EXAMEN DES ARTICLES
Article 1
er
(art. 1315-1, 1316, 1316-1 et
1316-2 du code civil)
Subdivisions du code civil relatives à la
preuve
Cet
article réaménage les subdivisions du code civil relatives
à la preuve puis introduit des dispositions générales sur
l'écrit électronique et la preuve littérale.
I. Énumération des règles de preuve
Le paragraphe I de cet article renumérote l'article 1316 du code
civil, qui devient l'article 1315-1. Il s'agit d'un simple
aménagement formel.
L'article 1316 actuellement en vigueur présente le plan du
chapitre VI du titre III du livre troisième du code civil,
consacré à la preuve des obligations et à celle des
paiements. Il indique que les règles qui concernent la preuve
littérale, la preuve testimoniale, les présomptions, l'aveu de la
partie et le serment sont expliquées dans les sections suivantes du code.
En droit civil, le juge ne doit former sa conviction que d'après les
moyens de preuve admis par la loi. La preuve n'est réputée
légalement faite que si elle est administrée suivant les formes
prescrites, c'est-à-dire par écrit, par témoin, par
présomption, par aveu ou par serment.
Le choix d'inscrire l'écrit électronique dans la subdivision du
code civil consacrée à la preuve est fondamental. Il traduit
l'orientation du projet de loi de ne pas modifier les exigences d'écrit
sur support papier pour la validité juridique des actes
(écrits
ad validitatem
) et de n'affecter que leur force probante
(écrits
ad probationem
).
II. Renumérotation des paragraphes de la section du code civil
consacrée à la preuve littérale
Le paragraphe II du présent article est purement formel, il
renumérote les cinq paragraphes de la section première,
consacrée à la preuve littérale, du chapitre VI du
titre troisième du livre troisième du code civil.
Cette nouvelle structure permet d'introduire un " chapeau " dans le
droit de la preuve littérale.
Les paragraphes actuels de cette section sont consacrés respectivement
au titre authentique, à l'acte sous seing privé, aux tailles, aux
copies des titres et aux actes récognitifs et confirmatifs.
III. Dispositions générales relatives à la preuve par
écrit
Le paragraphe III du présent article tend à insérer un
nouveau paragraphe dans la section relative à la preuve
littérale, afin de prévoir des
dispositions
générales
, qui vaudront aussi bien pour l'acte authentique et
l'acte sous seing privé que pour les autres catégories de preuve
par écrit.
Ce nouveau paragraphe premier contiendrait trois articles :
- la définition de la preuve littérale indépendamment
du support utilisé (nouvel article 1316 du code civil) ;
- l'admissibilité en mode de preuve de l'écrit sur support
électronique (article 1316-1) ;
- la reconnaissance des conventions sur la preuve et le règlement
des conflits de preuve (article 1316-2).
Paragraphe 1
er
de la section première du
chapitre
VI
du titre troisième du Livre troisième du code
civil
Dispositions générales relatives à la preuve
par écrit
Cet article tend à créer une nouvelle subdivision dans le code civil, réunissant les dispositions générales relatives à la preuve par écrit. Ce nouveau paragraphe comprendra trois articles (articles 1316 à 1316-2 du code civil).
Article
1316 du code civil
Définition de la preuve littérale
indépendamment de son support
Ce
nouvel article 1316, placé en tête de la section
consacrée à la preuve littérale, propose
une
définition de la preuve par écrit indépendamment du
support utilisé
.
Votre commission des Lois vous propose
un amendement
rédactionnel
permettant de lever une confusion possible, la
"
preuve par écrit
" étant l'exact synonyme de
la "
preuve littérale
".
Selon cet article, la preuve littérale, ou preuve par écrit,
résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de
tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible,
quels que soient leur support et leurs modalités de transmission.
Il vise à revenir sur l'assimilation historique de la preuve
littérale au support papier. En effet, comme le souligne l'exposé
des motifs du projet de loi, les dispositions du code civil sur la preuve ont
été rédigées à une époque où
le papier était le seul support utilisé pour constater
l'existence et le contenu des contrats et en faire la preuve.
Dans la mesure où elle figure dans la subdivision du code civil
consacrée à la preuve, cette définition ne concerne que
l'écrit exigé
ad probationem
et reste sans incidence sur
l'écrit exigé
ad validitatem
.
Article
1316-1 du code civil
Admissibilité en mode de preuve de
l'écrit électronique
Cet
article vise à la
reconnaissance explicite de la valeur juridique du
document électronique
.
Il reconnaît l'admissibilité en mode de preuve de l'écrit
électronique, au même titre que l'écrit sur support papier,
sous deux conditions :
- que puisse être dûment
identifiée
la personne
dont il émane ;
- qu'il soit établi et conservé dans des conditions de
nature à en garantir l'
intégrité
.
1. Une reconnaissance légale du document électronique qui
s'inspire de la jurisprudence
La jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation du
2 décembre 1997 pose déjà les deux conditions :
authentification des parties, intégrité du message.
L'écrit peut être établi et conservé sur tout
support, y compris par télécopie, dès lors que son
intégrité
et l'
imputabilité
de son contenu
à l'auteur désigné ont été
vérifiées ou ne sont pas contestées. Cette jurisprudence,
relative à une télécopie portant sur une cession de
créance entre commerçants dont le contenu n'est pas
contesté, n'a qu'une portée limitée.
