B. LA MISE EN PLACE DE COMPTES CONSOLIDÉS
1. De l'établissement de comptes consolidés aux réformes de procédure et de nomenclature
Votre
commission des finances, par la voix de son président et de son
rapporteur général, a déjà réclamé
l'établissement d'une présentation commune à la fois des
comptes des administrations publiques, mais aussi des projets de loi de
finances et de financement de la sécurité sociale, et
souhaité orienter en ce sens ses travaux.
Le constat des difficultés méthodologiques présidant
à cet établissement conduit ainsi à s'interroger sur de
possibles améliorations de la procédure d'examen des textes
financiers et de leur nomenclature.
a) Les difficultés de l'établissement de comptes consolidés
La seule
solution technique pour obtenir une vision d'ensemble des finances publiques
est de retenir les instruments comptables des comptes nationaux, tels qu'ils
figurent dans le Rapport économique, social et financier, ce qui n'est
possible que pour l'année n-1 (en l'occurrence 1998).
Par ailleurs, il est techniquement impossible d'agréger les lignes du
projet de loi de finances et du projet de loi de financement. La
comptabilité des organismes sociaux fait intervenir des concepts
extrêmement divers et il n'est même pas possible de comparer
dépenses et recettes d'un même projet de loi de financement
puisque les champs ne sont pas identiques.
Le tableau suivant, établi à partir des comptes nationaux
prévisionnels pour 1998, apporte essentiellement des
confirmations :
• la charge de la dette pèse surtout sur l'Etat (73,1 %) de
même que les dépenses d'intervention (78,6 %) tandis que les
administrations de sécurité sociale (ASSO) prennent à leur
charge 78,7 % des transferts sociaux et prestations sociales. A noter
s'agissant des dépenses que les ASSO représentent le premier
poste des dépenses publiques (39,2 % contre 38,5 % pour l'Etat) et
notamment 21,9 % des dépenses de rémunérations du secteur
public soit plus que les collectivités locales ;
• les cotisations sociales vont à 88 % aux ASSO tandis que l'Etat
reçoit 60,1 % des impôts et recettes fiscales (à noter
cependant que les ASSO bénéficient de 34,4 % des
impôts sur le revenu et le patrimoine) ; au total, les ASSO ont 40,9
% des recettes publiques.
Il est par ailleurs intéressant de constater grâce à ce
tableau les ordres de grandeur de ce qui peut s'apparenter au " compte de
résultat des administrations en comptabilité
nationale " :
la sphère publique a un total
d'activité de 5.256 milliards de francs (pour un PIB 1998 de
8.565 milliards de francs) dont 38,8 % vont aux prestations sociales
et 22,25 % aux rémunérations.
De même, l'analyse des recettes révèle le poids
prédominant des recettes fiscales sur les cotisations, accentué
par la fiscalisation croissante de la protection sociale qui montre
l'augmentation de la participation de l'ensemble de l'activité et non
plus seulement du facteur travail au financement des dépenses sociales
(graphique présentation par catégorie de recettes).
Comptes consolidés des administrations publiques en 1998
(en milliards de francs)
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Organismes divers d'admi-nistration centrale |
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DÉPENSES |
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|
Consommations intermédiaires |
138,8 |
29,4 % |
102,2 |
21,6% |
187,6 |
39,7% |
43,8 |
9,3% |
472,4 |
Rémunérations des salariés |
626,2 |
53,5 % |
257,1 |
21,9% |
235,8 |
20,1% |
52,4 |
4,5% |
1171,5 |
Autres dépenses de fonctionnement |
3,4 |
8,2 % |
22,2 |
53,2% |
9,5 |
22,8% |
6,6 |
15,8% |
41,7 |
Intérêts |
224,9 |
73,1 % |
6 |
1,9% |
46 |
14,9% |
30,9 |
10,0% |
307,8 |
Prestations sociales et transferts sociaux |
