Loi de finances pour 2000 - Le budget de 2000 et son contexte économique et financier
MARINI (Philippe), Rapporteur général
RAPPORT GENERAL 89-TOMEI (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
Tableau comparatif au format Acrobat ( 750 Ko )Table des matières
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE PREMIER :
QUELLE CROISSANCE POUR L'AN 2000 ?- I. UN PAYSAGE ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL QUI RESTE TROUBLE
-
II. UNE ÉCONOMIE FRANÇAISE SOUS CONTRAINTES
STRUCTURELLES
- A. UN REBOND CONJONCTUREL QUI NOURRIT DES PRÉVISIONS FAVORABLES
-
B. LA PERSISTANCE D'INCERTITUDES
-
1. La persistance de handicaps structurels
- a) L'augmentation de l'emploi repose sur des bases ambiguës
- b) La réduction du temps de travail planifiée par les lois sur les " 35 heures " ne va pas dans le sens d'une amélioration du fonctionnement du marché du travail
- c) La situation du marché du travail est illustrée par le paradoxe de la formation de goulots d'étranglement en situation de sous-emploi
- 2. Les incertitudes sur le comportement des agents
-
1. La persistance de handicaps structurels
-
CHAPITRE II :
L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES- I. LES DIFFÉRENTES PRÉSENTATIONS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE
- II. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT VOLONTAIREMENT LIMITÉE
-
III. UNE POLITIQUE DES DÉPENSES PUBLIQUES
MARQUÉE PAR LA PASSIVITÉ
- A. 15 MILLIARDS DE FRANCS DE DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES EN 2000
- B. UNE LISIBILITÉ ALTÉRÉE PAR DES TRANSFERTS MASSIFS
- C. UNE INERTIE FORTE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT
- D. LA DÉTÉRIORATION DE LA STRUCTURE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
- IV. DES RECETTES EXTRÊMEMENT DYNAMIQUES
-
CHAPITRE III :
POUR UNE APPRÉCIATION PLUS GLOBALE
DE L'ÉTAT DE NOS FINANCES PUBLIQUES- I. LA FRANCE, MAUVAIS ÉLÈVE DE L'UNION EUROPÉENNE
- II. L'URGENTE NÉCESSITÉ DE COMPTES PUBLICS CONSOLIDÉS
- III. LE FRAGILE EXCÉDENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES
-
CHAPITRE IV :
RÉNOVER LES INSTRUMENTS POUR MIEUX GÉRER L'ETAT- I. LA RÉNOVATION DES INSTRUMENTS
-
II. METTRE FIN À " L'EXCEPTION
FRANÇAISE "
- A. LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS AVANT DANS LA RÉDUCTION DU DÉFICIT
-
B. BAISSER LES PRÉLÈVEMENTS
OBLIGATOIRES
- 1. Mettre fin à une fiscalité élevée pour les entreprises françaises
- 2. Stabiliser l'impôt sur le patrimoine
-
3. Impôt sur le revenu, se méfier des
effets d'annonce
- a) Une forte progressivité aux deux extrémités du barème
- b) La montée des prélèvements rampants
- c) Des mesures nécessaires : indexer le barème sur la croissance et actualiser certains seuils
- d) Rectifier certaines erreurs manifestes en matière de fiscalité de la famille
- e) Mettre fin à la fatalité du régime de l'impôt sur le revenu.
- C. UNE ACTION FORTE SUR LES DÉPENSES
- D. ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS LOCALES AUX FRUITS DE LA CROISSANCE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès verbal de la séance du 25 novembre 1999.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME I
LE BUDGET DE 2000
ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
(1999-2000).
Lois de finances. |
INTRODUCTION
Le
projet de loi de finances pour l'an 2000 risque d'apparaître comme le
budget des " occasions manquées ".
Bénéficiant d'une conjoncture économique favorable et
d'une amélioration objective des performances de la sphère
privée de l'économie, le gouvernement ne réalise pas, dans
le domaine des finances publiques, les indispensables réformes de
structure qui permettront de préparer l'avenir et de préserver
les générations futures.
Or de telles réformes sont à l'évidence
nécessaires pour mettre fin à " l'exception
française "
caractérisée par un niveau
historiquement élevé de prélèvements obligatoires,
destinés à financer des dépenses publiques qui ne baissent
pas et un déficit budgétaire dont la diminution est,
volontairement, lissée dans le temps afin de préparer de
prochaines échéances électorales.
Soucieux de contribuer à réduire le poids des charges pesant sur
l'économie, de circonscrire le champ de la sphère publique afin
de " dépenser moins ", mais surtout de " dépenser
mieux ", le présent rapport sur l'évolution des
dépenses et recettes de l'Etat, doit être replacé dans un
cadre plus général. Il convient non seulement de l'inscrire dans
la durée, nonobstant le principe de l'annualité
budgétaire, afin de bien mesurer le poids futur des décisions
prises aujourd'hui, mais également d'examiner l'ensemble du spectre des
finances publiques qu'elles soient nationales, locales, sociales et cela par
référence à nos principaux partenaires.
En effet, l'appréhension des finances de l'Etat ne peut désormais
plus se faire qu'en y intégrant également l'évolution des
finances sociales, ce qui rend dès lors indispensable une
présentation consolidée des comptes publics, qu'ils concernent
l'Etat ou les régimes sociaux.
En outre, ce budget étant le " 2
ème
budget de
l'euro " les résultats français doivent toujours être
comparés avec ceux de nos principaux partenaires pour être, en
quelque sorte, relativisés.
Enfin, le gouvernement doit cesser de considérer les
collectivités locales comme des variables d'ajustement auxquelles il
impose ses décisions.
Puissent donc ces contraintes être prises en compte par le
gouvernement afin que ce budget des " occasions manquées " ne
devienne pas celui des " illusions perdues ".
CHAPITRE PREMIER :
QUELLE CROISSANCE POUR L'AN
2000 ?
La
prévision de croissance en volume sur laquelle le gouvernement a
construit le projet de loi de finances consiste, comme c'est désormais
l'habitude, en une fourchette allant de 2,6 à 3 %.
La croissance en valeur du PIB serait quant à elle de 4 %, le PIB
passant de 8.816 à 9.169 milliards de francs, dégageant un
surplus de 353 milliards de francs.
Une fourchette de prévisions, pour quoi
faire ?
Etant
donné l'impossibilité arithmétique d'établir un
compte unique sans se référer à une hypothèse de
croissance elle-même unique, l'utilité d'une prévision
économique débouchant sur une fourchette aussi ample
-0,4 point de PIB en plus ou en moins, c'est 35,3 milliards de
francs, et donc le taux des prélèvements obligatoires
étant ce qu'il est, " grosso modo " 16 milliards de
francs de recettes fiscales en plus ou en moins- est plus que contestable. Il
s'agit ni plus ni moins que d'un pur artifice de présentation, les
comptes publics étant on le sait bien bâtis sur une
hypothèse de croissance et une seule dont les effets d'annonce sont
peut-être utiles mais dont la portée opératoire pour
construire la loi de finances est nulle.
De fait, la croissance économique associée au projet de loi de
finances est de 2,8 %. Quoique l'hypothèse posée en la
matière soit qualifiée de prudente par le gouvernement, elle
repose d'un point de vue conjoncturel sur un scénario de rebond de
l'activité.
Ce scénario suppose en effet le retour à une neutralité de
la contribution du commerce extérieur à la croissance et une
accélération de la demande intérieure.
Contributions à la croissance du PIB
(taux de croissance annuel moyen en %)
Contributions à la croissance du PIB (aux prix de l'année précédente) |
|
|
|
|
Consommation des ménages |
0,1 |
1,9 |
1,3 |
1,5 |
Consommation des administrations |
0,4 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
Formation brute de capital fixe totale |
0,1 |
1 |
1,1 |
0,8 |
dont : sociétés et EI |
0,1 |
0,7 |
0,6 |
0,5 |
Variations de stocks |
0,2 |
0,4 |
- 0,2 |
0,2 |
Commerce extérieur |
1,1 |
- 0,4 |
- 0,3 |
0 |
dont : Exportations |
2,5 |
1,6 |
0,2 |
1,2 |
Importations |
- 1,3 |
- 2 |
- 0,5 |
1,2 |
PIB |
2 |
3,2 |
2,3 |
2,8 |
(1)
Prévisions
Source : Ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie. Comptes prévisionnels de la Nation pour 1999 et principales
hypothèses économiques pour 2000
Cette prévision table sur un
environnement économique
extérieur
plutôt favorable où les
rééquilibrages de l'économie mondiale qui sont
anticipés se dérouleraient sans heurts notables. L'importance de
cette hypothèse doit être soulignée compte tenu de
l'ouverture de notre économie (plus d'1/4 du PIB y résulte des
exportations).
Sur le plan de la demande intérieure
dont les perspectives
restent, dans une économie aussi ouverte que la nôtre, très
dépendantes de l'environnement international et de sa
compétitivité, le cadrage économique du projet de loi de
finances implique une augmentation du rythme de croissance de l'ensemble de ses
composantes (consommation, investissement) et une contribution des stocks
favorable à l'activité.
Evolution des ressources et emplois de biens et services
(Prévisions de mars)
(en milliards de francs aux prix courants)
|
|
|
|
|
Taux de croissance 2000/1999 |
Ressources |
|
|
|
|
|
Produit intérieur brut |
8.137,1 |
8.469,5 |
8.762,9 |
9.100,5 |
3,8 |
Importations |
1.848,0 |
1.991,7 |
2.032,6 |
2.154,5 |
6 |
TOTAL DES RESSOURCES |
9.985,1 |
10.461,2 |
10.795,5 |
11.255,0 |
4,2 |
Emplois |
|
|
|
|
|
Consommation finale des ménages |
4.857,3 |
5.063,9 |
5.231,2 |
5.441,7 |
4 |
Consommation finale des administrations |
1.593,7 |
1.643,6 |
1.697,3 |
1.737,3 |
2,3 |
Formation brute de capital fixe |
1.388 ,1 |
1.447,5 |
1.508,4 |
1.589,1 |
5,3 |
dont : |
|
|
|
|
|
Sociétés et E.I. |
763,6 |
810,9 |
839,9 |
888,3 |
5,8 |
Ménages hors E.I. |
362,2 |
364,3 |
384,5 |
406,6 |
5,7 |
Administrations publiques |
230,1 |
237,9 |
247,8 |
257,5 |
3,9 |
Administrations privées |
5,2 |
5,4 |
5,6 |
5,8 |
3,6 |
Institutions de crédit et assurances |
27,0 |
29,1 |
30,7 |
30,8 |
0,06 |
Variations de stocks |
- 22,5 |
- 9,4 |
- 22,1 |
- 13,3 |
+ 8,8 (2) |
Exportations |
2.168,5 |
2.315,5 |
2.380,7 |
2.500,2 |
5 |
TOTAL DES EMPLOIS |
9.985,1 |
10.461,2 |
10.795,5 |
11.255,0 |
4,2 |
dont : |
|
|
|
|
|
Demande totale hors stocks |
10.007,6 |
10.470,6 |
10.817,7 |
11.268,3 |
4,2 |
Demande intérieure totale |
7.816,6 |
8.145,7 |
8.414,8 |
8.754,8 |
4 |
Demande intérieure hors stocks |
7.839,1 |
8.155,1 |
8.437,0 |
8.768,1 |
3,9 |
(1)
Prévisions
(2) En milliards de francs
Source : Ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie. Comptes prévisionnels de la Nation pour 1999 et principales
hypothèses économiques pour 2000
Les budgets économiques adoptés durant l'été
n'impliquent pas de révisions fondamentales du scénario
esquissé au mois de mars. Quelques inflexions ont toutefois
été apportées. Surtout, tenant compte de la
révision des comptes nationaux, ils présentent un visage de
l'économie nationale sensiblement retouché.
Évolution des ressources et emplois de biens et
services
(Prévisions de septembre)
(en milliards de francs et en indices)
|
1997 |
1998 |
1999
|
2000
|
Taux de |
|
Valeur aux prix courants |
Valeur aux prix courants |
Valeur aux prix courants |
Valeur aux prix courants |
croissance 2000/1999 |
Ressources |
|
|
|
|
|
Produit Intérieur Brut |
8.224,9 |
8.564,7 |
8.816,4 |
9.169,2 |
4 |
Importations |
1.851,3 |
1.999,8 |
2.043,8 |
2.192,5 |
7,3 |
Total des ressources |
10.076,2 |
10.564,4 |
10.860,3 |
11.361,8 |
4,6 |
Emplois |
|
|
|
|
|
Dépenses de consommation des ménages |
4.464,2 |
4.658,7 |
4.802,2 |
4.983,5 |
3,8 |
Dépenses de consommation des administrations |
1.977,9 |
2.021,5 |
2.083,9 |
2.137,2 |
2,5 |
Formation
brute de capital fixe
|
1.486,7 |
1.574,7 |
1.670,6 |
1.764,9 |
5,6 |
Sociétés non financières et E.I |
813,1 |
868,7 |
920,5 |
981,0 |
6,6 |
Ménages hors E.I |
375,6 |
391,7 |
421,6 |
442,4 |
4,9 |
Sociétés financières |
52,1 |
58,1 |
62,7 |
66,5 |
6,1 |
Administrations publiques |
244,9 |
255,4 |
265,0 |
274,1 |
3,4 |
Exportations |
2.093,6 |
2.225,4 |
2.231,7 |
2.381,7 |
6,7 |
Variations de stocks |
- 1,5 |
27,8 |
13,8 |
34,8 |
+ 21 (1) |
TOTAL DES EMPLOIS |
10.076,2 |
10.564,4 |
10.860,3 |
11.361,8 |
4,6 |
dont : |
|
|
|
|
|
Demande intérieure totale |
7.982,6 |
8.339,1 |
8.628,6 |
8.980,1 |
4,1 |
Demande intérieure hors stocks |
7.984,1 |
8.311,2 |
8.614,8 |
8.945,3 |
3,8 |
(1)
En milliards de francs
Source : Insee, prévisions DP
Le scénario économique de septembre comporte quelques inflexions
par rapport à celui de mars 1999.
Le redressement du commerce extérieur y est légèrement
plus accusé et la demande intérieure toujours dynamique y repose
davantage sur l'investissement des entreprises et moins sur la consommation des
ménages. Mais, dans l'ensemble les tendances sont les mêmes.
En revanche, la révision des comptes nationaux avec l'adoption d'une
" nouvelle base 1995 " modifie sensiblement les niveaux des variables
-clefs de l'économie française et par conséquent son
visage.
Les nouveaux comptes de la Nation
L'adoption de la nouvelle " base 95 " des comptes
nationaux (qui succède ainsi à la " base 80 ") a
répondu à un besoin d'actualisation statistique et
d'harmonisation européenne à la suite de l'adoption du nouveau
système européen de comptabilité (SEC-95).
Elle a fourni l'occasion d'adapter les comptes aux réalités
économiques nouvelles et aux besoins d'information, de
réévaluer le niveau des grands agrégats et de mettre
à jour leurs prix, l'année 1995 devenant la
référence des prix constants.
Les modifications apportées aux comptes nationaux proviennent pour
l'essentiel de changements de concepts dont on expliquera les principaux mais
il faut aussi mettre en évidence une actualisation statistique
importante, celle relative à la mesure des loyers. Au terme d'une
amélioration de leur comptage le montant des loyers a été
notablement revu à la hausse (environ 70 milliards) ce qui modifie
bien entendu les revenus mais aussi la structure des dépenses des agents
économiques.
S'agissant des principales révisions conceptuelles il faut
mentionner :
L'intégration des départements d'outre-mer dans les comptes
nationaux qui accroît de 1,2 % le niveau du PIB et modifie les
chiffres du commerce extérieur ;
L'extension du champ de l'investissement aux dépenses de logiciels
et à certaines dépenses militaires, auparavant
considérées comme des consommations intermédiaires, qui a
elle aussi un effet de réévaluation du PIB ;
Une révision du compte des ménages qui, par rapport
à la " base 80 ", soustrait de leurs ressources mais aussi de
leur consommation certains " flux contraints " comme les
remboursements et la consommation de médicaments et les
allocations-logement désormais considérés comme des
consommations des administrations publiques. Cette révision a pour but
de mieux identifier le revenu arbitrable des ménages c'est-à-dire
les ressources qu'ils sont réellement en mesure de partager entre la
consommation et l'épargne.
Deux nouveaux concepts de revenu et de consommation sont en outre
ajoutés : la " consommation finale effective " des
ménages qui comprend à côté de leur consommation les
consommations des biens publics individualisables (comme l'enseignement public)
et le " revenu disponible brut ajusté " qui comporte le
coût de ces biens publics. Ces deux nouvelles variables réduisent
les biais introduits dans les comparaisons internationales par le degré
inégal de socialisation de ces biens selon les pays.
Une modification du compte des entreprises non financières allant
dans le sens d'une observation faite en son temps par votre commission des
finances et consistant à cesser de considérer les abandons de
créances ou provisions des intermédiaires financiers comme des
ressources des entreprises. Le gonflement des provisions bancaires à la
suite notamment de la crise du Crédit Lyonnais a considérablement
augmenté la valeur d'un flux dont il était abusif de
considérer qu'il contribuait au financement des entreprises ne serait-ce
que parce que celles qui sont concernées par ces provisions sont, pour
la plupart, défuntes.
On observera que cette réforme a un
impact considérable
sur l'analyse des comptes des entreprises puisqu'alors qu'elles
dégageaient en " base-80 " une capacité de financement
(épargne supérieure à l'investissement) qui avait atteint
101,7 milliards de francs, elles supportent en " base-95 " un
besoin de financement de 33 milliards de francs.
Les aménagements apportés aux comptes des administrations
publiques. Ils concernent d'abord leur champ puisque sont
intégrées aux organismes divers d'administration centrale (les
" ODAC ") les entités dont les ressources d'exploitation
couvrent moins de 50 % de leurs coûts d'exploitation (hors frais
financiers), le reste étant financé par des deniers publics
tandis que sont exclues des organismes divers d'administration locale (les
" ODAL ") les unités autonomes en charge de services
commerciaux (crèches et différents syndicats). Ces
aménagements se traduisent en particulier par l'intégration des
structures de défaisance dans les administrations publiques et, par
conséquent, alourdissent le déficit public et la dette publique.
A ces modifications concernant le champ des administrations publiques
s'ajoutent des changements de comptabilisation de leurs opérations.
L'un consiste à passer d'une comptabilité de caisse à une
comptabilité en droits constatés dès que le fait
générateur d'une ressource ou d'une charge est intervenu. Cette
réforme qui améliore la comptabilité nationale a un impact
important sur la comptabilisation des prélèvements obligatoires
puisque la totalité des impôts exigibles est désormais
retracée -quitte à inscrire une charge au titre des transferts
des administrations publiques pour la part des impôts non
recouvrée- et sur les charges d'intérêt dont
l'enregistrement à l'échéance minorait le niveau.
L'autre introduit plusieurs réformes du mode de comptabilisation des
prélèvements obligatoires. Certaines d'entre elles
intéressent les administrations publiques locales pour lesquelles les
dotations versées par l'Etat (la DGF en particulier) ne sont
désormais plus considérées comme des impositions locales.
A citer encore le fait que les taxes sur les ordures ménagères ou
les droits de timbre sont dorénavant traités comme le paiement de
services rendus et sont donc exclues des prélèvements
obligatoires locaux. D'autres réformes concernent les cotisations
sociales. Auparavant considérées comme des cotisations effectives
des entreprises, les cotisations prises en charge par l'Etat ne sont plus
comptées comme des prélèvements obligatoires. Ce nouveau
traitement allège de 40 milliards de francs le montant des
prélèvements obligatoires.
Au total, la réestimation du PIB contribue aussi à la diminution
du poids des prélèvements dans le PIB qui passe de 44,5 à
43,6 %.
Au terme de la révision des comptes de la Nation apparaissent les
modifications suivantes des grands agrégats.
Comparaison entre la base 80 et la base 95 du PIB et des
emplois
finals
Année 1992, en milliards de francs
|
|
|
Ecart
|
PIB |
6.999 |
7.126 |
+ 1,8 |
Consommation finale des ménages et APU (2) |
5.529 |
5.598 |
+ 1,2 |
Formation brute de capital |
1.376 |
1.487 |
+ 8,1 |
dont FBCF totale |
1.405 |
1.492 |
+ 6,2 |
FBCF des SNFEI (1) |
782 |
838 |
+ 7,2 |
FBCF des APU (2) |
242 |
262 |
+ 8,3 |
FBCF ménages |
356 |
347 |
- 2,5 |
dont variations stocks |
- 29 |
- 11 |
+ 18 MdF |
Solde extérieur |
+ 94 |
+ 41 |
- 53 MdF |
Exportations |
1.588 |
1.534 |
- 3,4 |
Importations |
1.494 |
1.493 |
- 0,1 |
(1)
- Formation brute de capital fixe,
Sociétés non financières et entreprises individuelles
(2)
- Administrations publiques
Le niveau de la production nationale est plus élevé dans une
économie plus riche en investissement. Fait notable, la situation
financière des entreprises apparaît nettement moins favorable que
celle décrite en " base-80 " sous l'effet d'une prise en
compte plus réaliste de leur endettement extérieur.
Ces réels progrès dans la voie d'une description plus
fidèle de l'économie nationale sont quelque peu assombris par
quelques choix discutables et par l'absence d'amélioration de la
connaissance du patrimoine des administrations publiques.
Parmi ces derniers, l'extension limitée du secteur des administrations
publiques laisse toujours en-dehors de leur champ des entités dont la
dépendance à l'égard de l'Etat est pourtant patente (RFF)
tandis que le nouveau concept de prélèvements obligatoires tend
à les réduire artificiellement s'agissant du traitement comme
prix de taxes sans vrai rapport avec une telle notion (telle la taxe
d'enlèvement des ordures ménagères).
En ce qui concerne les progrès réalisés dans le domaine de
la comptabilité patrimoniale de l'Etat, ils sont minces et se bornent au
passage à une comptabilité en droits constatés. Il est
regrettable que l'occasion n'ait pas été saisie pour greffer sur
la comptabilité nationale les premiers enseignements des missions
consacrées à mieux appréhender la situation patrimoniale
de l'Etat.
En tout état de cause, il serait intéressant de pouvoir
disposer chaque année d'une traduction du projet de budget en
comptabilité nationale. Les mérites propres de celle-ci
permettraient d'enrichir la présentation budgétaire
traditionnelle.
Cette recommandation doit d'ailleurs être étendue à
l'ensemble Etat-Administrations de sécurité sociale. La
présentation en comptabilité nationale des comptes de ces deux
secteurs pour l'année écoulée, l'année en cours et
les trois à cinq années à venir permettrait
d'améliorer un peu la clarté que l'éclatement en deux
projets de loi de finances publiques -le projet de loi de finances et le projet
de loi de financement de la sécurité sociale- a
considérablement réduite.
I. UN PAYSAGE ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL QUI RESTE TROUBLE
A. L'IMPACT DU SOLDE EXTÉRIEUR SUR LA CROISSANCE
1. Une dépendance à l'égard du reste du monde
L'activité économique intérieure
apparaît
dépendante de celle du reste du monde.
Un peu plus de 44 % de nos exportations soit plus de 11 % du PIB
étaient tributaires de l'activité internationale hors zone euro
en 1998.
La reprise de la croissance en Europe et tout particulièrement en France
est intervenue en 1997 sous l'effet d'une augmentation sans
précédent de l'excédent du commerce extérieur
résultat elle-même d'une envolée des exportations.
Si la contribution du commerce extérieur à la croissance avait
été nulle en 1997, c'est-à-dire si le solde du commerce
extérieur n'avait pas varié, la reprise de 1997 (+ 2,2 %) se
serait transformée en un ralentissement de l'activité (+
0,8 % contre + 1,3 % en 1996
1(
*
)
).
En bref, l'accélération de la croissance a été due
en totalité dans ses prémisses à l'augmentation de
l'excédent extérieur qui a fait mieux que compenser en 1997 le
retour de la demande intérieure à une langueur qu'elle n'avait
pas connue en 1996.
La dépendance de l'économie française à son
environnement international attestée par son degré d'ouverture
s'est illustrée dans l'impact négatif du commerce
extérieur sur la croissance au cours de l'année 1998. Ce
phénomène devrait persister quoiqu'un peu atténué
en 1999. Il disparaîtrait l'an prochain puisque les prévisions du
gouvernement incluent une contribution du solde extérieur à la
croissance neutre en 2000 contre - 0,2 point de PIB en 1999
2(
*
)
.
La dégradation du solde extérieur serait donc interrompue,
après le retournement de tendance observé entre 1997 et 1998.
Les variables du solde extérieur en 1999 et 2000 doivent être
distinguées sous l'angle de leurs significations respectives.
Variation du volume des exportations et
des importations
entre
1998 et 2000
|
1998 |
1999 |
2000 |
Exportations |
6,2 |
0,7 |
4,7 |
Importations |
8,7 |
2,1 |
4,9 |
Après avoir augmenté beaucoup plus vite que les
importations en 1997, les exportations ont décéléré
en 1998 davantage que les importations, ce phénomène se
poursuivant en 1999.
La chute brutale du rythme de croissance des exportations est venue en 1998 des
effets de la crise des pays émergents, du Japon et de la Russie.
Variation des importations 1996-2000
(variation annuelle réelle en %)
|
Poids |
1996 |
1997 |
1998* |
1999* |
2000* |
Monde |
100,0 |
7,7 |
10,2 |
4,7 |
4,9 |
3,9 |
Monde excl EU-15 |
64,7 |
9,9 |
10,9 |
3,0 |
4,4 |
5,5 |
Etats-Unis |
16,6 |
9,9 |
14,7 |
11,9 |
5,9 |
5,6 |
Japon |
5,7 |
10,0 |
2,4 |
- 6,7 |
- 3,4 |
0,9 |
Asie 4 + Corée du Sud (1) |
6,6 |
12,8 |
5,9 |
- 18,7 |
5,2 |
7,3 |
PAE (2) |
2,6 |
9,7 |
13,0 |
12,1 |
10,7 |
10,4 |
Russie |
1,4 |
7,1 |
14,9 |
- 16,0 |
- 15,0 |
- 20,0 |
*
Prévisions d'automne 1998
(1) Indonésie, Thaïlande, Malaisie et Philippines
(2) Pays de l'accord européen : Bulgarie, République
tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie,
Slovaquie et Slovénie
Source : Services de la Commission européenne
La vigueur de la demande américaine et le dynamisme du commerce
intra-européen ont toutefois permis de limiter les effets d'une crise
dont l'impact moyen en 1998 ne rend pas totalement compte puisqu'elle ne s'est
approfondie qu'en cours d'année.
2. Les perspectives pour 1999-2000
Pour
1999, le phénomène inverse de reprise des économies
émergentes qui interviendrait seulement progressivement en cours
d'année pèse sur la croissance moyenne des exportations qui
devrait pâtir également d'une atténuation de la demande
américaine et du commerce au sein de l'Union européenne.
Les prévisions de redémarrage des exportations pour 2000 tiennent
compte de la reprise des économies émergentes qui jouerait en
année pleine ainsi que de l'accélération de
l'activité en Europe dans un contexte de stabilisation de
l'économie japonaise.
Elles s'appuient aussi, et ce n'est pas entièrement cohérent avec
les perspectives de la croissance américaine, sur le maintien d'un
dynamisme des importations des Etats-Unis. Il faut surtout souligner qu'elles
seraient sérieusement ébranlées par une
appréciation de l'euro contre le dollar.
Ce retour à la croissance des exportations est tout
particulièrement bienvenu compte tenu des prévisions portant sur
les importations. En 1999, celles-ci sont exceptionnellement favorables puisque
leur rythme fléchit beaucoup plus que la demande intérieure, mais
il apparaît difficile de les prolonger en 2000.
De fait, la décélération des importations en 1999
limiterait l'impact négatif du commerce extérieur sur la
croissance. Cet effet de volume est massif puisque la croissance des
importations passerait de 8,7 % en 1998 à seulement 2,1 %
cette année. Il s'explique sans doute par un ralentissement de
l'industrie -secteur à l'intensité en biens importés
relativement élevée- plus marqué que celui de l'ensemble
de l'économie.
L'on doit encore souligner que l'évolution déflationniste des
prix des produits importés -hors pétrole- contribuerait en 1999
à freiner la croissance en valeur des importations et, du même
coup, accentuerait les effets favorables de la
décélération de leur volume sur l'activité
intérieure.
Mais, ces enchaînements ne peuvent être raisonnablement
répétés en 2000, compte tenu du profil moyen et de la
composition de l'activité économique escomptée ainsi que
des anticipations de prix des biens importés associés à la
sortie de crise des pays émergents.
Le redémarrage de l'activité économique intérieure
qui devrait tout particulièrement profiter à l'industrie
produirait les effets inverses de ceux attendus pour 1999. Le sursaut attendu
des investissements des entreprises suppose en particulier un contenu de la
croissance plus riche en importations.
La reprise de l'activité économique mondiale susciterait quant
à elle une appréciation des prix des importations
(+ 2,4 %). Participerait aussi à ce dernier
phénomène le redressement du taux de change des pays en crise qui
renchérirait les importations de la zone euro.
B. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL DE LA ZONE EURO, UN RÉÉQUILIBRAGE PROBLÉMATIQUE
1. Un scénario d'environnement international favorable
Les
budgets économiques sont construits sur l'hypothèse d'une
accélération de la demande mondiale adressée à la
zone euro. Celle-ci passerait de 2,3 % en 1999 à 5,7 % l'an
prochain.
Cette accélération proviendrait elle-même d'une
augmentation du rythme de croissance dans le monde.
Croissance mondiale (1) du PIB par zone
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Monde (2) |
4,4 |
4,2 |
2,2 |
2,8 |
2,9 |
dont : |
|
|
|
|
|
Etats-Unis |
3,4 |
3,9 |
3,9 |
3,8 |
2,1 |
Canada |
1,2 |
3,8 |
3,0 |
2,9 |
2,8 |
Japon |
5,2 |
1,4 |
- 2,9 |
1,0 |
0,1 |
Royaume-Uni |
2,6 |
3,5 |
2,2 |
1,3 |
2,4 |
dont : Pays émergents |
|
|
|
|
|
Europe centrale |
4,9 |
4,8 |
3,1 |
2,0 |
3,1 |
Principaux pays d'Asie (hors Japon) |
8,3 |
6,9 |
2,9 |
5,2 |
5,5 |
Chine |
9,7 |
8,8 |
7,8 |
7,0 |
6,4 |
Inde |
7,0 |
5,2 |
5,8 |
6,0 |
5,4 |
Pays d'Asie en crise |
6,9 |
4,9 |
- 6,1 |
2,0 |
4,2 |
Principaux pays d'Amérique latine |
3,7 |
5,8 |
2,3 |
- 1,3 |
2,2 |
(1)
Hors zone euro
(2) Y compris la zone euro
Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de
finances pour 2000
Les évolutions de la croissance mondiale peuvent être mises en
rapport avec la structure des exportations françaises
récapitulée dans le tableau ci-après :
Structure géographique des exportations françaises en 1998 et état des soldes commerciaux
(en % et milliards de francs courants)
Régions |
Exportations |
Solde |
Monde |
100,0 |
73,0 |
Union européenne |
63,8 |
66,3 |
Zone Euro |
50,5 |
13,0 |
Allemagne |
16,1 |
- 7,9 |
Italie |
9,2 |
- 6,2 |
UEBL |
7,9 |
7,4 |
Espagne |
8,8 |
34,8 |
Grande Bretagne (1) |
10,1 |
37,5 |
Principaux pays industrialisés hors U.E. (2) |
14,8 |
- 22,1 |
dont |
|
|
Etats-Unis |
7,5 |
- 15,6 |
Japon |
1,6 |
- 28,9 |
Suisse |
3,4 |
19,2 |
Pays du Proche et Moyen-Orient (3) |
2,3 |
12,1 |
Pays en transition |
3,5 |
10,5 |
CEI |
0,9 |
- 3,4 |
Europe Centrale et Orientale (4) |
2,6 |
13,9 |
Afrique |
5,8 |
33,7 |
Asie émergente (5) |
5,3 |
- 19,1 |
dont |
|
|
Chine |
1,1 |
- 23,3 |
ASEAN |
1,8 |
- 8,0 |
Corée du Sud |
0,6 |
- 0,6 |
Hong-Kong |
1,0 |
13,6 |
Amérique latine |
2,6 |
16,0 |
dont |
|
|
Mexique |
0,4 |
4,1 |
Brésil |
0,7 |
0,4 |
Argentine |
0,5 |
6,2 |
Source : Douanes
(1) Pays en réalité hors zone euro
(2) Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, Suisse, Norvège
(3) Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweït, Bahrein, Qatar, EAU, Oman, Yemen,
Liban, Syrie, Israël, Jordanie
(4) Pologne, Hongrie, République Tchèque, République
slovaque, Bulgarie, Roumanie, Albanie, Estonie, Lettonie, Lituanie
(5) Chine, Corée du Sud, Taïwan, Hong-Kong, Bruneï, ASEAN
(Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Singapour, Philippines)
Les données relatives aux échanges commerciaux rappelées
plus haut ne rendent pas seules compte de la sensibilité de
l'économie française aux évolutions économiques
mondiales. Il faut en effet y ajouter la dimension financière et
monétaire, toujours susceptible d'être significativement
altérée par les modifications de l'équilibre international.
