ADDENDA
LES PERSPECTIVES DE CONSTRUCTION D'UN EPR EN
RUSSIE
Comme je
l'ai écrit dans la conclusion de mon rapport, la recherche de
partenaires me paraissait indispensable pour donner une assise et une vocation
européenne au projet EPR.
Depuis la présentation de mon rapport, cette question a sensiblement
évolué et les perspectives se sont précisées lors
de la rencontre entre les premiers ministres français et russe.
A l'issue de la réunion de la Commission franco-russe, le
Secrétaire d'Etat à l'industrie a été chargé
de mener les négociations avec les partenaires allemands et les
autorités russes pour intégrer la Russie à la fois en
qualité de partenaire à part entière du projet et de pays
où pourrait être construit un EPR.
Votre rapporteur a été informé qu'à la demande du
nouveau ministre du Minatom, E. Adamov, formulée en avril 1998
à FRAMATOME ainsi qu'au Secrétaire d'Etat à l'industrie,
NPI, FRAMATOME et SIEMENS ont rencontré l'Institut OKBM de
Nijni-Novgorod que le ministre du Minatom a chargé de ce dossier en mai
dernier.
Le chemin à parcourir est encore long et difficile mais, avant
l'impression du rapport, cet addenda s'imposait.
RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR
I
Il est nécessaire de mettre en place une procédure
d'agrément préalable des projets de construction d'installation
nucléaire de base.
II
La coopération franco-allemande dans le domaine de la
sûreté nucléaire doit être intensifiée.
• Il est nécessaire de conforter la collaboration entre les
autorités de sûreté.
• Il est indispensable que leurs appuis techniques se rapprochent.
III
La recherche d'un partenariat élargi est une
nécessité pour une meilleure coopération
européenne.
ADOPTION DU RAPPORT PAR L'OFFICE
L'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a
procédé, dans sa séance du jeudi 14 mai 1998,
à l'examen
des conclusions de la première partie du rapport
sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité
des installations nucléaires
: aspects technologiques, de
sécurité, de normalisation et aspects économiques du
programme de réacteur européen à eau pressurisée
(EPR) de
M. Claude Birraux
,
député.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a rappelé
que le projet de réacteur franco-allemand à eau
pressurisée (EPR) constituait la première partie de son rapport
de 1998 sur la sûreté des installations nucléaires et que
le second volume, consacré au bilan des 118 recommandations qu'il
avait formulées en sept ans, devrait pouvoir être débattu
vers la fin de l'année.
Il a indiqué que le Bureau de l'Assemblée nationale avait saisi
l'Office le 27 mars 1997 en " recommandant que, dans un premier temps,
cette question soit examinée dans le cadre du rapport périodique
consacré (...) à la sûreté des installations
nucléaires " et que cette demande avait été
réitérée par le Bureau de l'Assemblée nationale le
24 septembre 1997.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
précisé qu'il avait auditionné la plupart des
" acteurs " -industriels, électriciens, recherche,
autorité de sûreté, organisations syndicales et
écologistes- et que l'audition publique organisée le 4 mars 1998,
avec une participation nombreuse et de haut niveau, tant du côté
français que du côté allemand, avait permis d'en cerner
tous les paramètres et d'aborder au fond l'ensemble des aspects
-technologie, sûreté, recherche, stratégie- concernant
l'EPR.
Pour
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
la
démarche partenariale, initiée par la Direction de la
sûreté des installations nucléaires (DSIN) avec son
homologue allemand, a entraîné une coopération
renforcée entre leurs appuis techniques, l'Institut de protection et de
sûreté nucléaire (IPSN), le Commissariat à
l'énergie atomique (CEA) et l'Institut de Karlsruhe, jetant les bases
d'une uniformisation des objectifs de sûreté, à travers une
lecture commune des normes. Cette démarche, relayée par celle des
électriciens européens, a jeté les bases d'une unification
européenne.
Le point important demeure, aux yeux du rapporteur, les objectifs de
sûreté fixés a priori et avant la mise en étude du
projet par les autorités de sûreté des deux pays.