259,2 |
12,7 % |
1608 |
78,7% |
70,7 |
3,5% |
104,3 |
5,1% |
2042,2 |
Subventions |
71 |
60,0 % |
1,6 |
1,4% |
33,7 |
28,5% |
12,1 |
10,2% |
118,4 |
Autres transferts |
657 |
78,6 % |
40 |
4,8% |
80,9 |
9,7% |
57,8 |
6,9% |
835,7 |
Acquisition d'actifs non financiers |
45,8 |
17,1 % |
25,4 |
9,5% |
178,1 |
66,6% |
18 |
6,7% |
267,3 |
dont FBCF |
44,8 |
17,5 % |
24,4 |
9,6% |
169,8 |
66,5% |
16,4 |
6,4% |
255,4 |
TOTAL DES DEPENSES |
2026,2 |
38,5 % |
2062,5 |
39,2% |
842 |
16,0% |
325,8 |
6,2% |
5256,5 |
RECETTES |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Production et subventions d'exploitation |
27,7 |
45,0 % |
10,1 |
16,4% |
13,9 |
22,6% |
9,9 |
16,1% |
61,6 |
Impôts et transferts de recettes fiscales |
1447,3 |
60,1 % |
400,9 |
16,6% |
492,8 |
20,5% |
68,3 |
2,8% |
2409,3 |
dont taxes et impôts sur production |
978,4 |
71,0 % |
35,1 |
2,5% |
328,9 |
23,9% |
34,9 |
2,5% |
1377,3 |
dont impôts courants sur le revenu et le patrimoine |
536 |
54,2 % |
339,5 |
34,4% |
79,3 |
8,0% |
33,4 |
3,4% |
988,2 |
dont impôts en capital |
43,9 |
100,0 % |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
43,9 |
dont transferts de recettes fiscales |
-110,9 |
- |
26,3 |
- |
84,6 |
- |
0 |
- |
0 |
Cotisations sociales |
185,3 |
11,8 % |
1380 |
88,0% |
2,3 |
0,1% |
0,9 |
0,1% |
1568,5 |
Impôts et cotisations dûs non recouvrables (net) |
-11,1 |
45,3 % |
-13,4 |
54,7% |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
-24,5 |
Autres transferts courants |
42,7 |
7,0 % |
198,1 |
32,7% |
175,9 |
29,0% |
189,5 |
31,3% |
606,2 |
Autres recettes |
34 |
22,4 % |
13,7 |
9,0% |
60,6 |
39,9% |
43,4 |
28,6% |
151,7 |
TOTAL DES RECETTES |
1767 |
35,2 % |
2052,8 |
40,9% |
870 |
17,3% |
334,5 |
6,7% |
5024,3 |
CAPACITÉ DE FINANCEMENT |
-259,2 |
111,6 % |
-9,7 |
4,2% |
28 |
12,1% |
8,7 |
-3,7% |
-232,2 |
Source : INSEE ? bases 1980 et 1995 des Comptes nationaux ;
calculs Direction de la Prévision
(1) La base 1980 corrigée pour passage au SEC 79 correspond aux
exigences du traité de Maastricht pour la présentation des
déficits publics.
(2) En 1997, la capacité de financement des administrations publiques
s'entend y compris soulte France Télécom.
b) Les enseignements à tirer
Au total
cette vision consolidée des finances publiques apporte principalement un
enseignement quant aux masses respectives. Il doit être
complété par des éléments de tendance (nouveaux
prélèvements sociaux, baisse des prélèvements en
faveur de l'Etat) et par des rapprochements (budget de l'Etat / dépenses
inscrites en loi de financement ; évolution des frais de gestion
des régimes sociaux par rapport à celle des dépenses de
fonctionnement de l'Etat).
Il est en outre impossible de comparer ligne par ligne les projets de loi de
finances et de financement de la sécurité sociale pour des
raisons de méthode comptable, et cela en l'absence de prévisions
fournies par le gouvernement concernant les comptes nationaux pour 1999, 2000
et 2001.
Répartition par fonctions des dépenses publiques consolidées
Répartition par catégories des recettes
consolidées
2. Quelques pistes d'évolution
a) Un exercice difficile
Il est
aujourd'hui indispensable de réussir à établir des comptes
consolidés. Il à peine imaginable que les lois de finances et les
lois de financement soient impossibles à agréger. La France
dépensera en 2000 1.650 milliards de francs pour l'Etat et 1.800
milliards de francs au titre des régimes de base de
sécurité sociale.
Et pour des raisons de structures
comptables, de champ méthodologique, de transferts divers et
variés, le gouvernement n'apparaît pas en mesure de fournir une
vision globale des finances publiques de l'année à venir alors
même qu'il est obligé de le faire pour respecter ses engagements
européens.