Le scénario du gouvernement repose sur un rééquilibrage
harmonieux de la croissance dans le reste du monde.
La croissance économique resterait soutenue aux Etats-Unis, mais son
rythme décélérerait. La reprise observée au Japon
en 1999 ne se prolongerait pas l'an prochain mais l'économie japonaise
ne connaîtrait pas à proprement parler de récession.
L'activité s'amplifierait au Royaume-Uni. Enfin, dans le reste du monde
en développement ou émergent, la sortie de crise se poursuivrait
avec un retour à une croissance soutenue.
Cet ensemble d'hypothèses dessine une conjonction favorable à la
stabilité monétaire et financière mondiale qui,
d'ailleurs, conditionne à son tour chacune d'elles.
Le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis éloigne les risques de
turbulences. Le desserrement des tensions inflationnistes qu'il permet
d'envisager, le moindre recours à l'endettement, réduiraient la
pression sur les taux d'intérêt et les risques de variations
importantes de la parité du dollar. Cette dernière perspective
doit d'ailleurs être appréciée en tenant compte de
l'essoufflement de la reprise au Japon qui libérerait de
l'épargne, et accrédite le scénario de stabilité
monétaire internationale. Celui-ci à son tour renforce
l'hypothèse du maintien de la reprise dans les pays émergents.
L'épargne mondiale reviendrait vers ces économies, nulle chute du
dollar ne viendrait menacer leur compétitivité extérieure
regagnée à force de dépréciation de leur monnaie et
la demande intérieure qui, au coeur de la crise, avait
considérablement chuté, se nourrirait d'anticipations redevenues
favorables.
Ce panorama international recèle toutes les qualités
indispensables à une reprise solide en Europe. La stabilité des
conditions monétaires -ni appréciation, ni
dépréciation significative du dollar et du yen- favorise la
reprise en Europe qui, de son côté, ne provoque pas de
pénurie d'épargne. Le redressement du solde extérieur
américain, l'amélioration du solde des échanges entre
l'Europe et les pays émergents et le maintien d'une forte
capacité de financement au Japon permettent à la reprise
européenne de n'être pas déstabilisante.
2. Ce scénario est soumis à de nombreuses incertitudes
Sans
prétendre que ce scénario soit irréaliste, il faut
à tout le moins souligner les aléas qui l'entourent. Ceux-ci
portent sur chacune des hypothèses de croissance posées pour les
différents grands pôles de l'économie mondiale. Ils portent
aussi et, peut-être surtout, sur la combinaison de ces hypothèses.
L'incertitude majeure est évidemment du côté des
Etats-Unis. La poursuite d'une forte croissance aux Etats-Unis ou, en sens
inverse, un atterrissage brutal de l'économie américaine,
constituent deux risques majeurs dont la combinaison n'est d'ailleurs pas
à exclure. Un dérèglement économique suscité
par le maintien d'une croissance non soutenable peut en effet créer les
conditions d'une récession ultérieure.
La croissance américaine n'a cessé d'être soutenue depuis
1994, son rythme s'accélérant à partir de 1996. Cette
croissance excède le sentier de croissance durable depuis 1997.
L'écart entre la production effective et la production potentielle est
constant depuis et ne cesse de s'amplifier.
L'écart à la croissance potentielle : " l'écart de croissance "
Le taux
de croissance potentielle est celui qui serait atteint si les facteurs de
production -le travail et le capital pour l'essentiel- étaient
normalement utilisés. L'écart entre le taux de croissance
potentielle et le taux effectif de croissance -" l'écart de
croissance "- permet de rendre compte, lorsque le second est plus
élevé que le premier, de phénomènes de
rareté et d'anticiper des tensions inflationnistes.
Lorsque la situation inverse se présente, il permet de rendre compte de
phénomènes de sous-utilisation des facteurs de production
(chômage, sous-investissement).
Cependant, l'observation d'un " écart de croissance " n'a
guère de portée explicative en tant que telle, parce que la
mesure de la croissance potentielle suppose que soient résolues des
questions aussi importantes que celle du niveau soutenable d'utilisation des
facteurs ou encore celle du niveau de leur productivité.
Partant, l'observation d'un " écart de croissance " n'a une
valeur opératoire efficace que pour autant que ces questions soient
correctement résolues.
Pour illustrer la portée de ces deux observations, on peut raisonner sur
l'exemple de l'emploi.
La croissance potentielle dépend d'une utilisation normale du facteur
travail disponible. La population active détermine
quantitativement
les disponibilités. Mais la question des
facteurs déterminant
qualitativement
l'utilisation
" normale " de la population active se pose en de tout autres termes.
La réponse donnée à cette question suppose un jugement
normatif et passe généralement par l'idée qu'une
utilisation normale de la population active est celle qui n'engendre pas de
tensions inflationnistes ou de tensions salariales.
On remarquera d'abord que l'une et l'autre de ces deux conditions ne sont pas
entièrement assimilables -tensions salariales et inflationnistes ne vont
de pair qu'à partage inchangé des gains de productivité
entre profits et salaires.
On remarquera surtout que l'évaluation du taux de chômage
nécessaire pour que lesdites tensions soient contenues est conjecturale
et très certainement variable en fonction de multiples
paramètres : le coût du travail bien sûr mais aussi la
qualité de la main-d'oeuvre ou encore l'organisation du travail.
Ainsi, le rapprochement de la croissance effective et de la croissance
potentielle suppose de résoudre des problèmes
méthodologiques considérables, ce qui conduit à
préconiser une interprétation prudente de cet instrument.
Ecarts de croissance aux Etats-Unis
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 (1) |
2000 (1) |
Croissance effective |
3,4 |
3,9 |
3,9 |
3,6 |
2 |
Ecarts de croissance |
- 0,2 |
1,1 |
2,1 |
2,8 |
1,9 |
(1)
Prévisions
Source : OCDE
Cet écart de croissance s'est amplifié malgré le dynamisme
exceptionnel, dans son ampleur et sa continuité, de l'investissement.
Formation brute de capital fixe aux Etats-Unis
Croissance en volume
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
7,9 |
7,3 |
9,7 |
6,1 |
L'augmentation rapide des capacités de production aux
Etats-Unis y a sans doute assis la croissance mais n'a pas suffi à lui
assurer une pleine soutenabilité.
Du côté du travail, l'augmentation de la population active et
celle du taux d'activité ont permis d'alimenter l'appareil productif
mais le taux de chômage s'est progressivement réduit pour
atteindre un niveau proche d'une situation de plein emploi.
Dans ces conditions, une certaine modération salariale, d'ailleurs
relative puisque les coûts unitaires de main-d'oeuvre ont davantage
progressé aux Etats-Unis que chez ses concurrents, a pu être
jusqu'alors observée. Les gains de productivité ont
favorisé un certain équilibre auquel les perspectives
patrimoniales des agents américains ont contribué. La
valorisation attendue des actifs a en effet suscité un endettement qui a
de plus en plus secondé les revenus tirés de leur travail par les
ménages américains. La dette brute des agents économiques
américains dépasse désormais 120 % du PIB.
Les tensions inflationnistes que comporte la croissance aux Etats-Unis et les
équilibres financiers sur lesquels elle repose constituent une
conjonction dangereuse.
Une réduction du rythme de croissance est nécessaire pour
amenuiser les risques inflationnistes internes mais aussi externes -prix du
pétrole et des matières premières- que recèle la
croissance américaine. Elle éloignerait aussi les perspectives de
tensions sur les taux d'intérêt américains dont la
propagation mondiale est à redouter.
Toutefois, le ralentissement de la croissance est susceptible de mettre en
difficulté les agents économiques et, en particulier, les
ménages à travers ses effets sur leur revenu courant et de
modifier considérablement leurs comportements dès lors que leurs
anticipations financières se retourneraient. Le patrimoine financier net
des ménages américains leur permet de faire face à leurs
engagements sans difficultés. Toutefois, une variation
défavorable de la valeur des actions qu'ils détiennent
engendrerait des effets négatifs sur leur demande, dont l'ampleur
dépendrait de son niveau.
Le dilemme américain fait ainsi peser une sérieuse menace sur
l'économie mondiale et place la combinaison des politiques
budgétaire et monétaire conduites aux Etats-Unis -seules à
même d'y provoquer un repli ordonné de la croissance- au coeur des
enjeux économiques internationaux.
L'évolution de l'économie japonaise et celle des pays
émergents constituent par ailleurs une variable majeure des
équilibres économiques internationaux.
L'activité au Japon resterait faible en 1999 (1 %) malgré un
déficit public qui atteint 10 % du PIB et qui apparaît seul
soutenir la demande intérieure, et en dépit du très faible
niveau des taux d'intérêt (0,3 % pour le court terme,
1,7 % pour le long terme). La combinaison des politiques
économiques conduites au Japon pose le problème crucial de sa
soutenabilité. La dette publique japonaise dépasse 100 % du
PIB et progresse sur un rythme excessif.
L'économie japonaise occupe une place majeure sur la scène
internationale, à la fois comme pilier de l'économie du Sud-Est
asiatique et du fait de la nature de ses relations avec les Etats-Unis.
Toute récession japonaise est susceptible de se traduire, toutes choses
égales par ailleurs, comme un frein à la reprise des
économies émergentes asiatiques et par une aggravation du
déficit extérieur américain qui est déjà
considérable.
Les excédents japonais sont largement recyclés à
l'extérieur de l'économie nippone et contribuent en particulier
au financement de la croissance américaine. L'appareil financier du
Japon est en cours de restructuration et le succès de cette phase
dépend directement de l'évolution des marchés boursiers.
Une éventuelle récession de l'économie japonaise pourrait
provenir d'une augmentation importante du taux d'épargne des agents
économiques inquiets de l'avenir et, en particulier, des perspectives de
financement de la dette publique et soucieux d'anticiper une hausse des taux
d'intérêt qui ont atteint un niveau peu durable. Ce
supplément d'épargne pourrait ne pas être en rapport direct
avec l'accroissement du taux d'épargne si les revenus auxquels il
s'appliquerait étaient en contraction.
En toute hypothèse, l'orientation qui lui serait donnée, ainsi
d'ailleurs que, plus globalement, celle de l'ensemble de l'épargne
japonaise, conditionne les perspectives de l'économie mondiale. Une
perte d'attractivité des Etats-Unis susciterait une hausse des taux
d'intérêt américains sur fond de dépréciation
du dollar. Il resterait alors à s'interroger sur la devise qui, en
contrepartie, s'apprécierait.
Enfin, la reprise des pays émergents apparaît rapide s'agissant
des pays asiatiques et susceptible de déboucher sur une croissance
moyenne largement positive dans les pays d'Amérique latine.
Ces perspectives reviennent à imaginer un avenir renouant avec un
dynamisme économique dont les fondements ont pu, à la
lumière de la crise, être considérés comme manquant
de solidité.
Il s'agit donc d'une vision optimiste où les ressorts de la grave
crise traversée par ces pays seraient assainis. Les composantes
structurelles de cette crise conduisent à douter d'un
rétablissement si rapide et si complet.
C. LE REDÉMARRAGE DE L'EUROPE
Europe, Etats-Unis, Japon, quelques caractéristiques comparées
|
Euro-11 |
EUR 15 |
Etats-Unis |
Japon |
1. Population (1997) |
|
|
|
|
- En millions d'habitants |
290,5 |
374,2 |
268,0 |
126,2 |
- En % de la population mondiale |
5 |
6,5 |
4,6 |
2,2 |
2. Produit intérieur brut (PIB 1997) |
|
|
|
|
- En milliards d'écus |
5.549 |
7.164 |
6.899 |
3.699 |
- En % du PIB mondial |
16 |
20 |
21 |
8 |
- PIB par habitant, en milliers d'écus |
19,1 |
19,0 |
25,8 |
29,3 |
- PIB par habitant, Euro-11 = 100 |
100 |
98,9 |
144,2 |
116,3 |
3. Exportations de biens (1997) |
|
|
|
|
- En % des exportations mondiales (1) |
19,5 |
- |
14,8 |
9,7 |
- En % du PIB (2) |
13,7 |
9,7 |
9,5 |
10,3 |
4. Encours des titres d'Etat (en mrds d'écus) |
3.277 |
4.091 |
6.635 |
2.826 |
5. Capitalisation sur les marchés d'actions (en mrds écus) |
|
|
|
|
6. Réserves de change (en mrds d'écus) |
380 |
455 |
122 |
205 |
(1)
Exportations en dehors de la zone euro ;
(2) Euro-11 : exportations en dehors de la zone euro ; EUR 15 :
exportations en dehors de l'UE.
Source : Services de la Commission
1. Une accélération de la croissance
La situation économique en Europe s'améliorerait. Le cadrage économique proposé par le gouvernement décrit une accélération de la croissance dans l'Union européenne comme dans la zone euro. Ce regain contribuerait au rééquilibrage anticipé par beaucoup des pôles de croissance dans le monde.
Croissance du PIB en Europe (1)
|
1998 |
1999 |
2000 |
Union européenne (à 15) |
2,8 |
1,9 |
2,7 |
Zone Euro (à 11) |
2,8 |
2,0 |
2,7 |
(1)
en volume
Source : MEFI
Le parallélisme des grandes évolutions conjoncturelles en
Europe doit à ce stade être souligné.
Les mêmes
causes y produisent peu ou prou les mêmes effets.
Equilibre emplois-ressources de la zone euro à 11
Taux de croissance volume |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Consommation privée |
1,5 |
2,7 |
2,6 |
2,6 |
Consommation publique |
0,4 |
1,3 |
1,6 |
1,4 |
FBCF |
2,2 |
3,8 |
3,6 |
4,6 |
FBCF équipement |
4,0 |
7,5 |
4,0 |
5,0 |
Exportations |
10,2 |
6,3 |
3,5 |
5,1 |
Importations |
8,9 |
7,9 |
4,4 |
5,8 |
Demande intérieure hors stocks |
1,4 |
2,6 |
2,6 |
2,9 |
Demande intérieure |
2,1 |
3,3 |
2,4 |
2,9 |
PIB |
2,6 |
2,8 |
2,1 |
2,7 |
Contributions |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Demande intérieure hors stocks |
1,4 |
2,5 |
2,5 |
2,7 |
Variations de stocks |
0,6 |
0,7 |
- 0,2 |
0,1 |
Solde extérieur |
0,5 |
- 0,4 |
- 0,3 |
- 0,1 |
Source : OCDE, comptes nationaux, Direction de la
Prévision
Toutefois, la situation conjoncturelle des différentes économies
européennes reste contrastée ce qui est aussi le reflet de
différences structurelles importantes.
2. Une situation conjoncturelle néanmoins contrastée
Derrière les similitudes du " phasage " de l'activité, la situation conjoncturelle en Europe offre en effet des contrastes.
Croissance du PIB dans la zone euro
(en %)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Zone euro |
1,6 |
2,6 |
2,8 |
2,1 |
2,7 |
Allemagne |
1,3 |
2,2 |
2,8 |
1,5 |
2,3 |
France |
1,3 |
2,2 |
3,1 |
2,3 |
2,8 |
Italie |
0,7 |
1,5 |
1,4 |
1,5 |
2,5 |
Espagne |
2,4 |
3,5 |
3,8 |
3,4 |
3,4 |
Pays-Bas |
3,1 |
3,7 |
3,5 |
2,4 |
2,6 |
Belgique |
1,3 |
3,0 |
3,1 |
2,0 |
2,5 |
Compte
tenu de leur importance relative, la situation économique de l'Allemagne
et de l'Italie, qui représentent 51,1 % du PIB de la zone euro (ces
deux pays et la France totalisent près des ¾ du PIB de celle-ci),
appelle une attention particulière.
On doit le souligner alors que la prévision de croissance dans la zone
euro pour l'an prochain est entièrement tributaire d'un net
redémarrage de l'activité dans ces deux pays, la croissance
devant passer de 1,5 à 2,3 et 2,5 % en Allemagne et en Italie
respectivement.
Ce sursaut suppose une vraie rupture pour l'Italie dont le taux de croissance
n'a pas, au cours des quatre dernières années,
dépassé 1,3 % en moyenne annuelle, et une nette
accélération de l'activité en Allemagne.
La convergence au terme de laquelle l'adoption de l'euro a pu concerner 11
Etats européens n'est toutefois pas telle que les économies
européennes aient réglé tous leurs problèmes
structurels et présentent une unité de visage sur le plan de
leurs caractéristiques économiques.
Celles-ci apparaissent marquées de similitudes mais aussi de
différences.
Caractéristiques structurelles : similitudes et différences
1998 |
Belgique |
Allemagne. |
Espagne |
France |
Irlande |
Italie |
Luxemb. |
Pays-Bas |
Autriche |
Portugal |
Finlande |
Zone euro |
Part du PIB a) |
3,9 |
33,0 |
8,6 |
22,2 |
1,3 |
18,1 |
0,3 |
5,9 |
3,3 |
1,7 |
1,9 |
100 |
Ouverture b) |
25,6 c) |
12,6 |
8,7 |
10,2 |
38,7 |
10,3 |
- |
24,2 |
11,4 |
9,6 |
20,5 |
12,9 |
Interdépendance d) |
39,3 c) |
10,2 |
11,5 |
10,9 |
19,6 |
9,2 |
- |
29,9 |
19,0 |
19,0 |
9,9 |
13,1 |
FCBF e) |
18,2 |
19,5 |
21,1 |
17,1 |
19,3 |
16,8 |
22,7 |
20,0 |
24,1 |
25,7 |
17,5 |
18,8 |
- du secteur public f) |
1,5 |
1,8 |
3,0 |
2,8 |
2,5 |
2,3 |
5,0 |
2,5 |
2,0 |
4,1 |
2,7 |
2,3 |
Salaire par personne occupée g) |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Productivité h) |
116 |
111 |
71 |
112 |
106 |
93 |
125 |
116 |
110 |
41 |
106 |
100 |
Coûts unitaires de main-d'oeuvre i) |
105 |
98 |
104 |
99 |
90 |
98 |
102 |
97 |
94 |
105 |
95 |
100 |
Pression fiscale j) |
48,3 |
42,2 |
36,9 |
47,6 |
32,3 |
42,9 |
42,5 |
44,5 |
46,5 |
36,5 |
46,5 |
43,4 |
Taux de chômage k) |
8,3 |
9,7 |
18,9 |
11,7 |
8,7 |
12,0 |
2,4 |
4,0 |
4,4 |
5,7 |
11,6 |
11,0 |
Taux d'emploi l) |
57,3 |
61,8 |
48,6 |
60,1 |
57,8 |
51,3 |
60,6 |
66,7 |
69,9 |
67,5 |
63,9 |
58,0 |
Equivalent plein temps m) |
53,0 |
55,7 |
46,3 |
55,4 |
53,7 |
49,8 |
58,1 |
53,0 |
65,0 |
64,6 |
60,7 |
53,6 |
a)
PIB nominal pour 1998, en écus
b) Moyenne des importations et exportations de biens hors zone euro, en % du PIB
c) Belgique et Luxembourg
d) Moyenne des importations et exportations de biens dans la zone euro, en % du
PIB
e) Formation brute de capital fixe à prix courants, en % du PIB
f) Administrations publiques, en % du PIB
g) Rémunération par personne occupée, en écus
courants, Euro-11 = 100
h) PIB nominal per personne occupée, en écus courants, Euro - 11
= 100
i) Rapport des deux chiffres précédents
j) Somme des impôts directs et indirects et des cotisations de
sécurité sociale, administrations publiques, en % du PIB
k) Définition d'Eurostat ; en % de la population active civile
l) Taux d'emploi en % de la population en âge de travailler, taux de
référence ; chiffres de 1997
m) Taux d'emploi en équivalent plein temps ; chiffres de 1997
Source : Services de la Commission
Cette situation structurelle qui est associée à des
divergences conjoncturelles conduit à s'interroger sur les
capacités d'un réglage fin de l'économie
européenne.
Sur le terrain budgétaire, le pacte de stabilité et de croissance
doit permettre la constitution de marges de manoeuvre dans les périodes
fastes mobilisables dans l'hypothèse de retournements de conjoncture.
Son inspiration keynésienne, dont il n'est pas sûr que tous les
responsables de politique économique acceptent la logique en cas
d'utilisation de la politique budgétaire à des fins de soutien de
l'économie, est toutefois limitée dans son expression par la
persistance d'un plafond de déficit public. La question qui,
heureusement n'est pas d'actualité, est de savoir si ce plafond
n'exercerait pas une contrainte excessive en phase baissière de la
conjoncture dans tel ou tel Etat-membre. Elle se pose d'autant plus qu'à
l'inverse de la situation observée dans d'autres zones
économiques intégrées nul système budgétaire
suprême n'existe en Europe pour réguler la zone.
S'agissant de la politique monétaire, l'actualité récente
illustre les difficultés de concevoir une politique monétaire
unique. La baisse puis la hausse dans les mêmes proportions et à
peu de mois d'intervalle du taux d'intervention de la BCE ont été
appréciées par les marchés. Mais, la dernière
hausse a aussi été l'occasion d'un resserrement des conditions de
crédit bancaire dans des pays où aucune menace inflationniste
n'est perceptible et où ce durcissement des conditions monétaires
ne peut être perçu comme favorisant la croissance
économique.
II. UNE ÉCONOMIE FRANÇAISE SOUS CONTRAINTES STRUCTURELLES
A. UN REBOND CONJONCTUREL QUI NOURRIT DES PRÉVISIONS FAVORABLES
1. Le rebond conjoncturel...
Le
ralentissement conjoncturel observé au
premier trimestre
de
l'année où le taux de croissance en volume s'était
replié nettement pour passer d'un rythme annuel de 3 % pendant le
dernier trimestre 1998 à 1,6 % a été engendré
par une réduction du rythme de croissance de la consommation des
ménages alors que l'investissement des entreprises
accélérait.
La consommation des ménages s'est en effet inscrite sur un rythme de
croissance annuel de 0,9 % contre 2,5 % lors du second semestre de
1998. Cette évolution s'est manifestée dans un contexte
où, pourtant, les enquêtes de conjoncture réalisées
auprès des ménages n'étaient pas marquées par le
retournement de leurs opinions vers davantage de pessimisme.
Quant à l'investissement, son taux de croissance annuel s'est
établi à 9,1 % au premier trimestre, l'investissement des
seules entreprises atteignant 9,6 %. Sur ce point également, un
certain paradoxe doit être observé puisque les opinions des chefs
d'entreprise mesurées à travers les enquêtes de conjoncture
avaient tendance à se dégrader ainsi que les comportements de
stocks ont pu alors l'attester Ceux-ci ont en effet eu tendance à se
réduire, contribuant négativement à la croissance au
premier trimestre (-0,2 point de PIB).
Le
deuxième trimestre
de l'année s'est
caractérisé par un rebond conjoncturel. Le PIB y a
progressé de 2,4 % en volume sous l'effet d'un moindre destockage
et d'une contribution du commerce extérieur à la croissance plus
favorable.
Le rythme de croissance de la demande intérieure hors effets des stocks
s'est maintenu (+ 2,5 % contre + 2,6 % en
précédent trimestre). Toutefois, sa composition s'est
modifiée, la consommation des ménages progressant nettement
tandis que les investissements décéléraient
(+ 4,1 % en rythme annuel). Les seuls investissements productifs des
entreprises sont passés d'une croissance annuelle de 9,6 à
3 % d'un trimestre à l'autre.
Le rebond de l'activité est, pour une part importante, venu du commerce
extérieur dans un contexte, nouveau par rapport au trimestre
précédent, d'essor des échanges.
2. ... nourrit des prévisions favorables
Les prévisions pour l'année 1999 prolongent le rebond d'activité du deuxième trimestre et tablent sur une croissance de 3 % en rythme annuel au second semestre.
Equilibre ressources-emplois en volume
(aux prix de 1995, moyennes trimestrielles ou annuelles en %)
1998 |
1999 |
1998 |
1999 |
Prévisions |
||||||
T1 |
T2 |
T3 |
T4 |
T1 |
T2 |
T3 |
T4 |
|
|
|
0,9 |
0,9 |
0,5 |
0,6 |
0,4 |
0,6 |
0,9 |
0,8 |
3,4 |
2,4 |
PIB (100 %) |
2,7 |
1,2 |
0,6 |
0,9 |
- 1,0 |
2,0 |
0,9 |
1,3 |
9,4 |
2,6 |
Importations (23 %) |
3,2 |
1,0 |
0,9 |
1,4 |
- 0,5 |
1,6 |
0,8 |
1,3 |
10,3 |
3,1 |
dont marchandises (20 %) |
|
||||||||||
0,7 |
1,3 |
0,6 |
0,6 |
0,2 |
0,5 |
0,9 |
0,5 |
3,6 |
2,2 |
Dépenses de consommation des ménages (54 %) |
0,3 |
0,3 |
0,1 |
0,2 |
0,4 |
0,3 |
0,4 |
0,4 |
1,1 |
1,2 |
Dépenses de consommation des APU |
1,4 |
1,7 |
1,6 |
1,5 |
2,1 |
1,3 |
0,8 |
1,3 |
6,1 |
6,3 |
FBCF totale (20 %) |
2,0 |
1,9 |
1,8 |
1,0 |
2,4 |
1,0 |
1,0 |
1,7 |
7,3 |
6,4 |
dont SNF EI (11 %) |
- 0,4 |
1,9 |
0,7 |
2,9 |
2,2 |
2,5 |
0,2 |
0,4 |
3,4 |
7,4 |
Ménages (5 %) |
0,9 |
0,7 |
1,4 |
- 1,1 |
- 0,9 |
2,6 |
0,4 |
1,3 |
6,9 |
1,6 |
Exportations (26 %) |
1,5 |
0,4 |
1,8 |
- 1,3 |
- 0,9 |
2,8 |
0,2 |
1,3 |
7,8 |
1,6 |
dont marchandises (21 %) |
1,4 |
1,0 |
0,3 |
1,2 |
0,4 |
0,4 |
1,1 |
0,8 |
3,9 |
2,7 |
Demande intérieure |
Source : INSEE
Contribution à la croissance du PIB
1998 |
1999 |
1998 |
1999 |
Prévisions |
||||||
T1 |
T2 |
T3 |
T4 |
T1 |
T2 |
T3 |
T4 |
|
|
|
0,6 |
- 0,1 |
- 0,4 |
0,5 |
- 0,2 |
- 0,2 |
0,2 |
0,2 |
0,4 |
0,0 |
Variations de stocks |
- 0,4 |
- 0,1 |
0,2 |
- 0,5 |
0,0 |
0,2 |
- 0,1 |
0,0 |
- 0,4 |
- 0,2 |
Echanges de biens et services |
0,7 |
1,1 |
0,7 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,8 |
0,6 |
3,3 |
2,7 |
Demande intérieure hors stocks |
L'accélération de la croissance attendue au
second
semestre et qui déboucherait sur une croissance en volume de 2,4 %,
supérieure de 0,1 point à la prévision du
gouvernement, viendrait de la demande intérieure, le couple consommation
des ménages - investissement restant dynamique et ses effets sur la
demande domestique n'étant plus bridés par le déstockage.
En sens inverse, les échanges extérieurs continuerait d'exercer
un effet négatif sur la croissance moyenne.
Des enchaînements proches sont privilégiés pour l'an
prochain.
Croissance en 1999 et en 2000 par composante
(en valeur)
|
1999 |
2000 |
||
|
Volume |
Valeur |
Volume |
Valeur |
PIB |
2,4 |
2,9 |
2,8 |
4,0 |
Importations |
2,6 |
2,2 |
4,9 |
7,3 |
Consommation des ménages |
2,2 |
3,1 |
2,7 |
3,8 |
FBCF |
6,3 |
6,1 |
4,1 |
5,6 |
dont |
|
|
|
|
Ménages |
7,4 |
7,6 |
3,4 |
4,9 |
Entreprises non financières |
6,4 |
6,0 |
5,0 |
6,6 |
Exportations |
1,6 |
0,3 |
4,7 |
6,7 |
Demande intérieure |
2,7 |
3,5 |
2,8 |
4,1 |
Demande intérieure hors stocks |
2,8 |
3,7 |
2,6 |
3,8 |
Demande totale |
2,4 |
2,9 |
3,0 |
4,4 |
La
prolongation des tendances de la demande intérieure attendues avec une
légère modération au second semestre de l'année en
cours offrirait un soutien à l'activité que le redressement des
exportations et une progression continue des importations ne viendraient plus
affaiblir.
Une différence importante doit être cependant soulignée.
Sans être inflationniste, une certaine accélération des
prix se produirait au terme de laquelle la croissance en volume des grands
agrégats se traduirait par des gains nominaux amplifiés. Cette
nuance n'est pas sans intérêt pour les finances publiques
puisqu'elle est susceptible de dynamiser les recettes fiscales et
d'éviter l'écueil d'une progression des salaires calibrée
trop largement au regard de l'évolution des prix.
B. LA PERSISTANCE D'INCERTITUDES
A supposer le diagnostic conjoncturel exact pour la fin de l'année et ainsi acquis le maintien d'une consommation des ménages dynamique malgré les signaux contraires observés au mois de septembre et en dépit de la hausse des prélèvements directs pesant sur le revenu, les perspectives de l'économie française, qui dépendent beaucoup, rappelons-le, de l'environnement international, paraissent obscurcies par la persistance d'incertitudes sur le comportement des agent et de freins structurels à la croissance qu'il importe de desserrer.
1. La persistance de handicaps structurels
Les
perspectives d'un essor de l'activité sont altérées par la
persistance d'obstacles structurels qu'il importe de lever.
Une croissance durable suppose notamment d'apporter des améliorations au
fonctionnement du marché du travail. Elle impose aussi de réduire
les incertitudes associées à la gestion d'un secteur public mal
maîtrisé et de réorienter l'épargne vers des emplois
plus productifs, objectif dont plusieurs travaux récents de votre
commission ont rappelé le caractère stratégique.
a) L'augmentation de l'emploi repose sur des bases ambiguës
La progression du nombre d'emplois s'explique par des facteurs divers dont le rapport économique, social et financier présente une synthèse sommaire rappelée dans le tableau ci-dessous.
Contributions à la croissance de l'emploi marchand entre juin 1997 et juin 1999
Emplois liés à la croissance |
420.000 |
Allégements de charge |
80.000 |
Réduction du temps de travail |
40.000 |
Autres mesures |
20.000 |
Il
présente une situation où l'essentiel des créations
d'emplois marchands a été engendré par la croissance, les
mesures de politique économique n'expliquant que le quart des
créations d'emplois.
Ce diagnostic qui rappelle opportunément le lien entre croissance et
emplois occulte cependant une donnée essentielle, le renforcement de ce
lien intervenu sous l'effet de l'enrichissement de la croissance en emplois.
Celui-ci est intervenu principalement grâce à une diminution des
gains de productivité du travail qui a conduit à un partage du
travail de fait. Ces phénomènes ne témoignent pas d'un
dynamisme économique et de l'emploi nécessaire à la
résorption du chômage.
Il faut d'abord rappeler qu'une partie importante des emplois qui seraient
finalement créés au cours de la période 1998-2000
correspondraient à des emplois non marchands, ce dont témoignent
les données ci-dessous.