2. Rappel de la jurisprudence sur les photocopies et
télécopies
La jurisprudence a pris en compte dans une certaine mesure l'apparition de
formes modernes de reproduction et de transmission des documents.
a) Le cas des photocopies
En principe,
les reproductions photographiques d'actes sous seing
privé ne peuvent servir ni de preuve ni de commencement de preuve par
écrit
33(
*
)
. Il en va
de même lorsque la photocopie a fait l'objet d'une certification, en
application du principe posé par l'article 1334 du code
civil
34(
*
)
selon lequel seul
l'original fait foi. Il est donc du pouvoir souverain du juge du fond, à
qui il appartient d'apprécier la force probante des documents qui lui
sont soumis, d'écarter une photocopie.
Il existe des
exceptions
à ce principe : un écrit non
représenté peut être invoqué conformément
à l'article 1347 du code civil (c'est-à-dire comme
commencement de preuve par écrit) dès lors que son existence et
son contenu sont établis d'une manière certaine, soit à la
suite d'un aveu de l'adversaire, soit comme conséquence du serment
décisoire déféré au plaideur à qui ce
commencement de preuve est opposé.
Ainsi,
une photocopie dont la conformité avec l'original n'est pas
contestée peut servir de commencement de preuve par écrit
,
dans la mesure où cet original le constituerait également.
b) En matière de télécopie et de télex, la
jurisprudence a pu sembler incertaine.
La valeur probante de la télécopie varie suivant les domaines
dans lesquels elle est utilisée et les stipulations contractuelles des
parties :
- en matière commerciale, la règle de la liberté de
la preuve des actes de commerce à l'égard des commerçants
(article 109 du code de commerce) permet aux parties de faire la preuve du
contrat par tous moyens ;
- en matière civile, les actes juridiques dont l'objet est
inférieur à 5.000 francs échappent à l'exigence de
la préconstitution d'un écrit à titre de preuve.
Dans ces deux hypothèses, la télécopie peut être
utilisée comme mode de preuve, mais sa valeur probante sera
appréciée par le juge en fonction des garanties de
sécurité et de
fiabilité
qu'elle présente.
- toujours en matière civile, pour les actes juridiques dont
l'objet excède la valeur de 5.000 francs, l'obligation de
préconstituer la preuve par écrit et l'interdiction de prouver
par témoignage ou présomptions contre et outre le contenu des
écrits
s'opposent à ce que la télécopie puisse
être utilisée comme mode de preuve
.
Dans ce cas, les
exceptions énoncées aux articles 1347 et 1348
du code civil
soumettent à l'appréciation des tribunaux la
valeur accordée à un document transmis par
télécopie.
Ainsi, lorsqu'elle émane de celui auquel on l'oppose, la
télécopie pourrait être considérée comme
valant commencement de preuve par écrit. Dans d'autres circonstances,
une jurisprudence récente de la chambre civile de la cour d'appel de
Limoges, en date du 18 mars 1999, indique qu'une télécopie,
même si elle comporte une signature, ne peut, en l'absence de tout
commencement de preuve par écrit émanant du débiteur
prétendu de l'obligation, revêtir la moindre force probante.
De plus, il est loisible aux parties de reconnaître conventionnellement
une force probante particulière aux télécopies
échangées entre elles, dans la mesure où les prescriptions
de l'article 1341 du code civil ne sont pas d'ordre public.
Saisi d'un litige ayant trait à un moyen de communication
télématique, à défaut de stipulations
contractuelles leur conférant une valeur probante
déterminée,
le juge apprécie souverainement s'ils
offrent une fiabilité suffisante pour établir la preuve de ce qui
est allégué
.
A ce titre, la télécopie présente une différence
fondamentale avec la photocopie, dans la mesure où elle est la
photocopie d'un original que n'a jamais détenu celui qui la
reçoit.
La télécopie est donc un élément de preuve
supérieur à la photocopie ; pour le destinataire, la
télécopie peut valoir commencement de preuve par
écrit ; mais sa production de la part de l'émetteur ne
devrait constituer qu'une présomption, et non un commencement de preuve
par écrit, pour la simple raison que l'écrit émane de
celui qui le produit.
Enfin, il semblerait que ces experts s'accordent à considérer que
le télex constitue un élément de preuve plus fiable que la
télécopie.
3. Le projet de loi satisfait la proposition de loi n° 244
La proposition de loi n° 244 tend à reconnaître la valeur
probante de la télécopie. Votre rapporteur estime qu'une
confusion doit être évitée, dans la mesure où
l'exposé des motifs de la proposition de loi ne correspond pas tout
à fait à la modification du code civil qu'elle propose.
En effet, l'exposé des motifs ne traite que des relations
en
matière commerciale
. Or, dans ce domaine, la preuve est libre :
les télécopies font foi entre les parties et le juge examine
l'imputabilité du contenu de l'acte à son auteur et
l'intégrité de ce contenu. Il est possible d'inscrire dans la loi
une jurisprudence particulière afin de lui conférer valeur
législative et solennité. Cependant, cette jurisprudence
étant bien établie, votre commission des Lois n'estime pas cette
précision nécessaire.
