EXAMEN DES ARTICLES
Intitulé du projet de loi
L'Assemblée nationale, suivant une proposition de
M. Pierre Lellouche, acceptée par sa commission des Lois -le
Gouvernement s'en étant remis à la sagesse des
députés- a complété l'intitulé du projet de
loi afin de préciser que celui-ci concernait les ventes aux
enchères publiques de meubles "
par nature
".
La mention ajoutée par l'Assemblée nationale alourdit quelque peu
l'intitulé du projet de loi. Elle n'apparaît pas nécessaire
dans la mesure où l'Assemblée nationale a ajouté à
l'article 1
er
que seraient "
considérés
comme meubles par la présente loi les meubles par nature
",
précision que votre commission vous proposera
d'approuver(cf. commentaire de cet article).
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à supprimer cette mention et à rétablir l'intitulé
initial du projet de loi.
CHAPITRE PREMIER
LES VENTES VOLONTAIRES DE MEUBLES
PAR NATURE
AUX ENCHÈRES PUBLIQUES
De
même que pour l'intitulé du projet de loi, l'Assemblée
nationale a complété l'intitulé du
chapitre 1
er
afin de préciser qu'il concernait les
ventes volontaires aux enchères publiques de meubles "
par
nature
".
Cette précision n'apparaissant pas indispensable, votre commission vous
propose d'adopter un
amendement
tendant à la supprimer et
à rétablir l'intitulé initial du
chapitre 1
er
.
Article premier
Définition des biens
susceptibles d'être vendus
aux enchères publiques
Cet
article, que le Sénat n'a modifié que par un amendement
rédactionnel, précise que les ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques ne peuvent en principe porter que sur des biens
d'occasion, à l'exception des biens neufs issus directement de la
production d'un vendeur qui ne serait ni commerçant, ni artisan (tels
que par exemple, les oeuvres d'art, les chevaux ou le vin).
Il définit en même temps les biens d'occasion comme les biens qui,
à un stade quelconque de la production ou de la distribution, sont
entrés en la possession d'une personne pour son usage propre, par
l'effet de tout acte à titre onéreux ou à titre gratuit.
L'Assemblée nationale a apporté deux modifications à cet
article.
D'une part, à l'initiative de M. Alain Tourret, elle a
précisé que les ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques régies par le présent projet de loi étaient des
ventes au détail "
ou
" par lot, et non pas au
détail "
et
" par lot comme le prévoyait la
rédaction initiale de l'article 1
er
, afin de faire
apparaître explicitement la possibilité, couramment admise par la
pratique, de réunir plusieurs biens en un seul lot
2(
*
)
.
D'autre part, l'Assemblée nationale, par un amendement de
M. Pierre Lellouche, a explicité la notion de
"
meubles
" en indiquant dans un nouvel alinéa que ce
terme visait les "
meubles par nature
" de manière
à éviter toute ambiguïté quant au champ d'application
du projet de loi.
Cette mention renvoie à la définition formulée par
l'article 528 du code civil, aux termes duquel "
sont meubles par
leur nature, les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre,
soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu'ils ne
puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère,
comme les choses inanimées "
.
Elle a pour objet de préciser explicitement que le projet de loi ne
s'applique pas aux meubles "
par détermination
" au
sens de l'article 529 du code civil, c'est à dire aux meubles
incorporels tels que des valeurs mobilières ou des fonds de commerce.
Elle vise également à écarter une interprétation
restrictive du mot "
meuble
" qui pourrait être
fondée sur le texte de l'article 533 du code civil, qui dispose
que : "
le mot meuble, employé seul dans les dispositions
de la loi (...), sans autre addition ni désignation, ne comprend pas
l'argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les livres, les
médailles, les instruments des sciences, des arts et métiers, le
linge de corps, les chevaux, équipages, armes, grains, vins, foins et
autres denrées ; il ne comprend pas aussi ce qui fait l'objet d'un
commerce "
.
La mention ajoutée par l'Assemblée nationale précise donc
utilement le champ d'application du projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 1
er
sans
modification.
Article 2
Organisation des ventes volontaires de
meubles
aux enchères publiques par des sociétés de
forme commerciale
Cet
article tend à mettre fin au monopole actuel des commissaires-priseurs
en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques, en confiant une compétence de droit commun pour
l'organisation et la réalisation de ces ventes à des
sociétés de forme commerciale et à objet civil.
Il maintient toutefois la compétence des autres officiers
ministériels actuellement habilités à procéder,
dans certaines conditions, à de telles ventes -c'est à dire les
notaires et les huissiers de justice- qui seront autorisés à
poursuivre cette activité dans le cadre de leur office suivant les
règles actuelles.
Cependant, l'Assemblée nationale, par un amendement de MM. Plagnol
et Martin, adopté avec un avis favorable de la commission des Lois mais
défavorable du Gouvernement, a souhaité préciser que les
ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne pourraient
dorénavant être réalisées par des notaires ou des
huissiers de justice qu'"
à titre accessoire
".
Cette précision correspond à la pratique actuelle. En effet,
cette activité a traditionnellement un caractère marginal et
occasionnel pour les officiers ministériels intéressés qui
ne peuvent actuellement l'exercer que dans les villes où aucun
commissaire-priseur n'est installé
3(
*
)
.
Par ailleurs, l'article 2 précisait, dans sa rédaction initiale,
que les notaires et les huissiers de justice ne pourraient agir qu'en tant que
mandataires du "
propriétaire
" du bien mis aux
enchères.
Afin d'harmoniser la rédaction de cette disposition avec celle du reste
du projet de loi et notamment de l'article 3 relatif aux
sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques, le Sénat, suivant la proposition de votre commission des
Lois, avait substitué au terme "
propriétaire
"
le terme "
vendeur
". Tout en admettant la
nécessité d'une harmonisation de la rédaction des articles
2 et 3, l'Assemblée nationale a cependant préféré
revenir au terme "
propriétaire
" qui lui est apparu
garantir une meilleure sécurité juridique.
