N° 971 |
N° 484 |
ASSEMBLÉE
NATIONALE
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SÉNAT
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Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juin 1998 |
Annexe au procès-verbal de la éance du 9 juin 1998 |
OFFICE
PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
________________________
RAPPORT
sur
LE CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ ET DE LA SÉCURITÉ
DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES
Première partie :
Le projet de réacteur nucléaire
franco-allemand
par
M. Claude BIRRAUX,
Député
Tome I : Conclusions du rapporteur
__________
__________
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Jean-Yves LE DÉAUT, par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.
Vice-Président de l'Office.
Énergie et carburants
MERCREDI 4 MARS 1998
La séance est ouverte à 9 h 15 sous la présidence de Monsieur Jean-Yves LE DEAUT, Président de l'OPECST.
M. LE DEAUT
- Avant de
laisser la
parole à Claude BIRRAUX, je voudrais vous dire que lors d'un colloque
sur la technologie de l'information qui s'est tenu vendredi dernier, Laurent
FABIUS, le Président de l'Assemblée Nationale, se posait la
question de savoir si la technique était en train d'échapper aux
politiques.
Dans sa réponse, il affirmait que le politique ne devait pas renoncer
à dire et à faire la norme, même dans le domaine de la
science et de la technique, ajoutant toutefois immédiatement que nous
devions pour cela redéfinir nos méthodes de travail. J'ai
été particulièrement heureux, en tant que Président
de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et
Technologiques, de 1989 à 1992 d'abord, et depuis 1997, qu'il souligne
les actions entreprises par cet organisme et qu'il dise que nos initiatives
allaient dans le bon sens, même si notre influence n'a peut-être
pas encore atteint son niveau optimal, à son avis, à
l'extérieur du Parlement.
Depuis plus de dix ans, mes collègues, sénateurs, maires et
députés, membres de l'Office, 32 au total, ne ménagent ni
leur temps ni leurs efforts pour que le Parlement puisse traiter correctement
les grands choix qui engagent l'avenir de la Nation. Le temps n'est plus, en
effet, où ces grands choix scientifiques ou industriels pouvaient se
faire dans une étroite assemblée de spécialistes qui se
cooptaient.
On constate de plus en plus de résistance à l'introduction des
nouvelles technologies lorsque la population n'a pas été
suffisamment informée et même associée à la prise de
décision. Pour travailler en même temps sur le problème des
organismes et des pigments modifiés, je peux vous dire que sur les
biotechnologies, aujourd'hui, on a exactement les mêmes réactions.
Or, le Parlement, malgré toutes ces imperfections, reste
néanmoins le lieu privilégié pour engager le débat
public dans une démocratie. Il nous a semblé, à l'Office
Parlementaire, que les auditions publiques pluridisciplinaires et
contradictoires, comme celle à laquelle vous allez participer
aujourd'hui, constituaient le meilleur moyen pour mettre en contact les experts
et les responsables politiques dans une configuration qui préserve les
intérêts des uns et des autres.
La relation entre les experts et les politiques est en effet le point crucial
de la prise de décision dans les domaines scientifiques et techniques.
Il faut bien voir - et cela explique peut-être la timidité du
Parlement dans ce domaine - que les responsables politiques qui doivent
prendre des décisions, qui engagent - et c'est
particulièrement le cas aujourd'hui - l'avenir de plusieurs
générations, ont parfois des difficultés à
distinguer quel pourrait être le bon choix face à des experts ou
trop formels ou trop hésitants.
A partir du moment où l'on estime que le processus de décision
politique doit être éclairé par ceux qui détiennent
les connaissances techniques, c'est de la confrontation de cette connaissance
que pourra naître la vérité, ou ce qui peut constituer une
vérité, dans les circonstances actuelles. Aujourd'hui, les lois
sont de plus en plus souvent précaires et révisables voire
même, je dirais, en tant que biologiste, "biodégradables".
Mon collègue, Claude BIRRAUX, est celui d'entre nous qui a eu le plus
souvent recours à cet exercice public, pluridisciplinaire et
contradictoire, particulièrement difficile pour celui qui doit conduire
les débats si bien qu'assez paradoxalement, c'est peut-être dans
le secteur du nucléaire, toujours réputé secret et peu
démocratique, que le Parlement dispose des informations les moins
contestables. Grâce à Claude BIRRAUX, notamment, on a
réduit dans ce domaine du nucléaire ce qu'on appelait "le
déficit démocratique".
