C) Les acteurs du projet
Le 23
février 1995, EDF et 9 électriciens allemands
2(
*
)
ont passé commande à
NPI, Framatome et Siemens/KWU des études d'ingénierie
nécessaires à la réalisation de l'avant-projet
détaillé, dit "basic design", qui concerne l'îlot
nucléaire de la centrale.
Pour la France,
l'EPR constitue l'îlot nucléaire du projet
REP 2000
, palier de centrales nucléaires destinées
à succéder aux réacteurs de type N4, modèle le plus
récent. Il a vocation à remplacer les centrales françaises
les plus anciennes aux environs de 2015, dans l'hypothèse, bien entendu,
où l'énergie nucléaire demeurerait le mode de production
dominant, débat qui n'est pas l'objet de ce rapport.
En Allemagne comme en France, le nombre de centrales en fonctionnement est
actuellement excédentaire par rapport aux besoins. Mais les exploitants,
qui considèrent indispensable de maintenir l'option nucléaire,
ont décidé d'apporter leur support financier au
développement de l'EPR. Leur attitude rejoint d'ailleurs celle de
l'actuel Gouvernement français, qui affirme la nécessité
de garder sa liberté de choix dans le domaine de la politique
énergétique.
Si les accords
qui ont été conclus organisent les
études et la vente à l'exportation de ce nouveau type de
réacteurs, ils
sont muets sur l'éventuelle construction d'une
tête de série
en France ou en Allemagne, laquelle ne sera
possible que si sa compétitivité se confirme et si la situation
politique permet d'envisager la construction d'une centrale
électronucléaire dans l'un ou l'autre des pays promoteurs.
Pendant les premières années qui ont suivi le démarrage du
développement du Produit Commun par NPI, ses maisons mères,
Framatome et Siemens, ont poursuivi chacune de leur côté, sous
contrats respectivement d'EDF et des électriciens allemands, le
développement de centrales nucléaires dérivées de
leurs plus récentes réalisations, en France
N4
+
- programme REP2000, en Allemagne Konvoï B -
Contrat Planungsauftrag.
Au début de 1990, les autorités de sûreté
françaises et allemandes ont renforcé leur coopération et
ont créé une nouvelle instance de concertation appelée DFD
("Deutsch-Französischer Direktionausschuss") ayant pour objectif
l'évaluation de la sûreté de la conception des futures
centrales. Simultanément, ces autorités ont créé un
groupe d'experts pour examiner les exigences de sûreté applicables
au Produit Commun.
De leur côté, dès le mois de novembre 1989, EDF et les
électriciens allemands ont décidé de créer un
groupe de travail pour observer le développement du Produit Commun et
dialoguer avec NPI. Dès 1990, des contacts ont eu lieu entre les
industriels et les électriciens français et allemands, au cours
desquels ont été évoquées la possible participation
des électriciens au développement du Produit Commun, la fusion
des trois programmes de développement (Produit Commun, REP2000 et
Planungsauftrag), et la construction du Produit Commun en France et en
Allemagne.
Les
principales raisons
exposées à votre Rapporteur par
les différents acteurs pour souhaiter ce rapprochement étaient
les suivantes :
• Pour les
industriels
, l'espoir d'une
participation des
électriciens au financement
du développement de ce nouvel
îlot nucléaire et, ultérieurement, de la construction de
centrales de référence dans leur pays d'origine, ce qui constitue
un préalable ou, pour le moins, un atout très important pour
aborder le marché international (même si l'exemple
américain permet de nuancer cet argument).
• Pour les
électriciens,
leur désir
d'influencer
le développement du produit
commun
afin d'être certains
que leurs spécifications seront bien prises en compte et,
également, leur volonté d'éviter qu'un dialogue direct ait
lieu, sans leur participation, entre les constructeurs et les autorités
de sûreté.
• Pour les
autorités de sûreté
, leur souhait
de faire progresser
l'harmonisation des règles de
sûreté
applicables aux futures centrales devant être
construites en France et en Allemagne.
• Pour les
gouvernements
, leur conviction qu'une telle
harmonisation faciliterait
l'acceptation par le public
.