Pour éviter une discussion d'ordre plus sémantique que juridique,
votre commission vous propose d'adopter l'article 2
sans
modification
.
Article 2 bis
Ventes
réalisées
à distance par voie électronique
Introduit par le Sénat sur la proposition de votre
commission
des Affaires culturelles afin de préciser que les ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques réalisées à distance
par voie électronique seraient soumises aux dispositions du
présent projet de loi, l'article 2 bis a été
supprimé par l'Assemblée nationale, malgré l'avis
défavorable de sa commission des Lois, à l'initiative du
Gouvernement qui a estimé préférable de traiter cette
question après une large concertation et dans le cadre d'une
réflexion d'ensemble sur les nouveaux services en matière de
commerce électronique.
Les ventes aux enchères réalisées par
l'intermédiaire du réseau Internet connaissent actuellement un
développement rapide qui ne va pas sans poser d'épineux
problèmes juridiques.
Elles peuvent revêtir deux formes différentes. Tout d'abord, le
réseau Internet peut être un simple moyen technique de porter une
enchère dans une vente " classique " se déroulant dans
une salle sous la direction d'un commissaire-priseur ; à l'instar
du téléphone, il permet alors à des amateurs de participer
à une vente publique sans être physiquement présents dans
la salle où elle a lieu. Dans ce premier cas, l'utilisation d'Internet
ne pose pas davantage de problèmes que la pratique des enchères
par téléphone et les dispositions prévues par le projet de
loi auront naturellement vocation à s'appliquer sans qu'il soit
indispensable de le préciser explicitement.
Mais le réseau Internet peut également permettre l'organisation
de ventes réalisées uniquement par voie électronique,
c'est à dire sans aucune liaison avec une vente se déroulant dans
une salle. Une vente de ce type récemment organisée en France par
la filiale américaine d'une société française, la
société " Nart ", a donné lieu à un
contentieux engagé par la Compagnie des commissaires-priseurs. Ceux-ci
ont en effet estimé que la société Nart n'avait pas
respecté le monopole actuel des officiers ministériels.
Toutefois, en l'absence de jurisprudence sur ce point, il existe aujourd'hui
une incertitude juridique quant au régime applicable à de telles
ventes.
En première lecture, le Sénat a donc souhaité, à
l'initiative de M. le Président Adrien Gouteyron, rapporteur
pour avis de votre commission des Affaires culturelles et avec l'approbation de
votre commission des Lois, éviter que les ventes aux enchères sur
Internet n'échappent à toute réglementation et se
développent anarchiquement sans offrir aucune protection au
consommateur, ce qui présenterait de graves risques de dérives et
confronterait les futures sociétés de ventes à une
concurrence inéquitable.
Votre commission vous propose de rétablir le texte adopté par le
Sénat en première lecture afin de lever toute
ambiguïté en prévoyant explicitement l'application des
dispositions du présent projet de loi aux ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques réalisées à distance par
voie électronique, sans attendre la discussion du futur projet de loi
relatif au commerce électronique annoncé par le Gouvernement, qui
pourra le cas échéant permettre la mise au point de dispositions
plus précises et mieux adaptées aux ventes par Internet.
Votre commission vous soumet donc un
amendement de rétablissement
de l'article 2 bis.
SECTION I
Les sociétés de ventes
volontaires de meubles
aux enchères publiques
Article 3
Objet des sociétés de ventes
Cet
article limite l'objet des sociétés de ventes à
l'estimation de biens mobiliers, à l'organisation et à la
réalisation de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques. Il pose en outre le principe de l'interdiction faite à ces
sociétés d'acheter ou de vendre directement ou indirectement pour
leur propre compte des biens proposés à la vente aux
enchères publiques, cette interdiction étant étendue
à leurs dirigeants, associés et salariés.
En effet, de même que les notaires et les huissiers de justice
(cf. article 2), les sociétés de ventes ne seront
autorisées à mettre en vente un bien qu'en qualité de
mandataire. Dans sa rédaction initiale, le projet de loi
prévoyait qu'elles agiraient en tant que mandataire du
"
vendeur
". Par coordination avec la rédaction qu'elle
a retenue à l'article 2 s'agissant des notaires et des huissiers de
justice, l'Assemblée nationale a remplacé le mot
"
vendeur
" par les termes "
propriétaire du
bien
".
En première lecture, le Sénat a supprimé une disposition
du projet de loi permettant "
à titre exceptionnel
"
aux dirigeants, associés et salariés d'une société
de ventes de vendre, par l'intermédiaire de celle-ci, des biens leur
appartenant, à condition qu'il en soit fait mention dans la
publicité. Cette exception lui était en effet apparue source de
dérives dans la mesure où elle pourrait tendre à vider de
son contenu le principe de l'interdiction faite aux dirigeants, associés
et salariés de la société de vendre pour leur propre
compte.
L'Assemblée nationale a toutefois rétabli cette disposition dans
sa rédaction initiale, considérant qu'un minimum de souplesse
était nécessaire -par exemple pour éviter de devoir faire
appel à une société concurrente pour vendre le mobilier de
la société de ventes- et que l'obligation de mentionner dans la
publicité l'origine des biens vendus dans cette
éventualité permettrait d'assurer la transparence de
l'opération et l'information du conseil de ventes qui pourrait
vérifier que cette faculté n'est utilisée qu'à
titre exceptionnel et non pour contourner la loi.
Admettant cet assouplissement limité, compte tenu des garanties de
transparence prévues, votre commission vous propose d'adopter
l'article 3
sans modification
.