Evolution de l'emploi
(glissements annuels)
|
1998 |
1999 |
2000 |
Cumul |
Emplois salariés marchands |
325.000 |
222.000 |
292.000 |
839.000 |
Emplois salariés non marchands |
91.000 |
134.000 |
85.000 |
310.000 |
Totaux |
416.000 |
356.000 |
377.000 |
1.149.000 |
Part de l'emploi salarié non marchand dans les créations d'emplois
(en %)
1998 |
1999 |
2000 |
21,9 |
37,6 |
22,5 |
Les
emplois non marchands en cause sont, pour l'essentiel, liés à
l'instauration des emplois-jeunes. Leur développement suppose un
financement public qui opère un prélèvement sur
l'économie et se traduit en contrepartie par une destruction d'emplois
que certaines études ont chiffré à plus de
50.000 unités. Le bilan de la mesure, favorable à court
terme pour l'emploi, ne l'est toutefois pas dans les proportions que
l'affichage des créations brutes d'emplois voudrait accréditer.
Mais, il faut ajouter qu'un bilan économique complet suppose de se
pencher sur les effets de moyen terme du dispositif et d'enrichir le
raisonnement.
La productivité des emplois créés est assurément
inférieure à celle des emplois sacrifiés si bien que le
bilan des emplois-jeunes sur le potentiel de croissance économique est
d'ores et déjà douteux.
Il est surtout susceptible de s'alourdir considérablement à
l'avenir puisque se posera à un terme désormais proche le
problème de la pérennisation des emplois-jeunes, et en
particulier celui de leur intégration à la fonction publique.
S'agissant des emplois marchands, leur essor a été
favorisé par une baisse des gains de productivité apparente du
travail au terme de laquelle l'économie française crée
désormais des emplois dès que sa croissance en volume avoisine
1,5 %.
Ce ralentissement de la productivité du travail, qui appelle des
investigations complémentaires, résulte probablement d'une
combinaison de facteurs ou la faiblesse relative de l'investissement, la
désindustrialisation et la montée en charge corrélative du
secteur des services, ainsi que les modifications de la structure des emplois
jouent des rôles congruents.
Elle a des effets positifs sur l'emploi d'un point de vue quantitatif mais son
bilan qualitatif est moins favorable tandis que son impact économique
est, lui, négatif.
La nature des emplois créés conduit en effet à nuancer
beaucoup l'impression plutôt favorable qui ressort des données
strictement quantitatives.
La contribution des emplois d'intérim à la création
d'emplois apparaît très importante de même que, plus
globalement, celle des emplois à temps partiel.
Ainsi, le volume de travail temporaire qui s'était déjà
accru de 23,4 % entre 1996 et 1997 a progressé de 26,6 % en
1998.
La proportion des emplois à temps partiel s'accroît donc
considérablement, la situation de la France tendant sur ce point
à dépasser la moyenne observée en Europe alors qu'elle en
était très éloignée au début de la
décennie.
Proportion d'emplois à temps partiel dans l'emploi total
(en %)
|
1983 |
1992 |
1997 |
Allemagne |
12,6 |
15,1 |
17,5 |
Belgique |
8,1 |
12,4 |
14,7 |
Danemark |
23,8 |
22,5 |
22,3 |
Espagne |
- |
5,8 |
8,2 |
France |
9,6 |
12,7 |
16,8 |
Italie |
4,6 |
5,9 |
7,1 |
Norvège |
29,6 |
27,1 (1) |
26,6 (2) |
Pays-Bas |
21 |
34,5 |
38 |
Portugal |
- |
7,3 |
9,9 |
Royaume-Uni |
18,9 |
23,5 |
24,9 |
Suède |
24,8 |
24,9 (1) |
24,5 |
Etats-Unis |
18,4 |
17,6 (1) |
18,3 (2) |
Union européenne (à 12 ou 15) |
- |
14,2 |
16,9 |
Notes :
Pour les pays de l'Union
européenne, en
1992 et 1997, la classification entre temps partiel et temps plein
dépend d'une question directe dans l'Enquête sur les Forces de
travail, sauf en Autriche et aux Pays-Bas où elle dépend du
nombre d'heures habituellement travaillées. Quand on demande aux
personnes ayant un emploi si elles exercent un emploi à temps partiel,
elles comparent leur nombre d'heures habituellement effectuées avec le
nombre normal d'heures dans leur profession et leur activité en tenant
compte des conventions appliquées dans l'Etat membre concerné
(par exemple, l'obligation d'un accord formel avec l'employeur).
(1)Chiffre de 1993
(2) Chiffre de 1996
Sources : pour les pays de l'Union européenne, en 1992 et 1997,
Eurostat, Enquêtes Forces de travail, sinon OCDE
Cependant, à l'inverse de la situation moyenne en Europe, le
développement du temps partiel apparaît en France largement
involontaire.
Proportion de temps partiel " involontaire " en 1997
(en %)
|
Total |
Hommes |
Femmes |
Allemagne |
13 |
18 |
13 |
Autriche |
8 (1) |
9 |
8 |
Belgique |
26 (1) |
40 |
24 |
Danemark |
14 |
13 |
13 |
Espagne |
24 (1) |
23 |
25 |
Finlande |
38 (1) |
33 |
40 |
France (2) |
41 |
53 |
39 |
(3) |
31 |
45 |
27 |
Grèce |
41 (1) |
50 |
36 |
Irlande |
25 (1) |
46 |
18 |
Italie |
38 (1) |
46 |
35 |
Pays-Bas |
6 |
8 |
5 |
Portugal |
22 (1) |
16 |
24 |
Royaume-Uni |
12 |
24 |
10 |
Suède |
32 |
35 |
31 |
Union européenne (à 12 ou 15) |
20 |
27 |
18 |
Notes : Raison de temps partiel :
modalité 4 " emploi à temps complet non
trouvé "
(1) Pays pour lesquels la modalité " autres raisons " est
supérieure à 10 %
(2) Publication Eurostat
(3) Après correction de l'algorithme français
Source : Commission européenne (1995) et OCDE (1999)
Les créations d'emplois ne sont donc pas, loin de là,
entièrement équivalentes à un recul du sous-emploi, ce
dont témoignent les données ci-dessous.
Taux de sous-emploi parmi les emplois à temps partiel en 1998
(en %)
Ensemble |
Hommes |
Femmes |
38,5 |
51,5 |
35,6 |
Sources : Enquêtes Emploi, INSEE
A côté de ses conséquences mitigées sur le
marché du travail, la réduction des gains de productivité
apparente du travail a par ailleurs un impact économique
négatif.
Elle réduit le sentier de croissance potentielle et
affecte ainsi les capacités de l'économie française
à dégager des surplus.
Cette contrainte doit impérativement être prise en
considération dans toute réflexion sur les perspectives de
croissance en France et sur les conditions de répartition de ses
fruits.
b) La réduction du temps de travail planifiée par les lois sur les " 35 heures " ne va pas dans le sens d'une amélioration du fonctionnement du marché du travail
La
première loi de réduction du temps de travail aurait permis la
création de 40.000 emplois, chiffre qui contraste pour le moins
fortement avec celui du rapport du ministère de l'emploi du
20 septembre 1999 mentionnant 120.273 emplois liés à
cette loi. Ce dernier chiffre est pourtant celui des créations d'emplois
attendus en 2000 du fait de la réduction du temps de travail dans le
rapport économique, social et financier associé au projet de loi
de finances.
Les prévisions du gouvernement apparaissent en très net
retrait par rapport aux annonces qui avaient accompagné la
présentation du premier projet de loi.
Elles s'inscrivent pourtant
dans le cadre d'un jeu d'hypothèses où toutes les conditions
d'une réduction réussie du temps de travail sont
réunies :
- les
coûts
unitaires de
production
n'augmenteraient pas,
la réduction du temps de travail étant neutre pour les
entreprises ;
- les
capacités
de
production
seraient maintenues ;
- la
consommation
des ménages, donc la masse salariale, ne serait
pas réduite ;
- l'équilibre des
finances publiques
prises dans leur ensemble ne
serait pas dégradé.
Ce scénario, de convenance, ne doit pas dissimuler les risques
importants résultant de l'introduction impérative des
" 35 heures ".
Ils concernent d'abord le coût unitaire du travail qui pourrait
être sensiblement accru au détriment des capacités des
entreprises à investir
3(
*
)
. Un rapport de
notre collègue Joël Bourdin au nom de la Délégation
du Sénat pour la planification rappelle que, selon le ministère
de l'Emploi, seul un accord d'entreprise aidé sur deux prévoit
une baisse initiale ou un gel des salaires (la durée de ce gel
s'établissant en moyenne à deux ans), tandis qu'un accord
aidé sur quatre prévoit une moindre augmentation des salaires et
qu'un accord aidé sur cinq ne prévoit aucune forme de
modération salariale.
En moyenne, les efforts de modération salariale pourraient ainsi
s'avérer modestes, d'autant plus que les entreprises ne semblent pas
avoir freiné les salaires en 1998 dans la perspective des
négociations relatives aux 35 heures.
Comme la baisse du chômage induite à partir de 2001 par la
réduction du temps de travail qui s'ajouterait à celle
suscitée par une croissance dynamique renforcera la position des
salariés lors des négociations salariales, les travaux de
projection réalisés par la Délégation du
Sénat décrivent une vive accélération des salaires
horaires en fin de période. En dépit de la baisse de la
durée du travail, les salaires mensuels réels retrouveraient
ainsi rapidement un niveau proche de leur niveau tendanciel.
" La mise en oeuvre des 35 heures accélère donc
spontanément le revenu des
ménages
. A l'inverse elle
détériore progressivement la capacité de financement des
entreprises
(d'environ 32 milliards de francs en 2005) et ce, avant
même l'instauration de prélèvements
supplémentaires
4(
*
)
. Il en résulte
à moyen terme un risque pour la pérennité des emplois
créés par la réduction du temps de travail ".
Le second risque concerne les finances publiques.
Les mêmes
travaux rappellent judicieusement que le montant des allégements de
charge envisagés pour faciliter les 35 heures dépasse
sensiblement l'effet favorable de la réduction du temps de travail pour
les finances publiques (1.250 francs par an par salarié et par
heure de réduction de la durée effective du travail selon le
rapport du ministère de l'Emploi).
En d'autres termes, les allégements de charge
" surfinancent "
la réduction effective du temps de
travail. Pour mettre en oeuvre les 35 heures sans dégrader
l'équilibre des finances publiques, le gouvernement doit donc ou bien
réduire d'autres dépenses, ou bien instituer de
nouveaux
prélèvements,
cette seconde option revenant à
reprendre d'une main ce que l'on octroie de l'autre.
Cette analyse est étayée par les travaux de projection
réalisés par l'OFCE à la demande de notre
Délégation pour la planification qui établissent que le
creusement du déficit des administrations publiques résultant des
" 35 heures " serait d'environ
15 milliards de francs
à l'horizon 2003.
Coût des 35 heures pour les administrations
publiques
après bouclage macro-économique
(en milliards de francs)
Allégements de charges |
- 65,5 |
Retour de cotisations sociales |
+ 31,5 |
Baisse des prestations chômage |
+ 14,5 |
Surcroît de recettes fiscales |
+ 4,8 |
Coût net ex post |
- 14,7 |
Source : OFCE, modèle MOSAIQUE
c) La situation du marché du travail est illustrée par le paradoxe de la formation de goulots d'étranglement en situation de sous-emploi
Ce
paradoxe amène à poser la question de l'adaptation de la
formation, du niveau du coût du travail peu qualifié et de la
cohérence d'un maintien délibéré de ce coût
à un haut niveau avec celui de prestations telles que le revenu minimum
d'insertion (RMI) dont le volet insertion paraît ainsi condamné
à l'avance.
Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux
chômeurs en fin de droits contraste en effet avec leur faible retour
à l'activité, les prestations ne servant plus qu'à
l'assistance. On peut dès lors des demander si le RMI n'est pas
désormais " un revenu minimum d'inactivité ". Il est au
demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a
augmenté de 30 % depuis 1996, malgré la vive croissance de
l'économie et des emplois, parmi lesquels figure d'ailleurs une part
importante d'emplois peu qualifiés.
Dans le même temps, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont
pas occupés car trop coûteux pour les entreprises (poids des
charges sociales sur les bas salaires) et trop faiblement
rémunérateurs pour les bénéficiaires de prestations
d'assistance et notamment du RMI (leur revenu augmente, mais leur pouvoir
d'achat peut diminuer en raison de la perte du bénéfice de
certaines prestations ou bien des impositions nouvelles auxquelles ils
deviennent assujettis, comme les taxes locales).
En ce sens, l'instauration d'un revenu minimum d'activité (RMA) pourrait
renverser ces effets pervers en proposant
une solution servant les
intérêts des exclus comme des entreprises
par une
réorientation totale des aides publiques.
2. Les incertitudes sur le comportement des agents
a) Les ménages
La
demande des ménages qui représente 59,3 % du PIB se compose
de leur consommation (54,3 % du PIB) et de leurs investissements (5 %
du PIB). Elle s'accroîtrait de 3,9 % entre 1999 et 2000 et
contribuerait ainsi pour 1,7 point de PIB à la croissance
prévue en 2000 (+ 2,8 %).
Les taux de croissance en valeur de la consommation des ménages montre
que
le dynamisme observé en 1998 ne se confirmerait pas pleinement
cette année mais que l'année 2000 marquerait un regain
. La
progression moyenne en valeur en serait successivement de 4,35 % en 1998,
3,1 % en 1999 et 3,8 % en 2000.
Le tableau ci-dessous exprime ces chiffres en volume et retrace les principaux
déterminants de la consommation.
Evolution du volume de la consommation des
ménages
et
de ses principaux déterminants
|
1998 |
Prévisions 1999 |
Prévisions 2000 |
Revenu disponible brut en pouvoir d'achat |
2,5 |
2,6 |
2,6 |
Dépenses de consommation |
3,4 |
2,4 |
2,7 |
Taux d'épargne |
15,5 |
15,7 |
15,6 |
Les
données ici récapitulées n'ont pas toutes le même
statut. Celles qui concernent l'année 1998 résultent d'une
observation rétrospective, les autres appartenant au domaine des
prévisions. Or celles-ci qui sont pour partie hypothétiques ne
s'appuient pas sur les mêmes enchaînements que ceux
constatés en 1998.
Ces derniers ont été exceptionnels en effet même s'ils ont
pu confirmer une donnée qui, elle est devenue habituelle
c'est-à-dire la volatilité des comportements des ménages
et les difficultés de prévision qui en résultent.
L'essor de la consommation des ménages en 1998 a, de fait, largement
dépassé celui de leur revenu
. Les gains de pouvoir d'achat se
sont établis à 2,5 % et la croissance de la consommation en
volume à 3,4 %. Cet écart a supposé une diminution
très importante du taux d'épargne des ménages (-0,8 point).
Les prévisions pour 1999 et 2000 ne retiennent pas de tels
enchaînements : la consommation varierait comme le revenu tandis que
le taux d'épargne serait stabilisé.
Le revenu disponible brut des ménages bénéficierait en
2000 comme en 1999 d'une progression de son pouvoir d'achat de 2,6 %.
Evolution en termes réels* du revenu disponible des ménages
Taux de croissance annuel |
|
Contrib. Croissance du RDB (1) |
||||||||||
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
1,2 |
0,6 |
1,3 |
2,9 |
2,7 |
2,8 |
Revenus d'activité |
1,0 |
0,5 |
1,1 |
2,4 |
2,3 |
2,4 |
|
|
|
|
|
|
dont : |
|
|
|
|
|
|
1,6 |
0,8 |
1,3 |
3,0 |
3,0 |
2,6 |
Salaires bruts |
0,9 |
0,5 |
0,7 |
1,7 |
1,7 |
1,5 |
0,3 |
0,0 |
1,3 |
2,8 |
2,1 |
3,4 |
EBE (y compris EI) |
0,1 |
0,0 |
0,3 |
0,7 |
0,5 |
0,9 |
|
|
|
|
|
|
Transferts nets |
0,4 |
- 0,3 |
0,2 |
- 0,5 |
- 0,2 |
- 0,4 |
|
|
|
|
|
|
dont : |
|
|
|
|
|
|
1,7 |
2,5 |
1,3 |
1,8 |
2,5 |
1,4 |
Prestations sociales |
0,6 |
0,8 |
0,4 |
0,6 |
0,8 |
0,5 |
0,8 |
4,9 |
1,0 |
4,7 |
4,2 |
3,5 |
Impôts et cotisations |
- 0,2 |
- 1,1 |
- 0,2 |
- 1,1 |
- 1,0 |
- 0,9 |
|
|
|
|
|
|
dont : |
|
|
|
|
|
|
1,5 |
4,3 |
- 3,7 |
- 19,5 |
3,8 |
2,6 |
Cotisations sociales |
- 0,2 |
- 0,5 |
0,5 |
2,4 |
- 0,4 |
- 0,3 |
0,0 |
5,7 |
6,9 |
32,5 |
4,4 |
4,2 |
Impôts y compris CSG et RDS |
0,0 |
- 0,6 |
- 0,7 |
- 3,5 |
- 0,6 |
- 0,6 |
19,1 |
- 0,4 |
4,9 |
7,2 |
6,5 |
7,2 |
Intérêts, dividendes et div. nets |
1,3 |
0,0 |
0,4 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
2,7 |
0,2 |
1,6 |
2,5 |
2,6 |
2,6 |
Revenu disponible brut |
2,7 |
0,2 |
1,6 |
2,5 |
2,6 |
2,6 |
(1)
Aux arrondis près.
Les gains de pouvoir d'achat seraient donc stabilisés à un niveau
proche de ceux atteints en 1995 et en 1998 mais sensiblement supérieur
à ceux de 1997 et, plus encore, de 1996, année exceptionnelle au
cours de laquelle la faible croissance des revenus d'activité, le bilan
défavorable aux ménages de leurs relations avec les
administrations publiques et la décrue des revenus de leur patrimoine
s'étaient conjugués pour les réduire strictement.
Le pouvoir d'achat des ménages bénéficie depuis 1998 de
la croissance des revenus d'activité et du patrimoine mais est
sensiblement écorné par une croissance des
prélèvements obligatoires supportés par les ménages
plus rapide que celle des prestations qui leur sont versées.
Le bilan des transferts nets entre les ménages et les administrations
publiques atteste les contraintes que la politique des finances publiques
exerce sur les ménages.
Bilan des
transferts nets entre les ménages
et les administrations publiques
(en points de pouvoir d'achat)
|
1998 |
1999 |
2000 |
Altération du pouvoir d'achat du revenu des ménages |
- 0,5 |
- 0,2 |
- 0,4 |
dont |
|
|
|
due aux prélèvements obligatoires |
- 1,1 |
- 1,0 |
- 0,9 |
L'augmentation des revenus d'activité est d'abord venue
de
l'accélération de la masse salariale sous l'effet d'une
croissance du salaire par tête et du nombre des effectifs
salariés. Le pouvoir d'achat de la masse salariale, après avoir
augmenté de 1,3 % en 1997, a progressé de 3 % en 1998
et devrait progresser à l'identique en 1999. Au cours de ces deux
dernières années, les gains de pouvoir d'achat se partagent
à peu près pour moitié entre un gain du pouvoir d'achat du
salaire moyen par tête (1,4 % en 1998 et 1,6 % en 1999) et la
croissance du nombre des emplois salariés.
Mais, l'an prochain, l'augmentation de la masse salariale ralentirait
(+ 2,6 %). Le pouvoir d'achat du salaire moyen par tête
augmenterait plus modestement (+ 1,2 %) une croissance un peu plus
rapide du volume des emplois salariés compensant une partie de cette
décélération.
Celle-ci traduirait le retour à une évolution moins favorable
des salaires.
Cette orientation ne provient toutefois pas de la prévision du
gouvernement sur la croissance nominale des salaires. Le salaire moyen par
tête augmenterait en effet de 2,3 % après 2,2 % en 1999.
Ainsi,
nulle variation significative des comportement salariaux n'est
incluse dans la prévision quand bien même plusieurs facteurs
importants sont susceptibles d'intervenir (v. infra).
La diminution du pouvoir d'achat individuel est en effet attendue d'un
supplément modéré d'inflation, celle-ci passant de 0,6
à 1 % entre 1999 et 2000.
La légère accélération des effectifs compenserait
une partie de cette dégradation au regard de la masse salariale totale
tandis que la forte augmentation des revenus des entrepreneurs individuels
soutiendrait le revenu des ménages.
Leur consommation progresserait parallèlement à ce dernier avec
toutefois une légère érosion de leur taux d'épargne
(- 0,1 point).
Ces enchaînements décrivent une situation favorable où
l'augmentation du salaire horaire (+ 3,1 % en 2000 contre 2,2 %
en 1999) consécutive à la réduction de la durée du
travail serait modérée mais suffisante aussi, et finalement
compatible avec une augmentation du salaire par tête qui ne
renchérirait pas excessivement le coût unitaire du travail.
En bref, les " 35 heures " n'accroîtraient pas
sensiblement les coûts de production des entreprises -hors
prélèvement public destiné à les financer (voir
infra)- et n'alourdiraient pas notablement le coût du travail compte tenu
des gains de productivité réalisés.
Du point de vue des salariés pris individuellement, la réduction
du temps de travail serait ainsi indolore, la progression de leurs revenus
d'activités individuels n'étant pas écornée. Cette
innocuité sur le revenu individuel des salariés, combinée
avec la progression anticipée des effectifs (+ 1,7 %) dont 1/3
viendrait de la réduction du temps de travail, favoriserait une
progression soutenue du pouvoir d'achat de la masse salariale.
Deux dangers sont implicitement évacués :
Celui d'abord d'une hausse du coût unitaire du travail (voir infra pour
ses effets sur le comportement des entreprises) dont les risques ont
été exposés plus haut, qui pourrait défavoriser les
embauches et, finalement, réduire l'augmentation de la masse salariale.
Celui ensuite, de sens contraire, d'une inflexion plus sensible des salaires
individuels qui atténuerait la progression du volume des revenus
d'activité et pèserait sur le pouvoir d'achat du revenu des
ménages.
Quant au parallélisme entre la progression des revenus des
ménages et leur consommation, il s'agit d'une hypothèse que
l'évolution passée du taux d'épargne des ménages
invite à considérer avec un certain scepticisme.
Evolution du taux d'épargne des ménages entre 1993 et 2000
(en %)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 Prévisions |
2000 Prévisions |
Taux d'épargne global (1) |
15,7 |
14,8 |
16 |
15,1 |
16,3 |
15,5 |
15,7 |
15,6 |
(1)
Taux d'épargne global : épargne brute/revenu disponible brut
Source : INSEE, prévisions DP
Cette variable a été affectée de fortes variations dont
les modèles économiques ne parviennent pas à rendre compte
totalement.
La quasi-stabilisation prévue en 2000 n'apparaît pas
entièrement cohérente avec les prévisions qui lui sont
associées par le gouvernement. La poursuite de la réduction du
chômage qui est prévue devrait inviter les ménages à
réduire leur épargne de précaution. Quant au maintien de
conditions monétaires détendues associées à des
perspectives de gains boursiers moins favorables dans l'ensemble, leurs effets
devraient aller dans le même sens. Le résultat spontané des
modèles a ainsi probablement été corrigé pour
décrire une réduction du taux d'épargne seulement
marginale.
Ce parti-pris qui pèse sur la croissance affichée mérite
d'être clairement identifié. Il ne doit pas pour autant être
compris comme entièrement arbitraire. Les motifs d'épargne ne
manquent pas avec la persistance d'une situation de sous-emploi, l'extension
des modes d'emplois à temps partiel et à statut précaire,
le bilan négatif pour les ménages de leurs relations avec les
administrations publiques et les perspectives offertes en ce sens par la
politique des finances publiques, la nécessité d'un rattrapage de
l'investissement-logement des ménages et, sans doute, le
déroulement du cycle de consommation de biens durables.
b) Les entreprises
Les
budgets économiques tablent sur un dynamisme persistant de la demande
des entreprises sous l'angle de leurs investissements mais aussi de leur
gestion des stocks et sur une offre de travail soutenue de leur part.
Ces prévisions apparaissent à bien des égards fragiles.
Elles dépendent d'abord de l'évolution de la demande qui serait
adressée aux entreprises dont on a recensé les principaux
aléas plus haut.
Mais, elles s'inscrivent aussi dans un contexte qui ne leur est pas favorable
et peuvent ainsi apparaître paradoxales.
Le taux de marge des entreprises a sensiblement fléchi en 1999 sous
l'effet d'une évolution des salaires individuels plus rapide que celle
des gains de productivité du travail. Ce phénomène a
produit un renchérissement du coût salarial unitaire qui ouvre des
perspectives peu favorables à l'emploi à la fois par ses effets
sur le coût relatif des facteurs de production et par son impact sur
l'investissement des entreprises et donc sur la croissance.
Selon les interprétations données à ce
phénomène, celui-ci apparaît plus ou moins
préoccupant. L'on peut en effet en attribuer la cause à une
surestimation de l'inflation à l'occasion des négociations de
salaires et alors juger, comme le fait le gouvernement, l'alourdissement des
coûts salariaux unitaires comme simplement transitoire. Mais, l'on peut
aussi redouter que celui-ci ne soit que la traduction des tensions salariales
déclenchées ici ou là par l'évolution du
marché du travail. Dans cette dernière perspective, le
renchérissement du travail serait plus durable et susceptible de
déséquilibrer la croissance économique.
C'est en gardant à l'esprit cette incertitude qu'il faut s'interroger
sur la prévision du gouvernement pour 2000, caractérisée
on le répète par un retour à la sagesse salariale, alors
même que le climat économique et social sous-jacent recèle
bien des risques.
En effet, du point de vue économique, l'apparition de goulots
d'étranglement sectoriels pourrait déclencher une spirale
inflation-salaire dont l'exemple le plus récent de reprise
économique en France conduit à ne pas négliger les risques.
Ceux-ci apparaissent renforcés par la loi relative à la
réduction du temps de travail dont l'effet sur les salaires pourrait
aller à rebours de la modération salariale qui en conditionne
l'innocuité économique.
Ainsi la stabilisation du taux de marge décrite dans les budgets
économiques en 2000 apparaît pour ce qu'elle est, une
hypothèse fragile.
Toute évolution défavorable sur ce terrain pèserait sur
l'offre d'emplois par les entreprises et sur leur demande tout comme les
perspectives combinées d'une diminution de la profitabilité des
investissements et de la dégradation des capacités
financières des entreprises.
Ces perspectives sont rappelées dans la prévision du gouvernement.
En ce qui concerne la profitabilité des investissements des entreprises,
sa réduction est anticipée sous l'effet d'une hausse des taux
d'intérêt réel qui est toutefois modérée en
projection.
En ce qui concerne les capacités financières des entreprises,
celle-ci décrit l'effet de la baisse du taux de marge et de
l'alourdissement des prélèvements imposés aux entreprises.
Il faut y ajouter les enseignements de la révision des Comptes nationaux
qui permettent d'appréhender plus correctement la situation
financière des entreprises françaises. On rappelle qu'au terme de
cette révision, le panorama d'entreprises dégageant une forte
capacité de financement a été considérablement
retouché pour faire apparaître une situation inverse. Les
entreprises françaises restent en situation de besoin de financement.
Ce constat devrait conduire à renoncer à toutes les
facilités fiscales ou autres associées à l'idée
d'entreprises à l'aisance financière solidement assise.
Il s'agit d'une condition essentielle au dynamisme de l'économie
française qui est pour le moins perdue de vue par une politique qui
pèse sur les conditions d'offre productive.
Dans ces conditions, la reprise de l'investissement pourrait être
entravée d'autant que, malgré un retard d'investissement
préoccupant, de l'ordre de 8 points, les capacités
installées n'apparaissent pas tellement sollicitées, en moyenne,
et que des investissements de capacité s'imposent.
Ainsi, les taux d'utilisation des capacités de production ne laissent
entrevoir aucune tension particulière susceptible de rendre
inéluctable une progression des investissements.
Enquête trimestrielle de conjoncture dans l'industrie manufacturière
|
2 ème trimestre 1999 |
1 er trimestre 1999 |
4 ème trimestre 1998 |
3 ème trimestre 1998 |
2 ème trimestre 1998 |
Taux d'utilisation des capacités de production (en %) |
85,7 |
85,9 |
84,8 |
86,4 |
86,6 |
Note : les données se réfèrent
à
l'enquête effectuée le premier mois de chaque trimestre
Source : INSEE
CHAPITRE II :
L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE
LOI DE FINANCES
Le
gouvernement prévoit pour 2000 une croissance spontanée des
recettes de 79,4 milliards de francs par rapport à la loi de finances
initiale. La répartition de ces moyens nouveaux s'opère, ainsi
que cela ressort de l'exposé des motifs du présent projet de loi
de finances, en quatre parts bien distinctes :
15 milliards de francs (soit 18,9 % du total) sont affectés
à l'augmentation des dépenses correspondant aux priorités
du gouvernement ;
39 milliards de francs (soit 49,1 %) sont consacrés à la
baisse des prélèvements, dont un peu plus de la moitié
seulement, soit 23,6 milliards de francs, correspond à des mesures
figurant dans le présent projet
5(
*
)
;
4,2 milliards de francs (soit 5,3 %) permettent de financer des
rebudgétisations et la dégradation du solde des comptes
spéciaux du Trésor ;
21,2 milliards de francs (soit 26,70 %) sont affectés à la
réduction du déficit.
L'affectation en 2000 des recettes issues de la croissance peut ainsi
être résumée : la moitié est affectée
à la baisse des prélèvements, le quart seulement à
la réduction du déficit, et le cinquième à
l'augmentation des dépenses de l'Etat.
Source : exposé des motifs du projet de loi de
finances
De ce fait, le projet de loi de finances prévoit pour 2000, un
solde
général
s'établissant à
- 215,4 milliards de francs
contre - 236,6 milliards
de francs dans la loi de finances initiale pour 1999, soit une réduction
limitée à 21,15 milliards de francs, et
légèrement inférieure à celle prévue
l'année dernière qui était de 21,33 milliards de
francs.
Ainsi, nonobstant les perspectives favorables de croissance, le gouvernement
perpétue une politique de facilité en ne faisant pas jouer au
budget son rôle contra-cyclique. Les perspectives favorables
enregistrées par l'économie française ne sont pas mises
à profit pour réduire le champ de la sphère publique ou
diminuer plus avant le déficit budgétaire, et contribuer ainsi,
de façon énergique et déterminée au
nécessaire désendettement de l'Etat afin de préserver les
générations futures.
Cela était d'ailleurs implicitement confirmé par le ministre de
l'économie lorsqu'il déclarait lors de la discussion
générale à l'Assemblée nationale que :
" Quand les autres sont au pouvoir, on trouve toujours que le
déficit ne diminue pas assez.
J'admets en tout cas que vous disiez
que la baisse du déficit n'est pas suffisante
"
6(
*
)
.
I. LES DIFFÉRENTES PRÉSENTATIONS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE
Afin d'appréhender de façon correcte et complète l'équilibre tel qu'il résulte du présent projet de loi de finances, différentes présentations complémentaires peuvent en être faites : qu'il s'agisse de celle résultant de l'article d'équilibre, ou de la présentation dite " synthétique ". Il est par ailleurs nécessaire de disposer également d'un indicateur retraçant les dépenses réelles ainsi que leur progression.
1. La présentation de l'article d'équilibre
Sous forme simplifiée, l'article d'équilibre se présente comme suit :
(en millions de francs)
|
Ressources brutes |
Dépenses brutes ou plafonds de charges |
Solde |
Budget général |
1.790.083 |
2.008.482 |
|
(hors remboursements et dégrèvements) |
(1.459.353) |
(1.677.752) |
|
Comptes d'affectation spéciale (CAS) |
42.904 |
42.903 |
|
Budgets annexes |
104.957 |
104.957 |
|
Total opérations définitives |
1.937.944 |
2.156.342 |
|
Solde opérations définitives (A) |
|
|
- 218.398 |
Total opérations temporaires (CST) |
387.390 |
384.392 |
|
Solde opérations temporaires (B) |
|
|
2.998 |
Total général |
2.325.334 |
2.540.734 |
|
Solde général (A + B) |
|
|
- 215.400 |
L'article d'équilibre fait apparaître les
opérations définitives (budget général, budgets
annexes, comptes spéciaux du Trésor) et leur solde, puis les
opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor et
leur solde.
