Présidence de Monsieur Claude BIRRAUX
M. BIRRAUX
- Pour que vous ayez
une
idée de la façon dont j'envisage d'organiser la discussion, je
vais vous présenter les différents thèmes que je
prévois de traiter :
le matin
:
1) la présentation générale du projet (celle-ci venant
d'être faite)
2) la philosophie des autorités de sûreté et leurs appuis
techniques,
3) la recherche,
4) l'exploitation et la maintenance
5) la radioprotection
6) les accidents graves
7) les rejets
8) l'EPR peut-il être un modèle européen ?
9) les EUR
l'après-midi
:
- la stratégie, à savoir :
. l'économie du projet
. les besoins en énergie
. le maintien des compétences
. le vieillissement des centres et le remplacement du parc
. la coopération franco-allemande
. faut-il construire un réacteur ?
. à quelle date faut-il engager la réalisation ?
Ceci est indicatif, sachant que je souhaiterais que nous traitions de
l'ensemble des sujets, même si cela ne s'effectue pas obligatoirement
dans cet ordre, compte tenu des disponibilités des différents
intervenants. Je sais, entre autres, que Monsieur MANDIL, Directeur
Général de l'Energie et des Matières Premières,
nous rejoindra vers 11 heures et ne pourra pas être présent
cet après-midi. Donc, nous traiterons avant 12 heures le point
relatif aux besoins en énergie et la vision de la DGEMP sur la
prospective énergétique.
Vous avez l'ensemble du synopsis de notre réunion. J'aimerais demander
aux autorités de sûreté françaises et allemandes
quelle a été leur philosophie, leur approche, et comment,
à partir d'une lecture française et d'une lecture allemande de la
philosophie de sûreté, elles ont abouti à une lecture
commune.
M. LACOSTE
- Je m'exprimerai en tant que
Directeur de la Sûreté des installations nucléaires
en FRANCE et au nom de mon collègue et ami
Gerard HENNENHOFER,
Directeur Général de la Sûreté des installations
nucléaires, de la radioprotection, des combustibles nucléaires et
de la gestion des déchets au Ministère allemand de
l'Environnement
.
Je vais m'appuyer sur des transparents et je précise qu'ils sont la
traduction française de transparents que nous avons
préparés ensemble, mon collègue allemand et
moi-même, pour une présentation commune à nos
collègues des autres autorités de sûreté
nucléaire des pays européens.
Je vais présenter le point de vue des autorités de
sûreté sur le développement et l'évaluation d'un
concept franco-allemand de réacteurs évolutionnaires aux
objectifs de sûreté ambitieux. Il y a trois points sur lesquels il
faut insister pour présenter notre position :
- Le premier est que, d'emblée, les autorités de
sûreté ont adopté une stratégie
évolutionnaire, par opposition à une stratégie
révolutionnaire. Nous n'avons pas cherché une rupture en
matière de sûreté, nous avons cherché à tirer
le meilleur parti des progrès successifs accomplis, à tirer le
meilleur parti de l'expérience acquise et le meilleur parti du
mélange de l'expérience française et allemande, accumulant
ainsi un nombre considérable d'années d'expérience.
- Le deuxième point important est que nous nous sommes fixés
comme objectif d'améliorer la situation concernant les accidents graves,
ce qui implique de diminuer de façon significative le risque de
l'accident grave et aussi diminuer les conséquences d'un accident grave.
Ceci peut se décliner ainsi :
. éliminer pratiquement les situations pouvant conduire à
des rejets précoces,
. limiter les rejets maximaux en cas d'accident comportant fusion du coeur,
. prendre des mesures de précaution pour les accidents sans fusion
du coeur.
Ce sont des progrès qualitatifs et quantitatifs importants.
- Le troisième point est que la situation normale d'un
réacteur est de fonctionner dans des conditions aussi satisfaisantes que
possible.
Donc, les divers objectifs que nous avons fixés sont des objectifs
tendant à la simplification de l'exploitation, à la
simplification de la maintenance et des contrôles, et à une bonne
gestion des relations avec l'environnement. D'où une réduction du
nombre d'incidents, une réduction de l'exposition des travailleurs, en
termes de dosimétrie, et une réduction des volumes et des
effluents. Autrement dit, un état de faits qui relève d'une bonne
conduite et d'une bonne gestion de l'installation industrielle.
Ce sont donc ces trois idées maîtresses qui nous guident :
- une stratégie évolutionnaire,
- une amélioration sensible des accidents graves,
- l'amélioration des conditions d'exploitation et de maintenance.
Les organismes de sûreté français et allemand ont pris
l'habitude de coopérer depuis longtemps puisque leur coopération
remonte à 1989 et que, en 1990 en particulier, a été
créée la DFD, commission qui réunit les autorités
de sûreté françaises et allemandes au minimum cinq fois par
an.
Du côté de l'industrie nucléaire et des électriciens
s'est constitué peu à peu le projet EPR.
Le transparent suivant décrit la façon dont nous avons tenu
à travailler. Nous nous sommes attachés à faire travailler
ensemble chacun des différents niveaux d'intervention. Je ne
décris pas la partie basse du schéma, qui expose la façon
dont FRAMATOME, SIEMENS, EDF et les électriciens allemands se sont
entendus pour présenter aux autorités de sûreté un
front uni sous forme de projet EPR.
Je vais décrire le haut du schéma, qui montre la façon
dont nous travaillons. Sur tous les dossiers, il y a un travail de nos appuis
techniques, GRS du côté allemand et IPSN du côté
français. Ces deux appuis techniques travaillent et produisent un
rapport commun. Ce rapport commun est examiné par le groupe d'experts
qui travaille pour moi et par GRS, qui est un groupe d'experts travaillant pour
mon collègue allemand, et ces deux groupes d'experts se
réunissent et produisent un avis commun.
Nous recevons, Monsieur HENNENHOFER et moi-même, un avis co-signé
par le Président du Groupe français et le Président du RSK
et nous nous réunissons au sein de la DMP et nous prenons partie,
c'est-à-dire que nous sommes amenés à signer en commun une
lettre prenant partie sur les propositions d'EPR.
Je précise que tout ceci se passe en anglais. La seule version originale
des prises de position que nous prenons sont des lettres que nous co-signons et
dont la seule version faisant foi est la version anglaise. Ceci est la
façon dont nous travaillons. C'est une mécanique très
lourde parce que cela suppose que le dossier soit lu un nombre
considérable de fois mais c'est une mécanique qui nous garantit
que, sur chacun des points, il y a un accord explicite et éclairé
de l'ensemble des personnes qui ont à prendre partie.
Donc, nous signons pour dire soit oui, soit oui sous réserve que, soit
non, après avoir épuisé l'ensemble des systèmes
d'instruction français et allemand.
Les différentes étapes ont déjà été
évoquées par les orateurs précédents. Il y a eu
d'abord les orientations (conceptual phase) en 1992 - 1995, et
ensuite la définition technique (basic design). Il y a actuellement en
cours une optimisation technique, laquelle a été
évoquée et qui nous conduit à fin
1998 - début 1999, et ensuite devrait se passer
l'ingénierie détaillée du projet (detailed design phase).
Cependant, cela suppose des décisions à prendre par les
industriels intéressés.
En face de cela, quelles positions ont pris les autorités de
sûreté ? Je rappelle une position historique qui était
uniquement franco-française, celle de la DSIN, une lettre de mon
prédécesseur de mai 1991, et ensuite des prises de position
conjointes franco-allemandes :
- une prise de position conjointe en juillet 1993,
- une prise de position conjointe en février 1995,
et notre objectif est d'avoir de nouveau une prise de position fin 1998 -
mi 1999 pour prendre parti sur le "basic design report".
Que se passera-t-il après ?
Qu'est-ce que le "basic design report" sur lequel nous serons amenés
à prendre parti fin 1998 ou début 1999 ?
C'est un document qui ne parle pas de choix de site ni de la partie
conventionnelle de la centrale, mais qui parle de la partie nucléaire.
Si on cherche l'équivalent dans les procédures nationales
classiques, c'est l'équivalent de la partie nucléaire du rapport
préliminaire de sûreté nécessaire pour la
délivrance d'autorisation de création, en FRANCE ; cela
contient les éléments nécessaires pour établir le
rapport de sûreté, en ALLEMAGNE.
Nous avons également commencé à travailler sur un certain
nombre de codes techniques, c'est-à-dire l'élaboration d'un
ensemble de règles communes à l'industrie nucléaire
française et allemande. C'est l'équivalent de ce qu'en FRANCE, on
appelle les RCC (règles de construction et de conception).
Si j'évoque tout ceci, c'est parce que nous sommes confrontés
à un problème de technique administrative qui n'est pas simple
entre la FRANCE et l'ALLEMAGNE. Nous essayons de voir comment s'ajustent les
procédures administratives et réglementaires en FRANCE et en
ALLEMAGNE. C'est un travail extrêmement difficile auquel nous consacrons
un temps considérable, mais qui est nécessaire pour voir les
conditions dans lesquelles nous pouvons continuer à cheminer de conserve.
Sur le transparent suivant, on voit bien l'équivalence entre les lois
allemandes et les lois françaises, on voit bien l'équivalence
entre les ordonnances et les décrets arrêtés. En revanche,
entre les lettres co-signées par les deux ministres de l'Industrie et de
l'Environnement, l'arrêt fondamental de sûreté et les
documents allemands, les équivalences sont plus difficiles à
faire.
Nous avons actuellement des études d'ingénierie
détaillées pour savoir quelle est la machinerie administrative de
part et d'autre du Rhin. Ceci est fondamental pour permettre les progrès
que nous avons faits dans la compréhension réciproque de la
technique et de la sûreté, qui se traduisent par des
décisions harmonisées dans les domaines administratifs et
réglementaires.
Que pouvons-nous imaginer qu'il se passera en 1999 ?
On peut imaginer qu'en FRANCE, il soit proposé aux deux Ministres de
l'Industrie et de l'Environnement une lettre d'orientation sur l'îlot
nucléaire de l'EPR en même temps qu'une révision de
l'arrêt de 1974 sur les circuits primaires et secondaires principaux des
chaudières nucléaires à eau. On peut imaginer qu'en
ALLEMAGNE, il y ait publication des directives RSK pour les réacteurs du
futur et que la loi atomique allemande soit modifiée pour permettre un
"prelicencing".
Il faut savoir que la voie d'une autorisation en FRANCE passe par un rapport
préliminaire de sûreté et un décret d'autorisation,
et qu'en ALLEMAGNE, les autorisations sont délivrées par les
länder sous le contrôle du BMU.
Il ne faut pas perdre de vue que, lorsqu'on essaie d'imaginer quelles sont au
plus court les échéances, elles sont celles-ci : je ne crois
pas que l'engagement de la construction d'un EPR en FRANCE soit possible,
techniquement, avant 2003, pour une mise en service en 2009. Cependant, c'est
aux Pouvoirs Publics, aux électriciens concernés de
préciser ce point.
Il y a un point auquel je suis sensible, c'est que nous travaillons
actuellement sur des documents qui nous sont présentés par le
projet EPR. Si nous sommes conduits à approuver dans certaines
conditions ces documents, ce n'est pas un blanc seing pour dire que le projet
correspondant devra être conduit dans 50 ans, ce serait faire injure
aux progrès techniques ; dans mon esprit, il est clair que si nous
approuvons un projet EPR, c'est pour une mise en oeuvre qui ne soit pas trop
différée.
Si je prends un cas extrême, en 2050, à l'évidence,
l'approbation qui aurait été donnée en 1999 ne vaudrait
plus rien. Mon sentiment est que c'est quelques années après l'an
2000 que vaudrait l'approbation que j'aurais donnée.
Que reste-t-il à faire ?
- la poursuite de l'évaluation de sûreté de l'EPR
- la poursuite de quelque chose qui va au-delà. En effet, il est
évident que nous ne pouvons pas travailler pendant des années de
façon aussi étroite ensemble, entre des entités
françaises et allemandes, sur un tel projet sans qu'il naisse des
idées d'harmonisation allant au-delà du seul projet EPR.
Lorsque nous réécrivons la réglementation française
des appareils à pression pour les réacteurs nucléaires,
à l'évidence, nous associons les préoccupations et les
experts allemands, et réciproquement. Cela signifie qu'il se passe
quelque chose en termes de rapprochement des esprits, de façon de faire,
et peut-être, à terme, de rapprochement des organismes.
J'ajoute que ceci n'a de sens que si nous avons une vision européenne.
Nous nous attachons à tenir informés nos collègues
européens de ce que nous faisons. Nous l'avons déjà fait
une première fois à CHANTILLY en 1993, à BERLIN plus
récemment, et nous le ferons près de PARIS dans huit jours, dans
des termes permettant à nos collègues européens de
comprendre et de suivre ce que nous faisons.
L'idée est la suivante : l'intensité de l'effort qui est
fait pour bâtir un projet de réacteur du futur plus sûr peut
permettre que cela devienne une espèce de standard ou de
référence européenne, mais cela suppose que nous soyons
ouverts sur ce que nous faisons et prêts à discussion et à
contestation.
M. BIRRAUX
- Merci.
Pour donner un caractère un peu moins formel aux différentes
présentations, je demande s'il y a d'ores et déjà des
questions à poser soit à Monsieur LACOSTE, soit à Monsieur
HENNENHOFER, soit à Monsieur LECOCQ ou à Monsieur BOUTEILLE.
J'aimerais quant à moi poser une question. Est-ce que, dans cette
révision des textes de 1974, il a été inclus une
révision plus en profondeur du processus qui permet l'approbation d'un
rapport définitif de sûreté ? C'est-à-dire, en
d'autres termes, et pour faire d'une manière triviale, finalement, les
centrales nucléaires, c'est comme les casinos. On obtient l'autorisation
de jeu des casinos lorsqu'on construit le bâtiment et, pour les centrales
nucléaires, on obtient l'autorisation de fonctionner et l'approbation du
rapport définitif de sûreté lorsqu'on est à
prêt à démarrer et à fonctionner.
C'est quelque chose qui est difficile à expliquer et difficile à
faire passer dans l'opinion publique, puisqu'il est inimaginable que, lorsqu'on
a construit pendant six ans un établissement industriel, on puisse
refuser l'autorisation de fonctionner. Vous savez que j'ai proposé une
modification de ce système qui aboutirait à une dissociation de
l'autorisation de construire d'une autorisation valant pour l'approbation des
éléments de la sûreté, pour ne pas se trouver devant
le fait accompli.
Ces révisions vont-elles jusque-là, Monsieur LACOSTE ?