Article 5
Garanties financières
Cet
article adopté sans modification par le Sénat prévoit
l'obligation pour chaque société de ventes de justifier d'un
certain nombre de garanties financières :
- désignation d'un commissaire aux comptes chargé de
contrôler les comptes ;
- existence d'un compte bancaire destiné exclusivement à recevoir
les fonds détenus pour le compte d'autrui ;
- assurance couvrant la responsabilité professionnelle ;
- assurance ou cautionnement garantissant la représentation des fonds
détenus pour le compte d'autrui.
L'exigence de ces garanties financières est destinée à
assurer la protection des intérêts du consommateur nonobstant la
disparition des garanties qui sont actuellement liées au statut
d'officier ministériel des commissaires-priseurs, et notamment du
système de la "
bourse commune de compagnie
" qui
permet aujourd'hui de garantir la responsabilité professionnelle
solidaire de l'ensemble des commissaires-priseurs d'une même compagnie.
L'Assemblée nationale n'a modifié cet article que par un
amendement de forme tendant à supprimer le renvoi à un
décret en Conseil d'Etat pour fixer les modalités du
cautionnement garantissant la représentation des fonds détenus
pour le compte d'autrui. Elle a en effet jugé préférable
de faire figurer cette précision à l'article 57 qui confie
à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer l'ensemble des
conditions d'application de la future loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5
sans
modification
.
Article 6
Locaux de ventes
Cet
article a pour objet de prévoir une information du conseil des ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques sur les locaux
utilisés pour les ventes.
S'agissant des locaux utilisés à titre habituel (salles de vente
ou d'exposition), il prévoit l'obligation pour chaque
société de ventes de donner au conseil des ventes
"
toutes précisions utiles
" sur ces locaux.
Pour ce qui concerne les autres locaux susceptibles d'être
utilisés à titre occasionnel, le Sénat a souhaité
simplifier, en première lecture, le dispositif initial du projet de loi
qui comportait des formalités et des délais paraissant relever du
domaine réglementaire ; aussi a-t-il prévu une simple
obligation d'information préalable du conseil, dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat, en cas de vente
organisée en dehors des locaux habituels ou "
à distance
par voie électronique
".
Retenant cette simplification rédactionnelle adoptée à
l'initiative de votre commission des Lois, l'Assemblée nationale a
toutefois supprimé la mention des ventes organisées à
distance par voie électronique, par coordination avec la suppression de
l'article 2 bis introduit par le Sénat pour prévoir
l'applicabilité des dispositions du projet de loi à ces ventes.
Elle a également supprimé la référence au
décret en Conseil d'Etat, préférant renvoyer cette
précision à l'article 57.
Votre commission vous propose pour sa part, par coordination avec le
rétablissement de l'article 2 bis qu'elle vous a
précédemment proposé, de rétablir la disposition
prévoyant l'information préalable du conseil des ventes en cas de
vente réalisée à distance par voie électronique.
Elle vous propose d'adopter l'article 6 sous réserve d'un
amendement
ainsi rédigé.
Article 7
Conditions de qualification
Cet
article prévoit l'obligation pour les sociétés de ventes
de justifier d'une garantie de qualification et de compétence dans le
domaine des ventes aux enchères publiques ; il a ainsi pour objet
d'assurer le maintien du niveau de compétence et de savoir-faire qui
s'attache actuellement à la possession du diplôme de
commissaire-priseur (ou d'un diplôme ou titre européen reconnu
équivalent).
En première lecture, suivant la proposition de votre commission des
Lois, le Sénat a clarifié et précisé la
rédaction de cet article en prévoyant que les
sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques devraient comprendre parmi leurs dirigeants, leurs associés et
leurs salariés au moins une personne ayant la qualification requise pour
diriger une vente ou titulaire d'un titre, d'un diplôme ou d'une
habilitation reconnu équivalent en la matière,
l'article 48 bis inséré à son initiative
précisant par ailleurs que les personnes ayant subi avec succès
l'examen d'aptitude à la profession de commissaire-priseur
(c'est-à-dire les actuels commissaires-priseurs ainsi que les
diplômés non titulaires d'un office) seront
considérées comme remplissant cette condition de qualification.
L'Assemblée nationale n'a apporté au texte adopté par le
Sénat pour l'article 7 qu'une simple modification
rédactionnelle tendant à viser les dirigeants, les
associés "
ou
" (et non pas "
et
")
les salariés de la société de ventes afin de lever toute
ambiguïté dans l'interprétation qui pourrait être
faite de ce texte : en effet, il suffit bien entendu que la
société comprenne une seule personne ayant la qualification
requise pour diriger une vente, cette obligation n'ayant pas lieu d'être
exigée simultanément dans chacune des trois catégories
mentionnées.
Telle était bien l'intention de votre rapporteur qui, en proposant
l'adoption de ce texte, n'avait à aucun moment songé imposer
cette obligation dans chacune de ces catégories prise
séparément des autres.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 7
sans
modification
.
Article 8
Adjudication - Procès-verbal de la
vente -
Ventes de gré à gré
Cet
article comporte trois alinéas précisant respectivement :
- les actes auxquels les titulaires d'un diplôme de
commissaire-priseur sont seuls habilités à procéder ;
- les mentions qui doivent figurer sur le procès-verbal de la
vente ;
- et les conditions dans lesquelles les biens déclarés non
adjugés peuvent ensuite être vendus de gré à
gré.
*
Le premier alinéa, adopté sans modification en première lecture par le Sénat comme par l'Assemblée nationale, prévoit que les personnes mentionnées à l'article 7 -c'est-à-dire les personnes ayant la qualification requise pour diriger une vente (titulaires d'un diplôme de commissaire-priseur ou équivalent)- seront seules habilitées à diriger la vente, à désigner le dernier enchérisseur comme adjudicataire (ou à déclarer le bien non adjugé) et à dresser le procès-verbal de la vente. Cette disposition devrait permettre d'assurer le maintien du niveau de qualification professionnelle des personnes appelées à " tenir le marteau " nonobstant la suppression de leur statut d'officier ministériel.