Pour pérenniser cette démarche et pour l'approfondir,
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
proposé que, au-delà de l'étude du projet
" EPR ", la coopération entre les autorités de
sûreté et leurs appuis techniques soit renforcée. Cela
permettrait d'enrichir, selon lui, l'approche de la sûreté par une
vision croisée, pluraliste et cela renforcerait
" l'indépendance " de l'expertise, aidant à
reconstituer la " lumière blanche " à partir des
différentes longueurs d'ondes.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
estimé que, répondant aux injonctions des autorités de
sûreté, le projet EPR avait permis de faire évoluer nos
connaissances et de renforcer les normes de sûreté, que les
injonctions des autorités de sûreté se fondaient sur
l'analyse du retour d'expérience du fonctionnement des centrales
existantes, et que la démarche des autorités de
sûreté se trouvait validée par celle des appuis techniques
et des exploitants, qui valorisent aussi leur propre retour d'expérience.
Pour le rapporteur, le projet EPR intègre, dès sa conception, le
risque d'accident majeur pour mettre en place un récupérateur de
corium, permettant sa propagation à l'extérieur et
l'évacuation des populations. Ainsi, la protection contre les chutes
d'avion sera, selon lui, renforcée.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
estimé que, dès lors que le volume interne, libre des composants
primaires, était augmenté, cela donnait plus de temps à
l'opérateur pour réagir.
Il a ajouté que le contrôle-commande était conçu
pour minimiser les erreurs humaines et que la maintenance serait plus
espacée, avec des cycles de 18 à 24 mois.
En matière de radioprotection, il a précisé que l'objectif
des doses collectives annuelles était fixé à
0,75 h.Sv, contre 1,4 h.Sv pour le parc actuel, l'objectif à
atteindre étant une réduction de moitié.
Il a ajouté que, dans le domaine des rejets, l'objectif était
celui d'une réduction d'un facteur de 5 à 10 par rapport aux
réacteurs les plus récents du type " N4 " et qu'un
milliard de francs avait déjà été engagé sur
ce projet : 375 millions pour les études préalables et
750 millions au titre de l'avant-projet sommaire.
Pour le rapporteur, la phase d'optimisation qui est en cours devrait permettre
de parvenir à un coût de revient de l'électricité de
l'ordre de 18 centimes par KW/h, mais elle impliquera probablement que la
puissance de l'EPR soit portée à 1 800 MW et elle
exigera sans doute que ce dernier soit conçu pour fonctionner en base ou
en semi-base.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a par ailleurs
indiqué qu'Electricité de France (EDF) achèverait la mise
en service de ses dernières centrales de type " N4 ", qui
consacrent la francisation de la filière américaine Westinghouse,
et constituent aujourd'hui, selon lui, ce qui se fait de plus avancé
dans le domaine. Il a ajouté que les premières centrales PWR
mises en service l'avaient été en 1977 et que l'espérance
de vie de ces centrales était de 25 ans, ce qui conduirait à
une mise à l'arrêt en 2002.
Pour le rapporteur, les récents résultats sur des tests
d'étanchéité de l'enceinte béton montrent que,
comme chez les humains, il n'y a pas d'homogénéité dans le
processus de vieillissement.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a jugé
qu'il n'y aurait pas de fin de vie homogène pour l'ensemble du parc
nucléaire et que l'autorité de sûreté
apprécierait au cas par cas.
Il a signalé que le prolongement d'un an de fonctionnement rapporterait
500 millions de francs à EDF par tranche et qu'une estimation
raisonnable de la fin de vie des premières centrales mises en service
situait celle-ci vers 2010.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
indiqué que la surcapacité française de production
d'électricité se situait à quatre tranches
nucléaires et devrait être résorbée aux environs de
2020, au rythme de croissance actuelle.
Il a observé que les organisations syndicales, en particulier la
Confédération générale du travail (CGT),
développaient des analyses pertinentes, qui méritaient une prise
en considération. Il paraît indispensable, selon le rapporteur,
que les partenaires sociaux soient plus étroitement associés aux
réflexions conduites.
Il a souligné qu'on ne pouvait raisonner en matière de production
électrique en " flux tendu " permanent et qu'il fallait des
marges pour pouvoir répondre à la demande mais que ces marges, si
elles pouvaient être assurées par les combustibles fossiles, ne
pouvaient mettre en péril la fiabilité et la solidité de
l'ensemble du système français.