M. LACOSTE
- Non, Monsieur le Président.
Pour répondre à ce que vous souhaitez, c'est-à-dire pour
veiller à ce que les autorisations soient données en temps utile,
pour que ce soit parfaitement compréhensible et perceptible par la
population, nous n'avons pas besoin de changer les textes, mais seulement notre
façon de faire.
M. BIRRAUX
- Dans cette approche commune, les
appuis techniques ont été sollicités. J'ai envie de
demander à Monsieur QUENIART comment les appuis techniques ont appris
à travailler ensemble. Y a-t-il eu des travaux séparés et
ensuite une mise en commun ou êtes-vous passés rapidement à
des équipes communes qui discutent, qui échangent et qui
aboutissent à des avis et en raccourcissant en quelque sorte la
chaîne ?
M. QUENIART
, Directeur délégué de
l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire
(IPSN)
- Je voudrais revenir sur ce point car on sait que la
sûreté ayant été une responsabilité nationale
pendant longtemps, et encore maintenant, les centrales vivent leur vie dans un
contexte national, ce qui fait qu'aujourd'hui, celles qui sont en exploitation
en ALLEMAGNE poseraient des problèmes au cours d'une instruction de
sûreté française et réciproquement. Un des points
importants sur le projet EPR est donc d'aboutir à une harmonisation
franco-allemande des exigences de sûreté sans pour autant les
empiler.
Ceci suppose un travail en commun et ce travail en commun résulte d'une
longue tradition de discussions. Il ne faut pas oublier que les
autorités de sûreté françaises et allemandes ont
commencé à travailler ensemble dès le milieu des
années 70, essentiellement parce que la centrale de FESSENHEIM
était construite au bord du Rhin et que l'on construisait
également des centrales allemandes au bord du Rhin, proches de la
frontière française. Les discussions sur le plan technique en
fait ont commencé dès ce stade.
Nous avons appris à connaître les mérites des centrales
allemandes, leurs points forts et leurs points faibles, et je pense que,
réciproquement, les Allemands ont appris à connaître les
points forts et les points faibles des centrales françaises. Tout ceci
crée progressivement une culture commune où les arguments des uns
et des autres sont parfaitement connus.
Concernant IPSN et GRS, ils sont liés par un accord spécifique
depuis 1989, et dans ce cadre était envisagé un certain nombre de
travaux communs, à la fois sur des points concernant les centrales
existantes et l'examen de projets communs, sachant que le projet EPR n'est pas
le premier projet commun, c'est le premier projet porté par les
électriciens. SIEMENS, de son côté, et FRAMATOME, de
l'autre, avaient déjà essayé de faire des produits communs
et IPSN et GRS avaient dès cet instant été conduits
à les examiner. C'était encore dans un contexte où l'enjeu
n'était pas aussi clair que maintenant mais, d'ores et
déjà, il y eut des discussions et lorsque fin 1992, début
1993, il a été demandé à IPSN et GRS de proposer
des objectifs de sûreté communs, il y avait déjà eu
un certain nombre de contacts.
Cette harmonisation ne se fait pas non plus par des discussions sur des
exigences plus ou moins théoriques. Il est extrêmement important
qu'il y ait un projet industriel et, dans toutes les exigences définies
progressivement par la DFD pour le projet EPR, un certain dialogue a en fait eu
lieu sur le projet.
Les propositions du projet font l'objet d'un examen ; il y a des points
sur lesquels nous sommes d'accord et d'autres sur lesquels nous manifestons une
insatisfaction, ce qui aboutit à des modifications du projet. Le projet
revient avec de nouvelles propositions et ce sont celles-ci, lorsqu'elles sont
approuvées, qui font l'objet de conclusions. Il y a tout un
mécanisme qui assure que la responsabilité est bien du
côté du projet, en termes de dispositions pratiques, de même
qu'une véritable connaissance des problèmes par les
autorités de sûreté.
J'ajouterai quelques commentaires à la suite de la présentation
de Monsieur LACOSTE, pour dire quel était le raisonnement de l'IPSN et
du GRS au moment où ils ont défini les exigences de
sûreté communes, et quel était celui de GPR et RSK
lorsqu'ils ont défini leurs recommandations communes en 1993.
D'abord, il a été reconnu qu'une amélioration de la
sûreté était nécessaire ; cela figurait
déjà dans la lettre de la DSIN de 1991. Il y a plusieurs raisons
à cette nécessité d'améliorer la
sûreté, dont une est fondamentale. Elles sont les suivantes :
1) en matière de sûreté, on cherche toujours à
progresser.
C'est le sens de toute évolution industrielle technologique ; on
essaie d'améliorer les conditions de sécurité, mais ceci
ne justifierait pas le pas qui est fait avec le projet EPR.
2) ces installations, si l'on en croit les espérances du projet,
seraient encore en fonctionnement en 2070, 2080, soit 60 ans après
leur construction, ce qui suppose de retenir dès le départ des
objectifs ambitieux ; et surtout, après l'accident de TCHERNOBYL,
il y a eu une prise de conscience plus claire des conséquences
socio-économiques d'un accident, même d'une ampleur moins
importante que celle de TCHERNOBYL, compte tenu des contaminations qui en
résulteraient sur le terrain, d'où l'idée de traiter les
accidents graves à la conception, en cherchant ainsi à en limiter
les conséquences.
En premier lieu, il a été reconnu que, pour construire des
tranches aux échéances prévues, la seule voie
réaliste était la voie évolutionnaire. Il est apparu en
même temps possible de suivre cette voie et d'obtenir les progrès
souhaités tout d'abord grâce à l'expérience acquise,
aux études faites, qui permettent d'améliorer notamment la
défense en profondeur et de réduire les probabilités de
fusion de coeur ou de défaillance du confinement, mais aussi en tenant
compte de l'état de la recherche. Ceci est un point important, car
l'état de la recherche est celui qui nous permet de dire que, du fait
des objectifs ambitieux que l'on prend aujourd'hui dans le calendrier
prévu, des solutions devraient pouvoir être définies pour
permettre de répondre aux conditions imposées.
Cette recherche sur les accidents graves a été menée
depuis plus de vingt ans sur le plan international, et notamment en
FRANCE, à l'initiative du CNES. Tout n'est pas connu, il y a encore des
zones d'ombre, il y a des aspects du projet sur lesquels une arrivée est
nécessaire pour conclure, mais nous pensons que c'est possible dans le
calendrier.
M. BIRRAUX
- Permettez-moi ce petit commentaire en
disant que les "nucléaristes" reconnaissent les points forts et surtout
les points faibles de ce qui est en exploitation, de ce qui est en cours. Tout
à l'heure, on a parlé longuement du système
évolutionnaire, ceci n'est pas "évolutionnaire" mais
"révolutionnaire".
Mme SENE
, Président du Groupement des Scientifiques pour
l'Information sur le Nucléaire
- J'ai bien noté que
nous sommes dans un processus évolutionnaire et non
révolutionnaire, j'ai aussi noté que les textes sont
effectivement applicables de façon différente et permettent
certainement d'éviter la politique du fait accompli, ce qui n'a pas
toujours été le cas jusqu'à présent. Cependant, je
voudrais dire que, bien que les points essentiels des réacteurs soient
la sûreté, éviter l'accident, minimiser les rejets et
revoir les différents problèmes des aciers pour éviter
d'avoir des réacteurs qui ne dureront pas 60 ans, il
n'empêche que le réacteur s'insère dans tout un cycle et
que le problème des déchets n'a pas du tout été
pris en compte dans ce projet EPR.
En particulier, envisager le MOX signifie que l'on ne tient pas compte de la
formation des actinides et du plutonium, et donc que l'on n'utilise pas tout ce
qui est fait pour tenter de mettre au point des réacteurs qui produisent
moins d'actinides et de plutonium.
Dans ces conditions, je suis d'accord, vous êtes évolutionnaires,
mais est-ce que ce point sera néanmoins introduit avant de nous trouver
assis sur un monceau de déchets dont on ne saura que faire ?
M. ESTEVE
- Concernant EPR et la
pénétration d'EPR dans un futur parc d'EDF, nous nous sommes
déjà livrés à de nombreuses simulations, et ce en
attente des résultats des travaux menés dans le cadre de la loi
de décembre 1991, et donc des débats parlementaires de 2006, qui
nous guideront beaucoup plus sûrement pour tous les problèmes
d'aval du cycle et de stockage des déchets.
Nous nous sommes livrés à un certain nombre des simulations,
principalement à la continuité de la stratégie actuelle
d'EDF en matière d'aval du cycle, que je rappellerai rapidement :
- MOXAGE à 30 % des tranches CP1, CP2, c'est-à-dire des
900 mégawatts,
- égalité des flux, c'est-à-dire retraitement de
combustible UO2 de manière à recycler rapidement le plutonium
issu de ce retraitement,
- limitation du plutonium dans les verres issus de la vitrification, en
aval du retraitement,
- minimisation du volume des déchets utiles.
Nous avons imaginé que cette stratégie se poursuivrait jusqu'en
2015, sachant que c'est un scénario parmi d'autres, et qu'ensuite
apparaîtrait l'effet des réacteurs EPR.
Un des scénarios que nous avons étudiés est un EPR
moxé à taux faible, environ 15 %, ce qui permet de traiter
le MOX en transparence, c'est-à-dire que le MOX n'induit pas de
pénalité sur les performances du réacteur EPR. Nous avons
également envisagé la possibilité de mettre quelques EPR
moxés à 50 %. Ceci fait que, sur un scénario de
400 kilowattheures, on voit que les EPR peuvent être
optimisés pour du combustible UO2 jusqu'à environ 2021.
Après 2021, si on veut maintenir la politique actuelle de l'aval du
cycle, c'est-à-dire le retraitement en gros de 850 tonnes par an de
combustible, il faut moxer progressivement les EPR, donc à 15 %,
et, à partir de 2025, il faudrait peut-être un ou deux EPR
moxés à 50 %. D'où la possibilité de maintenir
la politique actuelle grâce à la pénétration des EPR.
Pour tous les problèmes d'aval du cycle et de cycle du combustible, il
faut se placer sur la durée ; nous avons poursuivi nos
études jusqu'en 2070, c'est-à-dire que nous avons essayé
de couvrir un siècle de nucléaire. L'apparition d'un nombre accru
d'EPR permet, si nous le souhaitons - mais ce sont les choix issus des
orientations des débats parlementaires de 2006 qui nous le
diront -, d'adapter notre stratégie en cherchant à
réduire le nombre de combustibles et la quantité de combustible
UO2 en entreposage jusqu'à un niveau très faible. Cela signifie
que nous concentrions le plutonium dans des éléments MOX
irradiés qui seraient entreposés en attendant les orientations
résultant des besoins énergétiques aux alentours de 2030,
2040.
Tout cela montre qu'EPR semble être un réacteur robuste qui nous
permet de garder toute la flexibilité, toutes les souplesses
nécessaires pour traiter les problèmes d'aval du cycle.
M. BIRRAUX
- Je comprends bien, Monsieur ESTEVE,
mais il y avait autre chose dans la question de Madame SENE et, sur ce point,
nous n'avons pas de réponse. On peut peut-être se tourner du
côté d'IPSN, du CEA ou de FRAMATOME. Est-ce qu'un scénario
de coeur entièrement nouveau qui prendrait en charge votre
préoccupation première, la réduction des déchets, a
été prévu ? Comment peut-on minimiser la production
de plutonium ou de produits de fission ou avoir des produits
différents ?
Est-ce qu'un coeur complètement différent a été
examiné, envisagé, étudié ? Si non, pour
quelle raison ?
M. BARRE,
Directeur des Réacteurs nucléaires au
Commissariat à l'Energie Atomique
- En quelques mots,
concernant la minimisation des produits de fission, c'est un peu sans espoir
parce qu'à un mégawatt donné, vous avez un nombre de
fissions donné et, à une fission donnée, vous avez
pratiquement la même production de produits de fission.
Concernant la réduction de production de plutonium, celle-ci n'est pas
liée irréversiblement à une puissance donnée, mais
à la présence à la fois de neutrons et d'uranium 238. Si
c'est le plutonium qui est la cible précise, les voies à long
terme sont dans les combustibles sans uranium 238. A l'échéance
dont nous parlons, d'un déploiement possible des EPR, il ne me
paraît pas réaliste d'envisager, au début de leur vie,
autre chose que les combustibles qu'on connaît aujourd'hui,
c'est-à-dire un uranium légèrement enrichi ou un
mélange d'uranium et de plutonium qu'on appelle MOX.
Cela étant, si ce sont des réacteurs destinés à
vivre 60 ans, cela signifie que le parc lui-même vivra
80 ans ; il ne faut pas préjuger de l'évolution
possible des combustibles dont on sait qu'ils sont renouvelés tous les
ans ou tous les deux ans, et qui donc sont susceptibles d'améliorations,
voire d'évolutions assez considérables, sans pour autant changer
de réacteur.
M. BIRRAUX
- J'ai une question
complémentaire : est-ce que les hauts taux de combustion
envisagés ont conduit à des travaux de R&D spécifiques
ou est-ce que la connaissance que vous en aviez était suffisante ?
M. BARRE
- Les hauts taux de combustion vont
continuer à demander un fond de R&D spécifique, mais pas
spécifique d'EPR. Si on les obtient pour EPR, ce sera aussi bien
utilisable sur les N4 que sur les 1 300. L'avantage de l'approche
évolutionnaire est que les aspects combustibles et cycles sont un peu
découplés, et tout ce qu'il sera possible d'améliorer sera
applicable à l'ensemble du parc existant et aux EPR.
M. FRESLON
, Directeur des Réalisations nucléaires
de FRAMATOME
- Concernant les hauts taux de combustion,
l'approche évolutionnaire permet de bénéficier de la
R&D qui est faite pour l'amélioration des combustibles dans les
réacteurs existants, et l'atteinte des 60 gigawattjour par tonne,
qui a été affichée comme objectif, suppose qu'on a en
cours un certain nombre de programmes de R&D, essentiellement pour
améliorer les matériaux de gainage et de structures des
assemblages, qui sont les principales améliorations nécessaires
pour atteindre ce haut taux de combustion. A cette fin, il y aura des
assemblages de combustibles avec des nouveaux matériaux de gainage, des
nouvelles conceptions de la grille et des structures de l'assemblage qui seront
mises dans le réacteur du parc EDF au cours et à la fin de
l'année 1998.