L'intérêt de cette présentation est de montrer le volume
total des flux transitant par l'Etat, que ce soit de façon temporaire
(opérations d'une durée infra-annuelle et prêts) ou
définitive.
L'Etat encaissera 2.325,3 milliards de francs en 2000, et
décaissera 2.540,7 milliards de francs, soit 27,7 % du PIB.
2. La présentation synthétique
Cette
présentation révèle trois différences essentielles
avec la précédente :
- les opérations définitives des comptes d'affectation
spéciale ne sont présentées qu'en solde (ce qui minore le
" volume " du budget) ;
- les opérations des budgets annexes ne sont retracées ni
dans le total des ressources ni dans celui des dépenses puisqu'elles
sont, par construction, équilibrées en ressources et en
emplois ;
- les dépenses du budget général sont
présentées nettes des dépenses d'ordre et des recettes
d'ordre, liées à la gestion de trésorerie de l'Etat, ainsi
que des remboursements et dégrèvements d'impôts.
Cette présentation fait apparaître, à structure
constante, une progression des dépenses du budget général
de 0,9 %, et des recettes nettes de 3,14 %
7(
*
)
.
Ce budget a néanmoins été affecté de très
importantes variations de structure qui nuisent à sa lisibilité
et rendent ainsi plus difficiles et délicates les comparaisons d'un
exercice budgétaire à l'autre
8(
*
)
.
|
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Variation |
|
(en milliards de francs) |
en % |
|
A. Titre I. (hors dépenses et recettes d'ordre) |
240,7 |
238,2 |
- 1,04 % |
B. Budgets civils |
|
|
|
Titre II. |
4,5 |
4,6 |
+ 2,1 % |
Titre III. |
607,3 |
624,5 |
+ 2,8 % |
Titre IV. |
495,7 |
496,5 |
+ 0,16 % |
Titres V et VI. |
78,8 |
78,9 |
+ 0,13 % |
Sous-total B |
1.186,3 |
1.204,5 |
+ 1,53 % |
C. Défense |
|
|
|
Titre III. |
157,5 |
159,9 |
+ 1,52 % |
Titres V et VI. |
86,0 |
82,9 |
- 3,60 % |
Sous-total C |
243,5 |
242,8 |
- 0,29 % |
D. Total des dépenses du budget général à structure constante |
|
|
|
D'. Total des dépenses du budget général après modifications de périmètre en 2000 [A + B + C] |
|
|
|
E. Solde des comptes spéciaux du Trésor |
- 3,1 |
- 3,0 |
|
F. Total des charges à structure constante [D + E] |
1.667,5 |
1.682,5 |
|
F'. Total des charges après modifications de périmètre en 2000 [D' + E] |
|
|
|
G. Recettes nettes y compris modifications de périmètre en 2000 |
|
|
|
H. Solde général (G - F') |
- 236,6 |
- 215,4 |
|
Source : Ministère de l'Economie
3. Le chiffrage des dépenses réelles
Cette
présentation, développée par la commission des finances de
l'Assemblée nationale depuis plusieurs années, permet de mettre
en évidence les divers agrégats qui reflètent, tous,
l'ensemble des dépenses de l'Etat.
Elle convient néanmoins d'être maniée avec
précaution, dans la mesure où il faut également prendre en
compte les changements de périmètre qui affectent le
présent projet de loi de finances.
Charges budgétaires avant correction des changements
de
périmètre :
Les agrégats et leur taux d'évolution (en milliards de
francs)
|
|
Exécution 1998 (a) |
LFI 1999 |
LFI 1999/LFI 1998 |
PLF 2000 |
Evolution 2000/1999 (en %) |
PLF 2000 Structure constante |
PLF 2000 sc/LFI 1999 |
1. Dépenses nettes du budget général |
1.600,48 |
1.608,00 |
1.686,56 |
5,38 % |
1.677,75 |
- 0,52 % |
1.702,70 |
0,96 % |
2. - Pour mémoire : dépenses d'ordre relatives à la dette |
|
|
|
|
|
|
|
|
Opérations définitives des comptes d'affectation spéciale : |
|
|
|
|
|
|
|
|
3. - dépenses |
61,02 |
83,65 |
46,66 |
|
42,90 |
|
44,01 |
|
4. - charge nette |
0,04 |
- 3,64 |
- 3,44 |
|
0,00 |
|
0 |
|
5. - Charges définitives (=1+3) |
1.666,50 |
1.691,65 |
1.733,22 |
4,32 % |
1.720,65 |
- 0,73 % |
1.746,71 |
0,78 % |
6. - Charge nette des opérations temporaires |
4,56 |
- 0,85 |
0,33 |
|
- 3,00 |
|
- 3,00 |
|
Charges du budget de l'Etat (présentation du tableau d'équilibre) |
|
|
|
|
|
|
|
|
A. - Budget général + charge nette des comptes spéciaux du Trésor (=1+4+6) |
|
|
|
|
|
|
|
|
B. - Charges définitives + charge nette temporaire (=1+3+6) |
|
|
|
|
|
|
|
|
Charges du budget de l'Etat (en termes de dette nette) |
|
|
|
|
|
|
|
|
C.-
Budget général - dépenses d'ordre + charge nette des
comptes spéciaux du Trésor
|
|
|
|
|
|
|
|
|
D.- Charges définitives - dépenses d'ordre + charge nette temporaire (=1-2+3+6) |
|
|
|
|
|
|
|
|
a) Hors FMI, FSC et fonds de concours (égaux à 65 milliards de francs en 1998). Dépenses nettes du budget général, y compris fonds de concours : 1.674,25 milliards de francs.
Le nouveau système de comptabilité nationale
Le
système européen des comptes, version 1995 (SEC 95), a
été adopté par tous les pays de l'Union européenne,
le traité de Maastricht prévoyant le recours à une norme
comptable commune.
Le changement de système a été l'occasion d'une
réestimation de l'ensemble des données des comptes nationaux. La
base 80 a ainsi fait place à la base 95.
La France a mis en application le SEC 95 au cours de l'année 1999. Cette
opération repose sur trois modifications principales :
- l'utilisation de nouvelles sources statistiques ;
- des modifications conceptuelles : le concept de formation brute de
capital fixe (FBCF) est étendu aux logiciels, aux oeuvres
littéraires et artistiques littéraires, et aux frais de
prospection minière et pétrolière, mais non aux
résultats de la recherche-développement (les
précédents systèmes de comptabilité nationale
limitaient, par principe, ce concept aux biens) ; par ailleurs, le concept
de consommation a été affiné, tandis que la production est
désormais valorisée au prix de base ;
- l'intégration des départements d'outre-mer dans le territoire
économique, qui a pour effet de relever le niveau du PIB d'environ 2 %.
Certains de ces changements ont des conséquences directes sur le
calcul du déficit et de la dette publiques :
- certaines unités sortent du secteur des administrations publiques,
comme les crèches, les syndicats communaux et les régies, tandis
que d'autres y entrent, notamment les structures de défaisance
(Crédit Lyonnais, Comptoir des entrepreneurs, GAN), la mise en place de
la structure de défaisance du Crédit Lyonnais en 1995 se
traduisant par un impact de 0,6 point de PIB sur la dette publique ;
- les opérations, notamment les impôts et cotisations sociales,
sont désormais enregistrées au moment du fait
générateur, selon une logique dite de droits
constatés : les intérêts ne sont plus
comptabilisés à la date du versement mais au fil du temps
lorsqu'ils sont dus (passage d'un système d'intérêts
échus à un système d'intérêts courus).
II. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT VOLONTAIREMENT LIMITÉE
A. DES OBJECTIFS DÉSORMAIS FIXÉS À MOYEN TERME
1. Le programme de stabilité de décembre 1998
Transmis
à la Commission européenne l'année dernière en
décembre 1998, ce programme fixe à l'échéance de
2002 des objectifs en terme de besoin ou de capacité de financement des
administrations publiques, qu'il s'agisse de l'Etat, des régimes de
sécurité sociale, des collectivités locales ou des
organismes divers d'administration centrale.
Conformément au Pacte de
stabilité et de croissance, les pays membres de l'Union
européenne doivent en effet, à terme, tendre vers un
équilibre de leurs finances publiques, voire être en
excédent. Cet objectif doit permettre aux Etats-membres de faire face
aux fluctuations conjoncturelles.
Les objectifs alors fixés sont retracés dans le tableau
suivant :
Besoin/capacité de financement des administrations
publiques
selon le programme de stabilité de décembre 1998
(en points de PIB)
|
|
|
Hypothèse prudente (4) |
Hypothèse favorable (5) |
||||
|
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2000 |
2001 |
2002 |
Etat |
- 3,05 |
- 2,7 |
- 2,5 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- |
- |
- |
ODAC (1) |
+ 0,15 |
+ 0,1 |
+ 0,2 |
+ 0,2 |
+ 0,2 |
- |
- |
- |
APUL (2) |
+ 0,15 |
+ 0,15 |
+ 0,1 |
+ 0,2 |
+ 0,3 |
- |
- |
- |
ASSO (3) |
- 0,15 |
+ 0,15 |
+ 0,2 |
+ 0,2 |
+ 0,3 |
- |
- |
- |
Total |
- 2,9 |
- 2,3 |
- 2,0 |
- 1,6 |
- 1,2 |
- 1,7 |
- 1,2 |
- 0,8 |
(1)
Organismes divers d'administration centrale.
(2) Administrations publiques locales.
(3) Administrations de sécurité sociale.
(4) Croissance du PIB = 2,5 % par an.
(5) Croissance du PIB = 3,0 % par an. Le gouvernement ne décompose pas
par secteur car il y aurait, dans cette hypothèse, des baisses de
prélèvements obligatoires différenciées.
2. Un déficit budgétaire à 2,4 % du PIB
Pour
2000, les objectifs présentés par le gouvernement sont les
suivants :
Capacité ou besoin de financement des administrations publiques
(en points de PIB)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Administrations publiques |
- 3,0 * |
- 2,7 |
- 2,2 |
- 1,8 |
Etat |
- 3,5 |
- 3,0 |
- 2,7 |
- 2,4 |
Administrations de sécurité sociale |
- 0,5 |
- 0,1 |
0,1 |
0,25 |
Autres organismes : |
|
|
|
|
- organismes divers d'administration centrale* |
0,7 |
0,1 |
0,15 |
0,15 |
- administrations publiques locales |
0,3 |
0,3 |
0,25 |
0,2 |
* Dont
0,5 point au titre de France Telecom
Source : Rapport économique, social et financier
Dans le cadre ainsi délimité, le niveau du déficit
budgétaire pour 2000 a été fixé par le gouvernement
à - 215,4 milliards de francs, soit 2,4 % du PIB.
Le déficit se situe donc à un niveau très proche de celui
retenu par " l'hypothèse prudente " qui correspond à
une croissance du PIB de 2,5 % par an, l'hypothèse favorable
étant elle, établie sur la base d'une croissance de 3 %,
soit un niveau proche de celui prévu par le gouvernement qui l'estime
devoir se situer en 2000 dans une fourchette de 2,6-3 %.
L'amélioration escomptée pour 2000 quant au niveau de la
croissance aurait donc pu trouver une traduction plus volontariste, selon les
hypothèses mêmes du gouvernement, en terme de réduction du
déficit budgétaire. Celui-ci semble donc s'être
résolu à ne pas lui faire jouer pleinement son rôle
contra-cyclique, ce que l'on peut regretter.
Besoin de financement de l'Etat
|
|
|
|
|
Rappel " hypothèse prudente " |
Différence réalisations prévisions/ |
Niveau du déficit budgétaire |
-3,5 |
- 3,0 |
- 2,7 |
- 2,4 |
- 2,5 |
+ 0,1 |
Croissance escomptée du PIB |
|
2,6 à 3 % |
2,5 % |
+ 0,1 à + 0,5 % |
En tout état de cause, même réduit, le niveau du déficit budgétaire reste supérieur au seuil symbolique des 200 milliards de francs, qu'il avait dépassé pour la première fois en 1992.
B. UN NIVEAU DE DÉFICIT BUDGÉTAIRE POUR 2000 RÉALISABLE DÈS 1999
1. Un lissage optique de la diminution du déficit
L'effort
de réduction du déficit budgétaire et son impact sur le
poids de la dette publique doivent néanmoins être
relativisés dans la mesure où l'objectif de déficit
budgétaire affiché pour 2000 (- 215,4 milliards de francs) aurait
très vraisemblablement pu être atteint dès cette
année.
Le niveau de la diminution du déficit budgétaire entre 1999 et
2000, qui s'établit à 21,15 milliards de francs, semble en effet
répondre à des considérations " optiques "
destinées à lisser régulièrement sa baisse d'une
année sur l'autre, d'un montant annuel de 0,3 point du PIB depuis
1998.
2. Une exécution budgétaire pour 1999 très favorable
En effet, l'exécution de la loi de finances pour 1999 semble se réaliser dans d'excellentes conditions, eu égard à une progression très significative du niveau et du montant des recettes.
La
situation budgétaire au 30 septembre 1999
Le solde
budgétaire
Le solde budgétaire s'établit à
- 174,9 milliards de francs à la fin septembre 1999, soit une
amélioration de 69,9 milliards de francs par rapport à celui
enregistré l'année dernière à la même date
(- 244,8 milliards de francs).
Les recettes du budget général
Sur les neuf premiers mois de l'année, les recettes nettes du budget
général s'élèvent à 1.149,8 milliards
de francs. Par rapport à la même période de 1998, la
croissance des recettes fiscales nettes s'établit à 8,7 %.
Les dépenses du budget général
A la fin septembre 1999, les dépenses du budget général
s'établissent à 1.224,3 milliards de francs contre
1.193,1 milliards de francs à la fin septembre 1998, soit une
augmentation de 2,6 %.
Source : Ministère de l'économie et des finances
L'exécution du budget de 1999 se passe dans des conditions meilleures
que celles du budget de 1998, qui étaient déjà très
favorables
. En effet, en 1998, le solde d'exécution fixé en
loi de finances initialement à - 257,8 milliards de francs
avait été amélioré, in fine, de près de 10
milliards de francs pour s'établir en loi de règlement à -
247,5 milliards de francs.
Le déficit budgétaire en loi de finances initiale et son exécution
(en milliards de francs)
|
1997 |
1998 |
1999 |
Loi de finances initiale |
- 284,8 |
- 257,8 |
- 236,5 |
Loi de règlement |
- 267,7 |
- 247,5 |
? |
Amélioration en exécution |
+ 17,1 |
+ 10,3 |
? |
Source : Cour des comptes
On peut donc en déduire, que le solde d'exécution de la loi de
finances pour 1999 pourrait être amélioré très
sensiblement si le surcroît de recettes
9(
*
)
enregistré d'ores et déjà était affecté
intégralement à la diminution du déficit budgétaire.
Comparaison des situations budgétaires à la fin du mois de septembre
(en milliards de francs)
|
Septembre 1997 |
Septembre 1998 |
Evolution
|
Septembre 1999 |
Evolution
|
Dépenses ordinaires |
1.063,5 |
1.090,5 |
+ 2,53 |
1.120,9 |
+ 2,78 |
Dépenses en capital |
118 |
102,6 |
- 13,05 |
103,4 |
+ 0,77 |
Dépenses du budget général |
1.181,5 |
1.193,1 |
+ 1,0 |
1.224,3 |
+ 2,6 |
Recettes nettes du budget général |
995,4 |
1.058,0 |
+ 6,28 |
1.149,8 |
+ 8,67 |
Solde des CST* |
- 106,6 |
- 109,7 |
- |
- 100,4 |
- |
Solde général d'exécution |
- 292,7 |
- 244,8 |
- 16,36 |
- 174,9 |
- 28,55 |
*
Solde tendant à s'annuler en fin d'année.
Source : Ministère de l'économie
C. UNE AMÉLIORATION BASÉE SUR LA CONJONCTURE ET NON SUR DES RÉFORMES DE STRUCTURE
1. La persistance d'un important déficit de fonctionnement
Le
surcroît de recettes résultant de la bonne conjoncture
économique continue de servir à financer des dépenses de
fonctionnement, particulièrement rigides, plus que des dépenses
d'investissement.
En effet, à structure constante, on observe que les dépenses du
budget général qui augmentent le plus sont les dépenses de
fonctionnement (titre III). A contrario, les dépenses
d'équipement (titres V et VI) peuvent même connaître une
légère diminution. En outre, le gouvernement
bénéficie d'économies de constatation résultant de
la diminution de 2,5 milliards de francs des charges de la dette
10(
*
)
.
Evolution des dépenses du budget général
pour 2000, à structure constante
Dépenses civiles de fonctionnement (titre III) |
+ 2,8 % |
Dépenses militaires de fonctionnement (titre III) |
+ 1,52 % |
Augmentation moyenne des dépenses |
+ 0,9 % |
Dépenses civiles en capital (titres V et VI) |
+ 0,13 % |
Charges de la dette (titre I) |
- 1,04 % |
Dépenses militaires en capital (titres V et VI) |
- 3,6 % |
Par voie de conséquence, le déficit de fonctionnement de l'Etat reste important et diminuera moins en 2000 que l'année précédente, avec une réduction de 19,3 milliards de francs contre 30,9 milliards de francs en 1999.
Evolution du déficit de fonctionnement
Lois de finances |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Solde de fonctionnement (en milliards de francs) |
- 115 |
- 98,8 |
- 67,9 |
- 48,6 |
Evolution (n/n-1) |
|
|
|
|
- en valeur absolue (en milliards de francs) |
|
+ 16,2 |
+ 30,9 |
+ 19,3 |
- en valeur relative |
|
- 14,1 % |
- 31,4 % |
- 28,4 % |
La
pertinence de la distinction entre fonctionnement et investissement
reconnue par le gouvernement.
Longtemps le gouvernement a critiqué la pertinence de la
distinction ainsi proposée par votre commission, alors même que
cette présentation est celle qui est retenue tant en France pour les
collectivités locales que, à l'étranger, par de nombreux
pays.
Ainsi lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, il
critiquait cette notion puisqu'il considérait que :
" La
distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses
d'équipement ne repose aujourd'hui sur aucune base juridique s'imposant
au gouvernement, ni sur aucun fondement méthodologique validé par
les comptes nationaux. Cette présentation purement comptable et sans
portée réelle n'est donc pas reprise par le gouvernement, qui
souligne que, pour la première fois depuis des années, le budget
de l'Etat sera en excédent hors charges de la dette ".
Sur ce point, le gouvernement semble néanmoins s'être
rallié à la vision du Sénat puisqu'il y faisait
expressément référence dans son rapport
préparatoire au débat d'orientation budgétaire de juin
1999, mais aussi dans son dossier de présentation du présent
projet de loi de finances.
Cette persistance d'un important déficit de fonctionnement signifie
donc, au plan qualitatif, que le gouvernement continue de dépenser plus,
mais pas mieux.
Il continue en effet à emprunter pour régler
les dépenses courantes
, ce qui est critiquable, et non pour financer
des dépenses d'investissement, ce qui peut en revanche se concevoir.
Tableau du budget en actions de fonctionnement et
d'investissement
Section de fonctionnement
|
Dépenses |
|
|
Recettes |
||||
|
LFI 1998 |
LFI 1999 |
PLF 2000 |
|
|
LFI 1998 |
LFI 1999 |
PLF 2000 |
1. Charges à caractère général |
63,1 |
64,4 |
67,1 |
|
1.
Produits de gestion courante
|
134,7 |
161,3 |
176,1 |
- Matériel et fonctionnement civils |
39,8 |
43, |
46,1 |
|
|
|
|
|
- Fonctionnement des armées |
23,3 |
21,1 |
20,9 |
|
|
|
|
|
2. Charges de personnel |
610,7 |
652,6 |
675,9 |
|
2. Impôts et taxes (recettes fiscales) |
1.448,2 |
1.534,9 |
1.546,6 |
- RCS civiles |
372,8 |
389,8 |
399,6 |
|
|
|
|
|
- RCS militaires |
80,5 |
82,8 |
84,0 |
|
|
|
|
|
- Pensions civiles et militaires |
157,5 |
180,0 |
192,2 |
|
|
|
|
|
3. Autres charges de gestion courante |
546,5 |
567,1 |
537,0 |
|
|
|
|
|
- Pouvoirs publics |
4,4 |
4,5 |
4,6 |
|
|
|
|
|
- Subventions aux EPA |
52,8 |
47,9 |
50,1 |
|
|
|
|
|
- Interventions |
464,1 |
495,7 |
461,6 |
|
|
|
|
|
- Subventions d'investissement |
17,0 |
18,6 |
20,2 |
|
|
|
|
|
- Garanties (titre I) |
1,6 |
1,5 |
1,2 |
|
|
|
|
|
- Divers (titre I) |
1,9 |
2,0 |
2,3 |
|
|
|
|
|
- CST (hors affectation des recettes de privatisation) |
4,6 |
- 3,1 |
- 3,0 |
|
|
|
|
|
4. Charges financières |
248,7 |
253,3 |
251,9 |
|
3. Produits financiers |
20,3 |
22,0 |
23,6 |
- Charge brute de la dette |
248,7 |
253,3 |
251,9 |
|
- recettes liées à la dette |
13,8 |
16,0 |
17,2 |
|
|
|
|
|
- intérêts sur prêts du Trésor |
5,5 |
6,0 |
6,5 |
5. Charges exceptionnelles |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|
4. Produits exceptionnels |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
6. Dotations aux amortissements et provisions |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|
5.
Reprises sur amortissements
|
0,0 |
0,0 |
0,0 |
5. Reversements sur recettes |
233,1 |
248,8 |
263,1 |
|
|
|
|
|
- Prélèvement CEE |
91,5 |
95,0 |
98,5 |
|
|
|
|
|
- Prélèvements collectivités locales |
141,6 |
153,8 |
164,6 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Déficit section de fonctionnement |
98,8 |
67,9 |
48,6 |
Total |
1.702,0 |
1.786,1 |
1.794,9 |
|
|
1.702,0 |
1.786,1 |
1.794,9 |
Section d'investissement
|
Dépenses |
|
|
Recettes |
||||
|
LFI 1998 |
LFI 1999 |
PLF 2000 |
|
|
LFI 1998 |
LFI 1999 |
PLF 2000 |
1. Dépenses d'investissement |
159,1 |
168,6 |
166,9 |
|
Déficit section de fonctionnement |
- 98,8 |
- 67,9 |
- 48,6 |
- Equipement civil |
78,1 |
82,6 |
84,0 |
|
|
|
|
|
- Equipement militaire |
81,0 |
86,0 |
83,0 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Cessions d'immobilisations financières |
28,0 |
17,5 |
16,9 |
2. Dépenses opérations financières |
378,2 |
300,9 |
423,9 |
|
Ressources d'emprunt |
608,1 |
520,0 |
622,5 |
- Remboursements d'emprunts (et autres charges en trésorerie) |
350,2 |
283,4 |
407,0 |
|
|
|
|
|
- Participations (dotations en capital) |
28,0 |
17,5 |
16,9 |
|
|
|
|
|
- Autres immobilisations financières (désendettement) |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|
|
|
|
|
TOTAL |
537,3 |
469,5 |
590,9 |
|
|
537,3 |
469,5 |
590,9 |
Source : Ministère de l'Economie
S'agissant de cette distinction entre section de fonctionnement et section
d'investissement, si l'on peut en effet admettre qu'il n'existe aucune
méthodologie validée aujourd'hui pour une présentation de
cette nature, le paragraphe 3 de l'article 104 C du Traité sur
l'Union européenne prévoit que la Commission examine notamment
" si le déficit public excède les dépenses
publiques
d'investissement ".
Cela suppose naturellement que
les Etats membres présentent des comptes de nature à fournir
cette information.
En outre, l'exemple de certains pays étrangers montre que la France
souffre sur ce point d'un certain retard méthodologique lié au
vieillissement de l'ordonnance organique de 1959. Des améliorations
significatives devront y être apportées qui pourraient s'inspirer
des exemples étrangers.
Ainsi, en Allemagne, l'article 115 de la Loi fondamentale prévoit que
l'endettement contracté au cours d'une année ne doit pas
excéder l'investissement. Le budget doit donc respecter cette
" règle d'or ".
Au Royaume-Uni, le gouvernement travailliste a déposé
l'année dernière un projet de
" code pour la
stabilité budgétaire et fiscale "
, qui est une sorte de
loi de finances programmatique pour les cinq prochaines années. Ainsi,
les prévisions budgétaires des années 1997-1998 à
2003-2004 y sont présentées en section de fonctionnement et
section d'investissement (dépenses courantes et dépenses en
capital), la section courante devant connaître un excédent
croissant de 5 milliards de livres en 1998-1999 à 14 milliards de livres
en 2003-2004.
2. Un déficit structurel toujours conséquent
La
persistance d'un déficit structurel important montre bien que les
charges de structure restent trop lourdes, et que l'Etat continue de vivre
" au dessus de ses moyens ".
A la différence des années précédentes,
l'évolution de la conjoncture depuis 1997 facilite le
" bouclage " du budget : le gouvernement ne semble pas en
profiter cependant pour réduire ces charges de structure, et faire jouer
au budget un rôle contra-cyclique. Ainsi l'amélioration de
0,6 point de PIB du déficit enregistré entre 1998 et 1999
repose pour les deux tiers sur la conjoncture et un tiers sur les
réformes. De ce fait, les prévisions du Gouvernement pour 2000,
qui doivent donc être maniées avec précaution, font fort
opportunément, reposer l'amélioration d'ensemble sur le
déficit structurel, ce qui n'était pas le cas des exercices
antérieurs...
La ventilation du déficit des administrations publiques depuis 1994
(en points de PIB)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Prévisions 2000 |
Déficit structurel |
- 4,6 |
- 4,0 |
- 2,6 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- 1,8 |
- 1,5 |
Déficit conjoncturel |
- 1,1 |
- 0,9 |
- 1,5 |
-1,3 * |
- 0,9 |
- 0,5 |
- 0,5 |
*
dont 0,5 au titre de la soulte de France Telecom
Source : Rapport économique, social et financier pour
1999
11(
*
)
En conséquence, la réduction de 0,9 point du PIB du
déficit public entre 1998 et 2000 résulte selon le gouvernement
pour une moitié, à hauteur de 0,4 point de PIB, de la diminution
de la partie conjoncturelle du déficit. Celle-ci provient du dynamisme
de l'activité, de la croissance de la richesse nationale qui devrait
excéder, selon lui, sur ces deux années, la croissance
potentielle de l'économie.
Il escompte par ailleurs réduire sur cette même période le
poids du déficit structurel de 0,5 point de PIB en raison de la
diminution des dépenses structurelles de 0,7 point de PIB et de la
réduction des recettes structurelles de 0,2 à 0,3 point de
PIB. Toutes choses qu'il n'avait pas réussi à faire
jusqu'alors.
3. L'Etat, seule collectivité publique déficitaire
La
réduction d'ensemble du déficit public ne repose pas seulement
sur les efforts de l'Etat. Il est en effet la seule collectivité
publique en déficit. Même si celui-ci tend à se
réduire, cet effort apparaît à votre commission
insuffisant. A ce titre, elle vous présentera ses préconisations
destinées à remédier à cet état de fait.
En outre, la diminution du déficit public continue à reposer pour
une large part (à hauteur de 0,2 point de PIB) sur les efforts des
collectivités locales. Elle repose également sur un pari :
celui des excédents sociaux qui s'avèrent bien fragiles.
L'ensemble des administrations de sécurité sociale étaient
en 1998 déficitaires de 0,1 point de PIB mais devraient en effet
retrouver, selon le gouvernement, une situation excédentaire de
0,1 point de PIB en 1999 et de 0,25 point de PIB en 2000.
D. LA STABILISATION EN TROMPE L'OEIL DU POIDS DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LE PIB
La
progression de la dette publique, passée de 60 points de PIB en
1997 à 60,5 points en 1999, semble devoir être stoppée
pour 2000 selon le gouvernement qui s'est fixé pour objectif de porter
son montant à 59,9 points de PIB.
Cette stabilisation relative du poids de la dette publique dans le PIB est
rendue possible par le retour, entamé depuis 1993 et
concrétisé pour la première fois en 1999, à un
excédent primaire de l'Etat. Elle repose également sur les
efforts de désendettement des collectivités locales.
1. Le retour à un excédent primaire de l'Etat
Après avoir très fortement chuté de 1990
à 1993, passant de + 30,9 milliards de francs à -
156,1 milliards de francs, le déficit primaire de l'Etat s'est
très sensiblement réduit entre 1993 et 1997 (pour
s'établir à 34,2 milliards de francs) et devenir
excédentaire en 2000. L'amélioration réelle des finances
publiques françaises correspond donc, s'agissant de l'Etat, à un
retour à une situation d'excédent primaire
12(
*
)
, et cela pour la première fois depuis 1991.
Après avoir été en situation de quasi-équilibre en
1999 (+ 4,1 milliards de francs), cet excèdent devrait
s'établir à 22,8 milliards de francs en 2000.
Comme le rappelle fort opportunément le rapport économique,
social et financier joint au présent projet de loi de finances,
"
la croissance de cet excédent est indispensable à la
réduction du poids de la dette publique dans le PIB ".
Il est
donc indispensable que l'excédent primaire du budget de l'Etat soit
conforté afin que la réduction du poids de la dette publique dans
le PIB se réalise plus rapidement
.
Evolution du déficit budgétaire et du solde primaire
(en milliards de francs)
Solde primaire du budget de l'Etat
(en milliards de francs)
|
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
LFI 1999 |
PLF 2000 |
A.- Montant du solde en exécution |
- 131,7 |
- 226,3 |
- 315,6 |
- 299,1 |
- 323,0 |
- 295,4 |
- 267,7 |
- 247,5 |
- 236,6 |
- 215,4 |
B - Charge nette de la dette |
137,5 |
157,1 |
159,5 |
185,6 |
205,8 |
219,5 |
223,5 |
231,9 |
240,7 |
238,2 |
C - Solde primaire (A + B) |
+ 5,8 |
- 69,2 |
- 156,1 |
- 113,5 |
- 117,2 |
- 75,9 |
- 34,2 |
- 15,6 |
+ 4,1 |
+ 22,8 |
2. Une stabilisation sous contraintes
En 1997, la dette publique 13( * ) s'est située au niveau du plafond symbolique de 60 % du PIB fixé par le Traité de Maastricht, et l'a même dépassé depuis, pour s'établir à 60,3 % en 1998 puis à 60,5 % en 1999.
Pour
2000, le gouvernement affiche un objectif tout aussi symbolique consistant
à réduire de 0,6 point de PIB le poids de la dette afin
d'atteindre la " valeur cible " de 59,9 % du PIB, et donc de se
situer en deçà dudit plafond.
La diminution ainsi envisagée résulte non seulement de la
poursuite de la baisse du coût apparent de la dette mais également
d'une forte croissance du PIB, qui est estimée à près de
4 %. De ce fait, le solde permettant de stabiliser le poids de la dette
publique dans le PIB sera de - 2,3 % en 2000 et le solde effectif de -
1,8 %.
Il convient cependant de rappeler que la croissance en valeur de la dette
publique, même stabilisée ou réduite en points du PIB, sera
néanmoins en 2000 de près de 160 milliards de francs en
valeur absolue. S'agissant de l'Etat, selon les chiffres communiqués par
le gouvernement, l'encours de la dette négociable
14(
*
)
devrait s'élever à 3.951,6 milliards de
francs en 1999 (+ 7,5 %) et à 4.181 milliards de francs
en 2000 (+ 5,80 %, soit 229,1 milliards supplémentaires).
Par voie de conséquence le recours de l'Etat à l'emprunt
progressera en l'an 2000 de près de 100 milliards de francs,
passant de 520 milliards de francs à 622 milliards de francs
dans le budget 2000 tandis que les remboursements s'élèveront
à 407 milliards de francs contre 283,4 milliards de francs en
1999.
Cette diminution du poids de la dette n'est cependant pas seulement due
à la réduction du déficit budgétaire de l'Etat,
comme le relève le gouvernement dans le rapport économique,
social et financier joint au présent projet de loi de finances. En
effet, en 2000, le mouvement de désendettement des collectivités
locales observé en 1999 se poursuivrait et les organismes divers
d'administration centrale, notamment les structures de défaisance,
devraient continuer à se désendetter.
A défaut, la stabilisation escomptée pour 2000 du poids de la
dette dans le PIB pourrait être remise en question.