Tout au long de cette journée, vous allez vous pencher sur l'avenir du
nucléaire ; il s'agit d'une interrogation fondamentale pour
l'avenir de notre pays et de l'EUROPE. Devons-nous rester une grande puissance
nucléaire ? Le nucléaire constitue-t-il toujours la
meilleure solution pour assurer notre indépendance
énergétique et le respect des normes de rejet, de gaz à
effet de serre ?
Telles sont les questions qui sous-tendent les choix qui devront être
faits sur l'EPR. Avouez que les responsables politiques, face à de
telles responsabilités, ont tout intérêt à
s'entourer du maximum d'avis, et que des journées comme celle
d'aujourd'hui sont absolument nécessaires si l'on veut par la suite
éviter l'apparition de fractures entre les décideurs et les
populations concernées.
Je vous remercie et vous souhaite bon travail.
M. BIRRAUX
, Rapporteur de l'OPECST
- Merci,
Monsieur le Président de l'Office Parlementaire. Comme vous l'avez
rappelé à l'instant, par-delà les rivalités
politiques et par-delà l'échiquier politique, l'Office
Parlementaire a réussi, sur des sujets certes scientifiques, à
sortir de ce débat pour aborder ce qui est véritablement le
débat de fond que nous-mêmes avons conduit dans le domaine de la
sûreté nucléaire, que Christian BATAILLE a conduit dans le
domaine de la gestion des déchets, que vous conduisez sur les organismes
génétiquement modifiés, que d'autres ont conduit sur les
textes de bioéthique, et je crois que c'est tout à l'honneur du
Parlement alors que, souvent, il y a l'éphémère,
l'écume des vagues, c'est-à-dire ce qui fait le titre de
l'actualité et, ensuite, on passe à une page de publicité
et on oublie.
Là, il y a un certain nombre de députés et de
sénateurs qui, depuis quelques années, essaient de traiter
à fond les sujets, et c'est peut-être parce qu'ils les traitent
à fond et non pas sous la pression d'une actualité
éphémère qu'ils ont réussi à faire vivre ce
débat par-delà les experts, par-delà les options
politiques ou philosophiques de chacun. C'est sûrement grâce
à l'Office Parlementaire que des choses ont pu avancer, que le
débat a pu améliorer la connaissance des parlementaires, mais je
crois qu'au-delà des parlementaires, c'est l'ensemble de l'opinion
publique qui se trouve informée et impliquée.
Le 24 septembre dernier, le Bureau de notre Assemblée confirmait la
saisine de l'Office Parlementaire puisque nous avions été saisis
avant la dissolution par le Président FABIUS, qui exerçait alors
une autre fonction, mais le Président FABIUS, Président de
l'Assemblée Nationale, a confirmé la saisine qu'il avait
rédigée lui-même sur les aspects technologiques de
sécurité et de normalisation et économiques du programme
du réacteur européen à eau pressurisée. Il
recommandait au Bureau de notre Assemblée que cette question soit
examinée dans le cadre du rapport régulier consacré par
l'Office à la sûreté des installations nucléaires.
Je vais vous dire des choses très simples et très claires. Il ne
s'agit pas, pour le rapporteur de l'Office Parlementaire, de faire les choix
à la place des décideurs. C'est une position constante du
rapporteur : je ne suis à la place de personne, je suis un
parlementaire qui est l'oeil extérieur, qui voit comment fonctionne le
système, qui propose éventuellement des modifications afin que ce
système fonctionne mieux, mais il ne lui appartient pas de choisir
à la place de ceux dont c'est la fonction.
Cependant, à travers ce rapport, et singulièrement à
travers ce débat d'aujourd'hui, je souhaite faire émerger des
paramètres de choix pour que ceux qui auront à trancher ces
questions, pour que les parlementaires qui auront à s'exprimer puissent
prendre connaissance de ces paramètres et dire, en fonction de ceux-ci,
quelles sont leurs options.