*
Adopté sans modification par le Sénat en
première lecture, le deuxième alinéa définit les
règles applicables à la tenue du procès-verbal de la
vente : arrêté au plus tard un jour franc après
clôture de la vente, celui-ci doit mentionner les nom et adresse
déclarés par l'adjudicataire, l'identité du vendeur, la
désignation de l'objet ainsi que son prix constaté publiquement.
Dans un souci de transparence, l'Assemblée nationale a adopté un
amendement présenté par M. Alain Tourret afin de
préciser que les nom et adresse déclarés par
l'adjudicataire étaient ceux "
du nouveau
propriétaire
". Le Gouvernement, qui s'en est remis à la
sagesse de l'Assemblée sur ce point, a estimé que cette
précision pourrait se révéler utile
"
lorsque l'adjudicataire agit en qualité
d'intermédiaire du propriétaire
".
*
Le
troisième alinéa constitue une innovation par rapport à la
réglementation française traditionnelle des ventes aux
enchères, puisqu'il tend à légaliser la possibilité
de vendre de gré à gré un bien déclaré non
adjugé à l'issue de la vente aux enchères.
Fréquemment utilisée par les maisons de ventes anglo-saxonnes,
cette pratique était jusqu'ici en principe interdite aux
commissaires-priseurs français qui, aux termes de
l'article 1
er
de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ne
peuvent servir, directement ou indirectement, d'intermédiaire pour des
ventes amiables.
La vente de gré à gré d'un bien non adjugé au cours
de la vente aux enchères -par exemple parce que le prix de
réserve n'a pas été atteint- permet cependant de
répondre à la demande d'un propriétaire qui souhaiterait
pouvoir vendre son bien rapidement. En effet, il n'est en pratique pas possible
de remettre un tel bien aux enchères dans des conditions permettant de
lui assurer une valorisation satisfaisante sans attendre un certain
délai.
Aussi le projet de loi prévoit-il d'autoriser, dans certaines
conditions, une société de ventes à servir
d'intermédiaire pour vendre de gré à gré un bien
déclaré non adjugé à l'issue des enchères.
Dans sa rédaction initiale, l'article 8 soumettait cette vente aux
conditions suivantes :
- la transaction devait intervenir dans un délai de huit jours
à compter de la vente aux enchères et faire l'objet d'un acte
annexé au procès-verbal de celle-ci ;
- elle ne devait être précédée d'aucune
exposition ni publicité ;
- afin de ne pas léser le dernier enchérisseur, elle ne
pouvait être faite à un prix inférieur à
l'enchère atteinte lors du retrait du bien de la vente.
En première lecture, suivant les propositions conjointes de vos
commissions des Lois et des Affaires culturelles, le Sénat a
apporté un certain nombre de modifications à ce dispositif :
- il a allongé à quinze jours le délai dans lequel
pourrait avoir lieu la transaction amiable, considérant qu'un
délai de huit jours pourrait se révéler trop court pour
permettre de trouver un acquéreur, notamment s'il s'agit d'un objet
très particulier susceptible d'intéresser seulement un petit
nombre de personnes (d'autant qu'aucune publicité ne pourrait être
faite) ;
- il a prévu une information préalable du dernier
enchérisseur afin de permettre à ce dernier (si toutefois il est
connu) d'acheter le cas échéant le bien mis en vente ;
- il a envisagé l'éventualité d'une absence totale
d'enchères et a alors prévu que le bien non adjugé en
l'absence d'enchères ne pourrait ensuite être vendu à
l'amiable à un prix inférieur à sa mise à prix.
A l'initiative du Gouvernement, il a en outre adopté un amendement
prévoyant une notification de la transaction au ministre chargé
de la culture afin de lui permettre, le cas échéant, d'exercer
son droit de préemption dans un délai de quinze jours.
Examinant à son tour en première lecture le dispositif ainsi
amendé par le Sénat, l'Assemblée nationale, suivant les
propositions de sa commission des Lois, a accepté l'allongement à
quinze jours du délai dans lequel la transaction serait autorisée.
Elle a revanche supprimé -sans donner de justification- l'exigence d'une
information préalable du dernier enchérisseur introduite par le
Sénat à l'initiative de votre rapporteur.
Elle a également supprimé les dispositions relatives à
l'éventualité d'une absence totale d'enchères, souhaitant,
semble-t-il, interdire toute vente à l'amiable en cas d'absence
d'enchères, bien que le texte adopté reste ambigu sur ce point.
Mme Nicole Feidt, rapporteur de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale, a en effet estimé dans son rapport
qu'admettre une telle possibilité poserait des problèmes de
principe car "
la vente amiable relève des galeristes et des
antiquaires et ne doit être ouverte aux sociétés de vente
qu'à titre exceptionnel
". Il est cependant à noter que
ce propos est réducteur car les ventes aux enchères publiques ne
concernent pas seulement des oeuvres d'art.
Enfin, l'Assemblée nationale a supprimé la disposition relative
à l'exercice du droit de préemption, préférant
faire figurer celle-ci à l'article 53 du projet de loi, qui lui est
justement consacré.
Tout en admettant cette dernière modification, d'ordre formel, votre
commission vous propose de rétablir les autres dispositions
adoptées par le Sénat en première lecture.
Elle estime, en effet, nécessaire de prévoir, d'une part,
l'information du dernier enchérisseur (si toutefois il est connu), faute
de quoi il serait susceptible d'être lésé, et d'autre part,
d'envisager explicitement une absence totale d'enchères,
hypothèse dans laquelle la vente de gré à gré ne
serait autorisée qu'à un prix inférieur à la mise
à prix, afin de ne pas léser les personnes ayant assisté
à la vente publique au cours de laquelle le bien aurait
été proposé.