M. LAPONCHE
- Si mes souvenirs sont exacts, les
réacteurs comme ceux à eau lourde et à uranium naturel
avaient la propriété d'avoir des grands taux d'irradiation avec
une diminution très forte des matières fissiles. Je pense que la
réponse de Monsieur BARRE n'est pas tout à fait complète.
Est-ce que le fait qu'il faudrait avoir des combustibles irradiés les
moins chargés possibles en uranium 235, et surtout en plutonium,
n'impliquerait pas une attitude de recherche un peu plus approfondie pour
présenter des alternatives, l'une étant les réacteurs
à eau ordinaire et uranium enrichi... amélioré,
évolutionnaire, l'autre étant de réfléchir à
des combustibles conçus pour qu'à la sortie du réacteur,
le taux de plutonium soit extrêmement faible, étant donné
que les dix ou quinze dernières années, nous ont montré
que l'examen de l'évolution du combustible était quelque chose de
plus important que ce qu'on pensait au début.
Ceci reposerait la question du type de combustible et, d'une certaine
façon, du type de réacteur.
La réponse de Monsieur BARRE est incomplète parce qu'il est vrai
qu'ayant fait un EPR qui fonctionne 60 ans, on peut changer le type de
combustible, mais on ne peut pas le changer de façon radicale.
D'où ma question : qu'ont donné les études du CEA sur
des réacteurs qui prendraient comme point de départ le cycle du
combustible le plus simple, ce qui n'est pas le cas des réacteurs
à eau ?
M. BARRE
- Je ne suis pas sûr de savoir
quelle est la définition du "cycle du combustible le plus simple". Ce
qui est sûr est que, plus on pousse le taux de combustion, plus on
brûle sur place le plutonium que, par ailleurs, on a produit, ou
l'uranium 233 qu'on aurait produit si l'on était parti sur un cycle
à thorium. Il n'y a pas énormément de matières
fertiles possibles, c'est l'uranium ou le thorium. Dans tous les cas de figure,
il est vrai que plus on est capable de faire durer le combustible à
l'intérieur du réacteur, plus on brûle la matière
fissile qu'on a produite sur place tout au cours de l'irradiation par
conversion des matières fertiles.
A l'heure actuelle, dans la technologie des réacteurs à eau, il
est clair que ce qui limite le plus le maximum d'épuisement possible
d'un combustible donné, c'est la tenue des gainages et, plus
précisément, la tenue des gainages au cas où ceux-ci
seraient soumis à un certain nombre de transitoires hypothétiques
accidentels. Ceci parce que le matériau lui-même s'affaiblit
progressivement, à la fois par irradiation et par corrosion. La
corrosion elle-même présente des aspects d'oxydation et
d'hydruration et par ailleurs, petit à petit, la pression interne
augmente sous le dégagement des gaz de fission. En plus, la
dégradation de la céramique elle-même peut amener celle-ci
à entrer en interaction avec la gaine.
L'ensemble de tous ces phénomènes de vieillissement limite
actuellement le taux maximum d'irradiation. On pourrait toujours partir de
matières un peu plus enrichies et faire une meilleure extraction globale
de l'énergie contenue dans le combustible, même au prix d'un
certain nombre d'empoisonnements consommables.
M. FRESLON
- Monsieur le Président, si vous
le permettez, bien que ce ne soit pas l'objet du débat aujourd'hui, je
ne voudrais pas tourner la page de ce débat sur l'utilisation du
plutonium à long terme ; on en parle depuis plusieurs dizaines
d'années sans mentionner les vertus du surgénérateur, dont
nous pensons que c'est une option qu'il serait sage de laisser ouverte pour le
long terme.
M. BIRRAUX
- C'est un autre débat, vous me
permettrez de m'en tenir strictement au débat sur l'EPR, sachant que
nous engagerons peut-être un jour le débat que vous évoquez.
Bien qu'on ait eu des présentations qui soient communes,
c'est-à-dire avec l'accord des parties françaises et allemandes,
NPI, FRAMATOME, SIEMENS, EDF, les électriciens, les autorités de
sûreté, j'aimerais néanmoins demander à Monsieur
BURKLE et ensuite au Docteur FABIAN quelle a été leur
démarche. Comment se situent-ils dans cette démarche
commune ? En effet, nous étions partis dans un accord
FRAMATOME/SIEMENS pour un produit commun destiné à l'exportation,
et l'on est passé du produit commun au produit unique.
Comment réagissez-vous à cette affirmation, Messieurs ?
M. BURKLE
, Directeur général de
SIEMENS
- Je vous remercie d'abord de m'offrir l'occasion de
prendre la parole devant le Parlement français. Ce n'est pas là
une procédure de routine. En ALLEMAGNE, ces auditions existent, bien
sûr, mais elles sont relativement routinières et il est
exceptionnel que des intervenants étrangers puissent s'exprimer lors de
telles auditions. Je vous en remercie donc chaleureusement.
D'ailleurs, le fait que cette possibilité existe est très
importante puisque notre projet est commun. FRAMATOME et SIEMENS, en 1989, ont
décidé d'un commun accord de créer NPI, filiale à
parité de ces deux sociétés, qui a son siège
à PARIS. Lorsqu'elles ont décidé de faire de la recherche
en commun, cela a constitué à l'époque un pas
considérable.
A l'époque, en effet, il n'était pas habituel que de gros
producteurs se mettent ensemble pour travailler et faire de la recherche, et il
était encore moins évident d'institutionnaliser le processus.
Bien sûr, chacun a regardé ce que faisait l'autre et a
examiné tout cela d'un oeil très critique, l'avis étant
bien sûr, comme dans tous ces genres de processus, que le produit que
l'on a soi-même est meilleur que celui du partenaire. C'est ainsi que
cela se passe, en général, dans n'importe quelle
coopération, et notre début de coopération a
été aussi difficile qu'elle peut l'être ailleurs.
L'idée était donc de créer un produit commun qui serait
évolutionnaire, qui puisse représenter un développement
ultérieur approfondi des solutions techniques adoptées
jusque-là. Bien sûr, on aurait pu décider de faire quelque
chose non pas d'évolutionnaire mais de révolutionnaire,
c'est-à-dire de faire quelque chose de nouveau et de laisser tomber tout
ce qui avait été fait jusqu'à présent. A la limite,
cela aurait été plus simple. Cependant, nous n'avons pas choisi
cette voie mais pris la voie évolutionnaire, c'est-à-dire que
nous avons décidé que chacun ferait l'apport de ses connaissances
et de ses expériences accumulées.
Bien sûr, lorsqu'on fait quelque chose, il est difficile de faire
abstraction de l'expérience qu'on a accumulée ; il est donc
clair que l'on fait profiter le projet et les autres de son expérience.
Les caractéristiques de ce projet constituent-elles un bon point de
départ ?
Dans un premier temps, la méfiance ou la défiance était de
règle, c'était en 1989, je vous le rappelle, et il a fallu un peu
de temps pour arriver à un véritable état de confiance
mutuelle. Notre coopération, aujourd'hui, est fondamentalement
différente de ce qu'elle était en 1989.
Lorsqu'une proposition est avancée, on ne demande plus, avant tout autre
chose, s'il s'agit d'un projet ou d'une idée française ou
allemande, mais on étudie ce projet et l'on essaie de voir quels en sont
les avantages et les inconvénients. On l'examine, on l'analyse en posant
des questions très précises et, pas à pas, on en arrive
à un développement commun. C'est la coopération à
laquelle nous sommes arrivés depuis 1989 ; à la limite, on
aurait pu aller plus vite si l'on avait procédé de façon
séparée, mais je crois que le caractère particulier de
notre projet est que l'on franchisse les particularismes régionaux et
nationaux et que l'on arrive à conférer au projet un dynamisme
dont on ne peut qu'espérer que, l'année prochaine, il nous
permettra de dégager des résultats des travaux entrepris
jusqu'à présent, et donc de passer à la réalisation
de ce projet. Ce serait en quelque sorte le couronnement de notre
coopération.
Ceci est la première perspective de nos travaux. La deuxième est
la suivante : le développement du réacteur et les travaux
qui l'ont entouré nous ont permis d'en arriver à un point
où nous pouvons considérer que nous sommes véritablement
des pionniers, nous sommes en avance par rapport au reste du monde. Nous avons
accompli un progrès considérable en matière de technique
de sûreté de base, à savoir la maîtrise des accidents
et la façon de les prévenir. Nous avons réussi à
accomplir des progrès énormes, mais nous avons aussi pris en
considération la probabilité des accidents graves et nous avons
prévu des mesures préventives pour les éviter et, s'ils se
produisent, de les contrôler. C'est là quelque chose de tout
à fait unique au monde, pour l'instant.
Dans ces deux domaines, la maîtrise de ces accidents et la maîtrise
des accidents graves, nous allons très au-delà de ce qui existe
dans le monde actuellement. Cela montre bien le caractère unique de
notre projet. Nous avons développé un produit, un matériau
robuste dont nous pensons, d'ailleurs, que ses caractéristiques
d'exploitation sont excellentes et FRAMATOME et SIEMENS, par le biais de NPI,
lors de leurs travaux de développement, ont été finalement
très fiers de voir les électriciens, donc les exploitants,
être gagnés peu à peu par la confiance et adhérer au
fur et à mesure à ce projet.
Autrement dit, ce projet est devenu un projet entre quatre partenaires, les
électriciens français et allemands d'un côté et les
industriels de SIEMENS et FRAMATOME de l'autre. Dans un premier temps, je m'en
tiendrai à cela.
M. BIRRAUX
- S'agissant de l'adhésion des
électriciens, en FRANCE c'est relativement simple puisqu'il y a une
seule compagnie d'électricité ; en ALLEMAGNE, en revanche,
étant beaucoup plus nombreux, comment avez-vous réussi à
vous regrouper et à adhérer collectivement à ce
projet ?
Dr FABIAN
, Président de Preussen
Elektra
- Je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir
donné l'occasion aujourd'hui de participer à cette audition
devant le Parlement français. Je ne vais pas répéter ce
qui a été dit sur le contenu par Monsieur BURKLE, mais je vais
vous dire ce qu'il en est de la situation, du côté de l'exploitant
allemand.
Aujourd'hui, nous avons 9 grosses entreprises qui font fonctionner nos
centrales nucléaires. 36 % de notre électricité est
d'origine nucléaire. Il y a dix ans de cela, notre dernière
centrale est entrée en phase d'exploitation et nous nous sommes
posé la question de savoir à quoi pourrait ressembler notre
approvisionnement ou notre fourniture électrique pour les années
à venir.
Je crois qu'il était important, pour nous, de savoir que le
nucléaire continuerait de revêtir une grande importance parce que
les autres sources d'énergie ne sont pas forcément aussi fiables,
et que le nucléaire est également une source d'énergie
promise au succès.
Quels moyens faudra-t-il mettre en oeuvre pour le succès de cette
nouvelle génération de centrales ?
Les moyens et le point de départ technique sont les deux
considérations sur lesquelles nous nous sommes fondés dans notre
réflexion et, finalement, cela s'est passé assez simplement. Nous
nous étions fixés comme objectif de rallier l'ensemble des
exploitants de centrales nucléaires à cette cause ;
l'objectif était de maintenir la capacité de faire fonctionner
des centrales nucléaires et également de prévoir la
possibilité d'en construire de nouvelles, si le besoin s'en ressentait.
Autrement dit, nous voulions pour nos ingénieurs et les
ingénieurs de nos producteurs, c'est-à-dire de nos centrales
nucléaires, sauvegarder le "know how" permettant de maintenir en
fonctionnement les centrales allemandes et d'en construire de nouvelles, si
cela s'avérait nécessaire.
C'était l'objectif et, tout comme les industriels et notre partenaire
EDF, nous souhaitions adopter une approche évolutionnaire parce que nous
sommes d'avis que les meilleurs progrès technologiques reposent, en
règle générale, sur les techniques existantes.
Si nous prenons en compte l'ensemble du domaine de l'automobile depuis une
centaine d'années environ, le développement de l'automobile s'est
poursuivi non par le biais d'approche révolutionnaire mais par le biais
d'approche évolutionnaire. Avec la FRANCE, nous faisons fonctionner plus
de 70 centrales nucléaires, et l'expérience dont nous
disposons est tout à fait considérable. De ce fait, notre
coopération s'est avérée très enrichissante
grâce, justement, à la mise en commun de ces expériences
pour le développement d'un concept en vue d'un nouvel îlot
nucléaire.
Nous voulions, bien sûr, encore améliorer les normes de
sûreté ainsi que les facilités d'exploitation et de
maintenance. Le troisième objectif était pour nous de prendre en
considération l'éventualité d'une fusion du coeur et de se
pencher plus particulièrement sur la phase de conception, de
façon à minimiser les risques internes et externes. Ceci
était un élément de réflexion très important
dans le cadre du projet EPR.
Nous voulions également augmenter la rentabilité, et ceci par la
facilité d'exploitation et de maintenance, par l'amélioration de
la radioprotection, par l'amélioration du taux de disponibilité
et par l'utilisation de diverses techniques ayant fait leurs preuves ces dix
dernières années, par exemple l'utilisation de techniques
éprouvées.
Les exigences en matière de sécurité ont joué un
rôle très important pour nous. Nous avons essayé de voir
quelles étaient nos exigences de base en matière de
sûreté en FRANCE et en ALLEMAGNE, celles-ci n'étaient pas
forcément redondantes, et nous avons fait une analyse sur une base de
probabilité dans le but de parvenir à un niveau uniforme,
harmonisé de sécurité.
Cette coopération s'est déroulée d'une façon
très positive au cours de ces dernières années. Elle nous
a permis de savoir pourquoi le partenariat prenait ou non telle ou telle
décision en matière de sécurité. Je crois que ce
panel d'expériences de part et d'autre, et sa mise en commun, nous a
permis d'enrichir notre collaboration, notre coopération, et que cela
continue d'être absolument nécessaire.
Cette année, nous avons l'intention de mener à bien les travaux
de conception et ceux sur la rentabilité de cette installation. Nous
souhaitons également améliorer les aspects techniques et
économiques et mettre à profit le temps qui nous reste
jusqu'à la fin de l'année pour voir ce qu'il en est des instances
et autorités de sûreté, et obtenir de celles-ci un avis
positif sur notre concept. L'année prochaine, il s'agira de voir comment
poursuivre nos travaux, mais nous attendons de ce programme EPR, comparé
à d'autres programmes alternatifs, qu'il soit véritablement
évolutif.
M. BIRRAUX
- Docteur FABIAN, pouvez-vous
rappeler quel est l'investissement consenti par les électriciens
allemands pour le soutien de ce projet ?