3. Un " hors-bilan " non provisionné
La
précaire stabilisation de la dette proposée par le gouvernement
ne permettra pas de faire face aux chocs de l'avenir.
Il faut en effet ajouter à la dette actuelle les engagements " hors
bilan " de l'Etat. Certains sont conditionnels : les garanties
accordées aux établissements publics, aux crédits à
l'exportation, à certaines formes d'épargne etc... Mais d'autres
sont certains : les structures de défaisance, les primes
d'épargne-logement, ou les charges de remboursement de la dette de
Réseau ferré de France. Mais surtout, ce sont les engagements en
assurance vieillesse et en assurance maladie liés au vieillissement de
la population.
A ce titre, la question du coût des pensions de la fonction publique
illustre le problème budgétaire majeur auquel l'Etat sera
confronté dans un avenir finalement très proche : celui
du
" hors-bilan ", ou de la " dette publique
invisible ".
Si la structure et l'évolution du bilan de l'Etat peuvent être
appréhendées et contrôlées de façon
objective,
le " hors-bilan "
, quant à lui,
fait
l'objet d'une grande imprécision
, empêchant les citoyens de
connaître précisément la situation financière exacte
de l'Etat.
Cette situation, dont votre commission ne peut que s'inquiéter, a
également été dénoncée par
l'Assemblée nationale. Le groupe de travail, qu'elle avait
constitué à l'initiative, et sous la présidence de
M. Laurent Fabius, sur l'efficacité de la dépense publique
et le contrôle parlementaire, estime, dans son rapport
15(
*
)
, que la dette est
" sous-évaluée "
, l'Etat pratiquant
" une
politique de provisionnement minimal
, alors que le
principe de sincérité budgétaire milite pour
qu'apparaissent, à la lecture du bilan de l'Etat, les causes
d'éventuels déséquilibres futurs ".
En effet, le gouvernement apprécie actuellement le
" hors-bilan " d'une manière extrêmement restrictive, ne
s'en tenant qu'à une simple définition juridique.
D'après des informations fournies à votre rapporteur
général, le gouvernement ne prend en compte que la notion de
dette garantie par l'Etat inscrite aux sous-comptes 801 (emprunts
intérieurs) et 802 (emprunts extérieurs) de la
comptabilité de l'Etat, qui est publiée chaque année au
compte de la dette publique.
Il s'agit ainsi des seuls engagements de sociétés
françaises, entreprises nationales, collectivités et
établissements publics bénéficiant de la garantie de
l'Etat, ce dernier s'étant engagé, dans l'hypothèse d'une
défaillance du débiteur, à effectuer lui-même le
règlement.
Au 31 décembre 1998, cette dette inscrite " hors-bilan "
s'élevait à 311,54 milliards de francs
, soit
263,23 milliards de francs d'emprunts intérieurs, et 48,31
milliards de francs d'emprunts extérieurs.
Or ces chiffres ne recouvrent pas toute la dette garantie implicitement.
En effet, dans une réponse à une question écrite
16(
*
)
, le gouvernement estimait pour 1997 à
439,19 milliards de francs
la dette financière nette des
entreprises nationales et des groupes publics.
Cette dette est particulièrement concentrée, les trois principaux
détenteurs représentant à eux seuls 77,5 % de l'encours
total. La dette financière de RFF
17(
*
)
s'élève à 148,96 milliards de francs, celle d'EDF à
130,72 milliards de francs, et celle de la SNCF à 60,85 milliards
de francs. Suivent les Charbonnages de France pour 31,9 milliards de
francs, et la RATP pour 27,7 milliards de francs.
De plus, les réalités que ce " hors-bilan " recouvre
sont très disparates, et souvent difficiles à quantifier
précisément.
Au-delà de la question des retraites évoquée ci-dessus,
quelques chiffres sont riches d'enseignements sur l'ampleur des besoins de
financement.
Ainsi, le coût des structures de défaisance
représenterait-il 2 points de PIB
18(
*
)
.
En outre, les garanties de l'Etat pour les prêts au logement
représenteraient 2 à 4 % de PIB. Enfin, selon la Cour des
comptes, les provisions pour le démantèlement des centrales
nucléaires peuvent être chiffrées à 102 milliards de
francs. Or à la fin de 1997, les provisions inscrites s'élevaient
à 40,8 milliards de francs.
La prise en compte du " hors-bilan " a de lourdes
conséquences budgétaires, qu'il est difficile de chiffrer avec
précision, mais qui peuvent être évaluées, en
intégrant la dette implicite des régimes de retraite par
répartition, à des centaines, voire des milliers de milliards de
francs...
Ainsi, selon un chiffrage réalisé en 1993 par l'OCDE, le montant
de la " dette publique invisible " de la France serait de 216 %
du PIB de 1990, contre 157 % pour l'Allemagne, 156 % pour le
Royaume-Uni, et 89 % pour les États-Unis.
Le fonds de réserve pour les retraites, une coquille vide déjà ponctionnée
Une coquille vide sans mission ni ressources
Créé au sein du Fonds de solidarité vieillesse par
l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1999, il devait permettre de préparer l'avenir des régimes de
retraite par répartition. Cependant, dix mois après sa naissance,
il ne dispose ni de ressources précises, ni de missions
déterminées. Sa création avait d'ailleurs fait l'objet de
commentaires critiques de la part de vos commissions des affaires sociales et
des finances.
Les missions du fonds de réserve ne sont pas indiquées dans la
loi. Celle-ci dispose seulement que le fonds est créé au
bénéfice de la branche vieillesse du régime
général et des régimes alignés. Deux options sont
théoriquement possibles : le fonds de réserve peut avoir
pour but, soit de lisser simplement l'augmentation future des cotisations
d'assurance vieillesse, soit d'engendrer des revenus suffisants pour minorer
durablement le niveau futur des cotisations.
Dans le premier cas, le montant
visé s'exprime en centaines de milliards de francs. Dans le second cas,
il s'exprime en milliers de milliards de francs.
Par ailleurs, rien aujourd'hui n'est connu des modalités de gestion du
fonds. Or les sommes en cause seront considérables.
Ont par ailleurs été mises en cause les modalités de
financement particulièrement complexes du fonds et les incertitudes qui
pèsent sur les sommes effectivement disponibles.
Le Gouvernement avait indiqué qu'il affecterait au fonds 2 milliards de
francs en 1999 au titre des excédents de la C3S. Cependant, du fait de
la non parution des décrets d'application, rien n'est encore
réalisé.
A ces excédents pourraient s'ajouter trois à quatre milliards de
francs provenant toujours de la C3S ainsi que 4 milliards de francs issus du
produit de la souscription des parts sociales des caisses d'épargne
ainsi que l'excédent de la branche vieillesse du régime
général, soit environ trois milliards de francs.
Ce fonds devrait donc atteindre en 2000 un montant d'une quinzaine de milliards
de francs, soit à peine 0,16 % du PIB. Le Programme pluriannuel de
finances publiques de décembre 1998 prévoyait qu'à
l'horizon 2002 l'actif du fonds de réserve des retraites
s'établirait à 0,8 % du PIB avec une hypothèse de
croissance économique à 2,5 % et à 1,6 % avec
une hypothèse de croissance économique à 3 %.
Or, Jean-Michel Charpin, Commissaire général au Plan,
évalue les sommes nécessaires à " au moins trois
points de PIB " en cas de fonds de lissage et à " au moins dix
points de PIB " pour un apport permanent de revenus. Il faudrait donc une
dotation entre 18 et 62 fois plus importante que celle qui nous est
proposée pour 2000. A plus long terme, l'OCDE estime que les pensions de
la période 1994-2070 ne sont pas financées à hauteur de
100 % du PIB de 1994 et pour l'ensemble du siècle prochain on peut
évaluer l'impasse financière des retraites à une somme
comprise entre 50 et 300 % du PIB de 1998.
L'actif du fonds est
manifestement hors de proportion avec les montants nécessaires.
Votre commission des finances estime par ailleurs que plutôt que de
créer un fonds de réserve pour provisionner ces engagements de
hors-bilan de l'Etat, le gouvernement aurait dû procéder
directement au désendettement de l'Etat et de la Sécurité
sociale (CADES) : cette solution aurait été
équivalente d'un point de vue économique et aurait
évité la bureaucratisation et l'étatisme qui
président à l'instauration de ce fonds.
Ainsi, appelé à se prononcer dans l'urgence, le Parlement a
entériné la création d'un fonds dont, dix mois
après, il ne connaît ni la mission exacte, ni le mode de
fonctionnement, ni les moyens qui lui seront affectés. Il semble relever
d'une volonté d'affichage qui, elle, ne débouche aujourd'hui sur
rien : le fonds de réserve est purement virtuel. Les
problèmes eux ne le sont pas.
Un fonds de réserve déjà privé de ses
réserves
L'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 organise l'affectation des excédents de la CNAVTS au
fonds de réserve
19(
*
)
.
Il indique que seront transférés au fonds les excédents de
tous les régimes dont la CNAVTS a la gestion. Pour l'an prochain, il
devrait donc recevoir à ce titre : les excédents de l'exercice
comptable de la CNAVTS pour 1999 soit 4,396 milliards de francs et une
provision de 2,9 milliards de francs à valoir sur les excédents
de l'exercice 2000.
Or, malgré les multiples possibilités d'abondement existant, le
gouvernement a fait l'impasse sur plus de 19 milliards de francs de recettes
potentielles résultant des excédents constatés de la C3S,
de ceux du FSV et de ceux des régimes sociaux. Cette impasse est le
fruit de mesures nouvelles qui viennent diminuer l'excédent
prévisionnel, du prélèvement d'un milliard de francs en
loi de finances pour le BAPSA sur les excédents de la C3S, et du mode de
financement des 35 heures qui diminue les ressources des " droits sur les
alcools " du FSV.
Sans avoir encore reçu le moindre franc, le fonds de réserve
est donc déjà ponctionné ! De tels choix en faveur
des 35 heures et de la hausse des dépenses sociales, plutôt que
celui du fonds de réserve montre que ce dernier semble bien relever
surtout de l'affichage politique.
III. UNE POLITIQUE DES DÉPENSES PUBLIQUES MARQUÉE PAR LA PASSIVITÉ
Le gouvernement semble, en matière de dépenses publiques se parer des attributs de la vertu en affichant pour 2000 un objectif de progression limité à 0,9 % soit une stabilisation en volume. L'examen attentif des différents postes de dépenses conduit néanmoins à s'interroger sur la soutenabilité et les modalités de réalisation d'un tel objectif.
A. 15 MILLIARDS DE FRANCS DE DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES EN 2000
1. Des dépenses stabilisées en volume
Le
gouvernement souligne dans son exposé des motifs que l'exercice 2000 est
marqué notamment, par
" une progression des dépenses
(+ 15 milliards de francs) égale à l'augmentation
prévisionnelle des prix hors tabac (+0,9 %) ".
Par conséquent, l'objectif du gouvernement est de stabiliser les
dépenses publiques en volume.
Votre commission ne peut que se réjouir d'être, enfin, entendue
par le gouvernement. Dans son rapport relatif au débat d'orientation
budgétaire pour 2000
20(
*
)
, votre
rapporteur général écrivait à ce propos :
" il convient impérativement d'encadrer la progression de la
dépense publique en la stabilisant en volume, c'est-à-dire en
francs constants ".
Elle constate ainsi que
la stabilisation des dépenses publiques est
ainsi tout à fait possible
, ainsi qu'elle l'affirme depuis trois ans.
Il convient toutefois de préciser que cette stabilisation est
facilitée par la bonne conjoncture économique et par
l'allégement du poids des charges de la dette, qui induisent autant
d'économies de constatation mais également par la
réduction arbitraire des crédits d'investissement militaire.
En fait, un tel contexte aurait dû permettre, non pas seulement de
stabiliser le niveau des dépenses publiques en volume, mais
également d'envisager leur réduction en volume, comme cela avait
été réalisé en 1997.
Source : Cour des Comptes
2. L'évolution des dépenses dans le projet de loi de finances
a) 17,5 milliards de francs de dépenses supplémentaires hors dette
À
structure constante,
les dépenses du budget général
vont passer de 1.670,56 milliards de francs en 1999 à
1.685,53 milliards de francs en 2000
. Cette progression de
15 milliards de francs correspond, en effet, à une hausse de
0,9 %, soit le taux d'inflation prévue pour 2000. Elle est
même de 17,5 milliards de francs hors dette.
Après prise en compte du solde des comptes spéciaux du
Trésor, qui était de - 3,11 milliards de francs en 1999 et qui
devrait s'établir à - 3 milliards de francs en 2000,
les charges budgétaires s'élèveront à
1.682,53 milliards de francs en 2000, contre 1.667,45 milliards de francs
en 1999, soit une progression de 0,9 %.
Le tableau ci-dessous retrace l'évolution, à structure constante,
des dépenses entre 1999 et 2000 :
Il apparaît que l'évolution des dépenses par titre, présentée dans le tableau ci-après, reflète avant tout une augmentation des dépenses de fonctionnement très supérieure à la hausse moyenne des dépenses du budget général (+ 2,8 % pour les dépenses civiles du titre III), tandis que les dépenses d'investissement sont stables en francs courants, voire en diminution s'agissant des dépenses d'investissement militaires (- 3,6 % pour les dépenses militaires des titres V et VI).
Dépenses du budget général
Source : Ministère de l'Economie
b) Des modifications importantes du périmètre du budget de l'Etat
Le projet de loi de finances pour 2000 modifie de manière considérable le périmètre du budget de l'Etat, comme le montre le tableau ci-après 21( * ) :
Présentation des modifications de périmètres en PLF 2000 par ministère
(en millions de francs)
Ces modifications engendrent une réduction nette de 24,9 milliards de
francs des dépenses prises en charge par le budget de l'Etat.
Elles résultent de
quatre opérations
de nature
différente :
•
La budgétisation, à hauteur de 8,58 milliards de
francs, de dépenses de rémunérations et de pensions
assurées, jusqu'à présent, par des fonds de concours.
Cette réintégration de crédits au sein du budget de l'Etat
est consécutive à deux décisions
22(
*
)
du Conseil constitutionnel.
Le projet de loi de finances pour 2000 réalise ainsi la
budgétisation de 39 nouveaux fonds de concours, les crédits
correspondants étant inscrits aux budgets suivants : 2.017 millions
de francs sur le budget de l'économie, des finances et de l'industrie,
26 millions de francs sur le budget de la recherche et technologie, 60 millions
de francs sur le budget de l'intérieur, et 21 millions de francs sur le
budget de l'agriculture.
En outre, le présent projet de loi prévoit la suppression du
fonds de concours finançant les pensions que l'Etat verse aux agents de
divers établissements publics, tels que le CNRS
23(
*
)
, l'INSERM
24(
*
)
,
l'INRA
25(
*
)
... Le budget des charges communes se
trouve ainsi abondé à hauteur de 5.026 millions de francs.
Sont également réintégrés au sein du budget de
l'Etat les crédits liés aux activités d'ingénierie
publique des agents des services déconcentrés du ministère
de l'équipement d'une part, à hauteur de 948 millions de francs,
et de celui de l'agriculture d'autre part, pour 481 millions de francs.
•
La suppression de quatre comptes d'affectation spéciale
à compter du 31 décembre 1999, pour des crédits
s'établissant à 1.104 millions de francs.
Il s'agit des comptes d'affectation spéciale n° 902-01 " Fonds
forestier national ", n° 902-13 " Fonds de secours aux victimes
de sinistres et calamités ", n° 902-16 " Fonds national
du livre ", et n° 902-22 " Fonds pour l'aménagement de
l'Ile de France ".
•
La compensation, sous forme de dotations budgétaires, de
mesures de suppression ou d'abaissement de taxes, à hauteur de
4.858 millions de francs.
Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) feront l'objet
d'une nouvelle réduction, qui sera compensée par l'Etat aux
collectivités territoriales sous forme de dotation budgétaire
d'un montant de 4.604 millions de francs.
En outre, l'Etat compensera la suppression de taxes parafiscales auxquelles
étaient assujetties diverses filières professionnelles et qui
étaient destinées à financer des centres techniques
industriels ou des instituts de recherche. Le coût de cette compensation
sera de 254 millions de francs.
•
Des transferts budgétaires massifs entre l'Etat et la
sécurité sociale, pour un montant de 39,5 milliards de francs.
Afin de financer les allégements de charges sociales existants, ainsi
que ceux prévus par la seconde loi sur les " 35 heures ",
l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 prévoit la création d'un fonds de financement
de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale.
Le présent projet de loi de finances se propose ainsi de
transférer à ce fonds les crédits correspondant au
financement de la " ristourne dégressive " à hauteur de
39,5 milliards de francs.
B. UNE LISIBILITÉ ALTÉRÉE PAR DES TRANSFERTS MASSIFS
1. Vers un démantèlement du budget de l'Etat ?
a) Le budget de l'Etat : la " partie d'un tout "
Les
transferts budgétaires massifs affectant le budget de l'Etat sont
à l'origine d'interrogations profondes quant à la
sincérité du projet de loi de finances pour 2000.
En effet, ces transferts nuisent considérablement à la
lisibilité et à l'intelligibilité du projet de budget,
dont l' " ingéniosité " consiste à afficher
des baisses d'impôts dans le projet de loi de finances, alors que
l'alourdissement des prélèvements, et même la
création d'impositions nouvelles, sont prévus par le projet de
loi de financement de la sécurité sociale.
Désormais, une vue exhaustive des comptes publics nécessitera de
prendre en considération le budget de l'Etat, mais également la
loi de financement de la sécurité sociale.
Votre commission s'interroge par ailleurs sur la compatibilité de
cette situation avec le principe d'universalité budgétaire, qui
est pourtant un des principes de base du droit budgétaire
français.
b) Un motif difficilement acceptable : le financement des " 35 heures "
L'atteinte qui est ainsi portée par le présent
projet
de loi de finances au principe de l'universalité budgétaire
résulte, en grande partie, du dispositif arrêté par le
gouvernement, afin de financer la réduction autoritaire du temps de
travail.
Or, votre commission juge difficilement acceptable tant cette
décision arbitraire du gouvernement qui nuit par ailleurs gravement au
bon fonctionnement du paritarisme, que ses modalités de financement, qui
l'assimilent à une véritable " usine à gaz ",
difficilement compréhensible même par les spécialistes...
Il fait en effet intervenir pas moins de six sources de financement
, pour
un coût total évalué à environ 65 milliards de
francs en 2000
26(
*
)
, et 110 milliards de
francs à partir de 2002 :
- l'affectation d'une partie du produit du droit de consommation sur les tabacs
manufacturés ;
- le produit de la nouvelle contribution sociale sur les entreprises
27(
*
)
;
- le produit de l'extension de l'assiette de la taxe générale sur
les activités polluantes (TGAP) ;
- une contribution du budget de l'emploi ;
- le produit de la taxation des heures supplémentaires prévue par
la " seconde loi sur les 35 heures ", et initialement destinée
à constituer une réserve de trésorerie ;
- et enfin l'affectation d'une partie du produit des droits sur les alcools.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le gouvernement avait initialement
prévu de faire supporter aux organismes sociaux une contribution
financière, dont le montant n'était pas déterminé,
et qui a provoqué l'hostilité générale et
légitime des partenaires sociaux.
Le financement des 35 heures, qui n'était pas assuré à
terme, ne semble pas l'être davantage aujourd'hui.
Le gouvernement a
en effet dû présenter un dispositif complémentaire qui,
désormais, propose d'affecter au fonds de financement des
allégements de charges sociales une partie du produit des droits sur les
alcools, aujourd'hui affectés au fonds de solidarité vieillesse
et à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS), ainsi que le produit de la taxation des heures
supplémentaires.
Cette solution retenue par le gouvernement consiste donc, aux prix d'une
étonnante alchimie à ne plus mettre les organismes sociaux
à contribution, mais à les priver d'une partie de leurs
ressources !
2. Le " trouble " de l'Assemblée nationale
Le rapporteur général de l'Assemblée nationale a tenu à saluer " l'ingéniosité du dispositif " proposé par le gouvernement pour financer les " 35 heures ", à moins qu'il ne s'agisse plutôt d'une manière d'exprimer l'ironie que ne manque pas de susciter une telle " usine à gaz " au sein même de la majorité gouvernementale.
" Un certain trouble au sein de la commission "
Le 30
septembre 1999, à l'occasion de l'audition de M. Christian Sautter, le
rapporteur général, M. Didier Migaud, estimait ainsi que
" les modifications structurelles proposées tant pour le budget
de l'Etat que pour les comptes sociaux
avaient éveillé un
certain trouble au sein de la commission
".
Votre commission partage ce trouble, renforcé par la
difficulté d'arriver à déterminer le ministre
compétent, sur le fond, pour expliquer ce dispositif.
Ainsi, à propos d'une question sur la TGAP posée au
secrétaire d'Etat au budget, ce dernier a répondu que
" c'est la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui, au nom
du gouvernement tout entier, soutiendra la discussion de ces dispositions
[par conséquent, celle de la TGAP]
devant le
Parlement ".
Pourtant, le même compte-rendu indique que
" Mme Nicole Bricq a
rappelé que Mme Martine Aubry, entendue le matin même par la
commission, s'était, à sa grande surprise, déclarée
incompétente s'agissant des dispositions fiscales de la loi de
financement ".
Et Mme Nicole Bricq de conclure par un
euphémisme :
" il y a un indéniable défaut
d'articulation entre les deux ministères concernés et entre les
deux textes ".
Enfin, le rapporteur général de l'Assemblée nationale,
avait relevé la différence d'appellation dans le projet de loi de
finances et dans le projet de loi de financement du fonds destiné
à financer les allégements de charges sociales.
D'ailleurs, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a
lui-même reconnu le problème en déclarant à
l'Assemblée nationale lors de la discussion
générale :
" Le rapporteur général a
souligné également le problème de lisibilité que
pose l'existence d'un projet de loi de finances et d'un projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Il a raison. Nous pouvons
nous efforcer de rendre les choses plus lisibles. M. Migaud a d'ailleurs
fait des propositions en ce sens dans son rapport ".
C. UNE INERTIE FORTE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT
1. Des priorités gouvernementales coûteuses
a) Les priorités pour 2000
Rappelant que l'accroissement des dépenses du budget
général serait de 0,9 % en 2000, soit une augmentation
identique à la hausse des prix attendue, le gouvernement présente
les secteurs prioritaires du projet de budget, dont la progression sera plus
rapide que la moyenne :
- la ville : + 26,3 % ;
- l'environnement et l'aménagement du territoire : +
8,1 % ;
- l'audiovisuel public : + 4,8 % ;
- l'emploi et la solidarité : + 4,3 % ;
- la justice : + 3,9 % ;
- l'éducation : + 3,3 % ;
- la sécurité publique : + 3 % ;
- la culture : + 2,1 %.
Or, l'affichage de ces budgets déclarés prioritaires dissimule
cependant mal les vraies priorités budgétaires du gouvernement,
qui concernent notamment les rémunérations des fonctionnaires. Il
est vrai, sur ce point, qu'il lui faudrait procéder aux
nécessaires réformes de structure, seules en mesure de
réduire le poids de la sphère publique et que celles-ci ne
semblent pas constituer, du moins jusqu'en 2002, sa priorité.
b) Une montée en charge budgétaire progressive
Les
priorités du gouvernement
, telles qu'elles ressortent des
crédits budgétaires effectivement inscrits dans le projet de loi
de finances,
sont coûteuses et
leur montée en charge
très progressive accroîtra leur coût année
après année.
Deux dispositifs illustrent le poids budgétaire croissant de la
politique du gouvernement.
•
Les emplois jeunes
Le chapitre 44-01 " Programme nouveaux services - nouveaux emplois "
du budget de l'emploi comporte pour 2000 des crédits à hauteur de
21,34 milliards de francs
, soit une
augmentation de
53,3 %
par rapport à 1999 (13,92 milliards de francs).
Coût budgétaire des emplois-jeunes dans le
projet de loi de finances pour 2000
Budget |
Montant
|
Emploi |
21.340 |
Enseignement scolaire |
1.100 |
Outre-mer |
615,5
|
Intérieur |
698,8 |
TOTAL |
23.934,3 |
Or
ceux-ci auront, lorsque l'objectif des 350.000 emplois-jeunes affiché
par le gouvernement sera atteint en principe à la fin 2000, un
coût en année pleine de plus de 33 milliards de francs !
A ce titre, la Commission européenne a exprimé son scepticisme
quant à la pertinence de ce dispositif, que la France a
présenté comme une " bonne pratique " au titre de la
mise en oeuvre de son plan national d'action pour l'emploi (PNAE). Elle
écrit ainsi dans son rapport sur l'emploi que les emplois-jeunes
" ont contribué au recul du chômage des jeunes en
1998 "
, mais que
" la survie de ces postes, une fois qu'aura
pris fin le soutien financier des pouvoirs publics, dépendra de la
capacité du programme à générer des emplois
économiquement viables ".
Votre commission doute en effet fortement de cette capacité.
•
Les " 35 heures "
Le financement du passage aux 35 heures n'est pas assuré et l'essentiel
de son coût n'est pas retracé au budget de l'Etat.
Les crédits inscrits au budget de l'emploi au titre de la loi du 13 juin
1998 s'élèvent à
10,6 milliards de francs
sur
trois années : 2,8 milliards de francs en 1998, 3,5 milliards de
francs en 1999 et 4,3 milliards de francs en 2000.
Or, il apparaît que des reports de crédits non consommés en
1999 devraient permettre de financer des accords signés après le
30 juin 1999. En effet, alors que ces crédits devraient être
utilisés pour financer les aides accordées aux entreprises sur la
base des accords signés avant le 30 juin 1999, seuls 600 millions de
francs restent théoriquement disponibles pour financer les accords, qui
seraient conclus après le 30 juin 1999.
Par ailleurs, eu égard aux incertitudes du financement des 35 heures, il
est à craindre que le budget de l'emploi ne soit sollicité.
Cette préoccupation est d'ailleurs partagée par le rapporteur
général de la commission des finances de l'Assemblée
nationale. Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2000, il
relevait en effet :
" Une affectation de recettes peut procurer au
service gestionnaire la certitude de disposer de ressources pour des actions
déterminées. Elle fait peser un risque sur le niveau de la
dépense quand la ressource vient à se tarir progressivement. On
redécouvre alors les vertus de la " solidarité
budgétaire " que représente le budget
général ".
2. Quelle maîtrise des dépenses de la fonction publique ?
a) Une augmentation continue
Faute de
réforme structurelle, les dépenses de la fonction publique
continueront de croître en raison du caractère largement
automatique de leur progression, de sorte que les ressources du budget de
l'Etat seront de plus en plus mobilisées pour financer des
dépenses de personnel. Cela accentue encore son inertie et
réduit, dans le même temps, ses marges de manoeuvre.
Dans le présent projet de loi de finances, l'ensemble des principales
composantes des dépenses de fonction publique du budget
général progressent de
3,4 %
par rapport à la
loi de finances pour 1999, soit 22,5 milliards de francs
supplémentaires alors que l'ensemble des dépenses du budget
général n'augmentera que de 0,9 % en 2000.
Elles
s'élèvent donc à 675 milliards de francs, soit
40,05 % du budget de l'Etat.
Il convient par ailleurs de noter que les dépenses de pension
connaissent la progression la plus importante, soit 6,8 %, et atteignent
près de 200 milliards de francs, comme le montre le tableau
ci-après.
On doit donc se féliciter de ce que le " jaune
budgétaire " sur les rémunérations publiques
intègre désormais, à l'initiative de votre commission des
finances, des développements sur l'évolution de cette
catégorie de dépenses.
Évolution des charges de personnel du budget général
(En milliards de francs)
|
LFI 1999 |
PLF 2000 |
Variation en % |
Rémunérations d'activité
|
316,6
|
326,9
|
3,3
%
|
Pensions
|
126,3
|
137,3
|
8,7
%
|
Cotisations et prestations sociales
|
73,2
|
71,8
|
-1,8
%
|
Total
des charges de personnel
|
516,1
|
536,1
|
3,9
%
|
Votre
commission éprouve de
vives inquiétudes quant à
l'évolution
de ces dépenses au regard du
caractère
largement automatique de leur progression
, qui est principalement due :
- à l'effet de report, en 2000, des mesures 1999 de
l'accord salarial
du 10 février 1998
, qui induit un
surcoût de 8,5 milliards
de francs
;
- aux mesures catégorielles
autres que celles résultant de
l'accord salarial :
2,6 milliards de francs
, dont 1,2 milliard
de francs au titre des plans de revalorisation de la fonction enseignante ;
- à la dérive spontanée des dépenses de
pensions : 4,9 milliards de francs ;
- au GVT solde : 2,5 milliards de francs.
Soit 18,5 milliards de francs supplémentaires, alors que les
dépenses du budget général augmenteront de 15 milliards de
francs en 2000 et cela sans évoquer les éventuels coûts
induits par la mise en place dans la fonction publique des
" 35 heures ".
Cette progression des dépenses traduit la très forte inertie
des dépenses de rémunération de la fonction publique,
ce dont le gouvernement est conscient même s'il tarde à passer
des intentions aux faits. Ainsi, il indiquait en réponse à une
question posée par votre commission que
" en raison du poids
qu'elles représentent dans le budget de l'Etat (plus de 40 % des
dépenses), les dépenses de rémunération constituent
un enjeu majeur dans la maîtrise des finances publiques dans les
années à venir ".
Les dépenses induites de la fonction publique
Par
ailleurs, la fonction publique de l'Etat " induit " des
dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées
aux fonctionnaires.
Si l'on intègre les dépenses induites (subventions à
l'enseignement privé, pensions des anciens combattants et charges de
personnel du budget de l'aviation civile)
ces dépenses sont, en 1999,
de 733 milliards de francs
dans leur ensemble (y compris les
rebudgétisations de fonds de concours : 7 milliards de francs
pour les rémunérations, 170 millions de francs pour les charges
sociales, et 14,8 milliards de francs pour les pensions), soit
712 milliards de francs hors rebudgétisations.
En 1998,
elles étaient de 691 milliards de francs, soit une
progression,
hors rebudgétisations, de plus de 3 %.
Près de 92 % des dépenses induites par la fonction publique sont
indexées sur la valeur du point. Ainsi, une revalorisation de 1 % du
point fonction publique engendre-t-elle un coût de l'ordre de 6,7
milliards de francs pour le budget de l'Etat.
b) L'accroissement du nombre de fonctionnaires
Depuis 1990, le nombre d'emplois budgétaires a
progressé de manière significative.
Le rapport sur les rémunérations de la fonction publique,
déposé à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour
1999 indique qu'
" à structure constante, le nombre d'emplois
budgétaires s'est accru entre 1990 et 1998 de 39.400 sur les budgets
civils ".
Évolution des emplois budgétaires dans la fonction publique de
l'Etat
En 1999,
le gouvernement avait affiché un solde nul : 2.358 créations
d'emplois civils, pour autant de suppressions.
En 2000, le nombre de fonctionnaires civils de l'Etat croîtra de 247
puisque 9.064 emplois sont supprimés mais 9.311 sont créés.
Enfin, les plus grandes incertitudes demeurent sur l'avenir des emplois
jeunes :
il est à craindre qu'une part importante des actuels
emplois jeunes ne soit finalement intégrée dans le fonction
publique, ce qui accroîtra le nombre de fonctionnaires et, par
conséquent, les dépenses du budget général.
c) " L'explosion programmée " du coût des pensions
La
question du financement des retraites des fonctionnaires de l'Etat va se
poser rapidement.
L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de
l'Etat et des militaires a déjà été très
rapide : de 1990 à 2000, ce montant est passé, en francs
constants, de 118,4 milliards de francs à 192,2 milliards de francs,
soit une
progression de 62,3 %.
Or, les évolutions démographiques sont très
préoccupantes eu égard à leurs incidences
budgétaires.
D'ici à 2010, plus de 40 % des
fonctionnaires partiront à la retraite, ce qui accroîtra d'autant
le coût des dépenses de pensions pour les années à
venir :
elles devraient s'élever, d'après les
informations communiquées par le gouvernement, à 218 milliards de
francs en 2005, 269,3 milliards de francs en 2010 et 325,3 milliards de
francs en 2015.
Votre commission estime donc qu'il faut saisir cette opportunité pour
réduire le nombre de fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat moins
lourd mais plus efficace : il faut en effet dépenser mieux.