De plus, si cette proposition de loi, contrairement à ce que son
exposé des motifs laisse entendre, vise à modifier les
règles de preuve
en matière civile
, votre rapporteur
constate qu'elle est satisfaite par la rédaction :
- de l'article 1316 du code civil proposée par le projet de
loi, qui définit la preuve littérale indépendamment de son
support et surtout
indépendamment de ses modalités de
transmission
,
- ainsi que par l'article 1316-2 permettant au juge de
déterminer les écrits -transmis éventuellement par voie
télématique ou électronique- les plus vraisemblables,
quel qu'en soit le support
.
4. L'intégrité, une notion peu juridique
Une difficulté résulte du mélange entre le vocabulaire
technique et le vocabulaire juridique et du fait que le terme
d'intégrité n'est pas défini dans le projet de loi.
D'après le dictionnaire, est intègre l'objet qui n'a pas
été modifié, intentionnellement ou non, par rapport
à un état antérieur.
5. Identification ou imputabilité ?
Lors des auditions qu'il a menées, votre rapporteur a été
saisi de propositions tendant à affirmer que seule peut être
dûment identifiée la personne
à laquelle est
imputable
un document électronique, et non la personne
dont il
émane
effectivement.
La notion d'
imputabilité
permettrait ainsi d'engager la
responsabilité de la personne qui a " prêté " sa
signature électronique à une autre personne et conteste ensuite
le document ainsi signé.
Selon le projet de loi, la personne qui a divulgué sa clé
privée et le code secret permettant de l'utiliser à une tierce
personne (utilisant le même ordinateur), pourrait faire valoir que le
document litigieux n'émane pas d'elle et qu'elle n'a pas consenti aux
obligations qu'il reconnaît. Il en va de même pour la personne
à laquelle ont été subtilisés ces
éléments. La notion d'imputabilité rendrait plus difficile
cette contestation.
Votre rapporteur souligne l'intérêt de reconnaître que
l'écrit sur support électronique ne peut être admis en mode
de preuve que dès lors qu'est identifiée la personne dont il
émane, c'est-à-dire la personne qui a matériellement
émis le message électronique.
En effet, le droit français reconnaît l'imputabilité
indirecte, c'est-à-dire qu'une faute peut émaner d'une personne
mais être imputable à une autre, par exemple dans le cas de la
responsabilité du fait d'autrui.
Votre rapporteur rappelle que la notion d'imputabilité emporte des
effets juridiques alors que le projet de loi emploie
délibérément un langage courant, neutre, permettant au
juge, en cas de conflit, de vérifier de quelle personne émane
effectivement le document litigieux. En conséquence,
il lui
paraît hasardeux de substituer la notion d'imputabilité à
celle de l'identification de la personne dont émane le document.
6. La conservation des documents électroniques
La durée de conservation des actes est de
dix ans en matière
commerciale et de trente ans en matière civile.
La loi n'apporte aucune précision quant aux formes de l'archivage. Elle
prévoit seulement la possibilité de présenter, à
titre de commencement de preuve par écrit, une copie qui soit une
reproduction fidèle et durable de l'original (second alinéa de
l'article 1348 du code civil).
L'admission de l'écrit électronique en moyen de preuve suppose
qu'il soit établi
et conservé
dans des conditions de
nature à en garantir l'intégrité. Les conditions de
fiabilité concernant les moyens de conservation des documents
électroniques signés seront fixées par voie
réglementaire.
La
proposition de loi n° 246
propose la conservation fiable du
document sous le contrôle de son signataire. Votre rapporteur indique que
ce contrôle pourrait être indirect, au moyen des " tiers de
confiance " prévus par la directive européenne sur les
signatures électroniques. En effet, certains prestataires conserveront
non seulement les clés relatives à la signature des utilisateurs,
mais aussi les documents échangés
35(
*
)
.
La
conservation des moyens de preuve
36(
*
)
sur support électronique
pose le problème de l'inégalité entre les parties ;
elle risque fort d'être
unilatérale
, seuls les
professionnels disposant des moyens techniques d'archiver les documents
électroniques sur une longue durée (celle de la prescription).
En effet, en raison de l'évolution très rapide des techniques, il
est difficile de garantir que l'intéressé disposera bien au
moment voulu, des interfaces logicielles et matérielles requises pour
accéder à la lecture du document sur support électronique
établi dix ans plus tôt.
Dès lors, il a pu paraître souhaitable à certains
commentateurs de laisser libre la preuve contraire permettant de contester en
cas de besoin l'écrit électronique, ou d'autoriser la preuve
contraire sur le fondement de présomptions graves, précises et
concordantes.
Article
1316-2 du code civil
Règlement des conflits de preuve
littérale
Conventions sur la preuve
Cet
article a un double objet :
- il confie au juge le soin de régler les conflits de preuve
littérale ;
- il reconnaît dans la loi la validité des conventions sur la
preuve.
1. Le juge règle les conflits de preuve littérale
Actuellement, le code civil ne contient aucune disposition réglant les
conflits entre preuves littérales. Le présent article propose que
le juge règle ces conflits en se fondant sur la vraisemblance des
éléments qui lui sont soumis.
La
proposition de loi n° 246
tend à permettre aux juges de
procéder à toutes les investigations techniques qu'ils estiment
nécessaires pour établir l'authentification de la signature
électronique.