Votre commission vous propose donc d'adopter l'article 8 après
l'avoir modifié par un
amendement
ainsi rédigé.
Article 11
Prix garanti
Cet
article autorise une société de ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques à garantir au vendeur un prix d'adjudication
minimal du bien proposé à la vente. Il tend ainsi à
légaliser en France, dans certaines conditions, la pratique du
"
prix garanti
" fréquemment utilisée à
l'étranger par les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes.
- Le premier alinéa, que le Sénat n'a modifié que par
un amendement de clarification rédactionnelle et que l'Assemblée
nationale a ensuite adopté sans modification, prévoit tout
d'abord que si le bien a été estimé, le prix garanti ne
peut être fixé à un montant supérieur à
l'estimation la plus basse figurant dans la publicité ou annoncée
publiquement lors de la vente.
Cette disposition a pour objet, ainsi que le précise l'exposé des
motifs, d'éviter qu'un enchérisseur, qui aurait porté une
enchère sur un bien à un prix supérieur à
l'estimation portée à la connaissance du public, ne soit
frustré de son acquisition par le jeu du prix garanti.
- Pour ce qui concerne les autres alinéas, qui avaient
été profondément modifiés par le Sénat en
première lecture, l'Assemblée nationale est revenue au texte
initial présenté par le Gouvernement.
Celui-ci tend à subordonner la possibilité pour la
société de ventes de garantir un prix d'adjudication minimal
à la souscription d'un contrat avec un organisme d'assurance ou un
établissement de crédit, aux termes duquel cet organisme ou cet
établissement deviendrait propriétaire du bien si le montant du
prix garanti n'était pas atteint lors de la vente aux enchères.
Dans ce cas, l'organisme d'assurance ou l'établissement de crédit
serait déclaré adjudicataire du bien au prix garanti. Par
ailleurs, est prévue l'interdiction pour la société de
ventes de détenir une participation dans l'organisme ou
l'établissement avec lequel elle contracte.
Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, votre commission
des Lois a fait valoir qu'alors que la pratique du prix garanti s'est
développée sur les marchés étrangers en l'absence
de toute réglementation spécifique, le dispositif prévu
par le projet de loi pour encadrer son usage sur le marché
français apparaissait très lourd et risquait de se
révéler difficile à appliquer. En effet, les compagnies
d'assurance ou les banques pourraient ne pas être
intéressées par la souscription de tels contrats, notamment parce
qu'elles n'auraient pas l'usage des objets dont elles seraient devenues
propriétaires par le jeu de l'adjudication au prix garanti.
C'est pourquoi, suivant les propositions conjointes de vos commissions des Lois
et des Affaires culturelles, le Sénat a adopté un amendement
tendant à supprimer l'intervention d'un organisme d'assurance ou d'un
établissement de crédit lorsque la société de
ventes souhaite garantir un prix d'adjudication minimal au vendeur. Cet
amendement proposait de substituer à ce dispositif complexe un
dispositif plus simple prévoyant que la société de ventes
serait déclarée adjudicataire au prix garanti si ce prix
n'était pas atteint au cours de la vente aux enchères. Par
exception au principe général de l'interdiction faite aux
sociétés de ventes de vendre des biens leur appartenant, la
société de ventes aurait alors été autorisée
à revendre aux enchères publiques le bien dont elle serait ainsi
devenue propriétaire.
Faisant siennes les objections formulées au nom du Gouvernement par
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la
communication, Mme Nicole Feidt, rapporteur de la commission des Lois
de l'Assemblée nationale, a estimé que le dispositif ainsi
élaboré par le Sénat appelait des réserves. En
effet, elle a considéré qu'admettre que la société
de ventes puisse devenir propriétaire du bien reviendrait à vider
de son sens le principe général de l'interdiction faite aux
sociétés de ventes d'acheter et de vendre pour leur propre compte.
Elle a en outre fait valoir que le contrat souscrit avec un organisme
d'assurance ou un établissement de crédit constituerait une
protection à la fois pour le consommateur qui pourrait accepter en toute
sécurité l'opération proposée par la
société de ventes, et pour la société de ventes
elle-même qui serait mise à l'abri d'"
engagements
hasardeux qu'elle ne pourrait respecter
".
Aussi l'Assemblée nationale, suivant la proposition de sa commission des
Lois, est-elle revenue au texte initial du Gouvernement sur ce point.
Votre commission tient de nouveau à souligner les difficultés
pratiques d'application du dispositif retenu par l'Assemblée nationale
et le probable manque d'intérêt des banques et des compagnies
d'assurance pour la souscription de contrats portant sur des garanties de prix
dans le cadre de ventes aux enchères.
Considérant qu'il appartient aux sociétés de ventes
d'apprécier le risque qu'elles prennent en garantissant un prix
d'adjudication minimal, elle vous propose de revenir au dispositif
adopté par le Sénat en première lecture en supprimant
l'intervention d'un organisme d'assurance ou d'un établissement de
crédit : ainsi, dans l'éventualité où le
montant du prix garanti ne serait pas atteint à l'issue des
enchères, la société de ventes serait
déclarée adjudicataire du bien au prix garanti et serait alors
autorisée à revendre ce bien aux enchères publiques.
Toutefois, cette dernière disposition constituant une exception au
principe de l'interdiction de l'achat pour revente, votre commission vous
propose, dans un souci de transparence et pour prévenir toute
dérive éventuelle, de prévoir l'obligation de faire
mention de l'appartenance du bien à la société dans la
publicité, de même que pour l'exception admise par le projet de
loi à l'article 3.
Votre commission vous soumet donc un
amendement
rédigé en
ce sens et vous propose d'adopter l'article 11 ainsi modifié.
