III. LA POSSIBILITÉ DE PROCÉDER À UNE VALIDATION LÉGISLATIVE DOIT ÊTRE EXAMINÉE AU REGARD DE LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Si les
considérations qui viennent d'être évoquées
permettent de justifier en opportunité la mesure de validation
législative à laquelle tend la présente proposition de
loi, il importe néanmoins, sur le plan juridique, de s'assurer de la
possibilité de procéder à une telle validation eu
égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Celle-ci soumet les lois de validation à deux conditions
essentielles :
- le
respect de l'autorité de la chose jugée
,
conformément au principe de la séparation des pouvoirs ;
- et la
justification
de la validation
par un motif
d'intérêt général
.
S'agissant de la première condition,
une loi de validation ne peut
revenir sur une décision de justice devenue définitive
car
"
il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de
censurer les décisions des juridictions
"
4(
*
)
.
La question se pose donc de savoir si les décisions de la Cour
administrative d'appel de Paris du 4 juin 1998 prononçant
l'annulation de l'examen professionnel de 1991 doivent ou non être
considérées comme définitives.
Certes, les voies d'appel sont en l'espèce épuisées, mais
certains agents dont la promotion a été annulée ont
engagé une
procédure de tierce opposition
, sur le
fondement de l'article R. 225 du code des tribunaux administratifs et
des cours administratives d'appel, aux termes duquel : "
Toute
personne peut former tierce opposition à une ordonnance, un jugement ou
un arrêt qui préjudicie à ses droits, dès lors que
ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été
présents ou régulièrement appelés dans l'instance
ayant abouti à cette décision
"
5(
*
)
.
La procédure de tierce opposition permet de remettre en cause une
décision de justice sur le fond en faisant rejuger l'affaire par la
juridiction saisie.
Elle n'est soumise à une condition de délai que lorsque la
décision a été notifiée à
l'intéressé ; le délai est alors de deux mois
à compter de la notification (cf. art. R. 226 du code des tribunaux
administratifs).
Selon les précisions apportées au cours du débat à
l'Assemblée nationale, le 29 février 2000, par Mme Elisabeth
Guigou, Garde des Sceaux, les arrêts n'ayant pas été
signifiés à l'ensemble des agents, ceux qui n'ont pas
formé tierce opposition à ce jour sont encore en droit de le
faire, et la juridiction administrative ne s'est pas encore prononcée
sur le bien-fondé des tierces oppositions.
Dans la mesure où une décision de justice ne passe en force de
chose jugée vis à vis des tiers opposants qu'à compter du
rejet éventuel de la tierce opposition, on peut donc considérer
que les décisions précitées de la Cour administrative
d'appel de Paris ne sont pas définitives à l'égard des
tiers opposants et qu'une mesure de validation législative est encore
possible.
En ce qui concerne la condition tenant aux motifs justifiant la validation,
l'existence d'un
motif d'intérêt général
ne
fait guère de doute, compte tenu des conséquences de l'annulation
de l'examen professionnel de 1991 qui ont précédemment
été évoquées. En effet, le Conseil constitutionnel
admet que des mesures relatives aux agents publics puissent être
validées afin de préserver le "
déroulement normal
des carrières du personnel
" et a déjà eu
l'occasion de juger de la conformité à la Constitution d'une loi
tendant à valider les résultats d'un concours
6(
*
)
.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel admet la
rétroactivité
d'une loi de validation dès lors
qu'elle n'intervient pas en matière pénale et qu'elle ne concerne
pas des actes pouvant être assimilés à des sanctions.
Au terme de cet examen, la validation proposée apparaît sans doute
envisageable, même si elle n'est guère satisfaisante sur le plan
des principes. Elle présente en tout état de cause l'avantage
d'éviter les difficultés liées à l'organisation
d'un nouveau concours et d'assurer la sécurité juridique des
fonctionnaires intéressés.
*
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission vous propose donc d'adopter sans modification la présente proposition de loi.