Votre rapporteur souligne que le projet de loi (article 1316-2 du code civil)
confie au juge le soin d'examiner les questions relatives à
l'identification de l'auteur du document (authentification des parties). Quant
à la fiabilité de la signature électronique, elle sera
présumée dès lors que la signature remplira les conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat. Le rôle du juge est
ainsi reconnu par l'article 1322-2 du code civil proposé par le projet
de loi, puisque le régime de présomption légale de
fiabilité ne s'applique que jusqu'à preuve du contraire. En
conséquence, votre commission des Lois estime que la proposition de loi
n° 246 est satisfaite sur ce point.
2. " Le titre le plus vraisemblable "
La notion de " vraisemblance " peut paraître
a priori
subjective. Elle est déjà utilisée par le juge, puisque
l'article 1347 du code civil définit le commencement de preuve par
écrit comme l'écrit qui rend
vraisemblable
le fait
allégué. L'acte doit permettre une approche de la
vérité, faire présumer celle-ci sans la prouver
entièrement. La qualification de la vraisemblance relève du
pouvoir exclusif des juges du fond et échappe au contrôle de la
Cour de cassation.
3. Validité des conventions sur la preuve
Le présent article tend également à inscrire dans la loi
les solutions apportées par la jurisprudence, reconnaissant la
possibilité de passer des conventions sur la preuve dérogeant aux
règles supplétives contenues dans le code civil.
En effet,
l'article 1341 du code civil relatif à l'exigence de
l'écrit n'est pas d'ordre public
. Il est possible d'y déroger
par convention, en fixant d'autres moyens de preuve, tels que le recours au
document électronique.
Actuellement, les entreprises recourent à des conventions d'interchange
élaborées dans le cadre des EDI
37(
*
)
. Une convention d'interchange a pour
objet d'indiquer quels sont les messages qui seront transférés
par voie d'EDI et de prévoir comment seront résolus les
éventuels litiges concernant le contenu des messages
dématérialisés qui ont été
échangés.
La jurisprudence admet déjà la
validité des
conventions
portant sur la signature informatique
en matière de
paiement par cartes bancaires
38(
*
)
. Selon le rapport annuel de la Cour de
cassation pour 1989,
ce procédé présente les
mêmes garanties que la signature manuscrite, laquelle peut être
imitée tandis que le code secret n'est connu que du seul titulaire de la
carte
".
La loi et la jurisprudence prescrivent certaines limites pour
éviter
les déséquilibres entre les parties
: la convention ne
doit pas avoir pour objet ou pour effet d'avantager celui qui en est
l'initiateur ou le rédacteur. La possibilité de rapporter la
preuve contraire doit être systématiquement garantie. Dans les
relations avec les consommateurs, la loi n° 95-96 du 1
er
janvier 1995 sur les
clauses abusives
est pleinement applicable.
Les conditions minimales de validité des conventions sur la preuve
seraient ainsi l'absence de déséquilibre entre les parties et la
possibilité de rapporter la preuve contraire.
Dans le même ordre d'idées, le Conseil d'État, craignant
que certaines conventions ne contiennent des clauses abusives, en recommande un
usage " subsidiaire et encadré ".
Article additionnel après l'article
1
er
(art. 1317-1 du code civil)
Actes authentiques
Le
projet de loi ne s'applique pas aux actes authentiques. En effet, la
définition de la force probante du document électronique n'est
envisagée que pour les actes sous seing privé (voir l'article 2
du projet de loi) et la définition de la signature en
général et de la signature électronique ne s'applique
qu'aux actes sous seing privé (article 3 du projet de loi).
Votre commission des Lois ne souhaite pas traiter différemment les actes
sous seing privé et les " actes sous seing public " que sont
les actes authentiques.
Elle vous soumet donc
un amendement
tendant à insérer
un article additionnel
après l'article premier.
Elle vous propose de poser une règle générale
admettant
l'acte authentique électronique
dans l'article 1317 du code civil.
Ainsi, l'acte authentique pourra être dressé sur support
électronique s'il est établi et conservé dans des
conditions de sécurité fixées par décret en Conseil
d'Etat.
1. Le régime juridique des actes authentiques.
En vertu de l'article 1317 du code civil, l'acte authentique est celui qui a
été
reçu par officiers publics
ayant le droit
d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été
rédigé, et avec les
solennités requises
. L'acte qui
n'est pas authentique vaut comme écriture privée, s'il a
été signé des parties. L'acte authentique fait pleine foi
de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes.
L'acte authentique est reçu par un officier public répondant
à des conditions de compétence (compétences d'attribution
et territoriale) et de capacité (en fonction par exemple de
l'intérêt que l'officier public peut avoir à l'acte).
La "
réception
" par un officier public signifie qu'il
recueille le consentement des parties. La condition de réception
implique à la fois la
présence
de l'officier public lors
de la manifestation de volonté enregistrée ou des faits
constatés, et la
signature
de l'acte par l'officier public.
Les solennités requises désignent en particulier les garanties de
conservation présentées par l'acte authentique : le fait que
l'original est
établi en un seul exemplaire
, conservé dans
la
minute
des notaires, si bien que l'original n'est pas dans les mains
d'une des parties.
L'authenticité a deux conséquences :
force probante de
très haut niveau et force exécutoire.
2. La vérification du consentement des parties
La solution proposée par votre commission des Lois ne modifie aucunement
le formalisme
39(
*
)
de l'acte
authentique.