Il a estimé que les économies d'énergie devaient demeurer
la priorité, mais il a jugé que les gains à la marge
seraient de plus en plus difficiles à réaliser et d'un coût
croissant et qu'à un moment, il y aurait croisement des courbes
coûts d'investissement/économies réalisées et que le
parallélisme entre la croissance économique et la consommation
d'énergie pourrait à nouveau apparaître.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
estimé que personne ne pouvait prédire ce qu'il adviendrait de la
politique énergétique telle que définie dans un climat de
concurrence et de déréglementation européen, que la
diversification de nos sources de production d'énergie était,
certes, indispensable pour s'adapter au marché et serait peut-être
imposée par le marché -ce qui nous renvoyait à
l'économie des projets et des modes de production- et que l'objectif de
sécurité d'approvisionnement et d'indépendance
énergétique demeurait d'une actualité constante, quel que
soit le gouvernement en place.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
estimé qu'il fallait évoquer le contexte environnemental avec, en
particulier, les engagements pris à Kyoto de réduire d'ici 2010
de 8 % l'émission de gaz à effet de serre, par rapport à
1990, et que, si l'effort demandé à la France était
moindre que celui demandé à ses partenaires, c'est parce qu'elle
avait un parc électronucléaire important.
Il a ajouté que, quel que soit le contexte politique, chaque pays serait
amené à répondre à cette double question :
- comment respecter les engagements pris à Kyoto ?
- comment concilier croissance économique, croissance
énergétique, politique énergétique et
compétitivité économique ?
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
a
indiqué que l'état du dossier actuel était celui d'un
avant-projet détaillé en cours d'optimisation. Il a estimé
que cette phase d'optimisation devrait s'achever vers la fin de l'année.
Il a ajouté que les autorités de sûreté pourraient
proposer à leurs autorités ministérielles de tutelle une
lettre commune valant approbation des options de sûreté retenues
par le projet.
Il a estimé que se présentait ainsi l'occasion de clarifier nos
procédures en la matière, en séparant l'avis sur les
options de sûreté de l'autorisation d'entrer en fonctionnement.
Il a observé que la décision de poursuivre ce programme
était d'abord politique et stratégique et dépendait
étroitement de la politique énergétique des trente
prochaines années.
Il appartient au Gouvernement, selon le rapporteur, d'annoncer des orientations
claires et il n'est pas possible de conduire un grand projet industriel en
l'absence de stratégie claire.
Evoquant les déclarations des plus hautes autorités
gouvernementales,
M. Claude Birraux, député,
rapporteur
, a jugé que le choix nucléaire n'était pas
remis en cause, que les garanties de sûreté de l'EPR seraient
appréciées et qu'il convenait de maintenir toutes les options
ouvertes pour " conserver la liberté de choix ". Or cette
seule position, qui a le mérite de la clarté, sera, selon lui,
illusoire si nous connaissons une " traversée du
désert " de 10 ans au cours de laquelle le tissu scientifique et
industriel se déliterait.
M. Claude Birraux,
député, rapporteur
, a
mis en garde le Gouvernement : la sûreté nucléaire
implique, selon lui, une politique de long terme, une intégration
permanente du retour d'expérience. Il a jugé que la
standardisation française avait été un facteur de
progrès.
Pour
M. Claude Birraux, député, rapporteur
, il
convient, dès lors, de veiller à la cohérence de la
démarche, en particulier des choix à effectuer pour l'engagement
de futures tranches et de l'option " appel d'offres
systématique " pour la construction de chaque nouvelle centrale,
procédure qui paraît incompatible avec la cohérence de la
démarche française.
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
s'est
déclaré convaincu que la volonté de laisser toutes les
options ouvertes pour la définition d'une politique
énergétique devait s'entendre de manière dynamique,
position qui implique le maintien des compétences de l'industrie
nucléaire.
Si l'on ne réalise pas un EPR, le rapporteur a estimé que les
années de recherche théorique se maintiendraient à un haut
niveau théorique, mais que le savoir-faire industriel serait en recul,
ou pour le moins stagnant.
Pour
M. Claude Birraux, député, rapporteur,
l'engagement d'une seule tête de série rendrait le coût du
projet prohibitif, alors qu'un milliard avait déjà
été engagé pour les études, que l'industriel table
sur l'engagement d'une série d'au minimum sept réacteurs et que,
même s'il devait y avoir des changements importants dans la structure de
production électrique, cela signifierait qu'on remplacerait
8 réacteurs actuels par un EPR. Pour le rapporteur, il paraît
donc réaliste d'engager vers 2003 une tête de série EPR.
Par ailleurs,
M. Claude Birraux, député,
rapporteur,
a souhaité que les dirigeants d'EDF prennent sur ce
dossier une position plus claire et déterminée.