Article 12
Avances consenties au vendeur
Cet
article tend à autoriser une société de ventes à
consentir au vendeur une avance sur le prix d'adjudication du bien
proposé à la vente.
Il s'agit, là encore, de légaliser une pratique
fréquemment utilisée à l'étranger par les grandes
maisons de vente anglo-saxonnes mais jusqu'ici en principe interdite aux
commissaires-priseurs français.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait toutefois
de soumettre la faculté de consentir une avance à deux
conditions :
- d'une part, la limitation du montant de cette avance à 40 %
de l'estimation la plus basse portée à la connaissance du
public ;
- et, d'autre part, l'existence d'une garantie de cette avance par un
organisme d'assurance ou un établissement de crédit dans lequel
la société de ventes ne pourrait détenir aucune
participation.
Constatant qu'une telle réglementation serait sans équivalent sur
les marchés étrangers et risquerait donc d'handicaper la
compétitivité des sociétés de ventes
françaises, le Sénat a supprimé ces deux conditions, en
première lecture, sur la proposition conjointe de vos commissions des
Lois et des Affaires culturelles. Il a en effet considéré qu'il
appartenait à la société de ventes d'apprécier le
risque qu'elle prenait en consentant une avance et que, de même
qu'à l'article précédent, l'exigence d'une intervention
d'un organisme d'assurance ou d'un établissement de crédit pour
garantir l'avance risquerait de se révéler très lourde et
difficile à appliquer, tout en observant que la société de
ventes serait en tout état de cause tenue de souscrire une assurance
couvrant sa responsabilité professionnelle en application des
dispositions de l'article 5.
L'Assemblée nationale a accepté la suppression de la limitation
à 40 % du montant de l'avance. En revanche, à l'initiative
de sa commission des Lois, elle a souhaité rétablir l'exigence
d'une garantie du remboursement de cette avance par un organisme d'assurance ou
un établissement de crédit, qui lui est apparue constituer une
protection pour le vendeur comme pour la société de ventes.
Considérant pour sa part qu'il appartient à la
société de ventes de prendre ses responsabilités
lorsqu'elle consent une avance, votre commission vous propose de nouveau de
supprimer l'exigence d'une garantie de cette avance par un organisme
d'assurance ou un établissement de crédit.
Elle vous soumet donc un
amendement
tendant au rétablissement du
texte adopté par le Sénat en première lecture.
Article 13
Paiement et délivrance des
biens
Cet
article a pour objet de préciser les obligations des
sociétés de ventes après l'adjudication du bien qui
entraîne -rappelons-le- un transfert immédiat de
propriété, la vente étant parfaite et le prix dû
dès le "
coup de marteau
".
• Le premier alinéa pose le principe de la responsabilité
de la société de ventes pour ce qui concerne le paiement et la
délivrance du bien dont elle a effectué la vente, en interdisant
toute clause exonératoire de responsabilité dans ce domaine.
Dans un souci d'harmonisation des textes relatifs aux ventes volontaires avec
ceux qui s'appliquent aux ventes judiciaires, le Sénat a
précisé, en première lecture, à l'initiative de
votre commission des Lois, que la société était
responsable de la "
représentation du prix
"
plutôt que du "
paiement
".
L'Assemblée nationale a ensuite adopté cet alinéa sans
modification.
• Le deuxième alinéa, dans sa rédaction initiale,
subordonnait la délivrance du bien adjugé au paiement du prix par
l'acheteur ou, à défaut de paiement immédiat, à
l'existence de garanties relatives à la solvabilité de ce
dernier. Constatant cependant que la solvabilité de l'acquéreur
ne garantissait en rien le paiement du bien adjugé, le Sénat,
lors de la première lecture, a préféré subordonner
la délivrance du bien adjugé aux garanties donnée sur son
paiement par l'acquéreur, conformément à la proposition de
votre commission des Lois.
Retenant sur ce point la rédaction du Sénat, l'Assemblée
nationale a adopté cet alinéa sans modification.
• Le troisième alinéa concerne l'éventualité
d'un défaut de paiement par l'adjudicataire.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que,
conformément à la règle traditionnellement
appliquée en matière de ventes judiciaires
4(
*
)
, après une mise en demeure
restée infructueuse, l'objet serait remis en vente "
à la
folle enchère
" de l'adjudicataire défaillant qui
-rappelons-le- est alors redevable de la différence de prix entre les
deux adjudications si elle est négative.
Constatant cependant que la revente sur folle enchère était une
procédure particulièrement lourde et au demeurant très
rarement mise en oeuvre, le Sénat a adopté en première
lecture un amendement de votre commission des Lois transformant l'obligation de
recourir à cette procédure en une simple faculté
subordonnée à la demande du vendeur. Le texte ainsi adopté
par le Sénat prévoit en effet que si le vendeur ne formule pas
cette demande dans un délai d'un mois à compter de
l'adjudication, la vente est résolue de plein droit, sans
préjudice toutefois de la possibilité pour le vendeur d'obtenir
la condamnation de l'adjudicataire défaillant au paiement de dommages et
intérêts.
L'Assemblée nationale a adopté ce dispositif qu'elle n'a
modifié que par un amendement purement rédactionnel,
préférant mentionner la remise en vente "
sur folle
enchère
", plutôt qu'"
à la folle
enchère
".
• Enfin, le dernier alinéa, adopté sans modification par
le Sénat comme par l'Assemblée nationale, précise que les
fonds détenus par la société de ventes pour le compte du
vendeur doivent être versés à celui-ci au plus tard deux
mois après la vente.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 13
sans
modification
.
Article 14
Sanctions pénales de
l'organisation
de ventes aux enchères sans agrément
Cet
article tend à définir de nouvelles infractions pénales
destinées à sanctionner le non-respect des dispositions
réservant la possibilité d'organiser des ventes volontaires aux
seules sociétés de ventes ayant obtenu l'agrément du
conseil des ventes prévu à l'article 4, et habilitant
à diriger ces ventes les seules personnes remplissant les conditions de
qualification prévues à l'article 7 (c'est-à-dire les
titulaires d'un diplôme de commissaire-priseur ou équivalent).