Dr FABIAN
- La Société SIEMENS et
nous-mêmes aurons d'ici la fin de l'année dépensé
220 millions de DM, et cela devrait nous amener au total à
400 millions de DM.
M. COUSIN
, Directeur de l'Equipement
d'EDF
- Après avoir écouté Messieurs BURKLE
et FABIAN, je voudrais dire que je partage totalement leur présentation
d'ensemble du processus. J'ai le privilège de présider avec le
Docteur FABIAN le Comité Directeur du projet EPR ; nous travaillons
ensemble depuis près de 8 ans et nous partageons tout ce qui a
été dit sur la philosophie du projet.
Un mot pour dire qu'à notre avis, il n'était pas évident
que ce processus se déroule ainsi il y a quelques années. Les
équipes allemandes et françaises ont travaillé sur des
technologies parallèles mais avec parfois des choix techniques
différents, et les choses se sont effectivement passées ainsi. Je
crois que la présentation technique a permis de voir qu'il s'agissait
d'un projet bien né à la fois sur le plan de la philosophie
industrielle, de la philosophie de sûreté et sur le plan de son
potentiel économique.
M. BIRRAUX
- Pouvez-vous dire combien vous mettez au pot
commun ?
M. COUSIN
- Le principe est le suivant : on
partage 50/50 entre partenaires allemand et français. Nous avons avec
FRAMATOME une clé de répartition puisque EDF prend en charge deux
tiers du montant de l'investissement études au sens strict, FRAMATOME un
tiers, plus une part propre d'EDF, de ses propres développements,
puisque EDF est exploitant mais participe également à la
conception et l'ingénierie. Nous sommes sur un ordre de grandeur de
1 milliard de Francs plus une certaine enveloppe pour l'ensemble du projet.
M. BIRRAUX
- J'aurais d'autres questions sur la
stratégie un peu plus tard à poser au Docteur FABIAN et à
Monsieur BURKLE, mais j'ai des questions également qui m'arrivent, par
écrit, sur le plan technique.
Quelles sont les améliorations qui permettent de passer de 40 ans
de durée de vie - non encore atteinte aujourd'hui - à
60 ans pour la durée de vie de l'EPR ?
M. BOUTEILLE
- Cette augmentation de la
durée de vie concerne principalement, sur le plan technique, les
structures non remplaçables, donc essentiellement la cuve du
réacteur. Un certain nombre de dispositions a été pris sur
le projet EPR par rapport au projet antérieur pour, en particulier,
réduire le niveau d'irradiation vu par la cuve pendant la
totalité de sa durée de vie. Il y a par exemple une augmentation
de la lame d'eau qui sépare les assemblages de combustibles
périphériques de la paroi de la cuve, ce qui permet de
réduire globalement la sollicitation vue par la cuve pendant les
60 ans, à comparer aux 40 ans qui étaient autrefois la
référence pour la durée de vie des installations de ce
type.
Les structures de génie civil sont également non
remplaçables. On ne peut pas dire qu'il y ait d'évolution
technique au sens strict pour passer d'une durée de vie de 40 ans
à 60 ans mais, sur ce point, il n'y a pas de souci particulier.
L'ensemble des autres composants est conçu pour supporter les
sollicitations de la durée de vie mais, pour ces composants, le
problème se présente un peu différemment puisqu'ils sont
remplaçables. Des dispositions constructives sont donc prises pour
faciliter les opérations de remplacement, qui ne sont d'ailleurs pas des
opérations exceptionnelles, par exemple pour des
générateurs de vapeur, mais qui sont prises à la
conception pour que ces points ne posent pas de problèmes particuliers.
M. BIRRAUX
- J'ai une autre question.
L'augmentation de puissance de 900 à 1 300 mégawatts ne
s'est pas traduite par une diminution des coûts. Alors, pourquoi l'EPR
recherche-t-il une augmentation de puissance à
1 700 mégawatts, sachant de plus que cette augmentation de la
puissance volumique et de la quantité de zircaloy, donc de production
d'hydrogène en cas d'accident grave, peut être contradictoire avec
la sûreté ?
M. BOUTEILLE
- D'abord, le passage du palier
900 mégawatts au palier 1 300 mégawatts n'est pas
tout à fait comparable à la situation que nous connaissons
aujourd'hui. En effet, entre les deux types de réacteurs 900 et
1 300, il y a une modification de conception importante (nombre de
boucles, architecture des systèmes), les deux types de conception
étaient assez différents. Il n'y a donc pas eu un effet de
réduction de l'investissement spécifique aussi important que ce
qui avait été imaginé.
Pour l'EPR, nous sommes dans une situation un peu différente. Nous avons
une augmentation de puissance qui est envisagée et
réalisée sur un système qui reste à architecture
constante, et un certain nombre de composants principaux n'est pas
modifié au cours de cette augmentation de puissance. En particulier, la
cuve du réacteur et la taille du coeur ne sont pas modifiées.
Si nous pouvons augmenter de façon sensible la puissance, ceci est
lié essentiellement au fait que, dans la définition du concept,
on avait pris des marges très importantes sur le fonctionnement du
coeur. Les études qui avaient été faites au cours de la
phase d'avant-projet détaillé ont montré que ces marges
étaient très significatives et permettaient d'augmenter la
puissance sans modification de la taille du coeur. Il n'y a donc pas
d'augmentation de l'inventaire en zircaloy, les seuls composants qu'il faut
légèrement augmenter sont les générateurs de vapeur
et les pompes primaires, mais dans une gamme relativement restreinte.
M. LECOCQ
- J'apporte un complément :
lorsqu'on parle d'augmentation de puissance, on ne parle pas que du coeur, il y
a tout le reste dans la centrale, sachant que l'ensemble a pour objet de
produire de l'électricité ; il y a donc un groupe turbo
alternateur quelque part. Ce qui fixe le niveau de puissance d'une centrale
vient d'ailleurs plus de l'aval que du coeur lui-même. Ce qui a
fixé la puissance de 1 450 mégawatts pour N4 a
été ce qu'on était capable de sortir de l'alternateur et
non ce qu'on était capable de faire dans le coeur.
En passant de N4 à EPR, nous restons avec des puissances identiques, il
n'y a pas d'évolution fondamentale, ce sont les mêmes puissances
linéiques sur le combustible dans N4 que dans EPR. L'innovation vient du
fait qu'on met 240 assemblages au lieu de 205. La contrainte, pour le
1 300, est qu'on ne disposait pas d'alternateur d'une puissance
supérieure capable d'évacuer en un seul turbo alternateur
l'énergie produite dans la centrale. Je le répète, ce qui
généralement fixe la puissance de la centrale est l'aval, et non
le coeur.
Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, je rappelle qu'avec N4,
nous avons fait un pas extraordinaire au niveau du groupe turbo alternateur.
C'est la première fois que nous avons, avec GEC ALSTHOM, un groupe
turbo alternateur de 1 450 mégawatts ; c'est une
première mondiale. De ce point de vue, avec les marges qui sont
contenues, nous n'avons pas détecté de limite industrielle
à la conception d'une salle des machines pouvant aller jusqu'à
1 750 mégawatts simplement par légère
extrapolation de la turbine qui équipe aujourd'hui le N4.
M. BIRRAUX
- Etes-vous sûr que les turbos
alternateurs existent, que vous n'aurez pas de problème pour gagner
encore 220 mégawatts supplémentaires par rapport au dernier
N4 ? Est-on dans les marges ou est-on à la limite ?
M. BOUTEILLE
- On n'est pas à la limite des
capacités de dessin des machines ; peut-être, d'ailleurs, que
Monsieur BURKLE pourra apporter un complément de réponse à
cela.
M. BIRRAUX
- Ce ne sont pas seulement les dessins
qui importent ; après, il faut que cela tourne.
M. BOUTEILLE
- Les limites sont les limites de
l'outil industriel de réalisation ; nous cherchons à ne pas
dépasser les capacités industrielles de réalisation, nous
ne voulons pas atteindre des dimensions qui nécessiteraient des
investissements industriels trop importants chez nos fournisseurs et qui nous
pénaliseraient. Ceci intervient très fortement dans l'analyse de
compétitivité du produit.
Quant au mode de réalisation à proprement parler, nous avons ici
un fournisseur de turbo machines ; on peut peut-être profiter de la
présence de Monsieur BURKLE pour qu'il apporte son point de vue sur ce
sujet.
M. BIRRAUX
- Avant de donner la parole à
Monsieur LACOSTE, qui l'a demandée, qu'allez-vous gagner de plus, hormis
le fait que vous allez produire plus d'électricité ?
M. BOUTEILLE
- En fait, la réponse n'est
pas limitée à la puissance. Pour gagner en
compétitivité, on a beaucoup à gagner sur des
intérêts intercalaires, ceci est un point important, et donc nous
jouons beaucoup sur les délais de réalisation. Je rappelle
qu'aujourd'hui, une tranche comme N4 a un planning de réalisation entre
72 et 84 mois, suivant la tranche considérée. Nos objectifs, dans
EPR, sont d'atteindre des délais de réalisation compris entre 57
et 60 mois.
Ce qui compte n'est pas uniquement le coût d'investissement mais aussi
tout ce qui vient se greffer dessus, à savoir les intérêts
intercalaires, les coûts de production. Avec la conception de la centrale
en quatre trains, nous pouvons aller vers des conditions de maintenance en
exploitation sans avoir à arrêter la centrale. L'augmentation de
puissance n'est qu'une contribution aux gains économiques.
M. BIRRAUX
- Avez-vous pris en compte une notion
qui est celle de la maintenance prédictive, une maintenance "on line",
comme ont su le faire les Finlandais qui obtiennent des taux de
disponibilité exceptionnels en exploitant un VVER
soviétique ?
M. BOUTEILLE
- C'est toute la question de votre
programme, je pense, concernant la prise en compte du retour
d'expérience d'exploitation à la conception. Nous avons mis en
place une organisation pour prendre en compte ce retour d'expérience
d'exploitation des tranches actuelles, tant françaises qu'allemandes, et
nous avons développé un grand projet "CIDEM" (Conception
Intégrant la Disponibilité, le retour d'Expérience et la
Maintenance).
Ce projet a quatre thèmes d'études fondamentaux :
- la maîtrise et la disponibilité fortuite, la maîtrise
et l'indisponibilité programmée,
- la dosimétrie,
- la maintenance préventive,
- le soutien logistique et les coûts associés.
Une première étape dans ce projet consiste, avec nos
collègues, à analyser de façon détaillée le
retour d'expérience des tranches 1 300 mégawatts
françaises et allemandes.
La seconde étape, qui est engagée aujourd'hui, vise à
préparer, en collaboration avec les centres d'ingénierie qui
conçoivent la tranche, la méthodologie-étude et les outils
associés qui permettront l'intégration de ces études
"CIDEM" dans le processus général de conception.
Quels sont les apports aujourd'hui de ce retour d'expérience ?
Concernant les tranches françaises, on distingue trois principaux
apports :
- une analyse complète du comportement des matériels, de
leur performance, a permis de mettre en évidence les principaux
contributeurs à la disponibilité fortuite, et donc nous a permis
d'orienter les études de fiabilité et de maintien de ces
composants ;
- une connaissance détaillée des durées d'arrêt
pour rechargement a permis de réorienter la conception du système
ou de l'installation générale. L'arrêt d'une tranche peut
être considérée comme une situation normale de
fonctionnement, et il y a beaucoup à gagner sur les durées
d'arrêt des tranches ;
- la connaissance de la dosimétrie collective sur les chantiers de
maintenance, en particulier sur les chantiers critiques, grâce aux
résultats des examens qu'on connaissait dans le cadre du projet ALARA,
nous a permis de mettre en oeuvre un certain nombre de développements en
termes de robotisation et de prévision d'installation.
Ceci est le retour d'expérience fondamental des tranches
françaises. Le retour d'expérience qui nous vient des tranches
allemandes, par l'intermédiaire de nos collègues
électriciens, est également riche d'enseignement, en particulier
dans le domaine des indisponibilités programmées, où ces
centrales obtiennent d'excellents résultats. En particulier,
l'architecture en quatre trains des systèmes de sauvegarde apporte une
souplesse dans l'organisation des travaux de maintenance et permet d'en faire
une bonne partie en temps masqué.
Par ailleurs, nous avons beaucoup appris des électriciens allemands et
des concepteurs sur la procédure d'arrêt avec maintien en
diphasique des circuits primaires, d'où un gain de temps et un retour
d'expérience fort.
Enfin, un certain nombre de retours d'expérience nous vient des
conditions d'accessibilité de l'enceinte tranches en puissance.
Aujourd'hui, l'exploitation de ce retour d'expérience
français/allemand, dans le cadre de ce projet "CIDEM", nous permet
d'envisager une meilleure disponibilité des tranches, à l'avenir.
Par ailleurs, nous cherchons à avoir des campagnes longues. Aujourd'hui,
la plus grande partie du parc français est à rechargement
annuel ; notre objectif, dans EPR, est de viser des campagnes de
24 mois.
M. BIRRAUX
- J'ai une question à poser
à Monsieur LACOSTE. Comment, dans votre processus interactif
franco-allemand, avez-vous réussi à ne pas empiler des
considérations de sûreté qui paraissaient bonnes en FRANCE
et en ALLEMAGNE pour ne pas alourdir les coûts ?
M. LACOSTE
- Je vais intervenir sur les points qui
ont été évoqués, à savoir ce que j'appelais
tout à l'heure la phase d'optimisation technique. Il me paraît
normal que les constructeurs électriciens, à ce stade-ci, se
demandent s'ils sont capables d'améliorer la puissance du projet et de
diminuer les coûts d'investissement et d'exploitation. Cela me
paraît normal et sain parce que, pour une autorité de
sûreté, il est préférable d'avoir en face de soi des
industriels responsables, compétents et, si possible, prospères.
Ce souci me paraît donc bienvenu.
Il nous appartiendra, en particulier à nous, à la fin de
l'année ou au début de l'année prochaine, de
vérifier que ces études d'optimisation ne mettent pas en cause
les objectifs et la règle de sûreté que nous avons
fixés. Il y aura un retour à la fin de l'année ou au
début de l'année prochaine. C'est un point sur lequel je
souhaitais intervenir.
Le deuxième point que vous avez évoqué consiste à
savoir comment éviter l'empilement des mesures. Le problème se
pose sur le plan technique et sur le plan réglementaire. On ne peut y
arriver qu'en s'imposant une logique claire et appliquée aussi
strictement que possible, qui est de se demander pourquoi on fait ou
préconise quelque chose, et de se demander si ce qu'on fait ou
préconise vient du fait que c'est bien, ou meilleur, ou simplement qu'on
a l'habitude de le préconiser. C'est une gymnastique redoutable.