Il s'est déclaré frappé, dans un contexte politique
difficile, de l'engagement très fort des électriciens allemands
-qu'ils traduisent par leur participation financière- et conscient des
difficultés que rencontrait Framatome, entreprise dont les dirigeants
doivent, selon lui, élaborer une stratégie offensive et dynamique.
A l'issue de cet exposé,
M. Christian Bataille,
député
, évoquant les hésitations à la
tête de Framatome et sa difficulté de lier des contacts avec
Siemens, s'est enquis de la coopération entre ces deux entreprises.
M. Claude Birraux, député, rapporteur
, a
évoqué en réponse un " mariage de raison "
soumis à certaines conditions et il a évoqué l'historique
des relations entre les deux firmes. Il a estimé que si le désir
de Siemens de continuer à travailler avec Framatome n'était pas
remis en cause par les conversations de Siemens avec des interlocuteurs
anglais, Framatome devait développer une stratégie dynamique pour
nouer des alliances, son projet industriel n'étant pas assez
affirmé. Il a admis que les dirigeants de l'entreprise avaient pu
être déstabilisés par les projets d'alliances
germano-britanniques.
Mme Michèle Rivasi,
députée,
s'est
déclarée déçue par le projet EPR,
considérant que s'il apportait plus de sécurité, il ne
répondait pas au problème de l'élimination des
déchets nucléaires. Elle a estimé que la taille du projet
était énorme. Elle s'est enquise de la réalité de
la demande telle qu'elle pouvait être évaluée dans le
monde, et s'est inquiétée de l'absence d'étude de
marché. Elle a jugé qu'une telle analyse ne relevait pas des
ingénieurs électriciens. Evoquant l'utilisation du MOX, elle
s'est interrogée sur l'adéquation d'une telle technologie avec
les choix adoptés dans certains pays comme la Chine. Elle a
déploré qu'EDF ait loué du combustible à l'Espagne,
combustible retraité à Marcoule.
M. Christian Bataille
,
député
,
rapporteur,
a estimé que, sur ce dernier point, il y avait un
détournement de la loi de 1991.
Estimant qu'une tête de série " EPR " pouvait être
élaborée, tout en répétant ses réserves sur
le concept,
Mme Michèle Rivasi
,
députée
, a souligné que la décision du
scénario énergétique ne relevait pas des
électriciens mais du pouvoir politique.
M. Claude Birraux
,
député,
rapporteur
, a souligné que, s'agissant de la taille du
réacteur, l'autorité de sûreté donnerait son avis.
Pour un projet d'une taille de quelque 1 700 mgwatts, il a
estimé que la technologie apparaissait maîtrisée dans la
mesure où l'augmentation de puissance n'avait rien de comparable au
passage de Phénix (250 MW) à Superphénix
(1 250 MW).
Il a convenu que l'EPR devait être réservé à des
pays qui avaient une infrastructure scientifique suffisamment
développée pour l'accueillir dans de bonnes conditions. Il n'a
pas caché les risques qu'impliquaient, plus généralement,
certaines technologies de centrales nucléaires civiles en matière
de plutonium utilisable dans des applications militaires et a relevé les
difficultés rencontrées dans ces domaines par l'agence de Vienne.
M. Serge Poignant
,
député
, a
relevé l'adhésion que suscitaient les remarques du rapporteur. Il
s'est interrogé sur le délai de réalisation d'une
tête de série du réacteur.
M. Claude Birraux
,
député
,
rapporteur,
a estimé qu'une pré-licence devrait permettre
la conduite d'études détaillées et que, si un engagement
intervenait vers 2003, la mise en service d'une tête de série
n'était pas inconcevable vers 2010.
M. Louis Boyer
,
sénateur
, évoquant le
rôle des groupes de pression anti-nucléaire allemands, s'est
interrogé sur la localisation géographique de la future
tête de série. Il a jugé que le consensus sur le domaine
énergétique n'était pas réalisé en Allemagne.
M. Claude Birraux, député, rapporteur
, a
relevé que la décision appartenait au Gouvernement et que, pour
sa part, il refusait d'entrer dans le débat sur la localisation d'une
tête de série, considérant que cela ne relevait pas de sa
mission. En outre, il s'est dit avoir été frappé par la
détermination des électriciens allemands qui, du fait de la lutte
contre l'effet de serre, devront abandonner leurs centrales électriques
fonctionnant avec de la tourbe selon un procédé datant de 1875.
A l'issue de cette discussion, la première partie du rapport de
M. Claude Birraux
,
député
, a
été
adoptée à l'unanimité et sa
publication décidée
.