Chapitre II
Les recherches sur les accidents graves
J'ai, au
cours de mes travaux, mis en garde à de nombreuses reprises mes
interlocuteurs contre le risque qu'il pourrait y avoir à trop mettre
l'accent, dans la présentation du projet EPR, sur la réduction de
la probabilité de survenance d'un accident grave tel que la fusion du
coeur.
En effet, ceux qui ne sont pas familiers de la technologie nucléaire
peuvent redouter que le risque que survienne un accident nucléaire grave
soit important. Il n'en est rien. Lorsque les concepteurs du projet parlent de
réduction d'un facteur 10 des risques, ils partent d'une situation
où la probabilité est déjà
infinitésimale ; on estime que la probabilité d'accident
grave est d'un accident pour une période de 400 ans sur l'ensemble
des tranches en service en France.
La démarche consiste à réduire encore ces
probabilités de risque.
Comme nous venons de le voir dans le chapitre précédent, deux
problèmes sont particulièrement importants : les risques
liés à l'hydrogène et la fusion du coeur.
I Les risques liés à l'hydrogène
Dans un
accident grave, le coeur du réacteur n'est plus correctement refroidi.
L'élévation de la température du combustible qui en
résulte provoque l'ébullition de l'eau qui se répand en
vapeur d'eau sur les parois de l'enceinte de confinement.
Or, aux environs de 1200°C, les crayons de combustible, partiellement
émergés puisque le niveau d'eau a diminué, et dont les
gaines sont réalisées en alliage à base de zirconium,
subissent une réaction d'oxydation qui produit de l'hydrogène.
En cas d'accident grave de ce type, il existe un risque, certes
infinitésimal, d'accumulation d'hydrogène, source possible d'une
éventuelle explosion de nature à compromettre la solidité
de l'enceinte du réacteur.
A) Les solutions techniques sont malaisées à définir
La
meilleure solution serait de refroidir la cuve en l'aspergeant par
l'extérieur. Cette solution est techniquement possible pour les
réacteurs de 600 Mégawatts, elle ne l'est pas pour les centrales
plus puissantes.
Votre Rapporteur regrette que les recherches sur l'adaptation de l'aspersion
de la cuve par l'extérieur aient été abandonnées et
il estime que les recherches sur l'aspersion des cuves des réacteurs de
forte puissance devraient être poursuivies.
En effet, la solution retenue pour le projet EPR, qui consiste à inonder
la cuve en cas de surchauffe du coeur, présente l'inconvénient de
produire de la vapeur d'eau, donc de l'hydrogène.
Or, il se trouve qu'en cas d'accident grave, la vapeur d'eau ne se
répartit pas également dans l'enceinte, ce qui peut être
à l'origine de poches de vapeur d'eau dont la présence est
redoutable.
Les recherches conduites par le CEA s'orientent autour de deux voies :
inerter l'enceinte ou réintégrer le corium dans le circuit
primaire.
Inerter l'enceinte implique le remplacement au moins partiel de l'air, qui
comporte de l'hydrogène, par de l'azote, solution qui peut ne pas
être permanente, l'azote étant injecté en tant que de
besoin.
L'autre voie qui, pour les spécialistes, semble être la meilleure
consisterait à intégrer dans l'enceinte le
récupérateur de corium car, dans cette hypothèse, la cuve
ne céderait pas au bout de 4 heures, mais de 12 heures,
délai permettant une meilleure prise en charge de l'accident grave.
Pour des raisons de coût, ces solutions techniques ont été
écartées par les concepteurs de l'EPR.
Votre Rapporteur souhaite que le CEA puisse approfondir ses travaux sur cette
question afin que puisse être encore réduite la
probabilité, déjà très faible, d'accident grave.
Il faut, en effet, avoir à l'esprit que lors de l'accident de Three
Miles Island, en 1979, les exploitants ont décelé la
présence d'une bulle de gaz essentiellement composée de
l'hydrogène produit au moment de la surchauffe, au sommet de la cuve.
Or, la combinaison optimale (ou stoechiométrique) pour entraîner
une explosion est de 2 volumes d'hydrogène pour 1 volume
d'oxygène, et la décomposition de l'eau sous l'action des
rayonnements produit de l'oxygène.
De ce fait, les autorités américaines avaient redouté que
l'ultime barrière contre une pollution radiologique, la cuve, ne
cède à la suite d'une explosion d'hydrogène. L'analyse a
par la suite démontré que ce risque était inexistant car
la combinaison stoechiométrique ne pouvait pas être atteinte.
Il n'en demeure pas moins vrai que cet exemple a montré que le risque
consécutif à une explosion d'hydrogène constitue un des
accidents les plus graves susceptibles de se produire dans une centrale
nucléaire.