Au terme d'assez longues discussions, du fait de la complexité du sujet
et de l'importance des enjeux économiques, les industriels et les
électriciens français et allemands ont lancé formellement,
lors de la première réunion du comité d'orientation
("Steering Committee") du projet EPR, le 14 janvier 1992, l'harmonisation
entre les trois programmes, et le nom du projet a été
modifié en EPR (European Pressurized Water Reactor) pour bien marquer
l'entrée dans cette nouvelle phase.
Les industriels ont transmis aux électriciens, en février 1992,
un document décrivant le résultat de leurs études de
conception du Produit Commun, le "Project Engineering Manual".
En juin 1992, l'Institut de Protection et de Sûreté
Nucléaire (IPSN) et son homologue allemand, le GRS, ont émis un
rapport commun en réponse au document (le "General Safety Design Basis")
établi par les industriels en avril 1990 et présentant les
objectifs généraux de sûreté retenus pour le Produit
Commun.
Le 4 juin 1993, les autorités de sûreté
françaises et allemandes ont officiellement publié leur
déclaration commune pour une approche conjointe de la
sûreté des futures centrales à eau pressurisée
.
Cette publication a été suivie, en septembre 1993, de l'envoi par
le comité de direction de l'EPR aux autorités de
sûreté française et allemande d'un document
présentant les options de sûreté prises en compte pour la
conception de l'EPR ("Conceptual Safety Features Review File" - CSFRF).
En janvier 1995, les autorités de sûreté ont émis un
"avis" sur les points clefs de ce CSFRF.
Sur la base de cet avis, Framatome, Siemens, NPI, Electricité de France
et neuf électriciens allemands ont décidé d'engager
l'avant-projet détaillé ("Basic Design") de l'EPR et ont conclu
le contrat correspondant le 23 février 1995.
Dans ce dernier, EDF et les électriciens allemands ont
déclaré leur intention de maintenir leurs organisations
industrielles respectives pour la construction des centrales :
• EDF garde son rôle d'architecte industriel de l'ensemble du
projet et commande la chaudière nucléaire à Framatome,
• les électriciens allemands commandent la centrale
complète à Siemens mais n'exercent pas de rôle d'architecte
industriel.
J'ai pu noter au cours des auditions auxquelles j'ai procédé que
Framatome souhaiterait un alignement de la structure industrielle sur
l'Allemagne, mais que EDF ne veut pas en entendre parler.
Les droits d'usage des connaissances développées en commun sont
attribués aux partenaires pour leur permettre de remplir leurs
rôles respectifs traditionnels sur leur marché domestique, NPI
disposant des droits d'usage pour la fourniture des centrales hors de France
et d'Allemagne.
Comme prévu, le " basic design " s'est achevé en juin
1997 ; au cours de celui-ci, les partenaires, industriels et les
électriciens, ont dépensé plus d'un million d'heures
d'ingénierie ; ils ont établi plus de
1 000 documents et 700 plans sur lesquels ils se sont mis
d'accord ; cela illustre l'importance du travail accompli et le niveau
d'harmonisation atteint. Le travail d'information est similaire à celui
d'un Rapport Préliminaire de Sûreté diminué des
informations relatives au site.
Les partenaires ont soumis officiellement aux autorités de
sûreté française et allemande, en octobre 1997, un rapport
appelé "Basic Design Report" présentant le résultat de
l'avant-projet détaillé ; les autorités de
sûreté ont prévu d'émettre leur avis avant la fin de
1998 mais ce dernier sera probablement retardé par l'examen des
modifications qui résulteront de la phase d'optimisation.
Compte tenu des résultats de ce " Basic Design " et de la
nécessité d'assurer la compétitivité de
l'énergie produite par l'EPR, tous les participants industriels et
électriciens ont décidé, par amendement au contrat de
" Basic Design ", de poursuivre le développement de l'EPR par
ce qui a été appelé la phase de " Basic Design
Optimization Phase " (BDOP). Prévue pour s'achever à la fin
de 1998, elle a pour vocation de réduire encore
le prix de revient de
l'électricité produite qui, actuellement, se situe aux environs
de 20 centimes par KW-heure et doit être ramené aux environs
de 18 centimes pour que la compétitivité du projet EPR soit
réellement indiscutable.