II. LA POLITIQUE DE LA VILLE
Le titre
II du projet de loi s'intitule " Conforter la politique de la ville et
s'articule autour de deux sections :
- l'une relative à la solidarité entre les communes en
matière d'habitat ;
- l'autre relative à la protection de l'acquéreur et au
régime des copropriétés.
Dans cette seconde section, votre Commission des Affaires économiques a
délégué à la Commission des Lois, saisie pour avis,
l'examen de la plupart des dispositions proposées parce qu'elles
concernaient le régime des contrats de vente immobilier, ou qu'elles
proposaient de modifier des dispositions de la loi du 10 juillet 1965
sur le statut des copropriétés.
S'agissant des dispositions relatives à la solidarité entre les
communes en matière d'habitat, les articles 25 à 29 du
projet de loi modifient en profondeur le dispositif mis en place par la loi
n° 91-662 du 13 juillet 1991 dite loi d'orientation pour la
ville.
On peut brièvement rappeler que cette loi prévoyait des
dispositions spécifiques pour les agglomérations de plus de
200.000 habitants, en faisant obligation aux communes de plus de 3.500
habitants, situées dans ces agglomérations, de prendre des
mesures permettant l'acquisition de terrains ou de locaux nécessaires
à la réalisation de logements sociaux, lorsqu'elles :
- comptent moins de 20 % de logements sociaux ;
- et moins de 18 % de bénéficiaires d'aides
personnelles (rapportés au nombre de résidences principales).
La commune pouvait remplir cette obligation soit sur la base d'un programme
local de l'habitat (PLH) adopté en prenant un engagement triennal de
réalisation d'actions foncières et d'acquisitions
immobilières nécessaires à la réalisation d'un
certain nombre de logements sociaux, soit par le versement d'une contribution
financière à un -ou des- organismes désignés par le
préfet et habilités à réaliser des acquisitions
foncières et immobilières ou des logements sociaux sur le
territoire de la commune.
Cet engagement triennal devait être renouvelé si le taux de
logement social restait inférieur à 20 %.
Compte tenu des difficultés d'application qui se sont faites jour, des
assouplissements ont été apportés pour permettre la mise
en oeuvre effective du dispositif.
Le bilan d'application élaboré par le ministère de
l'équipement, du logement et des transports en avril 1998 est loin
d'être négatif et montre que cette loi a permis de mobiliser les
élus locaux et nombre d'acteurs de terrain fondamentaux sur les aspects
de la politique de la ville, tels que l'exigence de la mixité sociale ou
la lutte contre les ségrégations spatiales.
Plus précisément, le programme local de l'habitat (PLH)
conçu pour être le véritable outil des politiques locales
de l'habitat, afin de favoriser une répartition équilibrée
et diversifiée de l'offre de logements a été largement
utilisé. Selon le bilan précité, 470 PLH ont
été projetés ou mis en chantier et 288 ont
été signés.
Sur ce total, 130 PLH ont été réalisés dans le
cadre des obligations des agglomérations de plus de
200.000 habitants, dont 80 en région Ile-de-France.
S'agissant des objectifs de construction de logements sociaux, les objectifs
quantitatifs ont globalement été atteints :
- sur les 1.170 communes que comptent les
29 agglomérations de plus de 200.000 habitants, 209
étaient soumises à l'obligation de réaliser des logements
sociaux, et 201 communes ont répondu à cette obligation dans le
cadre d'un PLH tandis que 8 communes ont préféré payer la
contribution substitutive ;
- les obligations de réaliser des logements sociaux pour la
période 1995-1997 étaient de 22.400 logements dont 10.600
à Paris et 7.300 pour le reste de la région. Sur cette base,
70 % ont atteint leurs objectifs dont 80 % en Ile de France, mais
27 communes n'ont réalisé aucun logement social.
Au total, 28.340 logements sociaux ont été
réalisés qui se répartissent ainsi :
|
PLA |
Dt PLATS |
PLI |
Autres |
Total |
France entière |
24 200 |
3 120 |
3 520 |
620 |
28 340 |
Paris |
10 580 |
1 120 |
2 650 |
120 |
13 350 |
Reste IDF |
9 040 |
1 520 |
660 |
270 |
9 970 |
Selon le
rapport précité, si le résultat peut être
considéré comme modeste, car il représente seulement
1 % du parc de logements sociaux des 27 agglomérations de + de
200.000 habitants, il représente néanmoins un peu plus de
10 % de la construction de logements sociaux réalisée sur
l'ensemble du territoire, pendant la même période.
On peut donc considérer que l'objectif de mixité sociale est
désormais un objectif partagé par une très grande
majorité des élus locaux.
Le dispositif du projet de loi se veut tout à la fois plus
contraignant dans les objectifs et surtout plus restrictif sur les moyens
à employer
pour les atteindre.
