II Le génie civil
Répondre aux objectifs fixés pour cette salle des
machines imposait de remettre à plat tout l'acquis des paliers
précédents. Il s'agissait de concevoir une nouvelle structure,
encore plus performante que celle de N4 en termes de coût et de
délai, l'un et l'autre étant indissolublement liés. Les
dimensions de l'enjeu tenaient à la fois à la construction, mais
aussi à l'exploitation et, fait nouveau dont je me félicite,
à la déconstruction de l'édifice en fin de vie. En outre,
la perspective où des EPR seraient implantés sur des sites
où des réacteurs seraient démantelés est tout
à fait plausible.
Si les salles des machines des paliers précédents étaient
une évolution de l'installation antérieure, avec les adaptations
imposées par le nouveau palier, REP 2000 participe d'une
redéfinition complète de l'ouvrage, en posant quelques grands
principes de base :
• les charges d'exploitation sont toutes fixées à
2 t/m
2
, alors que, jusqu'à présent, elles
variaient, d'une zone à l'autre, de 0,5 à
2 t/m
2
; cette solution évite un zonage des
planchers en fonction de ce qu'ils peuvent supporter et supprime ainsi de
nombreuses contraintes d'exploitation dans la dépose des pièces
les plus lourdes ;
• une préfabrication optimisée, grâce notamment
à l'uniformisation des charges d'exploitation et à une trame
homogène, les poteaux étant tous régulièrement
espacés ;
• de réelles innovations dans la structure et les matériaux
qui ont permis d'autres progrès, tout en se limitant à ce qui est
aujourd'hui acquis dans la réglementation ; aussi le béton
armé cède-t-il ici la place au BHP (béton hautes
performances), en attendant dans le futur les BPR (bétons à
poudre réactive) et autres BSI (bétons spécifiques
industriels). La grande innovation de cette salle des machines réside
dans son principe constructif, celui d'un "immeuble de grande hauteur" :
un noyau central en béton (les poteaux supports de la table de groupe)
sur lequel s'appuie une structure métallique. C'est ce noyau central qui
reprendra les efforts latéraux supportés par le bâtiment et
transmis par la charpente métallique, en économisant près
de 5 000 tonnes de béton contre un ajout de
1 000 tonnes de métal ;
• l'installation d'un pont roulant de 500 tonnes destiné aux
manutentions du stator. Jusqu'à REP 2000, un pont de
270 tonnes équipait les salles des machines. Pour installer le
stator, les ingénieurs disposaient des tours spéciales
destinées à cette seule opération. Le retour
d'expérience montre qu'un changement fortuit de stator -qui apparaissait
inconcevable dans le passé- est aujourd'hui parfaitement plausible. Ce
pont évitera de nombreuses et coûteuses manipulations. Le
changement d'un stator, pouvant survenir après une vingtaine
d'années d'exploitation, s'effectuera désormais pendant un
arrêt de tranche, facilité par la présence entre les salles
de machines des deux tranches d'un "pôle opérationnel
d'exploitation" (POE), vaste bâtiment destiné à abriter les
services tertiaire, maintenance et exploitation de la futur centrale ; le
POE rapproche encore un peu plus toutes les fonctions nécessaires
à l'exploitation des tranches, mais sa situation interdit
désormais la reproduction d'une tranche 2 par simple translation de
la tranche 1. Il faut maintenant raisonner par symétrie, notamment
pour la fonction d'évacuation de l'énergie, qui sera
située soit à gauche, soit à droite de la salle de
machines.
La table de groupe mesure 70 mètres de long, 18 mètres
de large et 4 mètres de haut. Elle accueille le groupe
turboalternateur. Cet ensemble impressionnant représente une masse de
7 800 tonnes, isolée du reste de la structure et suspendue
grâce à 74 boîtes de ressorts. Cette méthode de
mise en oeuvre, utilisée depuis les paliers 900 MW, permet,
grâce au génie civil, un réglage altimétrique. C'est
en réglant les boîtes de ressorts que le constructeur corrige le
lignage des 70 mètres de l'ensemble en rotation. Le gain en termes
de délais est considérable : plus de deux semaines par
rapport à un réglage mécanique par paliers et coussinets.
De telles innovations ont permis des gains importants par rapport à
N4 : - 13 % en termes de surface de la construction. Les
coûts de construction ont diminué de 16 % et l'utilisation de
ces solutions innovantes laisse espérer des gains de l'ordre de
53 % dans les délais (25 mois au lieu des 46
nécessaires à la construction de la salle des machines du N4).