Avant de donner la parole à Messieurs BOUTEILLE et LECOCQ, qui vont nous
faire une présentation générale du projet, je salue les
éminentes personnalités qui ont répondu à
l'invitation de l'Office Parlementaire, ceux qui sont les amis de l'Office,
puisqu'ils ont participé à la plupart des auditions que nous
avons organisées sur la sûreté nucléaire, mais qui
se sont vus renforcer aujourd'hui par la présence d'une
délégation de la République Fédérale
d'ALLEMAGNE comprenant la Direction du Ministère de l'Environnement, les
exploitants électriques ou encore SIEMENS.
M. LECOCQ
- Je suis
Directeur adjoint de
l'Equipement de l'Electricité de FRANCE
et, comme vous le savez, la
Direction de l'Equipement a en charge la conduite des grands projets de
construction des centrales dans ce pays.
La FRANCE est aujourd'hui à la tête de 58 réacteurs
à eau pressurisée, 57 en exploitation et 1 en construction, ce
qui représente un gisement important d'énergie. C'est le
résultat d'une politique énergétique cohérente qui
s'est inscrite dans le long terme et qui a pour conséquence que le
coût de l'électricité est l'un des plus bas et des plus
stables en EUROPE.
Les grands axes de réflexion sur l'avenir visent à
préserver ces avantages, c'est-à-dire conserver au
nucléaire sa compétitivité, notamment pour remplacer au
début du prochain siècle le parc nucléaire existant,
disposer de centrales économiques tout en restant dans le même
contexte mondial en matière de sûreté, de façon
à garantir la pérennité de l'option nucléaire.
Les orientations qui résultent de cette stratégie s'expriment en
termes de performance, disponibilité, durée de vie et
sûreté. C'est dans cet esprit que nous travaillons sans oublier
qu'aujourd'hui, le réacteur le plus avancé de sa
génération est N4, produit licenciable, dernière
référence et vitrine effective du nucléaire
français, le plus avancé puisque mettant en oeuvre des
innovations techniques majeures dont, notamment, le contrôle-commande
informatisé de nouvelle génération et la turbine ARABELLE,
qui sont deux grandes premières mondiales à ce niveau de
puissance.
Le dispositif d'ensemble de préparation de ce renouvellement s'articule
dans une dynamique européenne autour de trois actions
complémentaires qu'il convient de ne pas confondre, et que je voudrais
rappeler :
1) Le cahier des charges EUR :
Il s'agit d'un cahier des charges élaboré avec la plupart des
grands électriciens européens pour définir les principales
caractéristiques techniques et les objectifs de sûreté
auxquels devraient répondre tous les futurs réacteurs
nucléaires européens.
Ce cahier des charges est la traduction concrète de notre volonté
de faire émerger au plan international un véritable consensus
européen.
2) Le palier REP 2000 (Réacteur à Eau
Pressurisée), qui désigne le prochain standard des centrales
nucléaires d'électricité de FRANCE, destiné
à succéder à l'actuel palier N4.
3) Le projet EPR à proprement parler, qui constitue le design de
l'îlot nucléaire franco-allemand, développé en
coopération entre SIEMENS, FRAMATOME, NPI, EDF et les
électriciens allemands, et qui devrait équiper les unités
du palier REP 2000.
La démarche que nous suivons avec REP 2000 est proche de celle qui
nous a conduits du palier 900 Mégawatts au palier N4. Elle est
progressive, évolutive et sans rupture de manière à
engranger le maximum de retour d'expériences du parc en exploitation. Si
l'on voulait synthétiser cette démarche sans trop la caricaturer,
on pourrait dire qu'elle s'articule autour de trois orientations
essentielles :
- simplicité,
- amélioration du contrôle des accidents graves,
- recherche de compétitivité.
Cette démarche est donc évolutionnaire. Elle permet
d'intégrer au bon endroit et au bon moment les innovations, parce que
guidée par le retour d'expérience.
L'objectif est de faire bénéficier le pays et les clients d'une
part des progrès techniques, notamment en améliorant encore la
sûreté et les conditions d'exploitation, d'autre part des
progrès économiques, notamment en conservant un coût de
production d'électricité modéré.
En matière de sûreté, les objectifs sont d'améliorer
la sûreté de manière significative dès le stade de
la conception :
- en réduisant la probabilité de fusion du coeur,
- en limitant les conséquences radiologiques des accidents.
En matière de conditions d'exploitation, nos objectifs sont de
poursuivre l'amélioration des conditions d'entretien et de maintenance
et de poursuivre la réduction des doses en exploitation.