En ce qui concerne les personnes physiques (cf. paragraphe I), ces
infractions seront punies de 2 ans d'emprisonnement et de 2.500.000 F
d'amende, ainsi que des peines complémentaires suivantes :
interdiction d'activité pour une durée de 5 ans au plus,
affichage ou diffusion de la condamnation, confiscation des sommes ou objets
irrégulièrement reçus.
S'agissant des personnes morales (cf. paragraphe II), les peines encourues
seront une amende de 12.500.000 F, soit le quintuple du taux maximum
prévu pour les personnes physiques, ainsi que pour une durée de
5 ans au plus, la dissolution, l'interdiction d'activité, le
placement sous surveillance judiciaire, la fermeture de l'établissement,
la confiscation de la chose ayant servi ou étant destinée
à commettre l'infraction ou de la chose en étant le produit et
l'affichage ou la diffusion de la condamnation.
En première lecture, suivant les propositions de votre commission des
Lois, le Sénat, hormis une clarification rédactionnelle, a
complété la liste des infractions définies par cet article
afin de permettre la sanction pénale de l'organisation d'une vente
volontaire de meubles aux enchères publiques par un ressortissant
européen en l'absence de la déclaration préalable au
conseil des ventes requise par les dispositions de l'article 21 pour
l'exercice de la libre prestation de services de l'activité de ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques.
Votre rapporteur a en effet souligné qu'il n'apparaissait pas
justifié de prévoir une différence de traitement entre les
ressortissants nationaux et les ressortissants communautaires intervenant au
titre de la libre prestation de services, quant aux sanctions applicables en
matière de non-respect de la réglementation relative aux ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques.
L'Assemblée nationale a cependant rejeté l'extension des
sanctions pénales prévues par l'article 14 aux
ressortissants européens intervenant en France dans le cadre de la libre
prestation de services. En effet, Mme Nicole Feidt, rapporteur de la
commission des Lois, après avoir souligné que le prestataire de
service serait déjà soumis à la législation de son
Etat d'établissement et qu'il encourrait par ailleurs les sanctions
disciplinaires prévues par l'article 25, a estimé qu'il
pourrait être considéré comme discriminatoire, au regard du
droit communautaire, de prévoir des sanctions pénales à
l'encontre d'un ressortissant communautaire accomplissant en France, à
titre occasionnel, l'activité de ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques. A cet égard, elle a cité, de
même que l'avait fait Mme Catherine Trautmann, ministre de la
culture et de la communication, au cours du débat au Sénat en
première lecture, un arrêt du 26 février 1991 de
la Cour de justice des communautés européennes, selon lequel
"
un Etat membre ne peut subordonner l'exécution de la libre
prestation de services sur son territoire à l'observation de toutes les
conditions requises pour son établissement, sous peine de priver de tout
effet utile les dispositions destinées à assurer la libre
prestation de services
".
Cette argumentation apparaît néanmoins contestable car le projet
de loi prévoit justement, dans son chapitre II, une
réglementation spécifique pour l'exercice de l'activité de
ventes volontaires de meubles aux enchères publiques au titre de la
libre prestation de services, moins contraignante que la réglementation
de droit commun qui devrait être respectée pour
l'établissement. De plus, la jurisprudence communautaire n'interdit pas
la possibilité d'infliger des sanctions pénales pour assurer le
respect des conditions fixées pour l'exercice d'une activité
ouverte aux ressortissants communautaires. Ainsi, l'arrêt Bouchoucha
(CJCE-3 octobre 1990) n'a pas remis en cause la possibilité
pour les juridictions françaises de prononcer des condamnations
pénales à l'encontre d'une personne exerçant la profession
d'ostéopathe sur la base d'un diplôme obtenu au Royaume-Uni alors
qu'elle n'était pas médecin, contrairement aux exigences de la
loi française. En effet, le problème de la compatibilité
avec le droit communautaire doit être apprécié au niveau de
la règle violée : dès lors qu'une
réglementation apparaît licite au regard du droit communautaire,
des sanctions pénales sont susceptibles d'intervenir pour la faire
respecter.
Dès lors, il suffit, aux termes de la jurisprudence de la Cour de
justice, que les sanctions restent proportionnées à la
gravité de l'infraction, afin de ne pas devenir une entrave aux
libertés fondamentales garanties par le droit communautaire.
Considérant qu'il appartiendra au juge d'adapter le cas
échéant la gravité de la sanction prononcée afin de
respecter ce principe de proportionnalité, votre rapporteur estime
possible d'étendre les sanctions pénales prévues par
l'article 14 aux ressortissants européens intervenant dans le cadre
de la libre prestation de services sans contrevenir au droit communautaire.
Votre commission vous soumet donc un
amendement
tendant à
permettre la sanction pénale de l'organisation d'une vente volontaire de
meubles aux enchères publiques par un ressortissant européen en
l'absence de la déclaration préalable au conseil des ventes
requise par les dispositions de l'article 21.
Elle vous propose d'adopter l'article 14 ainsi modifié.
SECTION 2
Le conseil des ventes volontaires
de
meubles aux enchères publiques
Article additionnel après l'article 16
Organisation de la
formation professionnelle
Après l'article 16, relatif aux missions du
conseil des
ventes, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel
concernant l'organisation de la formation professionnelle en vue de l'obtention
de la qualification requise pour diriger les ventes.
A l'heure actuelle, la formation professionnelle des futurs
commissaires-priseurs est organisée par la chambre nationale des
commissaires-priseurs.
