III. LES TRANSPORTS
Le Titre
III du projet de loi comporte quatre sections.
Il s'agit, tout d'abord, de mettre la politique des déplacements en
cohérence avec les nouveaux mécanismes d'urbanisme.
La première section du titre III (articles 35 à 40 quater) traite
ainsi des
plans de déplacements urbains
dont les auteurs de la
réforme souhaitent qu'ils s'articulent avec les nouveaux
schémas de cohérence territoriale
.
En permettant que l'établissement chargé de l'élaboration
du schéma de cohérence territoriale se voie, aussi, confier, sous
certaines conditions, le soin de mettre au point le plan de déplacements
urbains, le projet tend à articuler des logiques de desserte qui ne
concernaient jusqu'à présent que l'agglomération urbaine
et la prise en compte des mobilités à partir ou en direction des
territoires périurbains.
En second lieu, les dispositions nouvelles insistent sur la politique de
stationnement
, de
répartition de la voirie
entre les
différents usagers et de
livraison de marchandises
dans
l'agglomération. Ces orientations constitueront les priorités des
plans de déplacements urbains.
Ces différentes mesures s'inscrivent dans une perspective de
développement des transports collectifs, de limitation des
déplacements en voiture individuelle afin d'améliorer le cadre de
vie et la qualité de l'environnement ainsi que de reconquête des
centre-villes.
La deuxième section du titre III (articles 41 à 43) tend
à promouvoir la coopération entre autorités
administratives de transport en vue de faciliter la
desserte du territoire
périurbain
. Le projet propose, ainsi, la création de
syndicats mixtes
de transport
qui associeraient la région,
les départements et, le cas échéant, des autorités
organisatrices en matière de transport urbain afin que ces
différents échelons territoriaux puissent coordonner
l'organisation de leurs services de transport, mettre en place ensemble un
dispositif d'information à l'intention des usagers et harmoniser, dans
la mesure du possible, tarifications et titres de déplacement.
La troisième section du titre III (articles 44 à 50) a pour
principal objet de faire entrer la
région Ile-de-France
dans le
syndicat des transports parisiens
(STP), nouvellement
dénommé syndicat des transports d'Ile-de-France, chargé,
aux termes de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959,
d'organiser les transports de voyageurs dans la région parisienne.
Cette ouverture de l'actuel STP à la région ne manquera pas de
susciter une petite " révolution culturelle " au sein d'un
organisme qui associe jusqu'à présent, sur un pied
d'égalité, représentants de l'Etat d'une part,
départements de l'Ile-de-France et ville de Paris d'autre part, à
l'exclusion de la région qui, pourtant, participe au financement des
infrastructures de transport dans le cadre du contrat de plan
Etat-région.
Il convenait donc de revenir sur une anomalie historique. La région
Ile-de-France participera désormais au conseil d'administration du
syndicat (sur un pied d'égalité avec la ville de Paris) et
contribuera, en corollaire, aux charges d'exploitation.
Une autre disposition fondamentale du projet de loi consiste à faire
désormais transiter les concours financiers de l'Etat et des autres
collectivités territoriales aux charges d'exploitation de la RATP et
autres services de transport, par le budget du nouveau syndicat des transports
d'Ile-de-France (STIF).
Ce mécanisme se substituera à l'actuel système dans lequel
une indemnité compensatrice est versée, en fin d'exercice, par
l'Etat aux entreprises de transport, sous forme d'une subvention
d'équilibre, après constatation du déficit d'exploitation.
La mesure constituera une autre " révolution culturelle " pour
la RATP qui se verra assigner des objectifs d'amélioration de gestion et
de qualité du service dans le cadre d'un contrat pluriannuel avec le
STIF.
Votre commission a constaté qu'un large consensus prévalait sur
cette réforme, tant de la part du syndicat des transports parisiens et
de la région Ile-de-France que de celle de la RATP -direction et
organisations représentatives du personnel confondues-, engagée
depuis plusieurs années dans une politique de modernisation de sa
gestion et qui appelle de ses voeux une véritable
" responsabilisation ".
Le projet de loi institue, aussi, aux côtés du STIF, un
"
comité des partenaires du transport public
".
Cette instance serait consultée sur l'offre et la qualité des
services de transport de personnes relevant du syndicat des transports
d'Ile-de-France. Son avis pourra également être requis
ponctuellement par ce même syndicat sur tout autre domaine relatif aux
transports en Ile-de-France.
Présidé par le président du conseil régional
d'Ile-de-France ou son représentant, il serait composé de
représentants :
- des organisations syndicales du secteur des transports collectifs ;
- des organisations professionnelles patronales et des organismes
consulaires ;
- des associations d'usagers des transports collectifs ;
- des collectivités participant au financement des services de
transport de voyageurs en Ile-de-France et non membres du syndicat.
Enfin, la section 4 du titre III du projet de loi (articles 51
à 59
bis
) porte sur
la régionalisation des
transports collectifs d'intérêt régional
et
principalement des services ferroviaires.