Jusqu'à présent, nous avons à peu près
réussi à le faire et cela nous a permis, sauf cas particuliers,
d'éviter l'empilement des mesures.
Là où l'on voit bien que le système atteint ses limites,
c'est sur des sujets où des considérations non techniques sont
prédominantes. Par exemple, nous avons beaucoup de mal à
progresser sur les mesures à prendre pour résister aux agressions
externes, aux chutes d'avions... A l'évidence, dans chacun des pays, il
y a des habitudes, qui ne sont pas du fait des autorités de
sûreté mais du fait d'autorités ressemblant peu ou prou au
Ministère de l'Intérieur, sur lesquelles il est difficile
d'appliquer strictement le mode de raisonnement que nous avons l'habitude
d'appliquer en matière nucléaire, et j'ignore comment on
évite soit l'empilement, soit la dissociation, mais cela existe.
M. QUENIART
- Je voudrais donner un exemple
pratique de ce problème franco-allemand que l'on rencontre ; il
faut effectivement chercher à ne pas empiler les contraintes. Sur le
système d'injection de sécurité, qui est celui permettant
de refroidir le coeur en cas de brèche, la première solution
proposée par le projet était une solution de type allemand qui ne
posait pas, sur les principes, de problèmes fondamentaux aux
Français. Cependant, pour des raisons de coûts de
développement, de recherche associée, il a été
jugé préférable de revenir à une solution de type
français.
Ceci a posé un problème à nos amis allemands, qui ont
dû mener une instruction pour comprendre comment et pourquoi, dans leur
pays, ils pouvaient accepter cette nouvelle solution.
Cela n'a l'air de rien mais a demandé entre un an et dix-huit mois
d'instruction, le temps que les organismes, le groupe-projet GRS, fassent
divers calculs pour examiner la nouvelle proposition du projet. Il faut savoir
que, parallèlement, nous avons fait notre analyse de la proposition du
projet, mais celle-ci était plus conforme à notre pratique.
Je pense que nous déboucherons prochainement à un accord.
La séance, suspendue à 11 h 15, est reprise
à 11 h 35.
M. BIRRAUX
- Avant de donner la parole à
Monsieur MANDIL sur la stratégie énergétique vue par la
DGEMP, qui permettra de terminer la matinée et d'introduire un peu le
débat de cet après-midi, où nous aurons le
Président d'EDF qui ouvrira la séance, peut-on avoir quelques
compléments d'informations sur les accidents graves puisque le CEA a
mené des recherches relativement importantes dans ce domaine ?
M. BARRE
- Je vais dire quelques mots avant de
laisser la parole à Monsieur COURTAUD, qui fera l'essentiel de la
présentation.
Je voudrais rapidement placer l'ensemble des efforts de recherche en soutien du
projet EPR en soulignant que le CEA n'est pas leader ; nous intervenons
seulement en soutien des industriels. Le CEA n'est pas seul non plus,
l'ensemble de cette recherche fait l'objet d'une coordination franco-allemande,
et un rôle symétrique au nôtre est joué par le Centre
de Recherche de KARLSRUHE. L'ensemble des recherches menées en soutien
d'EPR peut se répartir en trois catégories :
1) Il y a ce que j'appellerais un fond continu de recherche en vue
d'affiner les connaissances, de perfectionner les modèles et de
qualifier des outils de conception et d'analyse. Ceci est utile à tous
les réacteurs à eau pressurisée, le parc actuel et EPR.
Ceci est particulièrement utile à EPR parce que c'est essentiel
pour avoir une appréhension réaliste des marges de conception. Il
est apparu que cette bonne appréhension des marges était
essentielle pour pouvoir concilier sûreté accrue et
compétitivité. Dans ce fond continu de recherche, je placerai des
recherches sur les matériaux. Le fait de passer de 40 ans de vie
technique à 60 ans demande des matériaux plus
élaborés.
Enfin, tout ce qui est recherche sur le combustible et le cycle du combustible
bénéficie autant aux réacteurs actuels qu'à EPR
parce qu'il y a une continuité totale entre le N4 et l'EPR. C'est une
R&D de fond très importante qui n'apparaît peut-être pas
a priori comme spécifique.
2) Il y a une R&D ciblée sur les caractéristiques
spécifiques de l'avant-projet détaillé tel qu'aujourd'hui
pour déterminer la validité et les marges de ces
caractéristiques, et là, ce sont surtout des
éléments liés à la prévention des accidents
graves et à la maîtrise de leurs conséquences
radiologiques. Ce sera ce qui tournera autour du corium et de
l'hydrogène, par exemple.
3) Il y a une R&D qui consiste en l'étude d'options encore plus
avancées, non retenues à ce stade du projet, mais qui peuvent
être incorporées dans un deuxième sous-palier ou lors d'une
mise à niveau, si leur intérêt est avéré.
Monsieur COURTAUD va à présent vous faire une présentation
des aspects vraiment spécifiques EPR, et plus précisément
des aspects liés aux accidents graves et, si l'on a le temps, je vous
proposerai de voir une vidéo illustrant une de ces expériences
liées à l'EPR.
M. COURTAUD
- Je suis
responsable segment au
CEA
, et je vais d'abord parler de l'organisation de la R&D. En FRANCE,
cette R&D est principalement réalisée au CEA dans le cadre
d'accord de collaboration avec FRAMATOME et EDF. On a le même
schéma en ALLEMAGNE, où l'essentiel de la recherche est fait au
Centre de Recherche de Karlsruhe en collaboration avec SIEMENS et les
électriciens allemands, cette collaboration étant étendue
à des universités et à d'autres industriels dans le cadre
de groupement AGIC.
En 1992, le CEA et FZK ont étendu un accord de collaboration, qui
existait déjà dans le domaine des RNR, au domaine des
réacteurs à eau du futur, et l'on a créé un
Comité Directeur et des groupes de travail qui ont pour mission
d'harmoniser la recherche, d'échanger les résultats
expérimentaux et de confronter nos moyens de calculs et les
résultats de ces calculs.
Cette recherche franco-allemande est complétée par des
collaborations internationales, tout d'abord au niveau de l'Union
Européenne, dans le cadre des troisième, quatrième et, je
l'espère, cinquième programme cadre de recherche et de
développement. Il y a des accords de collaboration spécifique
avec le Centre de Recherche d'Ispra et, au-delà de l'Union
Européenne, il y a des collaborations internationales, qui sont
menées sous l'égide de l'OCDE, et des collaborations plus
bilatérales avec les grands pays qui font du nucléaire, à
savoir les ETATS-UNIS, la RUSSIE et le JAPON.
Je passe complètement sur le premier caractère de recherche de
fond, que Monsieur BARRE vous a présenté brièvement, pour
aller à la R&D qui est plus spécifique à EPR et qui
concerne les caractères évolutionnaires d'EPR, qui sont :
- la prise en compte des accidents graves dès la conception et
certaines modifications qui ont eu lieu dans la cuve où l'on a
supprimé les traversées inférieures.
Si l'on compare la cuve d'un réacteur du parc actuel avec ce qui est
projeté pour EPR, on constate qu'il n'y a plus de traversée dans
le fond de cuve, ce qui évite de la fragiliser mais modifie
complètement l'hydraulique de ce fond de cuve. Il est à noter
aussi la présence d'un réflecteur lourd qui doit contribuer
à la baisse d'irradiation de la cuve. Il y a eu aussi quelques
modifications mineures des systèmes de sauvegarde.
Au point de vue des retombées R&D, il y a eu des études sur
l'hydraulique au stade de l'avant-projet ; pour le projet, il faudra
réaliser une maquette de cuve complète. Sur le réflecteur
lourd, pour le projet, il faudra vraisemblablement faire des tests sur une
maquette critique. Quant aux systèmes de sauvegarde, on a pu se
contenter de faire des tests sur une installation qui simule les
réacteurs du parc actuel et dont les potentialités permettaient
de faire les modifications des systèmes de sauvegarde qui avaient
été faites pour l'EPR.
J'en viens à présent au problème des accidents graves. Un
accident grave résulte d'un défaut de refroidissement du
coeur ; il n'y a plus de réaction en chaîne, mais il reste
une puissance résiduelle due aux produits de fission et cette puissance
résiduelle entraîne la fusion du coeur. Cette fusion
s'étale sur une gamme de températures assez large puisqu'on
commence par fondre à 800 degrés des barres de
contrôle qui contiennent de l'argent, et cela se termine par la fusion de
l'oxyde d'uranium à 3 000 degrés avec des
matériaux qui interagissent entre eux, entraînant la formation de
corium. Au cours de ces réactions, l'une est très
importante ; c'est l'oxydation des métaux par l'eau à haute
température, qui provoque la formation d'hydrogène.
Nous cherchons la réduction de la fréquence de tels accidents et
ceci est obtenu par les redondances et la fiabilité des systèmes
de sauvegarde. Par ailleurs, nous recherchons une réduction des rejets,
ce qui veut dire que l'enceinte doit rester étanche. Cela conduit
à exclure certaines séquences accidentelles, par exemple la
fusion du coeur à haute pression (c'est ce que l'on fait en utilisant un
système de dépressurisation dédié), et il faut
mettre en place un certain nombre de dispositifs de mitigation ; en
particulier, il faut empêcher que le corium qui se forme dans la cuve et
va la traverser aille sur le radier et s'y enfonce. On crée donc un
dispositif que l'on appelle un récupérateur de corium, dans
lequel ce produit sera bloqué et refroidi définitivement.
De la même façon, dans l'enceinte se pose le problème
d'éviter les explosions et détonations d'hydrogène. On
place donc des dispositifs de mitigation, des recombineurs d'hydrogène.
Tout ceci nécessite une forte R&D.
Je vais dire quelques mots sur la méthodologie suivie pour ces
études sur les accidents graves, une R&D qui dure depuis plus de
20 ans. Cela passe, comme dans toute recherche et développement,
par des codes de calcul et des expériences et, dans ce cadre, on a deux
sortes de codes de calcul :
- les codes "scénarios" qui sont des codes avec des
modélisations très simples qui permettent de faire beaucoup de
calculs à coûts limités, et donc de faire des études
de sensibilité. Il y a là-dedans des modèles
simplifiés et des options utilisateurs et, pour renseigner ces
modèles simplifiés, on utilise des "codes zoom", où l'on
traite un composant particulier ou un phénomène physique
particulier. Ces "codes zoom" sont adossés à des
expériences elles-mêmes qui traitent des expériences
à effet séparé.
Tout ce système de codes et d'expériences est itératif et
évolutif, et marche depuis des années puisqu'on améliore
beaucoup la connaissance sur les accidents graves.
Les thèmes de recherche concernent le corium en cuve : on
s'intéresse aux possibilités de maintenir ce corium dans la cuve
en injectant de l'eau de refroidissement, même dans des conditions
tardives. On s'intéresse à la façon dont le corium va
attaquer, va percer la cuve, et ces données serviront de condition
initiale au problème de la récupération du corium.
Autre thème de recherche : le comportement du corium hors cuve, qui
doit conduire à la définition d'un récupérateur. Il
y a également un phénomène que nous étudions
actuellement, qui est l'interaction corium/eau, laquelle se traduit par une
production plus ou moins énergétique de vapeur, dont il faut
évaluer les conséquences.
Sur le transparent suivant, on montre les différentes études qui
sont faites dans ce cadre corium, sachant qu'il y a, bien sûr, des
travaux équivalents et complémentaires en ALLEMAGNE. Je ne
parlerai que de l'étalement, qui est le concept de
récupération du corium qui a été retenu pour l'EPR.
En FRANCE, on développe des codes de calcul plus ou moins
sophistiqués qui répondent aux doux noms de THEMA et CROCO, et
ces codes sont qualifiés sur des expériences
génériques, à savoir :
- CORINE, où on l'étudie l'étalement sur des
matériaux simulants,
- VULCANO, qui étudie l'étalement de corium réel.
En ALLEMAGNE, ces études sont complétées parce qu'il y a
des expériences en matériaux simulants à haute
température, et une expérience qui a plutôt un
caractère démonstratif est réalisée à
Simpelkamp, où l'on fait étaler 2,5 tonnes de corium.
L'autre champ de recherche concerne l'enceinte. Lors d'un accident grave,
l'atmosphère de l'enceinte est composée de l'air initial, de la
vapeur qui s'est dégagée dans cette enceinte suite au
défaut de refroidissement, et de l'hydrogène produit lors de la
fusion du coeur. Il y a deux problèmes à résoudre, dont le
premier est d'évacuer la puissance résiduelle à long terme
puisque le corium se trouve dans l'enceinte. Dans l'EPR, on a choisi le
système d'aspersion et une option alternative a été
étudiée, qui se ferait par condenseur.
Le problème qui se pose est qu'il ne faut pas qu'il y ait de
détonation globale d'hydrogène, et qu'on soit capable de placer
des dispositifs de mitigation, soit des recombineurs, soit des igniteurs, au
bon endroit. Pour cela, des études très importantes sont faites,
notamment le développement de codes de calculs permettant de calculer la
distribution d'hydrogène dans l'enceinte. En FRANCE, on développe
le code "TONUS" qui précise la distribution fine d'hydrogène, sa
combustion, les détonations et les conséquences que peuvent avoir
ces détonations sur l'intégrité de l'enceinte.
Je voudrais terminer par la recherche qui va au-delà du projet EPR
actuel, et qui porte sur :
- les combustibles avec de hauts taux de combustion, mais au-delà
de 60 000 mégawatts jours par tonne,
- des structures de combustibles qui pourraient mieux retenir les produits
de fission,
- des études sur des systèmes de sauvegarde qui soient plus
passifs que les systèmes actuels,
- des recherches dans l'automatisation de la conduite, dans
l'instrumentation,
- des recherches sur des nouveaux matériaux, des aciers qui
tiennent à plus haute température, qui soient moins
activables, etc.
Il y a également des recherches pour utiliser des coeurs chargés
complètement en combustible MOX. Dans le domaine des accidents graves,
on étudie des concepts de récupérateurs alternatifs au
projet actuel.
On étudie aussi la possibilité de maintenir le corium en cuve, et
ceci peut être obtenu par refroidissement externe et la mise à
l'intérieur de la cuve de produits de céramique ou de
réfractaire.
On a également des études sur un certain nombre de projets
d'enceintes innovatrices et, bien sûr, on s'intéresse aux projets
qui sont développés à l'étranger.