L'attentisme actuel du gouvernement risque de n'aboutir qu'à des
réformes brutales, et donc bien plus douloureuses pour les actifs comme
pour les retraités.
D. LA DÉTÉRIORATION DE LA STRUCTURE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE
1. Un constat déjà dressé par la Cour des comptes
Les chiffres de l'exécution budgétaire en 1998, premier exercice complet du gouvernement actuel, constituent un premier point de comparaison avec les résultats des gouvernements précédents.
Évolution des dépenses du budget général
(en milliards de francs)
A la
lumière de ces éléments, il apparaît que la gestion
de 1998 a été marquée par l'interruption du mouvement de
maîtrise des dépenses de fonctionnement de l'Etat, une diminution
des dépenses d'intervention et une baisse importante de l'effort
d'investissement.
Ce constat rejoint les observations faites par la Cour des comptes sur
l'exécution des lois de finances pour 1998 et confirmées encore
récemment.
Ainsi, dans un courrier daté du 9 juillet 1999 et adressé au
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au
secrétaire d'Etat au budget, le Premier président de la Cour des
comptes note :
" Par ailleurs, l'analyse de la Cour sur la
rigidité croissante du budget de l'Etat, où la part des
dépenses de personnel augmente et celle des investissements diminue, est
difficilement contestable ".
En effet, en 1998, les dépenses nettes du titre III s'établissent
à 767 milliards de francs, dont 657,5 milliards de francs pour
les services civils, soit une progression de 3,7 %, et
109,5 milliards de francs pour les services militaires, en hausse de 3,1
%. La Cour constate que, après une croissance modérée en
1997 de 2,8 % les dépenses de personnel augmentent de 3,05 %
pour les services civils et, surtout, de 6,27 % pour le ministère
de la défense. Ainsi, en 1998, les dépenses de
rémunérations se sont-elles établies à
643 milliards de francs ; 560,1 milliards de francs pour les
budgets civils et 82,9 milliards pour le budget de la défense, soit une
progression globale de 3,9 %, supérieure à celle de 1997.
En revanche, les dépenses en capital, qui préparent l'avenir,
diminuent.
La Cour des comptes écrit à ce
propos :
" Poursuivant le mouvement engagé en 1997,
les crédits d'investissement ouverts dans la loi de finances initiale
pour 1998 ont été en baisse sensible, - 4,6 %, de même que
les crédits disponibles (- 3,1 %) et les dépenses nettes en
capital (- 5,2 %) ".
Les autorisations de programme ouvertes par la loi de finances pour 1998 se
sont élevés à 152,7 milliards de francs, en baisse de 15,7
% par rapport à 1997. Les autorisations de programme civiles se sont
élevées à 71,7 milliards de francs, soit environ 47 %
du total, en forte baisse, de - 22,3 % ; celles des services
militaires se sont établies à 81 milliards de francs, en baisse
de 8,7 %.
Les crédits de paiement des services civils et militaires diminuent
respectivement, de 7,1 % et de 22,3 %.
2. Aucune amélioration en loi de finances pour 2000
Les exercices 1999 et 2000 devraient confirmer les tendances observées en 1998 :
Évolution des dépenses du budget général entre 1999 et 2000
(en milliards de francs)
La
rigidification de la structure de la dépense publique provient de deux
facteurs :
La progression continue de la part des dépenses de fonctionnement
dans le budget général.
Dans le projet de loi de finances pour 2000, les dépenses de
fonctionnement du titre III progressent de 2,6 %. Cette augmentation
résulte en partie du coût de l'accord salarial dans la fonction
publique du 10 février 1998 de sorte que l
es dépenses de
personnel absorbent l'essentiel des marges de manoeuvre budgétaires
et limitent les possibilités de redéploiement de la
dépense publique.
La
baisse de l'effort d'investissement, qui se poursuit en 2000.
L'ajustement porte essentiellement sur l'équipement militaire, en baisse
de 4 milliards de francs. Cette réduction s'ajoute aux
4 milliards de francs annulés sur l'exercice 1999 par
l'arrêté du 2 septembre 1999.
L'effort d'investissement de l'Etat ne se limite cependant pas aux
crédits inscrits aux titres V et VI. Il convient en effet d'y ajouter
les moyens des comptes spéciaux du Trésor, et notamment des
comptes d'affectation spéciale
dont les crédits en capital
s'élèvent à 22 milliards de francs dans le projet de
loi de finances pour 2000 et auxquels la Cour des comptes reproche d'ailleurs
de financer "
trop souvent des opérations similaires voire
identiques à celles du budget général
", donc de
permettre la
débudgétisation
de certaines dépenses.
En outre, il apparaît, d'après la Cour, que les crédits de
certains comptes, censés constituer des dépenses
d'investissement, servent en fait à financer des dépenses de
fonctionnement. Il en est ainsi, par exemple, de certaines dépenses
financées par le fonds d'investissement des transports terrestres et des
voies navigables (FITTVN).
IV. DES RECETTES EXTRÊMEMENT DYNAMIQUES
A. UNE CROISSANCE DES RECETTES POUR 1999 AU DELÀ DES ESPÉRANCES DU GOUVERNEMENT
1. Un " léger dépassement " des prévisions de la loi de finances initiale, selon le gouvernement
La loi
de finances pour 1999 prévoyait une augmentation des recettes totales du
budget de l'Etat de 46,8 milliards de francs, hors
rebudgétisations, soit une progression de 3,4 % par rapport aux
estimations révisées de 1998, dont 4,2 % d'augmentation pour
les recettes fiscales nettes. Cette anticipation était fondée sur
une prévision de croissance de l'économie française
estimée à 3,8 % en valeur, soit 2,7 % en volume et
1,1 % en évolution des prix du PIB (1,3 % pour les prix
à la consommation).
Selon les évaluations révisées, les recettes nettes
totales du budget général
28(
*
)
s'élèveraient à 1.436,7 milliards de francs en 1999,
soit seulement 6 milliards de francs de mieux que les prévisions de
recettes de la loi de finances.
Les révisions de recettes pour 1999
Les
recettes fiscales brutes
augmenteraient de 19 milliards de francs par
rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette plus-value
serait ramenée à 6 milliards de francs après les
remboursements et dégrèvements d'impôts.
Les principales hausses de recettes fiscales par rapport aux estimations
sont les suivantes
:
- impôt sur les sociétés (net) : + 19,6 milliards de
francs
- impôt sur le revenu : + 3,2 milliards de francs
- TIPP : + 2 milliards de francs
- autres impôts d'Etat : +1,3 milliard de francs
Les moins-values de recettes fiscales par rapport aux estimations
concernent essentiellement :
- TVA (nette) : - 7 milliards de francs
- enregistrement : - 4,4 milliards de francs
Les recettes non fiscales hors recettes d'ordre sont revues
légèrement à la baisse :
- 0,9 milliard de
francs
Les prélèvements sur recettes seront un peu moins
élevés que prévus
: - 0,7 milliard de
francs.
2. D'importantes plus-values fiscales en réalité
La
révision des recettes budgétaires pour 1999 est
insatisfaisante
.
Elle laisse à penser que le surplus de recettes
fiscales par rapport aux prévisions serait très faible, alors
même que l'exécution en cours d'année montre de très
bons résultats.
Votre commission a essayé, au vu des exercices antérieurs, de
chiffrer de telles plus-values.
a) Quelques éléments chiffrés d'appréciation
Si l'on reprend les résultats d'exécution des quatre dernières lois de finances (LFI 1995 à LFI 1998), on s'aperçoit que le résultat à fin juillet en termes de recettes fiscales brutes, représente entre 57,2 % et 57,7 % du montant des recettes fiscales brutes totales en fin d'exécution.
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Recettes fiscales brutes à fin juillet en pourcentage des recettes totales |
57,21% |
57,73% |
57,20% |
57,61% |
Ces pourcentages permettent d'anticiper le montant des recettes fiscales brutes en fin d'année 1999, en reprenant le montant des recettes fiscales brutes fin juillet 1999 (1.087.828 millions de francs). On compare ensuite le montant des recettes fiscales brutes ainsi anticipées aux évaluations révisées pour 1999 (1.860.600 millions de francs).
Recettes fiscales brutes en fin d'année et
écart
par rapport aux estimations du gouvernement
|
Hypothèse 1 |
Hypothèse 2 |
Hypothèse 3 |
Hypothèse 4 |
Recettes fiscales brutes en fin d'année |
1 901 567 |
1 884 217 |
1 901 697 |
1 888 252 |
Ecart par rapport aux estimations révisées de 1999 |
40 967 |
23 617 |
41 097 |
27 652 |
Ecart après prise en compte mesures TVA et droits de mutation |
34 967 |
17 617 |
35 097 |
21 652 |
(en
millions de francs). Nb : les hypothèses 1,2,3 et 4 représentent
l'application des pourcentages observés en 1995, 1996, 1997 et 1998.
Si les conditions générales d'exécution de la loi de
finances sont les mêmes que depuis 4 ans, les recettes fiscales brutes
devraient donc être comprises entre 1.884,2 et 1.901,7 milliards de
francs pour 1999.
Comme l'évaluation révisée pour 1999 tient compte de
l'application anticipée des mesures concernant la TVA et les droits de
mutation, pour environ 6 milliards de francs,
on peut penser que les
recettes fiscales brutes sont sous-évaluées de 17,6 milliards de
francs à 35 milliards de francs pour 1999.
Il faut ensuite prendre en compte les remboursements et
dégrèvements d'impôts pour obtenir les recettes fiscales
nettes, qui sont la donnée véritablement significative.
Les remboursements et dégrèvements ont représenté
un pourcentage assez variable des recettes fiscales brutes depuis 1995, avec
une très forte hausse, que l'on pourrait qualifier "d'atypique" en 1998.
Evolution des remboursements et dégrèvements d'impôts depuis 1995
Exécution des lois de finances |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Remboursements et dégrèvements |
222.412 |
260.788 |
265.590 |
316.920 |
en % des recettes fiscales brutes |
14,60% |
16,10% |
15,79% |
17,91% |
Recettes fiscales nettes/recettes fiscales brutes |
85,40% |
83,90% |
84,21% |
82,09% |
(en millions de francs)
Pour 1999, le gouvernement retient un niveau de remboursements et dégrèvements très élevé, sur la même ligne que 1998 (17,2% des recettes brutes). Dans ces conditions, qui minoreraient de manière importante les recettes fiscales brutes du budget général, les recettes fiscales nettes seraient comprises entre 1.560,1 et 1.574,6 milliards de francs en 1999.
Anticipation des recettes fiscales nettes fin 1999
|
Hypothèse "basse" |
Hypothèse "élevée" |
Recettes fiscales brutes |
1 884 217 |
1 901 697 |
Recettes fiscales nettes (hypothèse de remboursements et dégrèvements élevés : 17,2%) |
1 560 132 |
1 574 605 |
(en millions de francs)
Comme le
gouvernement affiche 1.540,9 milliards de francs de recettes fiscales
nettes pour 1999,
soit 1.546,9 milliards avant prise en compte des
mesures TVA et droits de mutation
, on peut estimer que la sous-estimation
des recettes fiscales nettes est comprise entre 14 milliards de francs et
28 milliards de francs. La sous-évaluation pourrait même
dépasser les trente milliards de francs si le rythme des remboursements
et dégrèvements d'impôts n'était pas aussi
élevé que prévu.
Comme le gouvernement a déjà constaté dans ses
évaluations révisées, une plus-value de recettes de
6 milliards de francs non encore affectée, en définitive,
il devrait y avoir au minimum 20 milliards de francs (14+6), voire 34
milliards de francs (28+6), de recettes supplémentaires à
répartir en fin d'année.
29(
*
)
Lors de leur audition devant la commission des finances, les experts de
l'OFCE ont d'ailleurs corroboré cette analyse en indiquant que
"
les prévisions du gouvernement, par leur prudence,
permettaient d'afficher des recettes budgétaires
sous-évaluées pour 1999 et 2000
" ce que le ministre de
l'économie a par ailleurs implicitement confirmé lors de son
audition le 9 novembre par votre commission.
b) Des simulations confirmées par les derniers résultats d'exécution
L'hypothèse d'un surplus important en fin
d'année,
de l'ordre de 20 à 34 milliards de francs, au lieu des
6 milliards de francs annoncés, est largement confirmée par
les derniers résultats de l'exécution budgétaire à
fin septembre.
Au 31 septembre 1999, les recettes nettes du budget
général s'établissaient à 1.149,8 milliards de
francs, soit une hausse de 8,7 % par rapport à 1998. Les recettes
fiscales nettes s'établissaient à 1.193,5 milliards de
francs, en hausse de 9,3 %, ce qui, par extrapolation, permet de penser
que le surplus de recettes sera plutôt proche de la valeur maximale
envisagée à partir des données à fin juillet
(34 milliards de francs).
Dans ces conditions, la baisse du déficit budgétaire attendue
en 2000 (21,2 milliards de francs par rapport à 1999, soit
215,4 milliards de francs) devrait pouvoir être
réalisée dès la fin 1999, si l'on suppose que les autres
données budgétaires sont correctement estimées (recettes
non-fiscales, prélèvements sur recettes).
La sous-évaluation des recettes fiscales pour 1999 pose non seulement la
question de la sincérité des documents budgétaires fournis
au Parlement mais également le problème de la
crédibilité du projet de loi de finances pour 2000. En effet, la
réévaluation des recettes pour 1999 devrait mécaniquement
entraîner celle de 2000.
Les
effets de reports de recettes fiscales d'une année sur l'autre
ou
" l'art " de la gestion budgétaire
Sous le
titre " une évolution des recettes fiscales
inexplicable ? ", votre rapporteur général notait
déjà, dans son rapport pour le débat d'orientation
budgétaire pour 2000, les incohérences relatives aux chiffres de
recettes fournis par le gouvernement.
Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1998, votre
rapporteur s'était interrogé sur la faiblesse des
réévaluations de recettes pour 1998, se demandant
déjà si les estimations révisées ne
présentaient pas une sous-évaluation de plus-values de recettes
fiscales, pourtant visibles en cours d'année.
Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
arguait alors de
" modifications techniques et calendaires "
.
Il invoquait également l'effet de la loi " MUFF " sur
l'impôt sur les sociétés. S'agissant de la TVA, il
expliquait que le dynamisme observé au cours des premiers mois de
l'année 1998, s'agissant des encaissements bruts, devrait être
tempéré par des remboursements et dégrèvements
d'impôts importants en fin d'année, ajoutant que la baisse notable
des importations de marchandises en provenance des pays tiers, constatée
depuis le recouvrement de septembre, devait avoir des incidences importantes en
fin d'année.
Votre rapporteur général estimait ces explications
"
largement insuffisantes pour expliquer que les recettes fiscales
nettes ne progresseraient, en définitive, que de 11 milliards de
francs par rapport à la loi de finances pour 1998 "
. Il
ajoutait "
l'évolution attendue en matière de TVA
paraît improbable
".
Deux explications lui semblaient alors envisageables : ou l'estimation
était effectivement sous-évaluée, ou le ralentissement de
la croissance fin 1998 était tel que les encaissements de TVA se
ralentiraient considérablement.
Les résultats de l'exécution 1998 ont montré que les
recettes fiscales nettes ont progressé encore moins qu'envisagé,
en raison de l'ampleur inattendue des remboursements et
dégrèvements d'impôts, concernant particulièrement
la taxe sur la valeur ajoutée.
Dans son rapport préliminaire sur l'exécution de la loi de
finances pour 1998, la Cour des comptes, observant que les remboursements de
TVA (165,6 milliards de francs) ont progressé de 28% (36,3 milliards de
francs) reconnaît l'absence d'explications plausibles: "
il est
difficile d'expliquer une telle augmentation
" note-t-elle.
En regardant plus précisément l'évolution infra-annuelle
de l'exécution de la loi de finances, force est de constater que les
remboursements de TVA ont été particulièrement
élevés lors des quatre derniers mois de l'année (57
milliards de francs contre 39 milliards de francs en 1997).
Les effets de reports d'une année sur l'autre expliquent en
réalité cette situation.
Comme le note la Cour des comptes "
on peut enfin penser que des
reports ont été effectués en 1997 sur 1998, et qu'à
l'inverse, les remboursements ont été
accélérés en fin d'année 1998
". L'ampleur
de l'augmentation des remboursements et dégrèvements
d'impôts "
exerce à la fois un effet important sur la
progression globale des recettes nettes et sur le résultat final de
l'exécution du budget de 1998
".
L'accélération des remboursements et
dégrèvements d'impôts fin 1998 a permis de minorer les
recettes fiscales nettes et donc le poids des prélèvements
obligatoires de l'Etat
en 1998
: cette conséquence n'est
pas anodine lorsque l'on constate que les prélèvements
obligatoires ont été absolument " stables " en 1998 par
rapport à 1997.
Il faut remarquer, à l'appui de cette analyse, qu'aucune situation
budgétaire mensuelle n'a été publiée fin janvier
1999
: seules les situations au 31 décembre 1998 et au
28 février 1999 sont disponibles. Cette dissimulation confirme
l'hypothèse de reports volontaires importants de recettes fiscales de
1998 sur 1999.
La question est donc de savoir au vu de ces pratiques antérieures si
ces " effets de report " se reproduiront également et fort
opportunément fin 1999.
L'exercice semble plus délicat, dans la mesure où plusieurs
dizaines de milliards de francs sont en jeu. Toutefois,
il n'est pas
impossible qu'une forte partie de l'excédent puisse encore être
reporté, ceci afin de ne pas afficher trop rapidement les excellentes
rentrées fiscales et surtout d'entraîner inévitablement une
hausse des prélèvements obligatoires.
En effet, en l'état actuel des rentrées fiscales, les
prélèvements obligatoires pourraient être plus proches des
45,6 points de PIB fin 1999 que des 45,3 points de PIB annoncés.
Au lieu de bénéficier de " la plus forte baisse
d'impôts depuis 10 ans ", les Français auront donc le triste
privilège de connaître " une des plus fortes hausses de
prélèvements obligatoires depuis 10 ans ".
B. DES PRÉVISIONS DE RECETTES POUR 2000 AFFECTÉES PAR L'IMPORTANCE DES TRANSFERTS
1. Les modifications de structure
Le
projet de loi de finances pour 2000 affiche une progression des recettes nettes
du budget général de 5,4 milliards de francs pour l'an
prochain, soit + 0,4 % et une réduction des charges
budgétaires de 10 milliards de francs, soit - 0,6 %.
A structure constante toutefois, les recettes progressent de
39 milliards de francs, par rapport aux évaluations
révisées de 1999 soit + 2,7 %, avec une progression des
charges budgétaires de 15 milliards de francs, soit - 0,9 %.
En effet, le projet de loi de finances incorpore un grand nombre de
modifications de structure, qui consistent essentiellement à
transférer 45,2 milliards de francs de recettes fiscales à
la sécurité sociale et à incorporer 1,7 milliard de
francs dans les recettes fiscales et, dans les recettes non fiscales, des fonds
de concours et recettes diverses qui devaient y figurer, pour
8,9 milliards de francs.
Les modifications de structure du PLF 2000
|
Effet sur les recettes de l'Etat |
|
Recettes fiscales |
|
|
Transfert au budget général d'une fraction de la taxe sur les bureaux (qui alimentait le fonds pour l'aménagement de l'Ile de France) |
+1,52 |
|
Rebudgétisation de la taxe sur les installations nucléaires de base (ancien fonds de concours au budget de l'industrie), de la taxe forestière, et de la taxe de défrichement (qui alimentaient le fonds forestier national) |
+1,171 |
|
Transfert d'une partie des droits de consommation sur les tabacs à la sécurité sociale pour le financement de la ristourne dégressive, de la CMU et du " fonds amiante " |
|
- 43,2 |
Transfert de la TGAP à la sécurité sociale |
|
-2,0 |
Total recettes fiscales |
|
- 42,509 |
Recettes non fiscales |
|
|
Budgétisation de fonds de concours
|
+ 6,356 |
|
Budgétisation de recettes de missions d'ingénierie publique autrefois centralisées sur deux comptes de tiers |
+ 2,190 |
|
Budgétisation des recettes de deux CAS (fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France, fonds forestier national) |
+0,118 |
|
Budgétisation de taxes affectées |
+0,245 |
|
Total recettes non fiscales |
+8,908 |
|
TOTAL GENERAL |
|
-33,601 |
(en milliards de francs)
2. Les principales évolutions pour 2000
a) L'impact des mesures d'allégements fiscaux
Le
projet de loi de finances pour 2000 est construit en prenant en compte la
poursuite de la croissance économique, dont la progression est
estimée à 2,8 % en volume et 3,8 % en valeur (contre
2,3 % en volume et 3,3 % en valeur, selon les estimations
révisées pour 1999).
Les recettes totales nettes de l'Etat devraient atteindre
1.442,2 milliards de francs, soit une progression de seulement
5,4 milliards de francs par rapport au budget révisé de
1999. Cette très faible progression s'explique d'abord par l'ampleur des
modifications de périmètre (-33,6 milliards de francs). A
structure constante, les recettes progresseraient de 39 milliards de
francs, soit +2,7 %.
Il n'en reste pas moins que, même à structure constante, la
progression des recettes budgétaires devrait être
modérée en 2000, selon les évaluations du projet de loi de
finances, et cela en raison de l'évaluation des allégements
d'impôts.
Tels que retracés dans le fascicule " voies et moyens " (tome
1) les aménagements de droits pour 2000 s'élèveront
à 54,8 milliards de francs pour 2000. Si l'on prend en compte les
changements de périmètre (33,6 milliards de francs), les
allégements en recettes fiscales et non fiscales, proposés pour
2000, se traduisent seulement par une moins-value de recettes de
21,2 milliards de francs, à laquelle il faut ajouter
4,6 milliards de francs de dépenses induites par la diminution des
droits de mutation.
Les baisses d'impôts
s'élèveront à
39 milliards de francs en 2000,
selon le gouvernement,
dont
25 milliards de francs résultant de mesures prises dans le projet
de loi de finances
, en raison du coût net de l'application du taux
réduit de TVA au secteur du logement (- 19,7 milliards de francs),
des mesures relatives au droit de bail (- 3,2 milliards de francs) et
du relèvement à 5 % de la quote-part d'imposition des
dividendes reçus dans le cadre du régime spécial des
sociétés mères-filles (+ 4,2 milliards de
francs), mais aussi de la compensation versée aux collectivités
locales pour la diminution des droits de mutation à titre
onéreux, soit 4,6 milliards de francs.
Les autres facteurs de diminution des recettes fiscales proviennent des
mesures prises antérieurement
, pour environ 14 milliards de
francs, avec notamment l'arrivée " à terme " de la
surtaxe d'impôt sur les sociétés (- 12,4 milliards de
francs)
30(
*
)
.
Les recettes non fiscales qui progressent également de
7,6 milliards de francs en 2000 sous l'effet de la croissance,
feront
l'objet de changements de périmètres, conduisant à une
majoration " optique " de 8,4 milliards de francs
supplémentaires.
Les prélèvements sur recettes
augmenteront fortement en
raison de la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle
(- 8,8 milliards de francs d'allégement net). Compte tenu des
incidences en termes de recettes d'impôt sur les sociétés,
l'allégement supplémentaire peut toutefois être
évalué à 2 milliards de francs. Les
prélèvements au profit de l'Union européenne augmenteront
de 5 milliards de francs en 2000.
Au total, l'ensemble de ces mesures fiscales expliquerait la très
faible progression des recettes du budget de l'Etat en 2000. En dehors des
mesures du présent projet de loi de finances, les recettes auraient
progressé de 79 milliards de francs.
b) Des recettes sans doute sous-évaluées
Plusieurs éléments permettent de craindre que,
malgré les allégements fiscaux annoncés, les estimations
de recettes pour 2000 soient sous-évaluées :
-
l'expérience de 1999 a montré que l'évaluation du
coût ou du rendement des mesures fiscales n'est pas exempte d'effets
" d'affichage ".
Ainsi, le rendement des mesures prises en matière d'impôt de
solidarité sur la fortune a été manifestement
surestimé : la loi de finances initiale faisait état d'un produit
de 14,85 milliards de francs, l'évaluation révisée se
contente de 12,5 milliards de francs, soit une révision à la
baisse de 19 %
31(
*
)
.
Pour 2000, la seule grande mesure fiscale porte sur la TVA dans les logements
et son coût est évalué sur la base de statistiques datant
de 1996... Les effets des mesures fiscales sur l'offre et donc sur l'assiette
des prélèvements ne sont pas pris en compte, non plus que les
incidences indirectes de la mesure sur les cotisations sociales.
-
surtout,
la faible révision des recettes pour 1999
laisse à penser, comme cela a été démontré
plus haut,
que les suppléments de recettes seront plus importants que
prévu
, de l'ordre de 20 à 35 milliards de francs au
minimum.
Dans ces conditions, les recettes pour 2000 devraient également
être revues à la hausse, puisque les évaluations de
recettes du projet de loi de finances prennent pour base les résultats
de l'année précédente.
c) Des allégements fiscaux à mettre en parallèle avec les hausses prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale
Il faut rappeler que les annonces de diminutions d'impôts dans le projet de loi de finances pour 2000 s'accompagnent de la création de nouveaux prélèvements dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : la contribution sur les bénéfices des sociétés viendra opportunément remplacer la surtaxe d'impôt sur les sociétés et la taxe générale sur les activités polluantes sera considérablement élargie.
Evolution des prélèvements pour 2000
Etat |
Coût/gain |
Sécurité sociale |
Coût/gain |
Fin de la surtaxe d'impôt sur les sociétés |
-12,4 |
Cotisation sociale sur les bénéfices |
4,3 |
Relèvement de la quote-part d'imposition des dividendes (régime mère-fille) |
+4,2 |
Extension de la taxe générale sur les activités polluantes |
|
Réforme de la taxe professionnelle |
-2,0 |
Taxation des heures supplémentaires |
7,5 |
Divers |
-2,0 |
- |
- |
sous-total entreprises |
-12,2 |
sous-total entreprises |
+13,6 |
Taux réduit de TVA sur les travaux dans les logements d'habitation |
-19,7 |
- |
- |
Abaissement des droits de mutation à titre onéreux |
-4,6 |
- |
- |
Divers |
0,5 |
- |
- |
sous-total ménages |
- 24,8 |
sous-total ménages |
0 |
Remboursement du droit de bail |
-3,5 |
Contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires |
|
TIPP |
+2,7 |
- |
- |
Divers |
-1,0 |
- |
- |
sous-total non réparti |
-1,8 |
sous-total non réparti |
+1,8 |
total général |
-39 |
total général |
+15,4 |
Au
total, les prélèvements sur les entreprises continueront à
augmenter en 2000, en raison des nouvelles contributions introduites par le
projet de loi de financement de la sécurité sociale
.
De surcroît, si l'on prend en compte les nouveaux
prélèvements introduits par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale (15,4 milliards de francs), les
allégements nets de prélèvements pour 2000 ne porteront
que sur 23,6 milliards de francs. Sachant que 14 milliards
d'allégements proviennent de mesures prises antérieurement
à la loi de finances, l'allégement net proposé par le
gouvernement dans le projet de loi de finances et le projet de loi de
financement pour 2000 est légèrement inférieur à
10 milliards de francs, soit à environ le tiers des plus-values de
recettes potentielles en fin d'année 1999.
|
Coût/gain
|
(a) Allégements fiscaux déjà adoptés par le Parlement |
- 14 |
(b) Allégements proposés par le PLF 2000 |
- 25 |
(c) Alourdissements proposés par le PLFSS 2000 |
+ 15,4 |
Total nouveaux allégements PLF/PLFSS 2000 |
- 9,6 |
Non seulement les allégements nouveaux seront très faibles en 2000, mais le gouvernement a déjà annoncé de nouveaux prélèvements pour 2001, pour au moins 17,5 milliards de francs, sans compter ceux qui seront nécessaires au financement des 35 heures et de la couverture maladie universelle.
Les nouveaux prélèvements annoncés pour 2001
Augmentation des prélèvements annoncée pour 2001 |
Evaluation |
TGAP |
9,3 milliards de francs |
Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés |
8,2 milliards de francs |
Contribution des organismes complémentaires pour le financement de la CMU |
? |
Financement des 35 heures |
20 milliards de francs |
Total |
au moins 17,5 milliards de francs de prélèvements supplémentaires |
Source : projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000
La conséquence du refus du gouvernement de procéder
véritablement à des allégements d'impôts et de
cotisations, alors même que la conjoncture permet d'importants
encaissements de recettes fiscales et de cotisations sociales, est que
la
France se trouve désormais en toute première position, au niveau
européen comme mondial, pour le poids de ses prélèvements
obligatoires.
C. UN NIVEAU RECORD DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
1. Une augmentation sans précédent des prélèvements obligatoires
La révision du montant des recettes fiscales pour 1999 montre que sur un an, on aura assisté à " l'explosion " de certains impôts, et notamment de l'impôt sur les sociétés.
Le " palmarès " des plus fortes progressions
Sur un
an, selon les évaluations révisées pour 1999, les hausses
d'impôts auront atteint un niveau exceptionnel :
- impôt sur les sociétés : + 34,2 milliards de
francs (+18 %)
- impôt sur le revenu : + 22 milliards de francs (+7,2 %)
- TIPP : + 8,1 milliards de francs (+5,3 %)
- TVA nette : + 24 milliards de francs (+3,7 %).
Ces hausses d'impôts historiques se traduisent globalement, dans le
taux de prélèvements obligatoires, qui n'a cessé de
grimper depuis l'arrivée du gouvernement.
Evolution du niveau des prélèvements obligatoires depuis 1996
(en points de PIB)
2. Une hausse en contradiction avec les engagements du gouvernement
Suite à la nouvelle hausse des prélèvements en 1999,
les performances du gouvernement en matière de
prélèvements obligatoires depuis 1997 s'écartent encore un
peu plus des intentions
, telles qu'exprimées dans la
déclaration de politique générale du Premier ministre en
1997 ou dans le programme de stabilité transmis à la commission
européenne il y a moins d'un an, en décembre 1998.
L'écart entre les annonces du gouvernement en décembre 1998 et
les réalisations constatées en septembre 1999
s'élève à 0,8 point de PIB, soit environ 70 milliards
de francs.
L'évolution des prélèvements obligatoires 1997-2002
|
|
1997 |
1998 |
1999 |
2002 (e) |
Taux de prélèvements |
Chiffres
donnés dans le programme de stabilité
|
44,9 |
44,7 |
44,5 |
43,7-44,0 |
obligatoires (points de PIB) |
Taux de prélèvements obligatoires réalisé |
44,9 |
44,9 |
45,3 |
- |
|
Ecart |
0 |
+ 0,2 |
+ 0,8 |
- |
Nb :
les chiffres sont donnés en nouvelle base SEC 95
Dans ces conditions, un allégement fiscal, fût-il de
39 milliards de francs (0,5 point de PIB), ne permettra pas au
gouvernement de respecter ses engagements pour 2000, engagements pris il y a
seulement quelques mois.
Comme votre rapporteur général l'avait souligné lors du
débat d'orientation budgétaire, l'objectif de réduction
des prélèvements obligatoires, bien que maintes fois
proclamé, a en réalité été abandonné
par le gouvernement, au moins pour 2000.
La France qui avait déjà le triste privilège de se situer
dans le peloton de tête européen et mondial, en matière de
prélèvements obligatoires en 1998, devrait encore voir cette
position se renforcer en 1999.
Taux de prélèvements obligatoires en 1998
|
Taux de
prélèvements obligatoires
|
Belgique |
48,7 |
France |
44,9 |
Pays-Bas |
44,6 |
Italie |
43,8 |
Zone euro |
43,1 |
Allemagne |
42,4 |
Royaume-Uni |
38,8 |
Canada |
37,4 |
OCDE |
36,8 |
Espagne |
36,5 |
Etats-Unis |
34,4 |
Japon |
30,8 |
Source : Rapport économique, social et financier
En 1998, le taux de prélèvements obligatoires en France
s'élevait à 44,9 %, soit 1,8 point de PIB au dessus de
la moyenne de la zone Euro et 8,1 points de PIB au dessus de la moyenne
des pays de l'OCDE.
Dans ces conditions, une diminution des prélèvements obligatoires
de 0,5 point, telle qu'elle est annoncée par le gouvernement pour 2000,
n'est pas à la mesure de l'effort à réaliser.
