VI. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Votre rapporteur spécial est amené à formuler trois principales observations sur le budget de l'emploi pour 2000.
A. L'EXÉCUTION DU BUDGET DE L'EMPLOI RÉVÈLE DE NOMBREUSES IMPERFECTIONS
Votre
rapporteur spécial rappelle que la Cour des comptes a
présenté, dans son rapport sur l'exécution des lois de
finances pour 1998, sa première monographie consacrée au budget
de l'emploi, dont il convient de relever les principales conclusions.
Le budget de l'emploi est désormais le deuxième budget civil
de l'Etat
, après celui de l'enseignement scolaire. Ses dotations ont
progressé de plus de 36 % depuis 1994
, et même de 51 % si
on y associe le chapitre 44-75 du budget des charges communes (" Mesures
diverses en faveur de l'emploi ").
Les dotations de ce chapitre
(20,4 milliards de francs en 1994 mais 43 milliards de francs en 1998)
ont
néanmoins été intégrées au fascicule
budgétaire de l'emploi par la loi de finances initiale pour 1999
, ce
dont il convient de se féliciter.
D'une manière générale, le budget de l'emploi est
soumis à une inertie qui en rend la réorientation difficile.
La Cour des comptes se montre assez sévère sur
l'effort de
maîtrise des dotations budgétaires, qualifié
d'
" insuffisant "
.
Elle conclut sur ce point que s'est affirmée constamment
" une
sorte de dialectique entre l'enregistrement obligé des charges
liées aux dispositifs existants ou aux nouvelles interventions mises en
place, et la recherche d'économies, par la suppression ou le recadrage
de certains dispositifs ".
Elle ajoute
toutefois :
" toutes les mesures d'économies
prévues ne sont pas nécessairement entrées en
vigueur "
, tandis que d'autres
" n'ont pu être mises en
oeuvre que de façon différée ".
Cette analyse conforte celle développée par votre rapporteur
spécial lors de l'examen du budget de l'emploi pour 1999. Il avait en
effet souligné, à cette occasion, le financement des
priorités gouvernementales par la réalisation d'économies
significatives, pour un montant de 11 milliards de francs,
baptisées, pour la circonstance, " recentrages ".
Par ailleurs, la Cour des comptes a fait un ensemble d'observations relatives
aux modifications intervenues en cours de gestion.
Elle constate notamment que le budget de l'emploi subit de fréquentes
adaptations, suite à l'intervention de décrets d'avance. En
outre, le budget de l'emploi fait l'objet d'ouvertures de crédits
très importantes par voie de fonds de concours.
Elle considère que le budget de l'emploi fait l'objet de
" marges de gestion non négligeables "
: le
principe de la spécialité budgétaire est affecté
par ce phénomène,
l'assouplissement de la
spécialité des crédits élargissant les marges de
manoeuvre des gestionnaires.
La Cour des comptes estime que les résultats d'exécution sont
biaisés par des défauts d'ordre méthodologique.
Elle considère notamment que
la nomenclature budgétaire
ordinaire nuit au suivi des crédits de l'emploi et se
révèle insuffisante pour décrire correctement la politique
de l'emploi.
Elle conclut que
" le budget de l'Etat ne retrace qu'une partie des
financements publics de la politique de l'emploi et de la formation
professionnelle ".
Au regard de ces observations, votre rapporteur spécial estime que des
choix opérés par le projet de budget de l'emploi pour 2000 sont
contestables.
C'est le cas, par exemple, de la création de 130 emplois. Le
gouvernement indique
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)
que
ces créations d'emplois interviendront
" particulièrement
dans les sections d'inspection du travail, fortement mobilisées par la
mise en oeuvre du dispositif d'aménagement et de réduction du
temps de travail ".
Or, le Sénat a déjà manifesté son
hostilité au caractère autoritaire du dispositif de
réduction du temps de travail présenté par le
gouvernement.
D'autre part, les effectifs budgétaires du ministère seraient
portés à 10.115 en 2000, soit une augmentation des emplois de 5,4
% depuis 1997.
Or, la Cour des comptes s'est montrée très critique sur la
gestion des emplois par le ministère de l'emploi et de la
solidarité.
Dans une lettre datée du 28 juillet 1998 et adressée à la
ministre de l'emploi et de la solidarité, le Premier président de
la Cour des comptes écrivait :
" la Cour a
relevé que les effectifs dont disposait le ministère
étaient éloignés des prévisions et autorisations de
la loi de finances initiale ".
Il poursuivait :
" La
description des effectifs qui figure en loi de finances initiale, seule
information dont dispose la représentation nationale en la
matière, ne correspond pas à la réalité ".
Puis il concluait :
" Une amélioration de la gestion
prévisionnelle des effectifs est indispensable ".
Mais dans ce contexte, la création de nouveaux emplois paraît
donc inopportune.