En conclusion, je dirai que la base de R&D pour l'EPR est très large
et bien organisée parce qu'elle bénéficie de toute la
R&D de la filière REP et d'une forte coopération
internationale. C'est une R&D qui s'inscrit cependant dans la durée,
le temps de réponse de la R&D étant beaucoup plus long que
celui d'une réalisation d'un avant-projet.
Des résultats sont certes déjà disponibles pour les choix
d'option, mais la totalité des résultats sera disponible
seulement pour confirmation et optimisation au cours des phases suivantes.
Je conclurai en disant que la recherche est indispensable pour préparer
l'avenir.
M. QUENIART
- Je ferai un commentaire. Il est
très important pour l'appui technique d'avoir une recherche autonome
pour apprécier les solutions techniques ou pour promouvoir de nouvelles
solutions. Il y a des R&D accidents graves lancées par le CEA,
d'autres financées par l'IPSN, mais les liens sont faits de façon
à ce que ces R&D soient complémentaires et non redondantes.
Par exemple, concernant les recombineurs d'hydrogène, qui sont la
solution de base retenue pour le projet EPR pour éviter les
détonations d'hydrogène et recombiner l'hydrogène au cours
d'un processus d'accident grave, ils ont été essentiellement
développés en ALLEMAGNE, jusqu'à présent. Beaucoup
d'expérimentations ont été faites en ALLEMAGNE mais nous
conservions des doutes, notamment quant à leur efficacité.
En effet, lors d'accidents graves, des produits de fission se dégagent
et certains peuvent venir empoisonner le catalyseur qui sert à
recombiner l'hydrogène. Nous avons donc monté des
expériences sur un programme propre, qui visent à vérifier
l'efficacité des recombineurs dans les conditions d'un accident grave.
EDF participe, et les résultats préliminaires obtenus ont
plutôt montré leur efficacité, mais il faudra les exploiter
complètement. Nous envisageons, pour être plus réalistes,
d'ajouter dans une des expérimentations de Phébus un bureau type
recombineur de matériaux catalytiques, qui sont de véritables
produits de fission dégagés en cours d'expérimentation,
pour avoir une dernière vérification.
Mme RIVASI
, Députée
- Je me
félicite de cette coopération franco-allemande parce qu'un
certain nombre de problèmes avaient été posés en
cas d'accident nucléaire, et je me souviens d'un rapport qu'avait fait
Monsieur RAUSCH posant la question d'un d'accident qui provoquerait la rupture
de la cuve, notamment de l'enceinte, et ce problème de
l'hydrogène était soulevé.
Le discours tenu à l'époque consistait à dire que cela ne
pouvait pas fonctionner et il avait été demandé à
ce que des recombineurs d'hydrogène soient mis au niveau des
réacteurs. Je suis donc ravie aujourd'hui que ce problème soit
soulevé, que celui-ci enclenche des recherches et des
développements. Cependant, je pose la question suivante : si l'on
arrive à mettre au point ces éléments, pourrait-on faire
ce transfert sur nos réacteurs actuels, nos REP ?
Il est bien de faire cette recherche dans le cas de l'EPR, mais un accident
nucléaire peut aussi bien arriver aujourd'hui ; est-ce que ce
transfert de technologies pourrait se faire sur nos réacteurs
actuels ?
M. QUENIART
- La réponse est oui.
M. BIRRAUX
- J'ajoute que, sur le rapport RAUSCH,
les recombineurs d'hydrogène avaient reçu les
bénédictions, au sens le plus littéral du terme, de
l'expert qui avait conseillé Monsieur RAUSCH fort de ces
bénédictions, la R&D a pu progresser.
(
Présentation d'un film
)
Mme SENE
- Je suis très sensible au fait
que des R&D soient faites, sauf que les plans de l'EPR sont quand
même très avancés et qu'en conséquence, compte tenu
d'un certain nombre de problèmes qui sont apparus avec les R&D et
d'expériences montrant que, par exemple, le dégazage
d'hydrogène est plus important que ce que l'on avait prévu dans
les calculs, que la température de début de fusion d'un coeur est
en fait plus basse que prévue, que le taux de rétention des
produits de fission dans le circuit primaire est plus faible que prévu,
les calculs qu'on avait mis en place doivent en fait être repris.
En conséquence, si l'on fait reposer l'EPR sur les calculs
précédents, on aura manifestement des sous-évaluations,
des résultats qui ne seront pas exacts. Il me paraît donc
prématuré de dire :
1) qu'on va mettre des recombineurs. Lesquels ?
2) qu'on va avoir une baisse des produits de fission. De combien ?
Cependant, la R&D est tout de même très intéressante,
on l'a faite pour les réacteurs actuels et on en connaît les
limites. On sait que l'on peut changer les combustibles, dans une certaine
mesure, on sait aussi que l'on peut mettre des MOX, mais dans une certaine
limite. Donc, dans tous les cas de figure, mon avis est qu'on va un peu vite.
Ce qu'on a vu de l'aval du cycle avec les problèmes graves d'actinides,
de plutonium, aurait dû faire que l'on pouvait essayer de faire des
réacteurs à réseau différent et en avoir
moins ; on n'a pas choisi cette option.
Je vous rappelle que dans toutes les études que l'on fait, et en
particulier lorsque l'on cherche à savoir, lorsque l'on va faire des
réacteurs dédiés, des actinides..., pour le moment le
résultat générique est qu'il faut plus d'énergie
pour les détruire que pour les avoir formés, ce qui quand
même pose des problèmes.
M. BARRE
- Une partie des résultats qu'a
évoqués Madame SENE sont les résultats des
expériences Phébus menées par l'IPSN, mais je voudrais
préciser que nous menons la R&D en parallèle avec le projet.
Par exemple, l'expérience VULCANO que nous vous avons montrée,
qui date de décembre, prenait déjà en compte un dessin du
récupérateur qui n'était pas le dessin initial mais qui
avait été amélioré entre-temps, y compris par
l'introduction de béton sacrificiel qui a changé la composition
du corium. Les choses se mènent donc en parallèle et il y a une
très forte interaction entre la R&D et le projet avec, il est vrai,
une différence de dynamique des deux choses qu'il faut ajuster et qui
n'est pas forcément très simple.
Par rapport à ce qu'a dit Madame SENE, je voudrais souligner que tout ce
que nous faisons a pour objet d'ajouter encore de la sûreté aux
réacteurs existants, laquelle était déjà
satisfaisante. Peut-être sommes-nous toujours en train de faire la course
avec le projet pour qualifier les solutions d'EPR mais, en tout état de
cause, ce sont des solutions meilleures que l'existant ; il faut garder
cela en mémoire.
M. QUENIART
- Je voulais compléter sur
l'interaction entre l'exploitant - ou le projet - et la R&D
à l'origine, et donc sur un dialogue entre les propositions du projet et
les discussions avec les organismes de sûreté.
Monsieur BARRE a mentionné que le concept de récupérateur
a déjà été modifié depuis le début du
projet, et les recommandations qui sont faites par GPR/RSK et approuvées
par la DFD sont en fait progressives. Autrement dit, sur le sujet de
l'étalement du corium, il a été dit dans un premier temps
que le concept avec une chambre d'étalement, vu l'état des
connaissances, était a priori le type de concept qu'il fallait
rechercher. Cependant, rien n'a été dit, dans un premier temps,
dans les recommandations de 1995, sur un concept précis.
Le concept présenté a été reconnu comme valable sur
le plan des principes ; il reste bien entendu à le
démontrer, et ceci n'est pas simple parce qu'on a vu une
expérience où le corium a le bon goût de s'étaler
facilement sur toute la chambre d'étalement.
On peut imaginer, parce que les conditions de début de l'accident et la
traversée de la cuve ne sont pas uniques, des cas où il y aurait
des déversements successifs, des possibilités de gel d'une partie
de corium qui, éventuellement, se reliquéfierait au contact d'une
arrivée suivante de corium. Il y a de toute façon un certain
nombre d'études de sensibilité à faire.
Cependant, le type de solution est reconnu comme valable tout en demandant par
ailleurs au projet de bien vouloir regarder d'autres concepts et ne pas perdre
de vue que certains d'entre eux peuvent s'inscrire dans la
géométrie du projet.
M. BIRRAUX
- J'ai envie de demander à
Monsieur BOUTEILLE ou à Monsieur LECOCQ comment est fait l'arbitrage
entre ce qui leur arrive de la R&D et les concepts qu'ils avaient d'ores et
déjà élaborés, et s'ils sont susceptibles de
modifications ; comment sont-ils intégrés ?
M. LECOCQ
- Il y a des dispositions qui sont
prises dès la conception pour prévenir ces accidents graves et,
dans l'EPR, il y a des points importants, de ce point de vue, pour repousser
à des probabilités extrêmement faibles ces accidents. Je
vous rappelle qu'ont été prises en compte les défaillances
multiples, ce qui n'était pas le cas antérieurement. Ont
été mises en oeuvre des redondances, on a diversifié un
certain nombre de matériels, notamment le renforcement des sources. Il
faut voir quel est l'événement initiateur qui pourrait provoquer
un accident grave, et donc jouer autant sur la prévention que sur les
conséquences.
On a augmenté les matériels dédiés
spécialement au traitement des accidents graves, on a
amélioré la prévention des erreurs humaines, on a pris en
compte les défaillances multiples et la perte complète de tous
les systèmes redondants.
L'objectif est que tout reste confiné dans le bâtiment
réacteur ; on a pris en compte cela en augmentant la pression de
dimensionnement du confinement, en mettant en place des dispositifs de recueil
du corium fondu. L'objet est maintenant de préciser la
géométrie la plus optimale pour ce dispositif, et il est d'ores
et déjà prévu. On pourra dans le projet
détaillé améliorer tous ces points.
En matière de mitigation, le deuxième aspect des
conséquences d'accidents graves, a été mis en place un
circuit nouveau, dédié à la protection de l'enceinte et
qui permet d'évacuer l'énergie résiduelle ; on a
augmenté le volume et la pression de l'enceinte. On envisage de mettre
en place des recombineurs et des inhibiteurs, comme cela a été
dit précédemment.
Si, néanmoins, il devait y avoir des fissurations de l'enceinte, on
ferait tout ce qu'il faut pour qu'il n'y ait aucune traversée de
l'enceinte qui débouche sur l'extérieur, mais uniquement dans les
bâtiments environnants. Il a été mis en place une
conception qui évite tous les bipasses d'enceinte vers les circuits
secondaires ; nous faisons en effet la chasse aux bipasses d'enceinte, en
cas d'accident.
Je suis conscient de ne pas avoir totalement répondu à la
question posée, mais il faut voir que nous avons déjà pris
en considération tellement de choses dans ce domaine, dès la
conception.
Quant à la question de savoir si la R&D est de nature à
modifier profondément le concept de récupération du coeur,
nous avançons en tenant compte progressivement des résultats
obtenus et, en tant que de besoin, nous modifions le projet dans ce sens.
M. THIERRY
- J'ai entendu un chiffre global de
1 milliard pour la recherche, tout à l'heure, et je n'ai pas
compris s'il s'agissait simplement de la contribution d'EDF et FRAMATOME ou
s'il était tenu compte des différents projets IPSN et CEA.
S'agit-il d'un financement à fonds publics ou privés ?
M. COUSIN
- Le milliard dont on parle est le
montant des contrats qui ont été conclus avec NPI, SIEMENS et
FRAMATOME et dont une partie est supportée par les électriciens,
et une partie par les industriels.
Cela n'inclut ni les développements complémentaires faits par EDF
ni l'ensemble de ce flux de développement qui est continu. Ceci n'est
absolument pas comptabilisé là ; une partie de ces
développements concernent à la fois les projets futurs et
l'ensemble du parc existant. Le milliard est donc extrêmement limitatif,
c'est un travail de conception et d'ingénierie ; ce n'est pas
l'enveloppe globale.
M. BIRRAUX
- Est-ce que Monsieur MANDIL peut nous
faire une présentation sur la prospective énergétique,
parce qu'on examine les aspects techniques et technologiques du projet EPR,
mais celui-ci doit s'inscrire dans une stratégie globale et dans une
prospective énergétique pour que nous arrivions à en
cerner les paramètres. Quand faut-il choisir d'en construire un ?
Faut-il en construire un ? Pour répondre à quels
objectifs ?
M. MANDIL
, Directeur Général de l'Energie et des
Matières Premières
- Je vais donner quelques
éléments, sachant que ceux-ci alimenteront le débat de cet
après-midi. Je me bornerai à la responsabilité qui est la
mienne, c'est-à-dire le domaine de la politique
énergétique, je n'interférerai ni dans les
responsabilités des autorités de sûreté ni dans
celles des industriels.
De mon point de vue, la coopération qui s'est instaurée entre les
équipes allemandes et françaises, aussi bien dans le domaine
scientifique que dans le domaine industriel, avec les autorités de
sûreté et les producteurs d'électricité, a
été exemplaire et aboutit réellement à un projet
extrêmement intelligent, intéressant et attractif. Il y a beaucoup
à se féliciter de la façon dont le travail a
été effectué au cours des dernières années.
Le résultat est que nous allons pouvoir bientôt passer des
études de conception à des études de réalisation
d'un projet, et la question qui se pose est : quel projet ?
Il y a plusieurs cas de figure, il faut sérier les problèmes, et
je voudrais d'abord parler de la situation française, qui est
naturellement celle que je connais le mieux et que je peux le mieux anticiper.
La situation française, telle que nous la percevons, est la
suivante :
Actuellement, il y a en FRANCE un excédent de capacité de
production en base d'environ 5 à 6 gigawatts, c'est-à-dire
de l'ordre de quatre tranches. Cela ne veut pas dire que ces tranches sont
arrêtées mais que des tranches qui devraient fonctionner en base
fonctionnent en semi-base, ou qu'elles ne fonctionnent pas autant qu'elles le
devraient.
Compte tenu d'un certain nombre d'événements, dans le
détail desquels je n'entrerai pas, mais qui sont à l'esprit des
personnes ici présentes, compte tenu des nouveaux entrants qui vont se
manifester dans le cadre de la suppression de certains monopoles
d'électricité de FRANCE, on peut estimer, en faisant abstraction
pour l'instant du problème de la fermeture éventuelle des
tranches les plus anciennes, que cette surcapacité devrait être
résorbée vers 2020.