3. Une progression largement imputable à la croissance des dépenses de sécurité sociale
Il
faut noter que la hausse des prélèvements obligatoires s'explique
essentiellement par l'augmentation de la part des prélèvements
(impôts et cotisations sociales) destinés à la
sécurité sociale.
Pour 1999, l'augmentation devrait résulter essentiellement de
l'accroissement des ressources des administrations de sécurité
sociale (+ 0,3 point de PIB) alors que l'augmentation de la part de
l'Etat (+ 0,3 point de PIB) s'expliquera en partie par la
compensation d'allégements de fiscalité locale
(- 0,3 point de PIB).
Prélèvements obligatoires rapportés au produit intérieur brut (en %)
|
1997 |
1998 |
1999 (e) |
2000 (e) |
Etat |
17,3 |
17,2 |
17,5 |
16,9 |
dont : cotisation sociales |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
Organismes divers d'administration centrale |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
dont : CRDS |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
Administrations publiques locales |
5,7 |
5,8 |
5,5 |
5,3 |
Administrations de sécurité sociale |
20,4 |
20,6 |
20,9 |
21,3 |
dont : cotisations sociales |
17,7 |
15,9 |
16,1 |
15,9 |
Institutions européennes |
0,7 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
Total des prélèvements obligatoires |
44,9 |
44,9 |
45,3 |
44,8 |
Source : INSEE, Comptes de la Nation/base 1995.
Années 1999 et 2000 : Rapport économique, social et
financier PLF 2000.
Dans ces conditions, il apparaît que l'objectif en terme de
prélèvements obligatoires affiché pour 2000 par le
gouvernement, soit 44,8 % du PIB, est largement fictif
: la
seule progression des recettes fiscales devrait faire croître le taux de
prélèvement de 0,3 point de PIB pour 1999, le portant à
environ 45,6 points de PIB.
Pour l'an 2000, le taux de
prélèvements obligatoires devrait donc se situer au-dessus du
niveau de 1997, et non en dessous, comme continue à l'affirmer le
gouvernement.
CHAPITRE III :
POUR UNE APPRÉCIATION
PLUS GLOBALE
DE L'ÉTAT DE NOS FINANCES PUBLIQUES
Le
projet de loi de finances pour 1999 avait été marqué par
un contexte européen nouveau résultant de la création de
l'euro et de l'instauration de nouvelles normes relatives aux politiques des
finances publiques.
Deuxième budget de l'euro, le projet de loi de finances pour 2000 se
caractérise également par l'ampleur nouvelle des liens qui
unissent désormais, tant au plan juridique que technique, le
présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de
la sécurité sociale eu égard à l'importance des
transferts de charges et de recettes réalisées au mépris
souvent, si ce n'est du texte, du moins de l'esprit de l'ordonnance organique
du 2 janvier 1959. Aussi, désormais l'appréhension des
finances de l'Etat ne peut plus se faire qu'en y intégrant
l'évolution des finances sociales, ce qui rend dès lors
indispensable une présentation consolidée des comptes publics et
l'évolution des règles juridiques applicables en la
matière.
Par ailleurs, seule collectivité publique à être encore
déficitaire, l'Etat pourrait utilement s'inspirer des efforts faits par
les collectivités locales afin de dégager un solde
budgétaire excédentaire et cela nonobstant le poids des charges
nouvelles que leur impose le gouvernement.
I. LA FRANCE, MAUVAIS ÉLÈVE DE L'UNION EUROPÉENNE
Ainsi
que cela avait déjà été relevé lors du
dernier débat d'orientation budgétaire, pour réelle que
soit l'amélioration des finances publiques françaises, celle-ci
pèche à un double titre.
D'une part, parce qu'elle s'opère selon une voie tristement originale
qui est celle de " l'exception française " consistant à
faire financer par un niveau historiquement élevé de
prélèvements obligatoires, des dépenses publiques qui ne
baissent pas.
D'autre part, dans la mesure où les comparaisons internationales doivent
inciter à plus de modestie. En effet, les politiques budgétaires
des Etats membres, s'agissant des finances publiques, sont désormais
sous surveillance
32(
*
)
. Or, l'analyse
comparative ainsi effectuée démontre que les résultats
enregistrés par la France sont encore incertains.
Elle reste le " mauvais élève " de l'Europe : si
elle a effectivement accompli un effort significatif, c'est parce qu'elle se
situait en " queue de peloton " et l'effort entrepris reste donc pour
partie insuffisant. L'amélioration de notre déficit public,
significative en valeur absolue, reste en effet plus limitée en valeur
relative.
A. LA PERSISTANCE DE DÉFICITS PUBLICS PLUS ÉLEVÉS QUE LA MOYENNE EUROPÉENNE
Ce constat s'applique tant à la composante structurelle des déficits publics qu'à leur niveau global.
1. Un déficit structurel supérieur de 0,8 point de PIB à la moyenne de la zone euro
Ainsi
que devait le reconnaître le gouvernement
33(
*
)
, le déficit structurel des administrations
publiques françaises a été faiblement réduit entre
1997 et 1999 passant de - 2,2 points de PIB à - 1,8 point de
PIB. Il entend par ailleurs le faire diminuer de 0,3 point d'ici 2000. Or,
c'est de la réduction du niveau du déficit structurel qui
reflète concrètement l'ampleur des réformes de fond mises
en oeuvre que dépend l'assainissement durable des finances publiques
françaises.
De ce fait, la France continue de connaître un niveau de déficit
structurel supérieur à celui de la zone euro, comme le montre le
tableau ci-après.
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Solde structurel de la zone euro |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 1,3 |
- 1,2 |
Solde structurel de la France |
-1,9 |
- 2,4 |
- 2,2 |
-2,0 |
Ecart France/zone euro |
+ 0,3 |
+ 0,8 |
+ 0,9 |
+ 0,8 |
Source : OCDE. Perspectives économiques, juin
1999
Selon les chiffres de l'OCDE
34(
*
)
, le
déficit structurel de la France excède en effet sur la
période de 1997 à 2000 de 0,3 à 0,9 point de PIB
celui de la zone euro, de sorte qu'en 1999 mais également en 2000, la
France connaîtra le niveau de déficit structurel le plus
élevé de toute l'Union européenne, ainsi que cela ressort
du tableau suivant.
On doit également relever, pour le déplorer, que cet écart
entre la France et la zone euro ne s'est pas réduit depuis 1998 mais se
maintient à des niveaux élevés, de près de
0,8 point de PIB.
Les déficits structurels des administrations publiques
(en % du PIB)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Prévisions 1999 |
Prévisions 2000 |
Allemagne |
- 2,8 |
- 2,2 |
- 2,7 |
- 2,4 |
- 1,7 |
- 1,4 |
- 1,1 |
- 1,2 |
France |
- 3,9 |
- 4,5 |
- 3,8 |
- 2,8 |
- 1,9 |
- 2,4 |
- 2,2 |
- 2,0 |
Italie |
- 8,2 |
- 8,1 |
- 7,0 |
- 5,6 |
- 1,7 |
- 1,4 |
- 1,1 |
- 0,9 |
Royaume-Uni |
- 6,4 |
- 6,3 |
- 5,6 |
- 4,3 |
- 2,5 |
- 0,4 |
- 0,4 |
- 0,3 |
Autriche |
- 3,3 |
- 4,3 |
- 4,4 |
- 3,1 |
- 1,3 |
- 2,0 |
- 2,1 |
- 2,0 |
Belgique |
- 5,5 |
- 3,4 |
- 2,9 |
- 1,5 |
- 0,9 |
- 0,7 |
- 0,5 |
- 0,5 |
Danemark |
- 0,2 |
- 1,6 |
- 1,8 |
- 0,8 |
0,1 |
0,6 |
2,3 |
1,9 |
Finlande |
- 1,5 |
- 1,7 |
- 1,6 |
- 1,2 |
- 1,2 |
0,9 |
1,9 |
2,1 |
Grèce |
- 12,4 |
- 8,5 |
- 9,1 |
- 6,3 |
- 3,0 |
- 1,8 |
- 1,6 |
- 1,7 |
Irlande |
- 0,1 |
0,4 |
- 1,9 |
0,0 |
0,5 |
1,0 |
0,9 |
1,0 |
Pays-Bas |
- 2,5 |
- 3,6 |
- 3,5 |
- 2,2 |
- 1,6 |
- 2,0 |
- 2,1 |
- 1,9 |
Portugal |
- 5,7 |
- 5,2 |
- 4,9 |
- 2,6 |
- 2,1 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- 1,8 |
Espagne |
- 6,1 |
- 5,4 |
- 6,4 |
- 3,3 |
- 1,7 |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 1,3 |
Suède |
- 7,4 |
- 6,7 |
- 5,4 |
- 1,8 |
1,1 |
3,2 |
1,7 |
2,7 |
Union européenne |
- 5,0 |
- 4,9 |
- 4,6 |
- 3,4 |
- 1,7 |
- 1,3 |
- 1,1 |
- 1,0 |
Euro- 11 |
- 4,3 |
- 4,2 |
- 4,1 |
- 3,1 |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 1,3 |
- 1,2 |
Source : OCDE, Perspectives économiques juin 1999
2. Les déficits publics les plus élevés
Certes,
la France s'inscrit depuis 1997 dans le mouvement général de
réduction des déficits publics rendu nécessaire par la
mise en place des critères de convergence. Ces déficits demeurent
néanmoins parmi les plus élevés de l'Union
européenne, et sensiblement plus importants que ceux de ses principaux
partenaires
35(
*
)
.
De ce point de vue là, la lecture du rapport économique, social
et financier joint par le gouvernement au présent projet de loi de
finances est extrêmement instructive, et conduit à relativiser
très fortement, si ce n'est la réalité, du moins
l'importance des efforts entrepris par la France en ce domaine.
Comme le montre en effet le tableau, ci-dessous, la France connaissait en 1999,
le niveau de déficit public le plus important des principaux pays
européens, à égalité avec l'Italie, avec un niveau
de 2,2 points de PIB. Le constat restera également valable en l'an
2000 où elle continuera à se situer en tête, mais seule
cette fois-ci, avec 1,8 point de PIB de déficit public.
Solde des administration publiques
(en points de PIB)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
France |
- 3,0* |
- 2,7 |
- 2,2 |
- 1,8 |
Italie |
- 2,7 |
- 2,7 |
- 2,2 |
- 1,6 |
Zone euro |
- 2,4 |
- 2,0 |
- 1,8 |
- 1,4 |
Allemagne |
- 2,7 |
- 2,0 |
- 2,0 |
- 1,4 |
Pays-Bas |
- 0,9 |
- 0,9 |
- 1,5 |
- 1,3 |
Belgique |
- 1,9 |
- 1,3 |
- 1,3 |
- 1,1 |
Espagne |
- 2,6 |
- 1,7 |
- 1,4 |
- 0,8 |
* Y
compris la soulte France Télécom
Source : Direction de la Prévision - Rapport économique,
social, et financier
L'examen des programmes de stabilité et de convergence prolonge ce
constat à l'horizon 2002.
Evolution du besoin/capacité net de financement des administrations publiques
(% du PIB)
Projections extraites des programmes de convergence ou de stabilité
|
Date (1) |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Programme de stabilité |
|||||||
B |
12/98 |
- 1,9 |
- 1,6 |
- 1,3 |
- 1,0 |
- 0,7 |
- 0,3 |
D |
01/99 |
- 2,7 |
- 2,5 |
- 2,0 |
- 2,0 |
- 1,5 |
- 1,0 |
E |
12/98 |
- 2,6 |
- 1,9 |
- 1,6 |
- 1,0 |
- 0,4 |
0,1 |
F |
01/99 |
- |
- 2,9 |
- 2,3 |
- 2,0 (2) |
- 1,6 (2) |
- 1,2 (2) |
IRL |
12/98 |
- |
1,7 |
1,7 |
1,4 |
1,6 |
- |
I |
12/98 |
- 2,7 |
- 2,6 |
- 2,0 |
- 1,5 |
- 1,0 |
- |
L |
-- |
|
|
|
|
|
|
NL (3) |
10/98 |
- 0,9 |
- 1,3 |
- 1,3 |
- |
- |
-1,1 (4) |
A |
11/98 |
- 1,9 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- 1,7 |
- 1,5 |
- 1,4 |
P |
12/98 |
- |
- |
- 2,0 |
- 1,5 |
- 1,2 |
- 0,8 |
FIN |
09/98 |
- 1,1 |
1,1 |
2,4 |
2,2 |
2,1 |
2,3 |
Programmes de convergence |
|||||||
DK |
10/98 |
0,5 |
1,1 |
2,5 |
2,8 |
2,6 |
(5) |
EL |
06/98 |
- 4,0 |
- 2,4 |
- 2,1 |
- 1,7 |
- 0,8 |
- |
S |
12/98 |
- 0,8 |
1,5 |
0,3 |
1,6 |
2,5 |
- |
UK (6) |
12/98 |
- 0,6 |
0,8 |
- 0,3 |
- 0,3 |
- 0,1 |
0,2 (7) |
(1)
Date de l'adoption des programmes.
(2) Scénario prudent, projection d'un scénario favorable : -
1,7 %, - 1,2 % et - 0,8 % du PIB pour les années 2000
à 2002.
(3) Pas de données annuelles fournies pour les années 2000/01.
(4) Scénario prudent, projections pour des scénarios moyen et
favorable : respectivement - 0,25 et 0,25 % du PIB pour
l'année 2002.
(5) Projection pour l'année 2005 : 3,5 % du PIB.
(6) Données pour les années financières commençant
à chacune des années calendrier indiquées.
(7) Projection pour l'année financière 2003/04 : 0,1 %
du PIB.
Source : Services de la Commission européenne
De ce fait, en 2000, la France aura cessé de réduire
l'écart existant entre son niveau de déficit public et celui de
l'Allemagne ou de la zone euro : il reste toujours à des niveaux
significatifs, c'est-à-dire supérieur de l'ordre de
0,4 point de PIB.
Le déficit public sera donc pour l'an 2000 en France plus
élevé que pour la moyenne de la zone euro, d'un montant que l'on
peut donc estimer au minimum à 0,4 point de PIB, soit, en valeur
absolue, près de 40 milliards de francs.
3. Malgré des prélèvements obligatoires qui atteignent des sommets
Prélèvement obligatoires au sens strict
(en % du PIB, année 1996)
Etats-Unis |
27,9 |
Japon |
28,5 |
Portugal |
33,4 |
Espagne |
33,7 |
Royaume-Uni |
35,1 |
Canada |
37,2 |
Allemagne |
38,2 |
Grèce |
41,4 |
Union européenne |
42,4 |
Italie |
43,5 |
Pays-Bas |
43,9 |
Autriche |
44,1 |
France |
45,7 |
Belgique |
46,6 |
Finlande |
48,8 |
Danemark |
51,9 |
Suède |
51,9 |
Source : OCDE
Note : les chiffres sont ceux de 1995 pour la Grèce, le Japon, les
Etats-Unis et le Canada. Pour le Royaume-Uni et l'UE, données
Eurostat.
Cette situation met la France dans une position particulièrement
délicate à l'heure où la concurrence fiscale en Europe
risque de s'exacerber. En effet, ainsi que le soulignait le récent
rapport
36(
*
)
de votre commission des finances
sur la concurrence fiscale en Europe, la situation de notre pays est
globalement mauvaise.
B. UNE DETTE PUBLIQUE EN PROGRESSION
1. Une situation correcte en apparence...
En 1998,
selon les chiffres fournis par la Commission européenne, la France
faisait partie des 7 pays sur les 15 que comporte l'Union
européenne, à avoir une dette brute des administrations publiques
inférieure au plafond de 60 % du PIB
37(
*
)
.
Dette brute des administrations publiques dans l'Union européenne
(en % du PIB)
|
1997 |
1998 |
Evolution 98/97 (en points de PIB) |
France |
58,0 |
58,5 |
+ 0,5 |
Luxembourg |
6,7 |
6,7 |
- |
Allemagne |
61,3 |
61,0 |
- 0,3 |
Suède |
76,6 |
75,1 |
- 1,5 |
Grèce |
108,7 |
106,5 |
- 2,2 |
Europe des 15 |
72,1 |
69,5 |
- 2,6 |
Italie |
121,6 |
118,7 |
- 2,9 |
Autriche |
66,1 |
63,1 |
- 3 |
Espagne |
68,8 |
65,6 |
- 3,2 |
Royaume-Uni |
53,4 |
49,4 |
- 4,0 |
Portugal |
62,0 |
57,8 |
- 4,2 |
Pays-Bas |
72,1 |
67,7 |
- 4,4 |
Belgique |
122,2 |
117,3 |
- 4,9 |
Danemark |
65,1 |
58,1 |
- 7,0 |
Finlande |
55,8 |
49,6 |
- 6,2 |
Irlande |
66,3 |
52,1 |
- 14,2 |
Source : Commission européenne, avril 1999
2. Une dégradation certaine
Ainsi
qu'a tenu à le relever la Cour des comptes dans son rapport sur
l'exécution des lois de finances de 1998, la "
France est le
seul pays de l'Union européenne dont la dette publique en proportion du
PIB a continué à augmenter en 1998
". Celle-ci a, entre
1997 et 1998, progressé de 0,5 point de PIB alors que la moyenne
des 15 pays européens diminuait dans le même temps de
2,6 points de PIB.
Cette situation montre bien que la France se situe à rebours du
mouvement d'ensemble au sein de l'Europe marqué par la diminution du
poids de la dette dans le PIB. De ce fait, elle connaîtra en 1999 un
niveau historiquement élevé de dette publique : 60,5 % du
PIB, calculé en base de comptes nationaux (SEC 95), ce qui nous place
au-dessus du plafond de 60 % du PIB fixé par le traité de
Maastricht.
Source : Services de la Commission
européenne
Cette augmentation de la dette publique a, il faut le noter,
considérablement réduit la valeur du patrimoine net de l'Etat qui
atteignait 53,3 points de PIB en 1980 et n'est plus que de 7,6 points
de PIB en 1997.
L'augmentation de la dette a ainsi servi à financer
des dépenses de fonctionnement.
Une interrogation doit être formulée. Le coût de la dette
publique apparaît supérieur au rendement des actifs financiers de
l'Etat. Cette situation conduit à préconiser d'explorer les voies
d'une réduction des actifs de l'Etat afin de financer l'extension d'une
dette qui coûte plus que les premiers ne rapportent. Elle devrait se
traduire par une poursuite de l'allégement du secteur public.
II. L'URGENTE NÉCESSITÉ DE COMPTES PUBLICS CONSOLIDÉS
Votre
commission des finances a une conviction profonde :
il convient de
prendre en compte l'ensemble des finances publiques dans une vision statique
(les comptes consolidés de la collectivité) mais également
dynamique (les évolutions respectives de chaque poste de dépenses
et recettes) afin d'en examiner la cohérence.
Une tentative d'analyse globale montre de toute évidence que la France
ne mène pas une politique financière cohérente, puisque
tandis que des efforts, au moins d'affichage, sont réalisés pour
les finances de l'Etat, dépenses et recettes de la protection sociale
qui représentent plus de 30 % du PIB contre moins de 19 % pour le
budget de l'Etat (pour les dépenses), connaissent une dynamique
apparemment irrésistible.
Le caractère indispensable des comptes consolidés de la
sphère publique apparaît avec d'autant plus de force au regard des
liens très étroits qu'entretiennent les projets de loi de
finances et de financement de la sécurité sociale mais aussi de
l'évolution comparée des dépenses et
prélèvements. Cependant leur établissement se heurte
à de lourdes difficultés méthodologiques. Votre commission
des finances vous fera néanmoins des propositions en ce sens.
A. LA DYNAMIQUE DES FINANCES SOCIALES À L'ENCONTRE DE CELLE DES FINANCES DE L'ÉTAT
1. Stabilisation de la part de l'Etat, hausse de la part des administrations de sécurité sociale
Présentant le projet de loi de finances pour 2000, le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Monsieur
Dominique Strauss-Kahn, indiquait que ce budget reposait, notamment, sur un
choix :
" la maîtrise des dépenses va permettre de
procéder à la plus forte baisse d'impôts depuis dix
ans ".
Le budget de l'Etat augmente ainsi de 0,9 % en dépenses
à périmètre constant, soit le niveau attendu des prix pour
2000.
Parallèlement, le champ de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 montre des prévisions de
recettes en hausse de 3,45 % et des objectifs de dépenses qui
augmentent de 2,65 %.
Plus encore, la dynamique des finances sociales est
déconnectée de celle de l'Etat. En l'absence de mesures fortement
correctrices des dépenses, la politique menée en matière
de finances sociales aboutit à ce paradoxe qui veut que la France
prélève toujours plus, pour toujours plus de dépenses,
mais toujours moins de satisfaction des attentes des Français envers
leur système de protection sociale.
Qu'il s'agisse des dépenses et des recettes, la part de la protection
sociale croît sans cesse en France à un rythme supérieur
à celui de l'inflation comme de l'activité (sauf pour les
dépenses de 1998). Cette tendance est plus particulièrement
à l'oeuvre dans le champ du régime général
Variation des recettes et des dépenses (consolidées) du régime général et du PIB (en %)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000** |
2001** |
2002** |
Recettes |
4,6 |
4,7 |
4,4 |
4,9 |
3,3 |
3,4 |
3,7 |
Dépenses |
3,1 |
2,9 |
2,8* |
3,8* |
2,9 |
3,1 |
3,1 |
Inflation hors tabac |
1,7 |
1,1 |
0,6 |
0,5 |
0,9 |
|
|
Consommation des ménages |
3,2 |
1,6 |
3,2 |
2,4 |
2,7 |
|
|
Croissance du PIB |
1,1 |
2 |
3,2 |
2,3 |
2,6 / 3 |
|
|
* La
mise sous condition de ressources des allocations familiales entre le
1
er
avril et le 31 décembre 1998 a pour effet
de réduire le taux de croissance des dépenses de 0,3 point
en 1998 et de l'augmenter d'autant en 1999.
** Prévisions
Sources : Commission des comptes de la sécurité sociale,
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000,
rapport économique, social et financier annexé au projet de loi
de finances
Il pourrait paraître paradoxal de critiquer l'évolution à
la hausse des dépenses et des recettes publiques affectées
à la protection sociale dans un contexte où les administrations
de sécurité sociale redressent leur solde qui passerait d'un
déficit de 0,6 % du PIB en 1997 à un excédent de 0,25 % du
PIB en 2000.
Besoin/capacité de financement des administrations publiques
(en points de PIB)
|
|
|
|
|
Hypothèse prudente (4) |
Hypothèse favorable (5) |
||
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2001 |
2002 |
Etat |
- 3,3 |
- 3,0 |
- 2,7 |
- 2,4 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- |
- |
ODAC (1) |
+ 0,7 |
+ 0,15 |
+ 0,1 |
+ 0,15 |
+ 0,2 |
+ 0,2 |
- |
|
APUL (2) |
+ 0,2 |
+ 0,15 |
+ 0,15 |
+ 0,2 |
+ 0,2 |
+ 0,3 |
- |
- |
ASSO (3) |
- 0,6 |
- 0,2 |
+ 0,15 |
+ 0,25 |
+ 0,2 |
+ 0,3 |
- |
- |
Total |
- 3,0 |
- 2,9 |
- 2,3 |
- 1,8 |
- 1,6 |
- 1,2 |
- 1,2 |
- 0,8 |
(1)
Organismes divers d'administration centrale.
(2) Administrations publiques locales.
(3) Administrations de sécurité sociale.
(4) Croissance du PIB = 2,5 % par an.
(5) Croissance du PIB = 3,0
%
par an. Le gouvernement ne décompose
pas par secteur car il y aurait, dans cette hypothèse, des baisses de
prélèvements obligatoires différenciées.
Source : débat d'orientation budgétaire pour 2000 et projet
de loi de finances pour 2000
Cependant, cette amélioration est essentiellement le fait des
régimes privés d'assurances et retraites complémentaires
et de la branche vieillesse. Elle résulte par ailleurs d'une plus forte
progression des recettes par rapport aux dépenses, grâce à
la croissance économique.
Ces facteurs ont un caractère
conjoncturel et il serait faux d'y voir les signes d'un redressement structurel
des finances sociales.
De plus, il ne faut pas seulement raisonner en terme de solde s'agissant des
finances publiques. Les niveaux absolus atteints dans notre pays par la
sphère publique dans l'économie, le poids des
prélèvements obligatoires et celui des dépenses publiques
handicapent sérieusement notre économie pour affronter l'avenir.
Il paraît plus que jamais indispensable de procéder à une
réduction du bilan de la sphère publique, de son passif comme de
son actif, des dépenses, prestations et transferts qui le composent,
comme des impôts, taxes et cotisations qui le financent.
2. Une dynamique renforcée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
Dans une
vision pluriannuelle des finances publiques, le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2000 révèle une tendance
à la hausse des dépenses comme des prélèvements qui
paraît peu conforme au programme pluriannuel adopté par la France
pour l'horizon 2002 de diminution des dépenses publiques et de
maîtrise des prélèvements obligatoires.
Le rapport économique, social et financier annexé au
présent projet de loi de finances le reconnaît
lui-même :
" Pour l'année 1999, les prestations
sociales des administrations de sécurité sociale sont plus
dynamiques que celles prévues dans le programme pluriannuel de finances
publiques.
Cette progression traduit pour partie les effets de la
revalorisation des pensions (1,2 %) qui avaient été
calibrés au 1
er
janvier sur les prévisions d'inflation
de l'automne dernier et d'autre part le dépassement de l'objectif
national de dépenses d'assurance maladie. Dans le même temps, les
allocations chômage servies par les régimes sociaux ne
bénéficient pas pleinement de l'amélioration sur le
marché du travail, en raison de la hausse du montant de l'indemnisation
moyenne et de la montée en charge de l'allocation de remplacement. L'an
prochain, les prestations sociales devraient progresser à un rythme
équivalent à celui proposé dans la programmation
(2,2 %). L'objectif de dépense maladie est légèrement
revu à la hausse pour 2000 (+ 1,6 % contre + 1,3 %)".
Hausse
des dépenses des administrations publiques
et programme pluriannuel
de finances publiques
|
1999 |
2000 |
||
|
Programme pluriannuel |
PLF et PLFSS |
Programme pluriannuel |
PLF et PLFSS |
Dépenses de l'Etat |
+ 1 % |
+ 1 % |
+ 0,3 % |
0 |
ONDAM |
+1,4 % |
+ 2,6 % |
+ 1,3 % |
+ 1,6 % |
Prestations sociales des ASSO |
+ 1,3 % |
+ 2,7 % |
+ 2,3 % |
+ 2,2 % |
Source : Rapport économique, social et financier
annexé au projet de loi de finances pour 2000
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale
présente ainsi une hausse de périmètre de 3,45 % pour
les recettes et de 2,75 % pour les dépenses.
Tableau du périmètre du PLFSS 1999 / 2000
(en milliards de francs)
|
LFSS 1999 |
PLFSS 2000 |
Ecart |
Variation |
Objectif de dépenses |
1 806,6 |
1 856,3 |
49,7 |
+ 2,75 % |
Prévision de recettes |
1 810,9 |
1 873,2 |
62,3 |
+ 3,45 % |
Source : projet de loi de financement pour 2000
Les dépenses augmentent ainsi en partie sous le coup des
évolutions spontanées, en partie par les mesures nouvelles qui
viennent dégrader le solde du régime général (plus
de 4 milliards de francs de mesures nouvelles annoncées par le
Gouvernement).
De même, le projet de loi de financement crée ou reçoit le
bénéfice de 60 milliards de francs : 15,4 milliards de
francs de nouveaux prélèvements obligatoires qui viennent
s'ajouter aux 44,6 milliards de francs transférés par la loi de
finances.
De plus, le texte est porteur d'une dynamique qui tend à la fois
à augmenter les dépenses à " guichets ouverts ",
à augmenter les prélèvements et à augmenter la part
d'incertitude à la charge du budget de l'Etat.
En effet, les deux mesures d'âge en faveur des familles présentent
un coût de 665 millions de francs la première année mais de
1,5 milliard de francs en année pleine. Quant au fonds en faveur du
retrait anticipé d'activité des victimes de l'amiante, il devrait
représenter une charge de 800 millions de francs en année pleine.
Sans parler du non-financement des 35 heures, au total le projet de loi de
financement grève déjà de 2 milliards de francs avec ces
simples mesures le solde du régime général à partir
de 2001.
Par ailleurs, l'instauration de la couverture maladie universelle, nouveau
minimum social, comme les mécanismes de la loi 35 heures constituent des
dispositifs dont il est impossible d'évaluer avec précision la
montée en charge alors même que tout indique qu'ils susciteront
des dépenses plus importantes dans l'avenir.
Or le mécanisme de non-régulation de ces dépenses fait
reposer sur l'Etat et sur les prélèvements obligatoires la charge
de leur incertitude. En effet, l'Etat accorde une subvention d'équilibre
au fonds de financement de la couverture maladie universelle dont le reste des
ressources est assuré par une contribution-taxe versée par les
organismes de protection complémentaire. La première comme la
seconde sont donc destinées à croître. C'est d'autant plus
vrai pour le prélèvement obligatoire que celui-ci est calé
sur le coût prévisionnel de 1.500 francs par assuré
complémentaire CMU, alors que tout porte à croire que ce chiffre
est sous-estimé.
Le raisonnement vaut aussi pour le fonds de financement des 35 heures.
Celui-ci est abondé dorénavant par un prélèvement
sur le Fonds de solidarité vieillesse, des prélèvements
obligatoires et une contribution de l'Etat. Cette fois, le Gouvernement a
annoncé lui-même que chacune des parts serait amenée
à augmenter, dans des proportions très importantes, avec pour
résultat : de ponctionner le fonds de réserve pour les
retraites, la contribution du FSV aux 35 heures passant de 5,6 à
12 milliards de francs ; accroître les
prélèvements obligatoires d'au moins 10 milliards de francs
(la TGAP et la nouvelle cotisation sociale sur les bénéfices
devront rapporter 25 milliards de francs au lieu de 7,5 milliards en 2000,
mais la taxation des heures supplémentaires, destinée à
rapporter 7,5 milliards de francs, aura disparu) ; augmenter les
dépenses de l'Etat par la subvention d'équilibre passant (de
4,3 milliards de francs en 2000 à 8 milliards de francs).
Au total, le projet de loi de financement porte en germe plus de 48
milliards de francs de nouvelles dépenses et impositions qu'il faudra
bien financer après 2000.
Nouvelles
impositions et dépenses annuelles en germe dans le projet de loi
de
financement de la sécurité sociale
Mesures |
Surcoût par rapport à 2000 |
Organismes le supportant |
Extension des conditions d'âge des prestations familiales |
535
millions de francs
|
CNAF
|
Cessation anticipée d'activité des victimes de l'amiante |
800 millions de francs |
Branche accidents du travail |
Contribution de l'Etat au fonds de financement de la CMU |
? |
Etat |
Contribution des organismes complémentaires pour le financement de la CMU |
? |
Prélèvements obligatoires |
Droits sur les alcools (affectés aux 35 heures) |
6,4 milliards de francs |
FSV / fonds de réserve pour les retraites |
TGAP (affectée aux 35 heures) |
9,3 milliards de francs |
Prélèvements obligatoires |
Cotisation sociale sur les bénéfices (affectée aux 35 heures) |
8,2 milliards de francs |
Prélèvements obligatoires |
Contribution au fonds de financement des 35 heures |
3,2 milliards de francs |
Etat |
Incertitude du financement des 35 heures |
20 milliards de francs |
Prélèvements obligatoires |
Total |
au moins 48,7 milliards de francs (dont 40,7 milliards devant être affectés aux 35 heures) |
Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
*
* *
La
vision pluriannuelle des finances publiques montre que des tendances lourdes
sont en oeuvre, celle de l'augmentation du champ de la sphère sociale
publique et donc de l'augmentation à venir de ses dépenses comme
de ses recettes. La présence d'un solde équilibré ne
saurait justifier une telle progression qui ne pourra que se heurter au
caractère insupportable des prélèvements
nécessaires à son maintien.
Apparaît ainsi indispensable une maîtrise des
prélèvements sociaux que seule celle des dépenses sociales
est susceptible d'assurer afin d'affirmer des choix de priorité d'avenir
aujourd'hui non réalisés.