Votre rapporteur souhaite bien distinguer le support électronique du
transport électronique : le transport suppose une distance entre
les deux parties, qui pose un problème d'authentification. Lorsque les
contractants seront à distance, et qu'un officier public
vérifiera le
consentement
d'une des parties, il est
essentiel que l'officier public engage sa responsabilité
vis-à-vis de la personne : il doit s'assurer que la personne a bien
compris la portée de son engagement.
Pour les actes qui engagent dans une forte proportion le patrimoine ou l'avenir
de l'entreprise ou de son dirigeant (contrats complexes, de longue
durée, actes de cautionnement...), la nécessité de
négocier les termes du contrat fait que
la réunion physique
des personnes continuera à rester la règle
.
Même si la validation finale du contrat s'effectue par voie
électronique, on ne pourra pas en déduire pour autant que ces
parties n'ont pas
une connaissance exacte de l'objet et de la portée
de leur engagement.
L'acte authentique électronique devra être établi en
présence de l'officier public et de la personne concernée ;
ensuite, il peut être envisagé :
- de le transmettre à l'autre partie, en présence d'un autre
ou du même officier public ;
- de la conserver sous forme électronique.
La relation humaine
intuitu personae
est indispensable pour s'assurer de
la capacité et du consentement de la personne ; elle n'est pas
remise en cause par l'admissibilité en mode de preuve de l'acte
authentique électronique et la reconnaissance de sa force probante.
3. La reconnaissance de la force probante de l'acte authentique
électronique vaut pour l'avenir
L'amendement proposé par votre commission des Lois rend possible la
reconnaissance
ultérieure
des actes authentiques
électroniques. Cette solution permet d'éviter une nouvelle
modification du code civil d'ici quelques années, lorsque les officiers
publics et ministériels disposeront des moyens logiciels et
matériels leur permettant de transmettre les actes authentiques par voie
électronique.
Il s'agit de ne pas fermer la porte à ce qui deviendra un jour
l'authenticité électronique. Le renvoi au décret en
Conseil d'Etat permettra de mettre en oeuvre l'acte authentique
électronique dès que les conditions matérielles le
rendront possible.
Article 2
(art. 1322-1 du code civil)
Force
probante
équivalente à celle de l'acte sous seing privé
Cet
article reconnaît à l'écrit électronique, qui
constate des droits et obligations et qui comporte une signature,
une force
probante équivalente à celle d'un acte sous seing privé
sur support papier
.
Formellement, il crée un article 1322-1 dans le deuxième
paragraphe de la section première du code civil sur la preuve
littérale, relatif à l'acte sous seing privé. Le champ
d'application de cet article est donc limité aux actes sous seing
privé.
Il doit être lu par référence à l'article 1322
du code civil, selon lequel "
l'acte sous seing privé, reconnu
par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre
ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause,
la
même foi que l'acte authentique
".
1. Régime juridique de l'acte sous seing privé
En dehors des exceptions prévues par la loi, l'acte sous seing
privé n'est soumis à aucune autre
condition de forme que la
signature de ceux qui s'obligent
. En d'autres termes, un acte vaut comme
acte sous seing privé dès lors qu'il a été
signé par la partie à qui on l'oppose et qu'il est invoqué
par la partie à qui il a été remis.
Un acte sous seing privé n'a de force probante qu'autant que la
signature en est expressément ou tacitement reconnue ou a
été au préalable vérifiée en justice.
Lorsque la signature est déniée ou méconnue, il appartient
à celui qui se prévaut de l'acte de prouver sa
sincérité.
Les actes sous seing privé ne font foi que jusqu'à preuve
contraire de la sincérité des faits juridiques qu'ils constatent
et des énonciations qu'ils contiennent.
2. La force probante d'un écrit électronique
Le projet de loi propose la faculté d'assimiler un document
électronique à un écrit sous seing privé à
deux conditions : intégrité des données (y compris
lors de leur conservation future) et imputabilité du message au
signataire ainsi identifié. L'article 1322-1 confère à
l'écrit électronique la même force probante que celle de
l'acte sous seing privé sur support papier, reconnu par celui auquel on
l'oppose ou légalement tenu pour reconnu.
3. L'insertion dans le code civil
L'article 1322-1 ne répète pas les termes de l'article 1316-1,
ces deux articles ayant des champs d'application bien distincts :
- l'article 1316-1 vise l'
écrit
quel qu'il soit ; il
n'est pas obligatoirement signé ; il peut s'agir en outre aussi
bien d'un acte sous seing privé que d'un acte authentique ;
- l'article 1322-1 vise les
actes juridiques
créateurs de
droits et d'obligations. Il s'applique clairement aux
contrats
. Il
s'agit d'une application particulière (inscrite dans la subdivision
consacrée aux actes sous seing privé) de la règle
(inscrite dans les dispositions générales) posée par
l'article 1316-1. L'écrit visé à l'article 1322-1 doit
être
signé
pour être un acte créateur de
droits et d'obligations. La signature est en effet nécessaire à
la perfection d'un acte sous seing privé.
Votre commission juge contradictoire la rédaction de l'article 1322-1
proposée par le projet de loi.
