géographie, économie, environnement, culture... tous
les ingrédients sont là pour faire de la politique des
déchets un projet national et une politique majeure du prochain
siècle.