En termes de compétitivité, nos objectifs sont de rechercher une
disponibilité globale très élevée, de l'ordre de 87
à 90 %, et d'augmenter la durée de vie de conception des
principaux composants tout en maintenant des coûts d'investissement et
d'exploitation modérés pour atteindre des durées de vie
significatives, peut-être de l'ordre de 60 ans.
En matière d'environnement, outre les objectifs de sûreté,
qui y contribuent, nous nous sommes fixés de poursuivre la
réduction des volumes de rejets des déchets en fonctionnement
normal, et de rechercher une capacité à recycler le plutonium,
contribuant ainsi à la maîtrise des stocks de plutonium tout en
assurant une maniabilité au parc.
Monsieur BOUTEILLE donnera les grandes options techniques qui
caractérisent ce projet ; je voudrais, quant à moi, faire un
point sur l'avancement du projet.
Ce projet a d'abord débuté par un avant-projet sommaire :
"Conceptual Design". Depuis 1992, un certain nombre d'étapes ont
été franchies ; en premier lieu, il convient de mentionner
l'élaboration des recommandations communes franco-allemandes par les
autorités de sûreté, concrétisées par un
document de juin 1993. Dans un second temps, et concomitamment, cet
avant-projet sommaire s'est concrétisé fin 1993 par
l'établissement d'un document commun portant le nom de "Conceptual
Safety Features Review Files" qui rassemble la présentation
générale, les bases de conception en matière de
sûreté, au regard des recommandations des autorités, et la
description générale de l'îlot nucléaire.
Ce document a été transmis aux autorités de
sûreté en 1994. Son instruction par leurs appuis techniques,
à savoir le groupe permanent, en FRANCE et la Commission RSK, en
ALLEMAGNE, s'est déroulée en 1994 et a abouti à une lettre
co-signée par les autorités de sûreté allemandes et
françaises du 31 janvier 1995.
L'ensemble des recommandations des autorités de sûreté
ayant été jugé compatible avec les grandes options
techniques de l'avant-projet sommaire, la voie était donc
dégagée pour passer à la phase suivante : la mise en
place d'un avant-projet détaillé "Basic Design".
De ce point de vue, le Conseil d'Administration d'Electricité de FRANCE,
réuni le 24 février 1995, a approuvé, sur rapport du
Directeur Général, la signature d'un contrat de Basic Design du
projet îlot nucléaire d'EPR. En relation avec cet avant-projet
détaillé d'îlot nucléaire a été
conduit un avant-projet de salle des machines.
Aujourd'hui, les études avant-projet détaillé sont
terminées, ceci depuis juin 1997. Elles se sont
concrétisées par l'émission du "Basic Design Report" qui a
été déposé auprès des autorités de
sûreté française et allemande en octobre 1996. Cette phase
essentielle du développement du projet s'est déroulée de
façon totalement satisfaisante, en respectant les coûts. Pour
donner une idée de l'importance du travail qui a été
effectué, on peut noter que le rapport est constitué de 11 gros
dossiers, représentant au total 4 000 pages, auxquels s'ajoutent
1 100 documents d'ingénierie de 50 000 pages et
1 200 plans.
Ce développement a été mené dans le cadre du
référentiel de sûreté pour les réacteurs du
futur, défini par les autorités de sûreté et
précisé en 1995.
On doit également souligner, à ce stade, les résultats
prometteurs obtenus concernant le coût du kilowattheure attendu des
futures centrales nucléaires intégrant un îlot
nucléaire de cette conception. En effet, les études ont
montré que l'utilisation judicieuse et le retour d'expérience des
tranches existantes, tant françaises qu'allemandes, et
l'intégration et la conception d'un objectif d'optimisation
économique global devraient permettre d'obtenir une réduction
significative du coût du kilowattheure.
Cela étant, et à ce stade du projet, nous avons estimé
avec nos partenaires allemands que le projet comportait encore des marges
significatives d'amélioration de sa compétitivité
économique. Dans ces conditions, nous avons convenu de conduire dans
cette année qui court, et jusqu'à la fin 1998, une phase
d'optimisation organisée selon les mêmes modalités que la
phase précédente.