D'une part, il élargit le champ d'application du dispositif à
l'ensemble des aires urbaines de plus de 50.000 habitants, sans d'ailleurs
tenir compte de l'existence de structures intercommunales existantes, notamment
celles récemment mises en place depuis l'adoption de la loi
n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement de
l'intercommunalité.
Il maintient, pour ces agglomérations, un objectif de réalisation
de 20 % de logements sociaux mais en étant beaucoup plus restrictif
sur la définition des logements sociaux éligibles à ce
dispositif et en ne prenant plus en compte un critère lié au
pourcentage de personnes bénéficiant d'aides au logement.
Ceci a pour conséquence, notamment, de faire disparaître tout le
parc social de fait ainsi que l'accession à la propriété.
Le projet de loi supprime le dispositif alternatif laissant le choix aux
communes de construire ou de verser une participation financière, en
rendant obligatoire le versement d'une contribution qui devra accompagner la
réalisation de logements sociaux selon des objectifs calculés sur
une période triennale. Le montant de cette contribution est
diminué des sommes engagées par la commune pour la
réalisation desdits logements sociaux.
Le projet de loi, en outre, renforce considérablement le dispositif de
substitution, qui autorise le préfet, après avoir constaté
la carence d'une commune à faire construire des logements sociaux en
lieu et place des collectivités locales.
L'Assemblée nationale a maintenu, dans ses principes le dispositif
actuel en apportant les modifications suivantes qui peuvent être ainsi
brièvement présentées :
- s'agissant des communes à prendre en compte, elle a
instauré un seuil distinct pour l'Ile-de-France et les autres
régions ;
- elle a élargi la liste des logements locatifs sociaux pouvant
être pris en compte, notamment les logements privés
réhabilités avec des subventions de l'ANAH ;
- elle a prévu que le prélèvement serait
modulé en fonction du potentiel fiscal des communes, dès lors
qu'il est supérieur à 5.000 francs par habitant ;
- elle a enfin rendu automatique le pouvoir de substitution du
préfet, après que celui-ci aura constaté la carence de la
collectivité locale.
Votre commission
entend, sur ce dispositif,
réaffirmer
qu'elle est résolument favorable à l'objectif de mixité
sociale et à la lutte contre la ségrégation spatiale et
les ghettos
.
Elle juge, sur ce dernier point, que l'Etat doit consentir un effort financier
important pour soutenir une politique plus offensive en matière de
restructuration.
S'agissant des articles 25 à 29 eux-mêmes, le dispositif qui
vous est proposé :
- entend
s'appuyer sur les structures intercommunales
compétentes
en matière de logement, lorsqu'elles
existent ;
-
fait le choix d'un développement diversifié du logement
social en prenant en compte l'accession sociale à la
propriété. Elle récuse ainsi le principe d'un parcours
résidentiel uniforme et standardisé n'autorisant aux populations
modestes ou défavorisées que l'unique solution d'un logement
locatif social
.
Ce souci est partagé par beaucoup d'élus et d'acteurs locaux
intervenant en matière d'habitat et on peut citer les propos de
Mme Marie-Thérèse Lienemann, présidente du
Comité national de l'habitat lors de la réunion
plénière du 13 janvier 2000, au cours de laquelle le
projet de loi a été examiné :
"
Autre grand sujet, la question de l'accession sociale. Cela nous
ramène aussi un peu à la question du logement social. Je crois
que c'est une erreur de considérer que le logement social est simplement
un logement locatif. Je le dis d'autant plus que la tendance de Bercy, c'est de
considérer que les pauvres et les moyens pauvres doivent vivre selon
leurs moyens, en restant locataires, alors que les autres, les gens
sérieux peuvent être accédants.
Mais il y a un petit bémol qui est l'aspiration du peuple, car la
première aspiration du peuple, c'est d'accéder à la
propriété.
Alors, avoir toute une loi qui vise à limiter ou à conjurer
l'accession sociale me paraît être une aberration. Je
considère qu'il y a une aspiration de nos sociétés
contemporaines et je ne vois pas pourquoi on ne se doterait pas d'outil qui
garantisse cette aspiration
".
- Votre commission vous propose également d'inscrire les
obligations imposées en matière de logements sociaux dans un
contrat
d'objectifs
signé avec l'Etat, et qui
s'insère dans le cadre des orientations arrêtées notamment
par le schéma de cohérence territoriale.
- Elle
récuse
enfin, avec la plus grande force,
la mise
en place d'un dispositif coercitif et contraignant
permettant au
préfet de se substituer à la commune ou à
l'établissement de coopération intercommunale. Au demeurant, elle
considère que les moyens ainsi envisagés portent atteinte au
principe de la libre autonomie des communes, et qu'ils ne peuvent être
acceptés en l'état.