Or, à l'issue de la réforme, celle-ci, devenue chambre nationale
des commissaires-priseurs judiciaires, verra ses compétences restreintes
au seul domaine des ventes judiciaires. De plus, elle perdra une part
importante de ses recettes actuelles et n'aura plus les moyens de continuer
à assurer ses actions de formation professionnelle dans les mêmes
conditions.
Il convient cependant de veiller à maintenir une formation
professionnelle de qualité au profit des personnes qui seront
habilitées à diriger les ventes tant volontaires que judiciaires.
Cette formation concernant à la fois le secteur des ventes volontaires
et celui des ventes judiciaires, il apparaît désormais opportun de
confier son organisation conjointement au conseil des ventes volontaires et
à la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à insérer un article additionnel après l'article 16
afin de prévoir que le conseil des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques et la chambre nationale des commissaires-priseurs
judiciaires assureront conjointement l'organisation de la formation
professionnelle en vue de l'obtention de la qualification requise pour diriger
les ventes.
Article 18
Composition du conseil des ventes
Cet
article a pour objet de préciser la composition du conseil des ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques.
Dans sa rédaction initiale, il fixait cette composition comme suit :
- un président nommé par décret sur proposition du
garde des Sceaux ;
- cinq "
personnes qualifiées
"
désignées respectivement par le garde des Sceaux, le ministre
chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé
de la culture, le ministre chargé de l'intérieur et le ministre
chargé du commerce ;
- et cinq représentants des professionnels, dont un expert.
Il prévoyait en outre la désignation de membres suppléants
en nombre égal et dans les mêmes formes que les membres
titulaires, l'exercice des fonctions de commissaire du Gouvernement par un
magistrat du parquet et le financement du conseil par des cotisations
acquittées par les sociétés de ventes et les experts
agréés, les modalités d'organisation et de fonctionnement
du conseil étant renvoyées à un décret en Conseil
d'Etat.
Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, constatant que la
composition proposée par le projet de loi pour le conseil des ventes
aurait pour conséquence d'assurer une majorité aux membres
désignés par le Gouvernement, au nombre de six en incluant le
président, face aux cinq représentants des professionnels, le
Sénat a au contraire souhaité que les représentants des
professionnels soient majoritaires au sein de cet organisme appelé
à jouer un rôle de surveillance déontologique de la
profession. Suivant la proposition conjointe de vos commissions des Lois et des
Affaires culturelles, il a donc porté de cinq à six le nombre des
représentants des professionnels, dont deux experts au lieu d'un seul,
compte tenu du rôle essentiel joué par ces derniers, et a en
même temps prévu que le président serait élu par les
membres du conseil en leur sein, afin de renforcer son indépendance.
En outre, l'amendement ainsi adopté par le Sénat a prévu
que les personnalités qualifiées seraient toutes
désignées par le garde des Sceaux, afin de simplifier et
d'accélérer les nominations, tandis que les représentants
des professionnels seraient pour leur part élus par leurs pairs, les
experts étant choisis parmi ceux qui auraient reçu
l'agrément du conseil des ventes.
Le Sénat a par ailleurs adopté sans modification les dispositions
relatives aux membres suppléants, au commissaire du Gouvernement et au
financement du conseil, que l'Assemblée nationale a à son tour
également adoptées sans modification.
S'agissant de la composition du conseil, l'Assemblée nationale a retenu
deux des modifications apportées par le Sénat, à
savoir :
- d'une part, l'élection du président parmi les membres du
conseil ;
- et, d'autre part, la désignation de l'ensemble des personnes
qualifiées par le seul garde des Sceaux, "
simplification
bienvenue
" aux termes du rapport établi par
Mme Nicole Feidt.
En revanche, elle a souhaité revenir à une majorité de six
personnalités qualifiées contre cinq représentants des
professionnels, dont un seul expert, Mme Nicole Feidt ayant
jugé une telle majorité nécessaire pour assurer
l'indépendance du conseil.
En outre, considérant que l'élection des représentants des
professionnels risquait de poser des difficultés d'organisation et de
choix d'un mode de scrutin, l'Assemblée nationale a abandonné le
principe de cette élection, revenant à la désignation de
ces représentants par le Gouvernement, initialement envisagée par
le projet de loi.
Par ailleurs, elle a adopté, à l'initiative de
M. Pierre Lellouche, un sous-amendement précisant que le
mandat des membres du conseil ne serait renouvelable qu'une seule fois. Enfin,
elle a supprimé la mention du décret en Conseil d'Etat fixant les
modalités d'organisation et de fonctionnement du conseil,
préférant renvoyer cette disposition à l'article 57
qui prévoit d'une manière générale la fixation des
modalités d'application de la loi par un décret en Conseil d'Etat.
Votre commission considère pour sa part que les représentants des
professionnels doivent être majoritaires au sein du conseil des ventes.
Elle vous propose donc de rétablir la composition retenue par le
Sénat en première lecture, c'est-à-dire cinq personnes
qualifiées nommées par le garde des Sceaux et six
représentants des professionnels, dont deux experts.
En outre, elle vous propose de rétablir le principe de l'élection
des représentants des professionnels car il ne lui paraît pas
souhaitable que ces derniers soient également désignés par
le Gouvernement. Cependant, reconnaissant que l'organisation de cette
élection pour la constitution initiale du conseil des ventes pose des
problèmes matériels dans la mesure où les
sociétés de ventes ne seront pas encore mises en place, elle vous
proposera d'adopter une mesure transitoire tendant à prévoir que
pour cette constitution initiale, les représentants des professionnels
seront désignés par le garde des Sceaux sur proposition de la
chambre nationale des commissaires-priseurs (cf. a rticle additionnel
après l'article 48).
Votre commission vous propose d'adopter l'article 18 après l'avoir
modifié par un
amendement
tendant à rétablir la
composition du conseil des ventes retenue par le Sénat en
première lecture.