Dans ces conditions, l'objectif de la phase d'optimisation d'EPR, aujourd'hui
engagée, consiste en particulier à :
1) déterminer l'optimum de puissance, compte tenu d'abord des
coûts d'investissement, d'exploitation et de combustible
déjà évalués mais qui seront précisés
pendant cette phase,
2) déterminer des éléments plus
détaillés relatifs au coût d'investissement de la salle des
machines,
3) déterminer la capacité d'insertion de ce produit dans
l'appareil industriel et dans le réseau d'exploitation.
M. BOUTEILLE
- Mesdames et Messieurs, je suis
Directeur général adjoint de NPI
, filiale commune de
FRAMATOME et de SIEMENS créée par l'accord de 1989 et dont
l'activité principale est de coordonner les efforts de FRAMATOME et de
SIEMENS pour le développement du réacteur du futur.
L'îlot nucléaire EPR est en filiation directe avec ceux du N4 et
des CONVOIS, dernière famille de réacteurs construits en
ALLEMAGNE. Le niveau de puissance électrique est de l'ordre de
1 525 mégawatts électriques. Une augmentation de
puissance est à l'étude, qui pourrait conduire à un niveau
de puissance de l'ordre de 1 750 mégawatts.
Le choix d'une conception évolutionnaire a été suivi,
conformément aux orientations définies par les autorités
de sûreté, pour bénéficier pleinement de
l'expérience de construction et d'exploitation des réacteurs
français et allemands. Ce capital de connaissances et
d'expériences est un acquis considérable qui donne une dynamique
unique au processus de développement. Il convient de le faire fructifier.
L'expérience disponible aujourd'hui permet de prendre en compte une
durée de vie technique de 60 ans au lieu de 40 ans pour les
réacteurs existants. La facilité d'exploitation est un des grands
thèmes sur lesquels les partenaires du projet ont travaillé. Cet
objectif se décline de plusieurs façons :
- une grande fiabilité des composants
L'approche évolutionnaire permet de tirer partie de l'expérience
disponible, en particulier sur les composants les plus sensibles.
- le fonctionnement et la maintenance se veulent simplifiés
- une illustration de la mise en application de cet objectif
général, et l'architecture des principaux systèmes de
sauvegarde en quatre trains séparés, ce qui permet de mieux
organiser la maintenance et, également, de gagner en
disponibilité de l'installation.
- la réduction du risque d'erreur humaine
Par exemple, l'interface homme/machine utilise pleinement le retour
d'expérience du palier N4, qui représente l'état de l'art
actuel dans le domaine de l'industrie nucléaire.
Pour la radioprotection, l'objectif est de diminuer les doses reçues par
le personnel d'exploitation. Cet objectif a été
intégré très en amont dans la conception. Ce point sera
détaillé ultérieurement.
L'EPR peut s'adapter à des conditions de sites variées qui
permettent d'englober les conditions rencontrées en EUROPE occidentale
et donc de développer un réel standard, à l'image de ce
qui a été fait en FRANCE, qui est l'une des clés de la
compétitivité de l'énergie nucléaire. Cette
remarque s'applique par exemple au type de sol (qui peut être rocheux),
aux conditions sismiques (la valeur retenue d'accélération au sol
est de 0,25 G), aux agressions externes (explosions, chutes d'avions, y
compris de type militaire) et aux conditions climatiques de l'EUROPE
occidentale.
Dans l'esprit d'une exportation future de ce modèle, une adaptation
à des conditions plus sévères est possible sans
modification majeure de l'architecture des bâtiments.
Le transparent suivant présente une vue du circuit primaire principal
avec la cuve au centre et les quatre boucles disposées en étoile
comprenant chacune un générateur de vapeur et une pompe. La
disposition et la conception des composants sont très proches de celles
du palier N4. L'extrapolation nécessaire pour augmenter les performances
reste dans un domaine suffisamment restreint pour qu'il n'y ait pas de risque
induit et que l'objectif de fiabilité puisse être atteint avec une
grande confiance.
Il est à noter que les réserves d'eau ont été
accrues, par rapport au N4, de façon à augmenter les temps de
réaction de l'installation, en cas de transitoire. Le coeur est plus
important, 241 éléments à l'assemblage au lieu de
205, ce qui donne une flexibilité supplémentaire au niveau de
l'exploitation.