Je voudrais tout de suite atténuer ce propos en disant que, bien que
2020 ne soit pas très éloigné et que 2005 soit proche,
même à ces horizons, nous avons une marge d'incertitude qui est
importante parce qu'elle joue sur des différences. En effet, il y a un
parc de 58 réacteurs et l'excédent de 4 à
5 réacteurs est une différence notable, c'est-à-dire
qu'en 2005, les perceptives de consommation sont déjà à
plus ou moins 2 réacteurs, en 2015 elles seront à plus ou
moins 5 réacteurs, si bien que, même pour des horizons
rapprochés, lorsque je dis qu'il y a une surcapacité qui va se
résorber en 2020, c'est avec plus ou moins quelque chose.
Cependant, cela veut quand même dire que les besoins d'investissement
éventuels dans de nouvelles unités
électronucléaires se manifesteront plus vraisemblablement d'abord
à l'occasion du renouvellement du parc, c'est-à-dire à
l'occasion de l'événement constitué par le
déclassement des tranches les plus anciennes. Là, en plus de la
question de la date, sur laquelle je reviendrai, se posent deux autres
questions dont la première est de nature économique. Est-ce
qu'à ce moment, compte tenu de l'ouverture du marché, compte tenu
de la mise en concurrence à la production, l'EPR sera compétitif
par rapport à d'autres modes de production en base ?
Tout le monde pense essentiellement aux turbines à gaz ainsi qu'au
combiné, mais il peut y avoir d'autres possibilités. Cependant,
ce n'est pas aujourd'hui qu'on peut donner une réponse
définitive. On peut simplement dire que, si les chiffres qui ont
été évoqués ce matin sont tenus, on a toutes les
raisons de penser que l'EPR sera compétitif par rapport à
d'autres modes de production. Cela dit, il n'y a pas une marge de
compétitivité telle qu'il faille relâcher les efforts.
La deuxième question est de nature politique.
Est-ce que le gouvernement de l'époque, est-ce que le parlement de
l'époque, est-ce que l'opinion publique de l'époque
considéreront qu'il convient de remplacer du nucléaire par du
nucléaire ou non ?
Là encore, il est exclu de répondre à la question
aujourd'hui, celle-ci se posera plus tard. La seule chose que je puisse dire
est quelles sont les instructions que le gouvernement d'aujourd'hui donne
à ses fonctionnaires ; celles-ci consistent à faire en sorte
que tous les choix soient possibles. Laissons les options ouvertes, et
préparons-nous notamment à ce que l'option nucléaire
puisse être approuvée le moment venu.
Reste à savoir quand !
La date dépend largement des décisions qui seront prises par les
autorités de sûreté sur la durée de vie des
réacteurs actuels. Je rappelle simplement, pour fixer les idées,
que le premier réacteur à eau pressurisée actuellement en
fonctionnement a été mis en service en 1977, c'est-à-dire
qu'en 2007, cela fera 30 ans. Fonctionnera-t-il 30 ans ? S'il
doit fonctionner 30 ans, il faudra le fermer en 2007.
Si les autorités de sûreté - et elles seront les
seules responsables de cela - décident qu'on peut prolonger la
durée de vie de ces réacteurs et la porter à 40 ans, cela
renvoie le problème à 2017, et il faudra s'en
réjouir ; je comprends que cela posera des problèmes aux
industriels, mais ce sera néanmoins une bonne nouvelle que la
durée de vie des réacteurs actuels soit portée à
40 ans. En effet, cela voudra dire que la collectivité nationale
bénéficiera d'une productivité de son outil de production
d'électricité bien plus élevée que prévue.
Voilà où nous en sommes pour ce qui est du paysage
français. Si Fessenheim I s'arrête en 2007, compte tenu de la
surcapacité, il n'y a pas de raison économique de le
remplacer ; s'il s'arrête en 2017, cela tombera à un moment
où, la surcapacité étant proche de la résorption,
son remplacement sera nécessaire.
Je voudrais dire quelques mots rapides sur le "hors FRANCE". "Hors FRANCE",
c'est d'abord l'ALLEMAGNE. S'agissant de l'ALLEMAGNE, je n'ai aucune
qualité pour aborder le problème des décisions politiques,
d'autant qu'il y a de hauts responsables allemands qui seraient beaucoup plus
capables que moi de parler de la situation en ALLEMAGNE. Je peux simplement
dire que, du point de vue français, il y aurait du sens
économique, industriel et environnemental à reprendre rapidement
un programme nucléaire en ALLEMAGNE, ne serait-ce que parce que celui-ci
faciliterait à nos amis allemands la conformité aux engagements
d'émission de gaz effet de serre.
Y a-t-il ou non une volonté politique qu'il en soit ainsi en
ALLEMAGNE ? Je ne dirai pas un mot là-dessus parce que ce n'est pas
à moi de le dire.
Actuellement, il est clair que la réponse est négative.
Aujourd'hui, il n'y a pas de possibilité politique qu'un programme
nucléaire soit repris en ALLEMAGNE. C'est pourquoi il me semble
indispensable qu'on envisage sérieusement, pour le succès du
programme EPR, la grande exportation, c'est-à-dire en dehors des pays de
départ : la FRANCE et l'ALLEMAGNE.
Je crois que, de ce point de vue, l'alliance franco-allemande telle qu'elle a
fonctionné jusqu'à présent dans ce domaine est un
élément extrêmement positif qui doit être
exploité par les industriels, les électriciens, de façon
à proposer, dès que ce sera possible, le produit EPR à des
clients dans des pays qui en ont besoin ou qui en ont envie.
Il reste une question qui me ramène à la FRANCE. Peut-on
envisager en FRANCE d'accélérer le processus, d'anticiper la
construction d'une unité, d'une tranche, à la fois pour
entretenir la compétence industrielle et technologique et pour disposer
d'une vitrine, l'idée communément admise étant qu'on a des
difficultés à vendre à l'extérieur un
réacteur qu'on n'aurait pas commencé par construire chez soi.
Je tiens à dire que, si je perçois toute la valeur de ce
deuxième argument, je ne suis pas encore convaincu que ce soit un
argument à 100 %. Je constate que - à moins de me
tromper - c'est un argument qui ne dispense pas certains constructeurs
américains de proposer à la vente des modèles qui ne sont
pas construits aux ETATS-UNIS, ceci pour la raison qu'il y a longtemps qu'on ne
construit plus de centrales aux ETATS-UNIS.
Certes, ce serait un argument supplémentaire à la vente, je ne
suis pas sûr qu'il faille en faire absolument un dogme. Cela dit,
à la question de savoir si c'est envisageable, cela répond
à des considérations de nature politique sur lesquelles je ne
reviendrai pas ; techniquement et économiquement, cela pose deux
problèmes :
1) comme c'est une anticipation , c'est un coût. Quel sera ce
coût ? Par qui sera-t-il supporté ?
C'est un coût qui peut avoir des justifications économiques tout
à fait raisonnables. Le fait que ce soit coûteux n'est pas une
raison pour ne pas le faire. On peut très bien imaginer qu'EDF
considère comme nécessaire, pour la maintenance de son parc
actuel et pour l'avenir à long terme de son parc, de maintenir à
un niveau très élevé la compétence technique et la
compétence industrielle à la fois chez EDF et chez le
constructeur FRAMATOME, et que cela justifie, du point de vue économique
d'EDF, l'anticipation d'une tranche.
2) Est-ce imaginable dans le cadre de la nouvelle directive sur le
marché de l'électricité, qui prévoit des
procédures de mise en concurrence sur les moyens de production ?
Sur ce point, notre impression est que la directive elle-même le permet
tout à fait, je suis ouvert dans ce domaine. Il appartiendra au
gouvernement de proposer les textes de transposition, lois et décrets.
Actuellement, nous nous en préoccupons et le gouvernement a lancé
une consultation publique sur le sujet. Le parlement aura à se prononcer
sur la loi de transposition, vraisemblablement à l'automne, si le
programme de travail que nous avons en tête est approuvé, et c'est
à ce moment que nous saurons si les textes législatifs et
réglementaires de droit français permettront ce genre
d'anticipation. Personnellement, je pense que oui.
C'est une décision qui est envisageable et qui sera une décision
politique à prendre dans les deux ou trois ans à venir.
Ce sont plus des pistes de réflexion que des réponses ; cela
dit, je suis prêt à participer au débat qui va s'ensuivre.
M. BIRRAUX
- Merci. J'ouvre une petite
parenthèse ; il me semble que pour la traduction des directives
dans le domaine de la concurrence, on va plus vite que pour la traduction des
directives dans le domaine de la radioprotection. S'il vous reste un peu
d'énergie, en bout de course, peut-être pourriez-vous faire en
sorte que vos collègues de la santé s'agitent un peu plus vite.
Je referme la parenthèse.
Est-ce que Monsieur BURKLE ou le Docteur FABIAN peuvent nous donner leur
perception sur l'évolution énergétique. On a bien compris
quelles étaient les difficultés de la prospective en
République Fédérale puisque le consensus politique n'a pas
pu être réalisé sur cette prospective, même si la loi
fondamentale nucléaire a déjà été
ratifiée par le Bundestag, me semble-t-il, ce qui est tout de même
un signe d'évolution.
Je rappelle qu'à l'automne 1996, j'avais eu l'occasion de rencontrer le
Conseiller auprès du Chancelier pour les problèmes industriels et
énergétique, et qu'il avait fortement insisté pour que
l'option nucléaire demeure une option ouverte en République
Fédérale.
Comment analysez-vous la prospective énergétique en liaison avec
les engagements de KYOTO et des engagements pris pour réduire
l'émission de gaz effet de serre ?
Dr FABIAN
- En ce qui concerne vos remarques dans
le domaine de la politique, je ne peux que vous dire que je suis d'accord.
On peut caractériser la situation de la façon suivante :
aujourd'hui, en République Fédérale d'ALLEMAGNE, nous
avons plusieurs milliers de mégawatts en capacité de centrales.
La situation est donc relativement similaire à celle de la FRANCE. Cette
réserve n'a pas toujours été à ce niveau parce que
notre système allemand, fixant les règles de fonctionnement du
réseau, se basait sur une philosophie différente, en
matière de gestion des réserves. Cette philosophie s'est vue
modifiée avec le temps, dans la mesure où l'importance de ces
réserves a été légèrement augmentée.
A l'époque, chaque entreprise devait prendre les mesures utiles pour
avoir les réserves nécessaires et répondre aux besoins
d'approvisionnement. C'est une exigence qui continue de valoir aujourd'hui
mais, aujourd'hui, il y a une coopération beaucoup plus large entre les
entreprises. Nous avons conclu des accords sur une constitution de
réserves communes sachant que la constitution, la garantie de
réserves ne va pas au-delà de ce qui était exigé
à l'époque. Cependant, comme elle se fait de façon
commune, nous pouvons réduire les exigences, et donc réduire les
niveaux.
Il faut savoir aussi qu'à l'heure actuelle, 30 % des centrales
allemandes ont plus de 25 ans, et 30 % ont entre 20 et
25 années d'existence. Dans les 10 ou 15 ans à venir,
nous devrons arrêter les centrales les plus âgées. Nous
avons constaté, au sein du réseau, que le besoin de puissance
entre aujourd'hui et l'an 2010 devrait être, en chiffre net, de
7 000 mégawatts.
La question qui se pose est la suivante : comment ces
7 000 mégawatts pourront-ils être couverts ?
L'avis des électriciens est le suivant : l'idée - cette
idée a fait ses preuves - serait d'avoir un mélange, donc
une source d'énergie mixte. Il y a évidemment la houille et le
gaz, mais nous ne pouvons pas compter exclusivement sur ces sources
d'énergie. De ce fait, les pronostics sur les ressources en
matière de houille et de gaz sont plutôt positifs, on les a
même révisés à la hausse, mais le passé a
montré qu'il fallait être prudent dans la gestion de ces sources
d'énergie.
Nous avons construit beaucoup de centrales fonctionnant au gaz ces
dernières années mais nous avons constaté, au fil du
temps, que nous ne pouvions pas toutes les utiliser dans la mesure
prévue à l'origine. Autrement dit, à long terme, nous ne
pouvons pas nous fonder exclusivement sur le gaz comme source d'énergie.
Aujourd'hui, les centrales graphite-gaz fonctionnent avec des coûts
d'exploitation bien inférieurs à ceux d'une centrale type EPR,
à savoir 20 à 25 % moins cher. Nous pensons que nous ne
pourrons pas rattraper cet avantage du graphite-gaz. Beaucoup d'entreprises qui
ne pensent pas de la même façon que nous - je pense à
la GRANDE-BRETAGNE et aux ETATS-UNIS - construisent des centrales
graphite-gaz parce qu'elles coûtent moins cher. Or, en ALLEMAGNE, et
c'est vrai pour la majeure partie des électriciens allemands, nous
pensons que nous ne devons pas renoncer au nucléaire, que ce soit pour
des raisons économiques ou écologiques.
En 1972, en effet, nous avons construit la centrale de STADEL, c'est l'une de
nos plus anciennes centrales. Or la durée de vie technique et
économique des centrales de cette génération touchera
à sa fin en 2010- 2015. Dans les processus de certification, nous
n'avons pas de limite de durée de vie technique ou économique,
mais nous partons de l'idée qu'il existe une limite de durée de
vie d'environ 40 ans en règle générale. Autrement
dit, nos planifications se font sur une durée de vie de cette ampleur.
Les anciennes centrales devront donc être remplacées par des
nouvelles dès 2010 ou 2015.
Nous essayons donc de calculer le temps dont nous avons besoin entre la
planification et les premières expériences avec un EPR. Si l'on
fait ces calculs, il faut compter environ une douzaine d'années ;
la planification prend 3 ans, l'autorisation prend 3 ans, la
construction 5 ans et, si nous voulons l'exploitation, il faut environ
2 ans. Cela signifie clairement qu'il va être bientôt temps de
prendre une décision. Un rallongement de la durée de vie des
centrales pourrait être envisagé. Il n'y a, a priori, pas
d'obstacle.
Il a été posé la question de la protection de
l'environnement et il a été question, aussi, des objectifs de
Kyoto. En République Fédérale d'ALLEMAGNE, nous nous
sommes engagés, lors de la Conférence de Kyoto, à
réduire également les émissions de CO2. Selon nous, il n'y
a aucune possibilité de baisser davantage ce niveau de CO2 sans
prévoir des centrales nucléaires supplémentaires.
La réduction des émissions de CO2 est un engagement qui ne permet
pas de renoncer à l'option nucléaire. Autrement dit, nous aurons
besoin d'îlots nucléaires si nous voulons pénétrer
le marché étranger. Celui-ci n'est pas immense mais, si l'on
regarde ce qui se passe dans d'autres parties du monde telles que la RUSSIE ou
les pays d'EUROPE de l'Est, je crois qu'en fait, il existe pour nous des
possibilités de marché et il conviendrait d'y
réfléchir pour pouvoir prendre pied sur ce marché. En
RUSSIE, dans 10 ans, 80 000 mégawatts auront
dépassé les 25 ans de durée de vie et devront
être remplacés. Il y a donc des opportunités.