Les prélèvements obligatoires consolidés peuvent
s'appréhender plus facilement puisque les champs se recouvrent à
peu près. De même, il est possible de rapprocher les recettes de
chaque champ, même si les deux parties du tableau se recouvrent.
Recettes comparées sur prélèvements
obligatoires de l'Etat et des régimes obligatoires de base de
sécurité sociale
(prévisions pour l'an 2000)
(en milliards de francs)
Recettes de l'Etat (état A du PLF) |
Prévisions de recettes des régimes obligatoires de base (article 6 du PLFSS) |
||
Recettes fiscales |
1.882,2 |
Cotisations effectives |
1.043 |
Recettes non fiscales |
200,3 |
Cotisations fictives |
201.5 |
Prélèvements sur recettes |
- 288 |
Contributions publiques |
67,1 |
|
|
Impôts et taxes affectés |
515,6 |
|
|
Transferts reçus |
4,7 |
|
|
Revenus des capitaux |
1,7 |
|
|
Autres ressources |
34,1 |
Total |
1.794,5 |
Total |
1.867,7 |
En
revanche, il est beaucoup plus délicat de procéder au même
rapprochement pour les dépenses de l'Etat et des régimes sociaux.
A ce titre d'aucuns évoquent l'idée de lois de financement (Etat
et sécurité sociale) consolidées. Ceci n'apparaît
pas constituer une hypothèse absurde mais elle doit se concilier avec le
respect des principes du paritarisme social. Elle serait nécessaire
quand on prend conscience que ces dépenses, aujourd'hui mises en oeuvre
par l'Etat ou les régimes de sécurité sociale, sont
couvertes par un même contributeur, l'acteur économique, et par un
même moyen, le prélèvement obligatoire.
La fiscalisation croissante de la sécurité sociale, sa
déconnexion grandissante avec les revenus du travail pour
s'élargir à l'ensemble de l'activité économique et
financière introduisent une tendance à la consolidation des
prélèvements, au moins dans l'esprit des Français. Or
aucun élément technique public ne permet de disposer de
consolidation des dépenses. Il leur serait donc impossible de savoir
exactement ce que l'ensemble de la sphère publique, car il s'agit bien
de cela , compte dépenser de l'argent prélevé de
manière collective ?
A tout le moins, on est en droit d'attendre des réponses claires du
gouvernement sur ces questions. Si la loi de finances et la loi de financement
de la sécurité sociale présentent un intérêt
certain, elles connaissent aussi de fortes limites qu'il conviendra de
réduire.
b) Une contribution au débat
Sans
prétendre apporter de réponses définitives, votre
rapporteur général souhaiterait simplement soumettre quelques
pistes de réflexion afin d'apporter sa contribution au débat.
Ne pourrait-on pas limiter strictement leur champ ? Cette limitation
vaudrait tout autant de façon négative comme cela existe
déjà (ne peuvent figurer dans chacune des lois que certaines
catégories de mesures que les textes organiques et la jurisprudence
constitutionnelle précisent de façon détaillée) que
de façon positive : ne pourrait figurer dans aucun autre texte une
mesure à caractère de prélèvement, modifiant un
impôt, une taxe, exonérant de charges ou créant un fonds de
financement.
Lois de finances et de financement auraient ainsi un domaine
réservé qui permettraient de faire de leur discussion le temps
fort et unique de l'appréhension des prélèvements
obligatoires et de leur affectation.
Par ailleurs ne peut-on pas travailler à une nomenclature comptable
unique entre les deux textes permettant de disposer d'états
annexés en loi de financement reprenant les principaux titres de la loi
de finances ? Il s'agirait ici de détailler les frais de
fonctionnement (par analogie avec le titre III), les prestations fournies (par
analogie avec le titre IV), les dépenses en capital des
différents régimes (par analogie avec le titre V) et les
dépenses de prévention (par analogie avec le titre VI). Cette
présentation sous forme commune permettrait d'avoir une vision globale
des types de dépenses des deux textes.
Cette modernisation, cette évolution des instruments apparaissent
comme un enjeu essentiel et votre commission des finances entend dès
aujourd'hui prendre date dans cette oeuvre d'évolution des finances
publiques. Chaque Français et chaque entreprise savent ce qu'ils paient.
Ils doivent aussi savoir ce à quoi cet argent sert.