Il convient de rappeler que la décentralisation du transport ferroviaire
régional s'est effectuée en plusieurs étapes.
Envisagée, dès 1974, par M. Olivier Guichard, elle a fait
l'objet d'une expérience intéressante dans la région
Nord-Pas-de-Calais à la fin de la décennie, avant que la loi
d'orientation des transports intérieurs du
30 décembre 1982 n'ouvre, pour la SNCF et les régions,
la possibilité de signer des conventions.
C'est, notamment, à la suite du rapport des sénateurs Hubert
Haenel et Claude Belot en 1993-1994
2(
*
)
, que la loi n° 95-115 du
4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire a organisé une expérimentation
de régionalisation.
En application de son article 67 et de l'article 15 de la loi
n° 97-135 du 13 février 1997 portant création
de l'établissement public " Réseau ferré de
France ", une expérimentation s'est ainsi engagée, d'abord
dans six puis sept régions volontaires (Alsace, Centre,
Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Provence -Alpes-Côte d'Azur et
Rhône-Alpes, Limousin).
L'expérimentation devait s'achever le 31 décembre 1999.
Elle a été prolongée de deux ans par
l'article 21 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire.
Si l'on fait abstraction de l'expérience conduite, depuis 1997, dans
sept régions, l'Etat est encore, aujourd'hui, l'autorité
organisatrice du transport ferroviaire d'intérêt
régional ; la SNCF est, quant à elle, l'opérateur
d'un service dit de référence dans lequel les régions sont
appelées à assurer un financement complémentaire pour les
prestations souhaitées dans leur ressort territorial.
La LOTI a prévu que l'organisation des liaisons ferroviaires inscrites
au plan régional des transports ferait l'objet de conventions entre la
SNCF et les régions (article 22).
Cette faculté a constitué le premier engagement des
régions dans le domaine ferroviaire.
Cette expérimentation a posé les principes d'un transfert de
compétences de l'Etat vers les régions pour les transports
collectifs d'intérêt régional.
La section 4 du projet de loi propose de
transférer
à
l'ensemble des régions, le 1
er
janvier 2002, les
compétences
que détient l'Etat en qualité
d'autorité organisatrice du
transport ferroviaire de voyageurs
d'intérêt régional
.
Ce transfert de charges sera compensé par le versement, par l'Etat,
d'une compensation annuelle indexée.
Les régions concluraient, chacune, une convention avec la SNCF, fixant
les conditions d'exploitation et de financement des services relevant de la
compétence régionale.
Telles sont les dispositions essentielles de cette section qui prévoit,
aussi, que les régions pourront signer une convention avec une
région limitrophe pour les dessertes passant par
deux régions. De même, ces collectivités auront, le
cas échéant, la faculté de conclure une convention avec
une autorité organisatrice de l'Etat voisin pour assurer une liaison
régionale transfrontalière.
Un bilan de ce transfert devrait, enfin, être établi cinq ans
après l'entrée en vigueur de la réforme.
Le transport ferroviaire régional peut être, aujourd'hui,
résumé en quelques chiffres :
- 500.000 voyageurs par jour, soit 60 % des utilisateurs de la
SNCF, hors Ile-de-France ;
- 5.000 trains TER par jour ;
- 3.000 gares ou points d'arrêt ferroviaire ;
- 4.200 points d'arrêt routier SNCF ;
- 300 entreprises routières associées ;
- 80 gares desservies par taxi TER ;
- 800 cars TER et 1.000 conducteurs.
Cette activité développe un chiffre d'affaires d'environ
9 milliards de francs et occupe 20.000 emplois.
La SNCF a mené des études statistiques sur les utilisateurs des
TER. Selon celles-ci, 56 % des déplacements sont
réalisés par des moins de 26 ans, dont 30 % par des
20-25 ans, 39 % des clients ayant entre 26 et 59 ans.
S'agissant des motifs des déplacements, on a relevé :
- 37 % de trajets " domicile-études " ;
- 29 % de trajets " domicile-travail " ;
- 7 % de trajets de professionnels non réguliers,
- 18 % de trajets de loisirs, visites à parents ou amis.
En ce qui concerne l'origine géographique des usagers, les
enquêtes ont montré que 33 % d'entre eux venaient des centres
villes, 43 % des banlieues urbaines, 17 % des communes rurales
périurbaines et 2 % du territoire rural.
En 1998, l'Etat a versé 2,813 milliards de francs aux
régions expérimentatrices.
Celles-ci ont prévu
d'investir
6 milliards de francs
dans la nouvelle
génération de trains TER et dans les rénovations de
matériels. Aujourd'hui, cela représente 55 automoteurs TER,
80 TER à 2 niveaux, 83 autorails TER et plus de
200 voitures rénovées.
On relève que
deux cents rénovations de gares
ont,
déjà, été réalisées en partenariat
avec les régions, les départements et les communes (70 gares
en région Centre, 25 en PACA, 28 en Rhône-Alpes, 35 en
Nord-Pas-de-Calais, 10 en Alsace).