Nous pensons également que, pour des raisons de protection de
l'environnement, le nucléaire doit être maintenu comme option et
également comme réalité. Nous pensons que, dans le monde
de l'avenir, on continuera d'avoir besoin du nucléaire. Il y a bien
sûr la concurrence. Il a été dit tout à l'heure que
la concurrence posait problème, il est clair que les électriciens
allemands sont en concurrence les uns avec les autres et le sont
également avec l'Electricité de FRANCE. C'est une concurrence qui
existe, ce n'est pas une fiction.
Cependant, nous pensons que la concurrence n'est pas un obstacle à la
construction d'un EPR. En effet, il y a toute une chaîne de valeur
ajoutée apportée par chacun des acteurs et nous pensons, en
ALLEMAGNE, que la construction d'une centrale n'est pas forcément
contradictoire avec la concurrence. On peut tout à fait optimiser la
production en ayant une approche plus marketing du client sur le marché.
Le gouvernement fédéral s'est exprimé en faveur de
l'énergie nucléaire, car nous avons renouvelé notre loi
fondamentale sur l'énergie nucléaire. Nous saluons cet avis
favorable du gouvernement à l'énergie nucléaire.
M. BURKLE
- Je vais essayer de m'exprimer aussi
brièvement que possible. Ce matin, je vous ai dit combien la
coopération entre nous avait été difficile au début
et combien elle est excellente aujourd'hui, à tel point que nous pouvons
envisager la mise en oeuvre pratique, c'est-à-dire la construction d'une
installation commune.
Il est clair que, pour l'instant, nous ne disposons d'aucun crédit, ne
serait-ce qu'au niveau purement économique et financier, mais je suis
convaincu que l'énergie nucléaire jouera un jour un rôle
essentiel - c'est déjà le cas aujourd'hui dans certains pays
comme la CHINE ou le JAPON - ; autrement dit, nous voyons là
notre opinion confirmée.
Les installations produisant de l'électricité ne se sont pas
limitées à poursuivre les développements de
l'énergie nucléaire. Au contraire, puisqu'en fait, ce qui nous
rapporte le plus aujourd'hui est la vente de systèmes combinés
gaz, mais nous pensons que le domaine nucléaire ne doit pas pour autant
être perdu de vue et qu'il constitue un réservoir de
capacité dans l'avenir. Lorsque, plus tard, nos installations existantes
seront à la limite de leur durée de vie, elles devront être
remplacées par des nouvelles et, alors, nous aurons besoin du
nucléaire.
C'est notre façon de voir les choses et c'est notre conviction
profonde ; d'ailleurs, c'est ce qui nous a motivés dans nos travaux
avec la FRANCE, travaux que nous souhaitons poursuivre avec FRAMATOME. Ceci ne
sera possible à long terme que si l'on procède à la
construction de ces centrales. On ne peut pas monopoliser et continuer à
motiver les ingénieurs pendant des années si on ne leur donne pas
la perspective, à terme, d'une mise en pratique de tous ces efforts et
de ces travaux.
Le résultat obtenu dans le cadre de ces travaux réalisés
en coopération est excellent. A présent, il s'agit de le mettre
à exécution dans l'idée, bien sûr, que cela
apportera quelque chose, que cela représentera un véritable
intérêt pour tout le monde, en EUROPE, en ALLEMAGNE et en FRANCE.
Notre idée est de créer une base de référence,
grâce à ce projet EPR, qui puisse éveiller
l'intérêt de pays étrangers et qui permette de participer
aux appels d'offres internationaux pour la construction de nouveaux
îlots, de nouvelles centrales nucléaires. Il y a bien sûr
aussi le remplacement des centrales existantes arrivant à la fin de leur
durée de vie, mais il n'y a pas que cela.
Cela constituera également une base de référence pour de
nouvelles missions dans d'autres pays. Il ne faut pas oublier que nous ne
pouvons enthousiasmer et motiver nos ingénieurs que si le
résultat des efforts qu'ils ont fournis est appelé à
être mis en pratique. De toutes les façons, nous ne pourrons pas
maintenir les groupes d'experts qui sont constitués actuellement si
cette perspective de mise en pratique n'existe pas.
J'aimerais également faire une ou deux remarques dans un contexte qui
nous concerne plus directement, nous, SIEMENS. Nous avons dit que nous
entamions des négociations avec les Britanniques, que nous essayions
d'engager une coopération avec eux. Or, souvent, ces tentatives que nous
entreprenons avec les Britanniques sont mal comprises par la FRANCE, notamment.
Pourquoi recherchons-nous une telle coopération ?
Cette coopération s'appliquerait à un domaine particulier, qui
est celui de la construction ; mais, aujourd'hui, notre tâche
essentielle est le développement de l'EPR. Par exemple, nous ne pouvons
nous permettre les réacteurs à eau bouillante dans le domaine
nucléaire que si nous accomplissons d'autres prestations de service en
EUROPE, c'est-à-dire que si nous fournissons des assemblages au
marché, que si nous fournissons des prestations d'ingénierie de
reconstruction de centrales et cela au plan international, au plan mondial.
Ce sont autant de domaines d'activités qui existent depuis des
années et qui ont fonctionné en parallèle avec le projet
de développement EPR.
Tous ces travaux d'ingénierie et de construction ont permis de remplir
les caisses et ont également permis de poursuivre les travaux avec
FRAMATOME, parfois même en concurrence avec FRAMATOME. Autrement dit, le
rapport est un peu contrasté avec FRAMATOME, ce qui n'empêche que,
dans le cadre du projet EPR, la coopération a été tout
à fait excellente et, du côté de SIEMENS, nous
espérons, en élargissant nos activités à un autre
partenaire sur la base de nos activités existantes, que nous pourrons
poursuivre néanmoins les travaux en commun avec FRAMATOME dans la
même atmosphère que celle que nous sommes parvenus à
établir au fil des années, et nous espérons, le moment
venu, mener à bien ce projet.
M. BIRRAUX
- Merci, Monsieur BURKLE. Nous
reviendrons sur la dernière partie de votre exposé cet
après-midi lorsque nous aborderons la stratégie globale des
entreprises.
Monsieur HENNENHOFER souhaitait intervenir sur les perspectives
énergétiques.
M. HENNENHOFER
- Merci, Monsieur le
Président. En ALLEMAGNE, je suis
responsable de la
sécurité des installations nucléaires, de la
radioprotection et de la gestion des rejets
. J'assume cette fonction
au
sein du Ministère de l'Environnement
et, à ce titre, je peux
donc prendre la parole sur la situation de l'énergie nucléaire en
ALLEMAGNE.
J'aimerais d'abord souligner le fait que le gouvernement fédéral
est de l'avis que, aujourd'hui et à l'avenir également,
l'énergie nucléaire joue et jouera un rôle important dans
ce que l'on appelle le mélange des sources d'énergie. Le
Ministère de l'Environnement pense qu'atteindre les objectifs
gouvernementaux fixés ne sera pas possible sans maintenir la proportion
d'énergie nucléaire dans la production
d'électricité dans notre pays. Jusqu'où pouvons-nous
aller ? Nous nous étions fixé 50 %, que nous avons
atteints. Ce qui est certain, en tout cas, est qu'une réduction de la
proportion de l'énergie nucléaire dans la production
d'électricité n'est pas envisageable puisque les autres sources
d'énergie ne pourront pas compenser cette baisse.
L'institution en matière d'énergie en ALLEMAGNE est la
suivante : il peut y avoir ici ou là des différences de
l'ordre du pour cent, nous avons nous aussi, en ALLEMAGNE, des
surcapacités, des décisions à prendre sur de nouvelles
constructions et cela à l'horizon 2010-2015. Nous sommes de l'avis
qu'entre-temps, nous devons sauvegarder la compétence en matière
nucléaire en ALLEMAGNE et en FRANCE, et le projet EPR - et d'autres
dont nous avons pu parler - constitue un élément important
de cet effort.
Cependant, ce projet ne doit pas nous faire perdre de vue les évolutions
techniques et technologiques. La technique est en progression constante, elle
doit être poussée. Nous avons eu tout à l'heure cet exemple
concret de la combustion de l'hydrogène, nous avons posé la
question dans le cadre de l'EPR, nous en discutons chez nous en ALLEMAGNE, il y
aura une publication à ce sujet. Vous voyez que le développement
actuel n'est pas déjà sans répercussions sur les centrales
existantes.
Est-il envisageable en ALLEMAGNE, politiquement parlant, de construire de
nouvelles centrales nucléaires ?
Les conditions préalables existent puisqu'en 1994, notre loi sur le
nucléaire a été révisée et que les
conditions ultérieures ont été renforcées. L'EPR
répond à ces conditions, mais notre loi doit être de
nouveau modifiée. Une majorité s'est dessinée au sein du
parlement et cette nouvelle loi prévoit également une
procédure permettant une évaluation technique, sans pour autant
qu'il y ait une décision de prise quant à la construction d'une
unité ou sans que la construction se fasse véritablement au plan
national.
Pour l'autorisation d'une centrale nucléaire, les autorités
nucléaires concernées doivent bien sûr donner leur accord
mais cette nouvelle procédure permet, indépendamment de la
construction, de procéder à une évaluation technique au
niveau fédéral.
Sans vouloir me lancer dans de grandes spéculations, je voudrais dire
qu'il ne faut pas considérer l'ALLEMAGNE d'après ce que vous
pouvez voir à l'heure actuelle à la télévision,
à savoir des manifestations multiples et variées qui arrivent
jusqu'à vous par le biais des médias. Nous pensons que la majeure
partie de la population à l'heure actuelle - et cette
majorité est de plus en plus importante - est d'avis de ne pas
renoncer à l'énergie nucléaire.
Suite à la réunification allemande, on s'est posé la
question de savoir si l'on pouvait construire un réacteur type KONVOI.
Cela ne s'est pas fait, notamment parce que le paysage
énergétique s'est modifié suite à la
réunification, mais nous pensons que le projet EPR constitue un
préalable important en matière technologique.
On disait ce matin que le projet permettrait également, dans le domaine
de la réglementation et de la sûreté, de faire une
véritable avancée. Je crois que c'est le cas. En effet, c'est
quand même la première fois que deux états, avec une
culture qui leur est propre en matière de sûreté
nucléaire, se mettent ensemble et définissent ensemble des normes
et des critères de sûreté nucléaire. Cela est
exceptionnel, tant au plan européen qu'au plan mondial.
Je reprendrai les propos de Monsieur BURKLE, qui parlait ce matin des
difficultés qu'on avait pu rencontrer au début de la
coopération parce que chacun voyait les choses par le petit bout de sa
lorgnette. Pour l'instant, il n'y a pas de besoin énergétique
à remplir mais la réalisation d'un tel prototype constituerait
néanmoins, selon nous, la prochaine tâche à accomplir et je
crois qu'elle devrait se faire sur la même base de partenariat que celle
décrite ce matin.
M. BIRRAUX
- Je suis chargé de veiller au
respect des horaires aussi, si Monsieur COUSIN peut conclure en une minute
avant la suspension de la séance...
M. COUSIN
- Je prends dix secondes pour dire que,
sur l'essentiel, le Président de l'EDF et le Directeur
Général s'exprimeront cet après-midi. Sur les
50 secondes restantes, je ferai une modeste remarque d'ingénieur.
Il y a une chose que nous savons tous à des degrés divers
- et cette question est fondamentale et complexe - c'est que
l'industrie nucléaire telle qu'elle a été raisonnablement
maîtrisée dans certains pays est le produit d'un tissu industriel
technologique de compétence et de savoir-faire extraordinairement
difficile à cerner et à maîtriser.
Bien entendu, il ne s'agit pas de dire qu'il faut construire des centrales pour
garder la main, on voit que la difficulté vient des sommes mises en jeu.
Cependant, il y a un aspect souvent moins présent à l'esprit, qui
est celui des dimensions industrielles, pas des industriels de premier rang,
c'est-à-dire SIEMENS ou FRAMATOME, qui sont en aval en quelque sorte du
processus, mais l'ensemble du tissu industriel qui l'entoure. Il y a là
un sujet très complexe. Cet argument est tellement difficile à
cerner qu'on ne peut que le présenter sous une forme interrogative.
L'une des intimes convictions que nous avons, c'est que si nous sommes à
un certain degré de maturité de maîtrise de technologies,
cette maturité ne peut pas être tenue comme étant un acquis
irréversible. Il faut bien voir que si un projet EPR est
réalisé relativement vite, cela signifie qu'entre la
dernière mise en service en EUROPE et la prochaine, il y aura une
demi-génération. Il y a des choses qui sont très
difficiles à transmettre d'une génération à l'autre.
M. FRESLON
- Je prendrai cinq secondes pour dire
que le Président de FRAMATOME sera présent cet après-midi
et je prendrai quelques secondes pour réagir aux propos de Monsieur
MANDIL. Ma première remarque est que, concernant la
référence, nous sommes évidemment d'accord pour ne pas
transformer en dogme cette notion et poursuivre activement toutes les
possibilités à l'export. Il reste que, pour ce qui est de
l'expérience de FRAMATOME, les 11 tranches que FRAMATOME a vendues
à l'exportation l'ont toutes été sur la base d'une
référence. Ceci reste donc un argument très fort à
l'exportation, et nous le constatons en CHINE.
Ma deuxième remarque concerne le coût d'une éventuelle
tête de série, qui a déjà été
évoqué ; il faudra parler cet après-midi du
coût qui résulterait d'une inaction de 10 à 15 ans,
car les conditions d'un éventuel redémarrage dans les 10 ou
15 ans, qui suivraient une longue période d'inaction, poseraient un
problème de coût très important. Nous ne dirons pas que
c'est impossible, nous dirons que les conditions telles qu'elles existaient
lors du lancement du programme énergétique français dans
les années 70 se sont beaucoup dégradées. En effet, d'une
part FRAMATOME ne disposera plus de la licence Westinghouse et, d'autre part le
tissu industriel environnemental, très dynamique à
l'époque, se sera également dégradé. Nous pensons
qu'une reprise éventuelle, dans ces conditions, aurait un coût
très important.
M. BIRRAUX
- Nous avons déjà
amorcé le débat de cet après-midi, qui s'annonce
intéressant.
Merci aux intervenants de ce matin.