En effet, cet article renvoie à l'article 1322, qui ne vise que l'acte
sous seing privé
non contesté par celui auquel on
l'oppose
. Or, on ne se préoccupe de la force probante d'un acte sous
seing privé qu'en cas de contestation. Il ne paraît pas logique de
conférer à l'acte électronique signé constatant des
droits et obligations la même force probante
40(
*
)
que celle de l'acte sous seing
privé
non contesté.
Votre commission des lois vous propose
un amendement
tendant à
indiquer que la même force probante est attachée à
l'écrit sur support papier ou sur support électronique,
dès lors qu'il réunit toutes les conditions de forme
nécessaires à sa validité.
4. La preuve contraire : comment prouver contre et outre l'écrit
électronique ?
Les solutions hiérarchisant les modes de preuve en fonction du support
n'ont pas été retenues par le projet de loi
41(
*
)
. Celui-ci retient au contraire une
équivalence totale de la force probante de l'écrit sous forme
électronique avec celle de l'écrit traditionnel.
Lorsqu'il ne sera pas signé, l'écrit électronique aura la
force probante très limitée accordée aux écrits sur
papier non signés (simple indice laissé à la libre
appréciation du juge).
Lorsqu'il sera signé et aura été préétabli
spécialement pour constater un acte générateur de droits
et d'obligations, l'acte sur support électronique, ainsi devenu acte
instrumentaire, aura exactement la même force probante que l'acte sous
seing privé.
Conformément aux dispositions du projet de loi, combinées avec
celles de l'article 1341 du code civil,
l'acte électronique
signé ne pourra être combattu par des témoignages ou des
présomptions, mêmes graves, précises et concordantes
,
mais seulement par un autre acte, authentique ou sous seing privé, ou
dans les conditions énoncées aux articles 1347 et 1348 du
code civil.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2
ainsi
modifié
.
Article 3
(art. 1322-2 du code
civil)
Définition de la signature et de la
signature
électronique
Cet
article propose une définition générale de la signature
puis inscrit la signature électronique dans le code civil.
Il insère un nouvel article 1322-2 après article 1322-1 du
code civil précédemment créé, c'est-à-dire
dans la subdivision consacrée aux actes sous seing privé.
La signature étant une condition d'existence de l'acte instrumentaire,
la reconnaissance de l'existence d'un équivalent électronique
à la preuve littérale traditionnelle serait privée de
toute portée pratique si elle ne s'accompagnait pas d'une reconnaissance
d'un équivalent électronique à la signature manuscrite.
1. La définition générale de la signature
42(
*
)
est fonctionnelle
Aucun texte ne définit actuellement ce qu'il faut entendre par
signature. Aux termes du premier alinéa de l'article 1322-2,
"
la signature nécessaire à la perfection d'un acte sous
seing privé
identifie
celui qui l'appose et manifeste son
consentement
aux obligations qui découlent de cet acte
".
Une
double fonction
sera assignée à la signature :
identification de l'auteur de l'acte et manifestation de son consentement au
contenu de l'acte. Cette définition couvre aussi bien la signature
manuscrite que la signature électronique. Il existe une
équivalence fonctionnelle
entre signature manuscrite et signature
électronique.
2. La question des actes authentiques
La preuve littérale est définie de manière
générale, indépendamment de son support (article 1316
du code civil), alors que la signature définie à
l'article 1322-2 serait celle "
nécessaire à la
perfection d'un acte sous seing privé
".
Rien ne semble justifier que la signature ne soit définie que dans la
subdivision relative aux actes sous seing privé. Votre rapporteur
souhaiterait inscrire la définition de la signature dans les
dispositions générales relatives à la preuve
littérale.
Cependant, cela souligne les difficultés juridiques ainsi
soulevées. Le cas des actes sous seing privé est simple : la
signature apposée manifeste le consentement du signataire aux
obligations contenues dans l'acte. Mais, dans le cas d'un " acte sous
seing public ", la
signature de l'officier public
constitue une
solennité et engage l'authentificateur qui doit avoir
vérifié le consentement de la personne.
Dès lors,
reconnaître l'acte authentique électronique
suppose de définir la signature de l'officier public
authentificateur
.
Votre commission des Lois vous soumet
un amendement
tendant à
donner une définition de la signature qui incluera les actes
authentiques.
Formellement, cet amendement transfère les dispositions du
présent article 3 du projet de loi dans les dispositions
générales relatives à la preuve littérale (nouvel
article 1316-4 du code civil).
Ainsi, la signature nécessaire à la perfection d'un acte
juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des
parties aux obligations qui découlent de cet acte.
Quand elle est
apposée par un officier public, elle confère
l'authenticité à l'acte
.
Cette réforme implique, pour chaque type d'acte authentique, de
s'interroger sur sa recevabilité et sa force probante en cas
d'utilisation du support électronique : les jugements ou les actes
d'état civil doivent-ils être traités de la même
façon que les actes notariés ou les actes des huissiers ?
Votre commission des Lois estime que les interventions législatives
voire réglementaires nécessaires pour mettre en oeuvre l'acte
authentique électronique, qui ne toucheront pas au code civil mais aux
textes spécifiques à chaque catégorie d'acte authentique,
indiqueront les conditions de la validité des actes authentiques sur
support électronique, en particulier les conditions de fiabilité
de leur signature électronique.
3. La signature électronique est admise sous deux conditions
La définition de la signature électronique, conformément
aux prescriptions de la directive communautaire sur les signatures
électroniques, est "
technologiquement neutre
".