La conception du combustible reste identique à celle du N4. Les
améliorations techniques du combustible développées de
façon générique bénéficieront à
l'EPR. Le recyclage du plutonium est possible comme sur les réacteurs
actuels ; les études sont en cours pour chiffrer exactement la
fraction du coeur qui peut être chargée sous forme d'assemblage
MOX.
La chaudière est conçue pour accepter un combustible enrichi
à 4,9 % et pouvoir atteindre un épuisement de
décharge de 60 gigawattjour par tonne, ce qui contribue à
une bonne utilisation de l'uranium. La durée des cycles peut varier
entre un et deux ans en fonction des spécifications de l'exploitant. Le
réacteur sera capable d'effectuer le suivi de réseau comme les
réacteurs actuels.
Le transparent suivant montre l'implantation des bâtiments de
l'îlot nucléaire. Au centre, le bâtiment réacteur, de
forme cylindrique, entouré par les trois bâtiments abritant les
quatre trains séparés, donc les bâtiments respectivement
est, nord et ouest.
Le bâtiment du nord abrite les trains de sauvegarde 2 et 3 de
façon complètement séparée. Au sud se trouve le
bâtiment combustible qui abrite la piscine de désactivation des
combustibles usés, qui peut contenir environ l'équivalent de dix
ans de fonctionnement. Au Sud-Est se trouve le bâtiment des auxiliaires
nucléaires.
Le code couleur, différent pour chacune des autres divisions, illustre
la séparation physique qui permet une meilleure protection des
différents composants contre les risques inhérents aux agressions
internes tels que l'incendie, ou l'inondation des locaux suite à une
rupture de tuyauterie.
Cette séparation physique des quatre trains et le dimensionnement des
composants des systèmes de sauvegarde permettent d'envisager la
maintenance de ces systèmes lors du fonctionnement du réacteur,
ce qui facilite la planification de ces opérations et permet de
réduire la durée des arrêts de tranches.
La salle de commande se trouve dans les niveaux supérieurs du
bâtiment de sauvegarde contenant la division 2. Celle-ci est dans la
lignée de la conception du N4 et bénéficiera donc des
enseignements tirés du développement et de l'exploitation de ce
palier.
Une grande importance est attachée à l'amélioration de la
sûreté, à la prévention des situations
accidentelles, et en particulier de celles qui peuvent conduire à un
endommagement du combustible. L'objectif, qui est double, est ainsi de :
1) réduire la probabilité de fusion du coeur,
2) minimiser les rejets radiologiques dans les situations accidentelles
avec fusion du coeur.
Ce transparent illustre, très schématiquement, les dispositions
constructives prises pour pallier ces situations de fusion du coeur.
La première mesure concerne le renforcement de l'enceinte et du
confinement en général. La conception de l'enceinte est de
même type que celle installée sur les réacteurs
français des paliers 1 300 et 1 450 mégawatts. La
pression de calcul est augmentée à 6,5 bars. Elle est
définie pour que l'enceinte conserve son étanchéité
à la pression qui résulterait de la combustion de
l'hydrogène produite par la réaction zirconium-eau au moment
où la concentration de l'hydrogène est maximum dans l'enceinte.
L'enceinte est munie d'un système de refroidissement dédié
aux situations d'accidents graves ; c'est un système par aspersion.
Un système de dépressurisation dédié aux situations
d'accidents graves est implanté sur le pressuriseur pour éliminer
les risques de fusion du coeur à haute pression. Un système de
contrôle de l'hydrogène, à base de recombineurs
catalytiques et d'igniteurs, est installé dans l'enceinte.
Le réservoir d'eau nécessaire au refroidissement du coeur, en cas
de fusion du coeur et de rupture de la cuve, est implanté dans
l'enceinte. Ce système est conçu de telle manière qu'il
peut refroidir de façon passive le corium qui, en cas de rupture suite
à des situations hypothétiques de perte totale des moyens de
refroidissement, s'étalerait dans un local, ce local étant
prévu pour récupérer le corium et le confiner.
Les parois de cette chambre d'étalement sont protégées de
façon à prévenir l'endommagement du radier et donc
à garantir son étanchéité. Les fuites
résiduelles de l'enceinte vers l'espace annulaire sont reprises par un
système de ventilation vers des filtres à haute
efficacité.
Ce sont les points principaux que je voulais rappeler en introduction à
ce débat.