On estime que l'expérimentation a permis une augmentation de 6 % du
nombre de trains en 1998, contre 2,3 % dans les régions
non-expérimentales. On citera à titre d'exemples :
- la région Alsace : 8 allers/retours supplémentaires
par jour sur la ligne Strasbourg-Mulhouse, depuis le
30 août 1998, soit 16 dessertes quotidiennes ;
- la région Nord-Pas-de-Calais : 15 trains
supplémentaires par jour sur la ligne Lille-Aulnoye-Jeumont/Hirson,
depuis le 29 novembre 1998 ; l'offre est accentuée
globalement de 43 % et comprend désormais 18 dessertes
quotidiennes ;
- la région PACA : 23 trains TER supplémentaires
depuis le 29 novembre dernier entre Marseille-Hyères, Les
Arcs-Menton, Marseille-Briançon et Marseille-Avignon (plus de
300 trains circulent désormais chaque jour sur ces lignes).
De nouveaux tarifs ont été créés pour les
déplacements quotidiens " domicile/travail " (abonnements de
travail régional au-delà de 75 km en PACA et Pays de la
Loire) et " domicile/études " (le " Campus-pass " en
Rhône-Alpes) mais aussi, de plus en plus, pour les déplacements
occasionnels " privé/loisirs " (forfaits week-end en Alsace,
billets TER avec une forte réduction pour le Printemps de Bourges en
région Centre, la Braderie de Lille en Nord-Pas-de-Calais, ...).
Des tarifications spécifiques pour les demandeurs d'emploi sont, aussi,
à signaler en Pays de la Loire ou en Limousin.
Plus globalement, la SNCF s'est montrée très satisfaite de
l'expérimentation en termes de niveau d'activité.
Le trafic et les recettes ont progressé sensiblement plus vite,
notamment durant les deux premières années, dans les
régions expérimentatrices (
avec des taux de croissance annuels
de 4 à 5 %).
Pour les six premières, on observe
qu'entre les résultats de 1996 et ceux de 1999, le trafic 1999 a
augmenté de 12,4 % pour les premières contre 6,2 % pour les
autres régions (moyenne + 9,3 %). L'évolution est la
même pour les recettes, pour lesquelles les progressions sont
respectivement de + 12 % et de + 6,4 % (moyenne + 9,3
%).
Votre commission juge, tout d'abord, raisonnable le choix de
la date du
1
er
janvier 2002
pour la généralisation
de la régionalisation du transport ferroviaire régional.
Cette échéance a été acceptée par
l'association représentative de toutes nos régions. Le
Gouvernement et l'Assemblée nationale en sont tombés d'accord. Il
n'y a plus lieu d'y revenir.
En revanche, votre commission a estimé que la ressource prévue
par le projet de loi au titre de la
compensation financière
des
régions était
très insuffisante.
En ne prenant en compte que les déficits courants d'exploitation qui
seront constatés en 2000 et la dotation nécessaire au
renouvellement du matériel roulant,
la compensation envisagée
fait l'impasse sur un certain nombre de charges,
notamment l'indispensable
modernisation des gares régionales (ce qui ne se limite pas aux frais
d'entretien des gares existantes) et le manque à gagner
généré par les tarifs sociaux décidés et mis
en oeuvre par l'Etat. Sur ce dernier point, il importe, en outre, que toute
charge nouvelle créée par l'Etat et liée à une
modification dans le régime des tarifs sociaux entraîne une
révision de la compensation.
Par ailleurs, les
modalités d'évolution
prévues
pour la compensation sont, elles aussi, apparues comme
sans rapport avec une
vision dynamique du développement du service public ferroviaire
régional
. Ce que chacun semble pourtant souhaiter...
L'argument selon lequel, incluse dans la dotation générale de
décentralisation, la compensation doit obéir au régime
d'indexation de cette dernière ne semble pas opérant, en
l'occurrence. Pour votre commission, l'indexation de la compensation
financière doit, évidemment,
s'aligner
sur
l'évolution nominale du produit intérieur brut
.
Enfin, il n'est pas logique que l'effort d'investissement des régions
dans le nouveau matériel ferroviaire génère des recettes
indues au profit des autres collectivités territoriales par le biais de
la taxe professionnelle.
Il vous sera, ainsi, demandé d'exonérer de taxe professionnelle
les véhicules ferroviaires destinés au transport régional
de voyageurs dont l'acquisition est financée par une région.
Tous les amendements de votre commission s'inscrivent dans
une
volonté de compensation équitable des charges nouvelles qui
seront supportées par les régions
, dont on sait qu'elles
seront jugées sur leur capacité à améliorer et
à développer le service public ferroviaire régional.
Ne pas donner aux régions les moyens véritables de leurs
ambitions pourrait déboucher sur l'échec pur et simple de la
régionalisation.