La signature électronique consiste en l'usage d'un procédé
fiable
d'identification garantissant son
lien
avec l'acte auquel
elle s'attache.
Le deuxième alinéa de l'article 1322-2 précise les
conditions que doit remplir la signature électronique pour se voir
reconnaître une valeur juridique, en des termes suffisamment
généraux pour s'adapter aux évolutions techniques :
fiabilité du processus employé ; lien indissociable entre la
signature et le message.
L'article 2 de la proposition de loi n° 246 propose de même de
reconnaître la force probante d'un document électronique à
condition que soit possible l'identification par une signature
électronique fiable et que soit assurée la conservation durable
du message. Il est donc satisfait par le projet de loi.
Une application de la signature électronique mérite d'être
soulignée : le décret n° 98-271 du 9 avril 1998 relatif
à la carte de professionnel de santé porte reconnaissance par les
administrations et les organismes de Sécurité Sociale de la
signature électronique de la carte professionnelle de
santé
43(
*
)
.
4. La signature électronique définie par le projet de loi est
une signature élaborée
Le projet de loi reconnaît dans le code civil la signature
" avancée ", au sens de la directive communautaire,
c'est-à-dire la signature qui est liée uniquement au signataire,
permet de l'identifier, est créée par des moyens qu'il peut
garder sous son contrôle exclusif et est liée aux données
auxquelles elle se rapporte pour que toute modification ultérieure soit
détectable.
Votre commission des lois estime que la traduction du terme " advanced
signature " en " signature avancée " n'est pas
satisfaisante. Il s'agit en fait d'
une signature élaborée,
perfectionnée, indissolublement liée au texte auquel elle se
rapporte
. Alors que la signature manuscrite est apposée au bas d'un
texte, laissant la possibilité de blanc seing, la signature
électronique revient à signer chacun des mots du texte et leur
enchaînement, pas une virgule du texte signé ne pouvant être
modifiée sans que cela ne soit immédiatement visible pour le
destinataire du message.
5. La fiabilité de la signature électronique
relève d'un régime de présomption légale
réfragable
La fiabilité du procédé de signature électronique
est
présumée, jusqu'à preuve contraire,
lorsque la
signature électronique est créée, l'identité du
signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans
des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Parmi ces exigences, conformément à la directive
européenne sur les signatures électroniques, figure
l'intervention de prestataires de services de certification.
Si le document est accompagné d'un
certificat
répondant
à certaines exigences et délivré par une autorité
de certification accréditée, la fiabilité de la signature,
la conservation durable du document signé seraient
présumées. La
charge de la preuve
serait alors
inversée et incomberait à celui qui conteste le document.
Dans le cas contraire, celui qui se prévaut d'un document informatique
signé mais non certifié devrait convaincre le juge que les
conditions de fiabilité et de conservation durable sont dûment
remplies.
6. Les aspects réglementaires de la signature électronique -
la certification
La directive européenne du 13 décembre 1999 sur les signatures
électroniques dispose dans son article 3 que les États
membres ne soumettent la fourniture des services de certification à
aucune autorisation préalable. Toutefois, les États peuvent
instaurer ou maintenir des régimes volontaires d'accréditation.
L'accréditation est reconnue comme un service public.
Le décret en Conseil d'État devrait organiser un régime
d'accréditation volontaire des autorités de certification et
préciser les exigences concernant les dispositifs de création de
signature. Un organisme fixera les conditions de sécurité que
doivent remplir les prestataires de service de certification.
L'article 3 de la proposition de loi n° 246 renvoie au décret
d'application la définition des modalités de conservation durable
du message électronique. Il est donc satisfait par l'article 3 du projet
de loi.
7. La signature électronique est en fait un " sceau "
électronique
Les prestataires de service de certification ont pour rôle d'authentifier
le signataire,
en aucun cas de certifier le contenu du message
.
Le tiers certificateur ne garantit pas le consentement du signataire, il
garantit la clé publique. En réalité, il garantit la
correspondance entre la clé publique et l'identité
déclarée du détenteur de la clé.
En revanche,
la certification de signature
44(
*
)
par une autorité publique est
bien plus puissante juridiquement
que la certification de clé
publique par les tiers certificateurs.
Il s'agit d'un
sceau d'authenticité électronique
et
non d'une " certification de signature " électronique.
La signature électronique est utilisée dans la perspective
unique d'une
transmission
, la signature juridique dans la perspective de
rendre parfait
un acte sous seing privé
.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 3
ainsi
modifié.
Article 4
(art. 1326 du code civil)
Mentions
manuscrites
Cet
article tend à remplacer la formalité exigée pour les
actes juridiques unilatéraux
, afin de lever les obstacles
à l'utilisation du document électronique. Il modifie ainsi
l'article 1326 du code civil
45(
*
)
., qui impose au débiteur
d'écrire de sa main le montant de la somme d'argent qu'il doit au
créancier. Le projet de loi prévoit que les mentions
obligatoirement inscrites la partie qui s'engage pourront être
écrites "
par elle-même
" et non plus
"
de sa main
".
1. Régime juridique des mentions manuscrites
L'article 1326 du code civil prévoit des mentions manuscrites, requises
pour faire la preuve d'actes sous seing privés unilatéraux. Ces
mentions manuscrites sont communément appelées " bon
pour " ou " lu et approuvé ".
