LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : ÉTENDRE LE CHAMP D'APPLICATION DU PROJET DE LOI AUX ACTES AUTHENTIQUES
BIEN MESURER LA PORTÉE DE LA STRICTE ÉGALITÉ ENTRE SUPPORT PAPIER ET SUPPORT ÉLECTRONIQUE
Votre
commission des Lois souligne la portée fondamentale de
l'égalité instituée par le projet de loi entre la force
probante de l'écrit sur support papier et celle de l'écrit
électronique signé.
Comme en matière de commerce électronique, votre rapporteur
souhaite que le débat porte sur les questions juridiques, même si
les aspects techniques ne doivent pas être ignorés ; ils
relèvent du pouvoir réglementaire, exercé par le
Gouvernement sous le contrôle du Parlement.
A cet égard, l'argument selon lequel la signature électronique
serait beaucoup plus sûre que la signature manuscrite est sans doute
recevable sur le plan technique.
Lors de l'audition des représentants de la société IBM,
convaincante sur le plan technique, votre commission a pu observer que le
commerce traditionnel donnerait lieu aujourd'hui à environ 1 % de
litiges, tandis que le commerce électronique susciterait 15 à 37
% de contentieux, portant essentiellement sur les paiements.
Sur le plan juridique, il ne devrait pas être exclu d'accorder à
la signature manuscrite une valeur supérieure à la signature
électronique. Le législateur ne doit pas se voir imposer
certaines solutions juridiques au motif qu'elles correspondent à
l'état de la technique.
Il aurait pu par exemple considérer que l'écrit
électronique, qui peut être modifié à tout moment,
est
un écrit sur support réversible
, tandis que
l'écrit papier est
un écrit sur support altérable
,
et refuser en conséquence l'égalité entre support papier
et support électronique.
Votre commission des Lois n'a pas fait ce choix, dans la mesure où il
aurait été
contraire au droit communautaire
.
DISTINGUER ÉCRIT " AD VALIDITATEM " ET ÉCRIT " AD PROBATIONEM "
La distinction entre valeur ad validitatem et valeur ad probationem d'un acte juridique
L'écrit requis " ad solemnitatem " ou " ad validitatem "
La
solennité de certains actes exige que la volonté s'exprime par
écrit et, par conséquent, qu'ils soient établis sous une
forme préconstituée. Leur rédaction est alors une
condition de
l'existence
même du droit.
En exigeant un écrit, le législateur a parfois recherché
la protection des intérêts des contractants
et non la
simple préconstitution de preuve. Dans ce cas, l'exigence d'un
écrit est imposée par le législateur "
à
peine de nullité
" ; on dit couramment que l'écrit
est exigé
ad solemnitatem
32(
*
)
ou
ad validitatem
.
Le problème de la preuve est " absorbé " par celui de
la validité, en ce sens qu'en l'absence d'un écrit dressé
dans les formes légales, l'acte ne peut pas être prouvé
parce que, juridiquement, il n'existe pas.
L'écrit requis " ad probationem "
Le législateur a parfois imposé la rédaction d'un écrit, sans pour autant prévoir une sanction. Il n'est alors requis que pour faire preuve. Cependant, la loi n'est pas toujours explicite en la matière et les dispositions sont de plus en plus nombreuses qui prévoient un écrit, au moins sous seing privé, pour certains contrats, sans en préciser la portée. Le juge doit alors déterminer si l'écrit est exigé ad validitatem ou ad probationem .
Votre commission des Lois souhaite réserver la reconnaissance de l'écrit électronique aux écrits ad probationem
Dans un
précédent rapport, consacré à une proposition de
résolution de la Délégation du Sénat pour l'Union
européenne, sur la proposition de directive communautaire relative
à certains aspects juridiques du commerce électronique, votre
rapporteur soulevait déjà la question de la compatibilité
avec la directive proposée du droit national relatif à
l'
existence
et à la
valeur probante
des écrits sous
forme électronique.
Votre commission des Lois, constatant que la directive proposée ne
posait aucune condition pour la reconnaissance de l'efficacité juridique
du contrat passé par voie électronique, avait souligné
la nécessité de maintenir l'exigence d'écrits
ad
validitatem
dans de nombreux domaines
, regrettant l'insuffisance des
exceptions prévues par la directive proposée.
Elle ajoutait que de nombreux contrats, en raison de leur gravité, ne
devraient pas être admis par voie électronique, soulignant que le
droit français comportait de nombreuses prescriptions quant à la
formalité des contrats, en exigeant un écrit
ad
validitatem
.
Elle a donc souhaité que l'adaptation de ces prescriptions aux
technologies de l'information ne résulte pas d'une disposition
générale dont les implications n'auraient pas été
mesurées, mais qu'elle donne lieu à un débat et un examen
approfondis.
En conséquence, elle demandait au Gouvernement de s'assurer que la
levée des obstacles juridiques à la conclusion des contrats
électroniques laisse subsister des moyens de preuve suffisants.
Pour ces raisons, votre commission des Lois vous proposera d'
interroger le
Gouvernement sur la suppression des exigences formelles imposées
à l'acte sous seing privé unilatéral
(article 4 du
projet de loi).