Les actes authentiques ne sont pas visés par l'article 1326.
Celui-ci n'est applicable qu'aux seuls actes contenant obligation, portant
engagement de payer des sommes d'argent ou de fournir des choses fongibles. Il
s'applique en particulier en matière de
cautionnement,
pour les
contrats de prêts, et plus généralement
pour
toutes les
reconnaissances de dette
46(
*
)
A défaut de la signature de celui qui s'engage, l'acte ne fait pas
preuve de l'engagement. En l'absence de mention manuscrite de la somme
écrite en chiffres, l'acte sous seing privé contenant
l'engagement de caution est irrégulier et ne peut constituer qu'un
commencement de preuve par écrit.
2. L'omission des formalités de l'article 1326 n'a pas toujours
été considérée comme étant sans influence
sur la
validité
de l'obligation elle-même
.
Les exigences de l'article 1326 sont des règles de
preuve
qui ont pour finalité la protection du signataire.
Cependant, il a parfois été considéré qu'elles
entraînaient des conséquences sur la
validité
même de l'acte. Dans le cas de cautionnement, il résulte de la
combinaison des articles 1326 et 2015
47(
*
)
du code civil que le cautionnement ne
peut excéder la somme que la caution s'est engagée à payer
telle qu'elle résulte de la mention écrite de sa main.
Il paraît souhaitable, en l'état actuel de la réflexion, de
limiter les effets du projet de loi aux écrits requis
ad
probationem
, et de ne procéder aux aménagements concernant
les écrits
ad validitatem
qu'avec la plus grande prudence.
En conséquence, votre commission des Lois vous propose d'
interroger
le Gouvernement sur la portée exacte de l'article 4.
Il s'agit de
s'assurer du consentement des personnes reconnaissant une dette ou se portant
caution, les mentions manuscrites étant censées attirer
l'attention du débiteur sur la portée de son engagement. Les
conditions de forme imposées à peine de nullité ne doivent
pas être modifiées à l'occasion de l'examen du
présent projet de loi.
Elle vous propose d'adopter l'article 4
sans modification
.
Article 5
Application outre-mer
Cet
article tend à rendre les dispositions du projet de loi applicables en
Nouvelle Calédonie, en Polynésie française, à
Wallis et Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. En
vertu du principe de spécialité législative
(article 73 de la Constitution), les lois ne sont applicables dans ces
collectivités que sur mention expresse.
Votre commission des Lois
48(
*
)
a
approuvé plusieurs ordonnances étendant aux territoires
d'outre-mer et à Mayotte les articles du code civil relatifs à la
preuve testimoniale et à la preuve des actes juridiques, ainsi que
l'extension à Mayotte de l'article 109 du code de commerce sur la preuve
des actes de commerce.
Elle vous soumet
un amendement
rédactionnel tendant à
tenir compte des évolutions statutaires actuellement en cours de
discussion sur la Polynésie française, susceptible de devenir
à terme un pays d'outre-mer.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5
ainsi
modifié
.
TABLEAU COMPARATIF
___
Texte
en vigueur
|
Texte
|
Texte
du projet de loi
|
Propositions
|
Code
civil
Art. 1316 - Les règles qui concernent la preuve littérale, la preuve testimoniale, les présomptions, l'aveu de la partie et le serment, sont expliquées dans les sections suivantes.
Section Ière : De la preuve littérale
Art. 1334 - Les copies, lorsque le titre original subsiste, ne font foi que de ce qui est contenu au titre, dont la représentation peut toujours être exigée. |
Proposition de loi
Article
unique
Proposition de loi
L'article 1334 du code civil est complété par un
second alinéa ainsi rédigé :
Article 2 Les juges pourront procéder à toutes les investigations techniques qu'ils estiment nécessaires pour établir l'authentification de la signature électronique. |
Article 1er
I. -
L'article 1316 du code civil devient l'article 1315-1.
" Art. 1316-2 . - Lorsque la loi n'a pas fixé d'autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable quel qu'en soit le support. " |
Article 1 er
I. -
(Sans modification).
|
Art. 1317 - L'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises. |
|
|
Article
additionnel
|
Section I : De la preuve
Art. 1322 - L'acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l'acte authentique. |
|
Article 2 Après l'article 1322 du code civil, il est inséré un article 1322-1 ainsi rédigé : " Art. 1322-1. - La même force probante est attachée à l'écrit sous forme électronique lorsqu'il constate des droits et obligations et qu'il est signé. " |
Article 2
" Après l'article
1316-2
du code civil, il
est
inséré un article
1316-3
ainsi rédigé :
|
|
Article 3 Les modalités de conservation durable du message électronique seront quantifiées selon les prescriptions du décret d'application de la présente proposition de loi. |
Article 3
Après l'article 1322-1 du code civil, il est
inséré un article 1322-2 ainsi rédigé :
|
Article 3
Après l'article
1316-3
du code civil, il est
inséré un article
1316-4
ainsi
rédigé
:
|
Art. 1326 - L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. |
|
Article 4 A l'article 1326 du code civil, les mots : " de sa main " sont remplacés par les mots : " par lui-même ". |
Article 4
|
|
|
Article 5 La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. |
Article 5 La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. |