B. LES LIENS ÉTROITS ENTRE LE PROJET DE LOI DE FINANCES ET LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
Il est désormais impossible d'entretenir une vision parcellaire des finances publiques : les prélèvements fiscaux et sociaux appartiennent aux prélèvements obligatoires, la dette de l'Etat et la dette des organismes sociaux s'ajoutent, les dépenses publiques de l'Etat et les dépenses publiques des organismes sociaux se cumulent. Pour cette raison d'évidence, il paraît exclu d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances de façon autonome. Quand bien même d'aucuns souhaiteraient le faire, les liens qu'entretiennent cette année les deux textes rendraient la tâche vaine.
1. Les nombreux transferts d'un texte à l'autre
Les deux
projets de loi organisent cette année un mouvement massif de transferts
du budget de l'Etat vers la loi de financement de la Sécurité
sociale. Ils viennent s'ajouter aux mouvements existants. Ainsi en 2000, l'Etat
versera aux organismes sociaux :
• des cotisations sociales qu'il prend en charge : 83 milliards de
francs ;
• des contributions publiques d'équilibre : 62,75 milliards de
francs ;
• une partie des cotisations fictives d'employeurs pour
milliards de francs.
Par ailleurs, les régimes sociaux recevront 378,3 milliards de francs
d'impôts et taxes affectés à la Sécurité
sociale.
Le budget de l'Etat compte ainsi de nombreuses lignes qui servent à
financer des prestations versées par la Sécurité sociale,
comme le revenu minimum d'insertion ou l'allocation pour adulte
handicapé.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
et le projet de loi de finances pour 2000 instaurent principalement deux
nouveaux transferts auxquelles s'ajoutent plusieurs autres mesures.
Le premier a pour but de financer les allégements de charges sociales
instaurés dans le cadre du passage aux 35 heures de travail
hebdomadaire.
Ainsi, l'article 29 du projet de loi de finances propose-t-il
d'affecter 39,5 milliards de francs de droits sur les tabacs au fonds de
financement prévu à l'article 2 du projet de loi de financement
de la sécurité sociale. En regard de ce transfert de recettes, le
budget de l'emploi affiche une mesure nouvelle le diminuant de 39,5 milliards
de francs correspondant aux dépenses nouvelles du fonds.
A ces montants qui représentent les sommes engagées pour la
" ristourne dégressive sur les bas salaires ", le Gouvernement
ajoute le transfert du produit de la taxe général sur les
activité polluantes (TGAP) au fonds de financement prévu à
l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000.
Enfin, l'Etat versera au fonds une subvention d'équilibre dont le
montant est estimé pour 2000 à un peu plus de 4 milliards de
francs.
Le second transfert important concerne la mise en oeuvre de la couverture
maladie universelle
. Le projet de loi de finances prévoit le
transfert de deux recettes à ce titre : 3,5 milliards de francs de
droits sur les tabacs pour la Caisse nationale d'assurance maladie et 7,2
milliards de francs sur le budget de la Santé et de la solidarité
sous la forme d'une subvention au fonds de financement de la couverture maladie
universelle. Par ailleurs, il met au net la " tuyauterie "
résultant de la suppression de la prise en charge de l'aide personnelle,
des contingents communaux d'aide sociale, etc.
A ces deux réformes s'ajoutent différents transferts qui
mériteraient des éclaircissements :
• l'Etat a annoncé sa volonté d'abonder le fonds de
réserve pour les retraites à hauteur de 4 milliards de francs
correspondant au produit de la vente des parts de caisse d'épargne sur
l'année 2000 : cette mesure ne figure cependant pas en loi de
finances ;
• l'Etat a annoncé sa volonté de prendre en charge une
partie de la majoration de rentrée scolaire : les 4,7 milliards de
francs correspondant ne figurent pas en loi de finances ;
• l'Etat a annoncé sa volonté de verser à la CNAF une
subvention correspondant à sa participation au Fonds d'Action Sociale
des Travailleurs Immigrés et de leurs Familles pour compenser une partie
de ses dépenses nouvelles : le milliard de francs correspondant ne
figure pas en loi de finances.
Ces incertitudes sont inacceptables au regard de la sincérité
à la fois de la loi de finances et de la loi de financement de la
Sécurité sociale. Soit l'Etat s'engage, et alors il n'a pas
à attendre une loi de finances rectificative pour tirer les
conséquences de décisions qui auraient du (et pu puisque celles
concernant la famille ont été prises en juillet et celle sur les
retraites en mai) trouver leur traduction en loi de finances. Soit l'Etat ne
compte pas respecter sa parole, et alors l'équilibre financier des
régimes sociaux sera mis à mal. Quelle que soit la
réalité, cette non inscription en loi de finances initiale
signifie que l'un au moins des projets de loi n'est pas sincère.
Par ailleurs, la loi de finances prélève sur le produit de la C3S
un milliard de francs pour financer des mesures nouvelles à la charge du
BAPSA. Or le solde de la C3S est normalement affecté à la
première partie du Fonds de solidarité vieillesse puis au fonds
de réserve pour les retraites.
On ne peut que s'étonner d'une telle incohérence entre les
deux projets de loi : priorité du projet de loi de financement de
la sécurité sociale, le fonds de réserve se voit
dépourvu d'une partie de sa ressource en loi de finances !
De même, le projet de loi de finances ne tient aucunement compte des
conséquences financières des mesures adoptées en loi de
financement sur le BAPSA et qui ont pour résultat de dégrader le
solde de celui-ci par une hausse de ses dépenses. Or, le BAPSA est
légalement en équilibre ce qui imposera bien des mesures
correctrices. Tel qu'il est présenté en loi de finances, il ne
peut en tout état de cause être considéré comme
sincère.
Dernier exemple des liens étroits entretenus entre les deux textes, les
taux d'évolution des ressources fiscales. Le Fonds de compensation de la
taxe professionnelle évolue comme les recettes fiscales de l'Etat. Or
celles-ci diminuent cette année du fait de transferts de droits sur les
tabacs et de TGAP vers le champ de la loi de financement. L'Etat devra
compenser les conséquences de cette baisse pour les collectivités
locales.
2. L'effet de la loi de financement sur les finances publiques : de nouveaux prélèvements obligatoires
La loi
de financement contient de nombreuses mesures fiscales qui intéressent
de près le domaine des lois de finances.
Tout d'abord, elle crée deux nouvelles impositions qui sont fortement
liées au projet de loi de finances : l'extension de la TGAP et la
nouvelle cotisation sociale sur les bénéfices des
sociétés. La taxation des heures supplémentaires dans les
entreprises n'ayant pas signé d'accord de réduction du temps de
travail s'y ajouterait après l'adoption du second projet de loi sur les
35 heures.
L'extension de la TGAP devrait rapporter 1,8 milliard de francs
supplémentaires au fonds de financement des allégements de
charges sociales.
Quant à la nouvelle cotisation sur les bénéfices, elle
intervient au moment même où le projet de loi de finances propose
de supprimer la surtaxe d'impôt sur les sociétés de 10 %
instaurée en juin 1997. Votre rapporteur général ne peut
que dénoncer ce jeu de " passe-passe " qui conduit à
supprimer ici ce que l'on recrée là.
La taxation de 10 % des heures supplémentaires devrait, enfin, apporter
7,5 milliards de francs au fonds.
Au total, les organismes sociaux bénéficieront de plus de
60 milliards de francs de recettes nouvelles correspondant soit à
des affectations, soit à des créations, soit à des
élargissements de taxes, alors que dans le même temps le projet de
loi de finances affiche une diminution des prélèvements de 22
à 24 milliards de francs.
Les nouvelles impositions sociales en 2000
(en milliards de francs)
Impositions transférées depuis le budget de l'Etat |
44,6 |
Droits sur les tabacs 35 heures |
39,5 |
Droits sur les tabacs CMU |
3,5 |
Droits sur les tabacs amiante |
0,2 |
Taxe générale sur les activités polluantes |
1,4 |
Impositions créées |
15,4 |
Cotisation sociale sur les bénéfices (CSB) |
4,3 |
Extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) |
1,8 |
Contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires |
|
Taxation des heures supplémentaires dans les entreprises n'ayant pas signé d'accords de réduction du temps de travail |
|
Total |
60 |
A
l'avenir, ces taxes sont destinées à augmenter puisque la TGAP et
la CSB devront rapporter chacune à terme 12,5 milliards de francs.
De plus, la loi de financement de la sécurité sociale
constitue un facteur d'incertitude de plus en plus grand pour l'Etat qui s'est
engagé par exemple à verser deux subventions
d'équilibre :
l'une pour le financement des 35 heures, l'autre
pour celui de la couverture maladie universelle. Or la première
réforme n'a pas de financement complètement bouclé, tandis
que la seconde devrait coûter bien plus cher que prévu.
La dynamique même des deux textes va donc à
l'opposé.
Alors que le Gouvernement prétend contenir la
dépense publique et à orienter à la baisse les
prélèvements obligatoires dans le projet de loi de finances, le
projet de loi de financement poursuit quant à lui sur sa lancée
de prélèvements toujours plus nombreux, toujours plus massifs,
toujours destinés à croître au nom du
" dynamisme " de la recette, et de dépenses qui ne cessent
d'augmenter pour un résultat largement en deçà des
attentes des Français. Votre rapporteur général ne peut
donc que se montrer inquiet devant de telles perspectives.
C. LA NÉCESSITÉ D'UNE CONSOLIDATION DES COMPTES
Au delà des liens étroits et des dynamiques quelque peu différentes que peuvent receler les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, les arguments ne manquent pas en faveur d'une consolidation de ces comptes.
1. Une vision d'ensemble des finances publiques
Il
convient d'abord de souligner la nécessité de disposer d'une
vision d'ensemble des finances publiques. Les finances sociales sont
aujourd'hui le premier poste des finances publiques : les dépenses
sociales représentaient ainsi 143,3 % du budget de l'Etat en 1998.
L'écart entre les deux ne cesse d'ailleurs d'augmenter.
Par voie de conséquence, l'Etat subit directement ce poids des
dépenses sociales dans son budget
. La part relative des
ministères sociaux ne cesse de croître (+ 4,3 % pour le
budget de l'emploi et de la solidarité à structure constante de
1999 à 2000 par exemple). Les impôts et taxes affectés
à la sécurité sociale suivent la même
évolution : ils passeront en 2000 de 478,2 milliards de francs
à 547,3 milliards de francs, soit une hausse de 14,5 %
résultant pour l'essentiel des transferts de ressources vers le fonds de
financement des 35 heures.
Enfin, ce poids est révélé par l'augmentation croissante
des contributions publiques aux différents régimes de protection
sociale. Il s'agit de l'ensemble des versements de l'Etat aux régimes de
protection sociale, prélevés sur les recettes fiscales. Cela
recouvre :
• les subventions d'équilibre des régimes d'intervention
sociale des pouvoirs publics (comme le RMI, les allocations logement) et des
assurances sociales (comme la branche vieillesse du régime
spécial des mines, la caisse de retraite des marins, les régimes
de la RATP ou de EDF / GDF) ;
• les versements correspondant au financement de certaines prestations
versées par des organismes de protection sociale, comme l'allocation
pour adulte handicapé (AAH) versée par la CNAF.
Ces contributions publiques ont augmenté de 10,5 % entre 1995 et
1998 pour s'élever cette année-là à
391,9 milliards de francs.
A ces dépenses directes s'ajoutent des dépenses de transferts qui
correspondent le plus souvent au remboursement par l'Etat de certains
allégements de charges sociales. Par exemple, les cotisations prises en
charge par l'Etat représentaient 62,7 milliards de francs en 1998 et
s'élèveront à 83 milliards de francs en 2000,
principalement à cause des versements du fonds de financement des 35
heures.
Ce qui vaut pour les dépenses reste juste pour les recettes, c'est
à dire les prélèvements obligatoires.
Le poids
croissant des prélèvements sociaux rend inopérante toute
analyse sur les seuls prélèvements en faveur de l'Etat.
En
effet, alors que les prélèvements obligatoires français
totaux battent des records en Europe et connaissent un niveau historiquement
élevé, notre pays connaît un mouvement
contradictoire : les prélèvements au profit de l'Etat ne
cessent de diminuer tandis que ceux au profit de la protection sociale ne
cessent de croître.
Ainsi, la part des prélèvements obligatoires dans le PIB revenant
aux administrations sociales passera de 20,4 % en 1997 à
21,3 % en 2000, alors que ceux en faveur de l'Etat connaissait un
mouvement inverse, de 17,3 % à 16,9 %.
Les administrations
de sécurité sociale recevront 47,5 % de l'ensemble des
prélèvements obligatoires en 2000 contre 45,4 % en 1997.
2. Pour une cohérence accrue des méthodes comptables
Il faut
ensuite pouvoir et vouloir mener une politique cohérente des finances
publiques françaises et rompre avec la schizophrénie qui semble
caractériser les relations entre Etat et administrations de
sécurité sociale.
Seuls des comptes consolidés permettront de coordonner les
différentes interventions de la sphère publique et de porter un
regard global sur les politiques publiques.
Ainsi, auditionné le 27 octobre 1999 par la commission des affaires
sociales, le premier président de la Cour des comptes, Monsieur Pierre
Joxe, a estimé qu'il était
" désormais
nécessaire d'établir un budget consolidé des
collectivités publiques correspondant à l'ensemble des
prélèvements obligatoires "
.
C'est pourquoi, votre commission des finances vous fera des propositions
allant en ce sens
.
III. LE FRAGILE EXCÉDENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES
Les
collectivités locales ont " qualifié " la France pour
l'euro. La formule est sans doute réductrice mais,
sur le plan
comptable notre pays n'aurait pas été admis à participer
à la monnaie unique sans le solde budgétaire excédentaire
dégagé, depuis 1997, par les administrations publiques
locales.
La capacité de financement des collectivités locales a même
été réévaluée par le changement de base
opéré en comptabilité nationale. Pour 1997 et 1998, cet
excédent s'établit à 0,3 % du PIB. Pour 1999 et 2000,
les prévisions du gouvernement l'estiment en légère
baisse, à 0,2 % du PIB.
Cet excédent est la conséquence de la stratégie
adoptée par les collectivités locales depuis le milieu des
années 90. Confrontées à un endettement croissant, rendu
intenable en raison de la mauvaise conjoncture économique et de la
réduction des dotations de l'Etat qui en a résulté, les
collectivités locales ont entrepris de maîtriser leurs
dépenses de fonctionnement et de se désendetter.
Cette stratégie a eu un coût : la réduction de
l'effort d'investissement. Mais elle s'est révélée payante
puisque les collectés locales dégagent à présent
une capacité de financement, qui leur permet :
- d'autofinancer une partie leurs nouveaux investissements. L'épargne
brute des collectivités locales s'établirait à environ
5 milliards de francs, soit 3 % des recettes courantes des
collectivités, et financerait 14 % des
investissements
38(
*
)
;
- de pratiquement stabiliser le niveau des taux des impôts directs
locaux, qui ont augmenté en 1999 de seulement 0,5 % par rapport à
1998. En effet, "
depuis 1997, les collectivités locales ont
dans leur ensemble décidé d'infléchir la croissance de
leurs taux d'imposition. Cette tendance s'affirme plus nettement encore en
1999
", si bien que "
dans 20 % des communes, les taux globaux
toutes collectivités ont diminué
"
39(
*
)
.
Le " cercle vertueux " enclenché au milieu des années
90, qui contraste avec les orientations budgétaires du gouvernement,
produit encore ses effets aujourd'hui. Néanmoins, les orientations du
gouvernement en matière de finances locales contribuent à mettre
en péril le redressement des collectivités locales.
A. LES DÉTERMINANTS DE L'EXCÉDENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES
1. La diminution des frais financiers
Le
redressement de la situation financière des collectivités locales
n'aurait pas été possible sans la baisse des taux
d'intérêt, dont elles ont su tirer le meilleur parti en se livrant
à une politique dynamique de gestion de leur dette et de
réaménagement de son montant. Dans son rapport sur l'état
des finances locales en 1999, notre collègue Joël Bourdin souligne
que, grâce à la qualité de leur gestion, les
collectivités locales bénéficient dorénavant de
prêts dans des conditions plus favorables qu'auparavant
40(
*
)
.
En 1999, pour la sixième année consécutive, les
collectivités locales bénéficieront d'un repli de leurs
frais financiers, que le Crédit local de France estime à 7,3 %.
Ce repli est également la conséquence de la baisse du volume de
la dette. Alors que l'encours augmentait de 20 à 40 milliards de francs
par an depuis 1983, il est négatif depuis 1997 et devrait diminuer de
12,5 milliards de francs en 1999.
2. La maîtrise des dépenses de gestion
Les
collectivités locales ne peuvent guère agir sur le montant de
leurs dépenses de personnel puisque les décisions en
matière d'évolution des rémunérations sont prises
par l'Etat. En ce domaine, leur unique marge de manoeuvre réside dans
les recrutements.
Par conséquent, les collectivités locales ont agi sur les autres
dépenses de fonctionnement, en particulier les " achats et charges
externes " qui connaissent une progression réduite depuis 1997. Le
Crédit local de France souligne que "
les économies
effectuées par les collectivités sur les postes dont elles ont la
maîtrise contribuent à cette
décélération
".
Les " autres dépenses de gestion ", qui correspondent surtout
à l'exercice des compétences transférées,
connaissent une légère augmentation depuis 1998, qui est due
à la mise en place de la prestation spéciale dépendance en
1997 et au rôle joué par les départements.
3. L'évolution des recettes
Les
collectivités locales ont bénéficié en 1999 d'une
évolution favorable de leurs recettes fiscales mais également des
dotations de l'Etat.
L'augmentation des recettes fiscales en 1999 devrait, selon le ministère
de l'intérieur, s'élever à 4,2 %. Elle n'est pas due
à une augmentation des taux mais à la croissance des bases, qui
provient de la croissance économique. L'augmentation des bases provient
également de la réintégration dans l'assiette imposable de
la taxe professionnelle des bases anciennement exonérées au titre
de la réduction pour embauche et investissement (REI), donc d'un
accroissement de la fiscalité des entreprises.
L'année 1999 a également été favorable en
matière de concours financiers de l'Etat, en raison du taux de
croissance du PIB élevé en 1998. Le taux de croissance de 1998
(3,2 %) a en effet servi de base pour le calcul du taux de progression de
l'enveloppe normée des concours de l'Etat, ainsi que pour celui de la
dotation globale de fonctionnement (DGF), qui a augmenté de 2,75 %. Le
bon taux de progression de la DGF était également dû au
montant limité de la " régularisation négative "
au titre de 1997, qui s'élevait à 256 millions de francs.
En 2000, la taux de progression des concours de l'Etat n'est pas aussi
favorable car, d'une part, le taux de croissance du PIB en 1999 est moins
élevé qu'en 1998 (2,3 %) et, d'autre part, le montant de la
régularisation négative au titre de 1998 est très
important (680 millions de francs).
B. UNE FRAGILISATION RÉSULTANT DES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT
1. Le poids des charges nouvelles
Les
collectivités locales supportent de plus en plus de charges
résultant de décisions de l'Etat qui ne s'accompagnent pas de
transferts de ressources. La plus pénalisante pour les budgets locaux
est l'augmentation des dépenses de personnel résultant des
dispositions de l'accord salarial du 10 février 1998. Cet accord
s'applique aux agents de la fonction publique territoriale alors que les
collectivités locales n'ont pas participé à sa
négociation.
Le coût total pour les collectivités de l'accord de février
1998 s'élève à 9,5 milliards de francs sur trois ans,
dont 4 milliards de francs en 1999 et 3,2 milliards de francs en 2000. Il
est intéressant de relever que ce coût est supérieur
à l'augmentation de la principale dotation de fonctionnement de l'Etat
aux collectivités locales, la DGF.
En
outre, les collectivités locales doivent supporter la charge du
recrutement des emplois-jeunes qui, selon la direction de la
comptabilité publique, a conduit à majorer le coût des
charges de personnel de 0,6 % en 1998.
L'exemple des conséquences des décisions du gouvernement en
matière de rémunérations des agents est
particulièrement révélateur. En effet, alors que depuis le
milieu des années 90 les collectivités locales ont mené
une politique de désendettement et de maîtrise des dépenses
de fonctionnement qui leur a permis de dégager l'épargne
nécessaire à une reprise de l'investissement largement
autofinancée, le gouvernement leur impose des décisions qui
contribuent à une rigidification nouvelle de leurs dépenses.
Cet exemple n'est cependant pas le seul. Ainsi, les collectivités
locales supporteront en 2000 une hausse de leurs cotisations à la Caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui
devrait représenter une charge supplémentaire de 1,1 milliard de
francs sur deux ans, dont 550 millions de francs dès 2000.
Les collectivités doivent également supporter le coût
croissant de la départementalisation des services d'incendie et de
secours (SDIS), initialement estimé à 11,6 milliards de francs.
Cette prévision est aujourd'hui dépassée
41(
*
)
, à tel point que le ministre de
l'intérieur a annoncé la création d'une commission de
suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre de la réforme des
SDIS. Lors de son audition par votre commission des finances, le 2 novembre
1999, le ministre de l'intérieur a également
déclaré étudier les modalités de la création
d'une dotation globale d'équipement spécifique aux SDIS.
Enfin, les investissements des collectivités locales sont largement
dictés par la nécessité d'adapter les équipements
existant aux évolutions des normes techniques établies par les
administrations centrales. Selon une étude du Crédit local de
France et du cabinet Arthur Andersen réalisée pour le compte de
la fédération des villes moyennes, le coût des
investissements nécessaires s'élève à 140 milliards
de francs entre 1999 et 2005.
La reprise de l'investissement des collectivités locales depuis 1997 est
principalement justifiée par ces contraintes de mise aux normes des
équipements. Compte tenu du caractère parfois contestable de
l'élaboration par les administrations centrales de normes qui s'imposent
aux collectivités locales, il est à craindre que les
investissements ainsi réalisés ne correspondent pas toujours
à une allocation optimale des ressources, alors même que les
besoins sont importants, notamment dans des domaines tels que les transports en
commun et les télécommunications.
2. L'asphyxie financière
Les
orientations du gouvernement actuel en matière de finances locales sont
difficilement compréhensibles. Alors que l'évolution des charges
des collectivités est manifeste, et que les besoins d'investissement non
satisfaits le sont tout autant, le gouvernement et la majorité de
l'Assemblée nationale ont retenu pour " l'enveloppe
normée " des concours financiers de l'Etat aux collectivités
locales un taux de progression qui conduit à réduire
d'année en année le montant de la dotation de compensation de la
taxe professionnelle, la DCTP. Ainsi, en 2000, le montant des dotations de
l'Etat regroupées dans l'enveloppe normée n'augmentera que de
1,475 %, soit 2,4 milliards de francs.
Le taux de progression de l'enveloppe normée est défini par
l'article 57 de la loi de finances pour 1999, qui institue le
" contrat de croissance et de solidarité ". Il est
calculé en tenant compte de l'évolution des prix pour
l'année à venir et d'une fraction du taux de croissance du PIB de
l'année en cours. Pour 2000, le contrat de croissance fixe cette
fraction à 33 %. Le Sénat avait estimé que le taux
à retenir était celui de 50 %, qui aurait permis d'indexer de la
même manière l'enveloppe normée et la DGF, ce qui
permettrait d'enrayer la baisse de la DCTP.
L'application de taux de progression insuffisants aux dotations de l'Etat
s'accompagne d'une volonté de ne pas faire profiter les
collectivités de l'augmentation des bases de la fiscalité
directe, qui s'établit à 3,8 % en 1999 contre 3,2 % en 1998. En
effet, le gouvernement a décidé de supprimer progressivement un
tiers de l'assiette de la taxe professionnelle et a réduit les taux des
droits de mutation perçus par les départements et les
régions. Les compensations versées en contrepartie sont
indexées sur le taux de progression de la DGF, qui est nettement
inférieur à celui de l'augmentation des bases
42(
*
)
.
3. L'incertitude sur le niveau des taux d'intérêt
La
capacité de financement dégagée par les
collectivités locales depuis 1997 est largement due à la
politique de gestion active de leur dette par les collectivités locales.
Une telle politique n'est réellement profitable que dans un contexte de
baisse des taux d'intérêt. Or, la poursuite du mouvement de baisse
n'est pas acquise, comme en témoigne la décision de la Banque
centrale européenne prise le 4 novembre 1999 de porter le principal taux
directeur de la zone euro de 2,5 % à 3 %.
Lors de son audition par la mission d'information chargée de dresser le
bilan de la décentralisation, notre collègue Joël Bourdin,
en sa qualité de rapporteur de l'Observatoire des finances locales, a
"
insisté sur le fait que l'amélioration de
l'épargne des collectivités locales reposait principalement sur
l'évolution des taux d'intérêt et que ce facteur ne serait
pas forcément favorable dans l'avenir. Il a ajouté que le taux
d'épargne des collectivités locales allait certainement se
dégrader sous l'effet de la reprise de l'investissement
".
Une dégradation du taux d'épargne des collectivités
locales conduirait à réduire la part de leur excédent
comptable en pourcentage, et par conséquent à prolonger la
tendance à la baisse enregistrée entre 1998 et 1999.
En faisant supporter aux collectivités locales des charges nouvelles
supérieures à l'évolution de leurs ressources, le
gouvernement prend le risque de " scier la branche sur laquelle il est
assis " et de réduire, à terme, ses propres marges de
manoeuvre car :
- si l'accroissement des charges devait remettre en cause la reprise de
l'investissement local, qui est une composante centrale du dynamisme de notre
pays, la croissance du produit intérieur brut pourrait en être
affectée ;
- si l'excédent comptable des collectivités locales
disparaissait, l'Etat devrait réduire davantage ses propres
dépenses pour continuer à respecter son objectif de
réduction progressive du déficit des administrations publiques en
pourcentage du PIB.
CHAPITRE IV :
RÉNOVER LES
INSTRUMENTS POUR MIEUX GÉRER L'ETAT
Outre la
nécessité de rénover ou de moderniser un certain nombre
des instruments et méthodes de la discussion budgétaire, votre
commission a plusieurs convictions fortes.
Les prélèvements obligatoires ont atteint un niveau
historiquement élevé rendant indispensable leur réduction.
Grâce au supplément de recettes résultant de la bonne
conjoncture actuelle, il est possible d'y procéder tout en diminuant le
déficit budgétaire. Il est par ailleurs indispensable de viser,
à terme, non seulement une réduction du poids de la
dépense publique, mais également une meilleure allocation de
celle-ci.
Pour pouvoir diminuer le montant des prélèvements obligatoires,
il faut impérativement dépenser moins, mais également
dépenser mieux.
Evolution des dépenses publiques, des
prélèvements obligatoires
et de la dette publique
(en points de PIB)
|
1997 |
1998 |
1999 |
Prévisions2000 |
Dépenses publiques |
54,3 |
54,2 |
54,0 |
53,2 |
Prélèvements obligatoires |
44,9 |
44,9 |
45,3 |
44,8 (1) |
Dette publique (2) |
60,0 |
60,3 |
60,5 |
59,9 (3) |
(1)
Le pourcentage est celui annoncé par le gouvernement pour l'année
prochaine. La progression continue depuis 1997 du montant des
prélèvements conduit votre commission à douter très
largement du caractère réalisable de cet objectif, trop
opportunément optimiste.
(2) En nouvelle base de comptes SEC 95.
(3) Ainsi que votre commission l'a déjà relevé, il ne
s'agit que d'une hypothèse formulée par le gouvernement.
Source : Rapport économique, social et financier
I. LA RÉNOVATION DES INSTRUMENTS
A. LA MODERNISATION DES MÉTHODES COMPTABLES DE L'ÉTAT
Il y a deux ans déjà, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, votre commission des finances avait émis des préconisations en ce sens rassemblées en autant de " piliers de la sagesse budgétaire ". Elle souhaite aujourd'hui émettre des propositions complémentaires s'agissant notamment des méthodes comptables de l'Etat.
Propositions de la commission des finances pour une modernisation des procédures budgétaires : les sept piliers de la sagesse budgétaire
Ces
propositions ont été faites lors de la discussion du projet de
loi de finances pour 1998.
Rétablir la " sincérité " de la loi de
finances
Au fil des années, la loi de finances est devenue un document à
rendre perplexe un commissaire aux comptes. Le projet présenté au
Parlement est incomplet (les fonds de concours n'y figurent pas),
contracté (près de 250 milliards de francs de
prélèvements sur recettes qui sont des charges n'apparaissant
pas), hétérogène (des dépenses identiques sont
traitées différemment selon qu'elles figurent au budget de l'Etat
ou dans des comptes spéciaux du Trésor).
Institutionnaliser la distinction entre l'investissement et le
fonctionnement.
Depuis 1992, une part du déficit budgétaire (48,6 milliards
de francs en 2000) finance des dépenses courantes : l'Etat
s'endette pour vivre au jour le jour. Sans en avoir conscience, nous laissons
ainsi à nos enfants le soin et la charge de régler demain nos
consommations d'aujourd'hui. Cette atteinte aux droits des
générations futures n'est pas admissible. Par analogie avec la
" règle d'or " inscrite dans la Constitution allemande, elle
appelle une réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, identifiant
la section de fonctionnement de l'Etat et les conditions de son
équilibre obligatoire,
seul l'investissement étant
dorénavant financé par l'emprunt.
Certifier les méthodes comptables
L'évolution rapide des phénomènes économiques ne
permet pas de comparer des projets de loi de finances à " structure
constante " et, en tout état de cause, en altère, à
l'image du projet de loi de finances pour 2000, fortement la lisibilité.
Cette instabilité inévitable -mais irritante- doit être
corrigée par la présentation au Parlement, sous le contrôle
de la Cour des Comptes, d'une annexe au projet de loi de finances recensant les
modifications de présentation budgétaire. Inspirée du
principe comptable de " permanence des méthodes ", cette
réforme préviendra les polémiques sur les
" débudgétisations ". Elle permettrait donc de cerner
la réalité des transferts de crédits, dont la
rationalité échappe parfois quelque peu aux esprits les plus
éclairés, même au sein du gouvernement...
Instaurer une procédure de suivi des dépenses sociales
Le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale implique que le Parlement puisse en contrôler l'exécution en cours d'année. Cela suppose la création d'indicateurs mensuels rendus d'autant plus nécessaires que les comptes sociaux se caractérisent par leur extrême émiettement et que les chiffres de l'ACOSS ne sont pas rendus publics. L'accroissement des liens entre lois de finances et de financement particulièrement pour l'an 2000 rend indispensable et urgent un tel exercice.
Accélérer la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale
L'appréciation de la fidélité des documents budgétaires implique une amélioration de la comptabilité patrimoniale de l'Etat, dans le sens des travaux initiés par Jean Arthuis. En effet, les déclassements d'opérations budgétaires en opérations de trésorerie, la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de l'Etat et les systèmes de vases communicants entre le budget général et les comptes des entreprises publiques ne sont finalement retranscrits que dans le compte de la dette et non dans les lois de finances. Les pertes en capital n'apparaissent pas, et pas davantage les charges de retraite non provisionnées.
Moderniser les procédures de régulation budgétaire
Les
rapports de la Cour des Comptes fournissent, chaque année, les exemples
d'une " comptabilité créatrice " visant tant à
lisser sur plusieurs exercices, qu'à réguler en cours
d'année les flux de dépenses et de recettes. L'ordonnance de 1959
n'est plus respectée : les conditions mises à la publication
de décrets d'avance, d'arrêtés d'annulation et de textes
créant des dépenses nouvelles ne sont plus appliquées.
Elles doivent être adaptées. Dans son rapport sur
l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour des comptes a en
conséquence été conduite à émettre un
jugement très critique sur l'exécution budgétaire en 1998.
En revanche, et malgré quelques améliorations récentes, le
Parlement ne peut accepter d'être mis en permanence devant le fait
accompli, d'apprendre que des correctifs sont apportés à la loi
de finances dont l'encre est à peine sèche, voire de constater
que des crédits annulés au printemps sont rétablis
à l'automne.
Deux pistes méritent d'être
explorées
. La Cour des Comptes pourrait être saisie pour avis
du projet de loi de finances -à l'image du Conseil d'Etat- et porter un
jugement sur l'adéquation du niveau des dotations inscrites. Les
commissions des finances devraient être appelées à
débattre des régulations mises en oeuvre.
Fixer un nouveau rendez-vous budgétaire
Les grandes entreprises arrêtent des comptes semestriels. L'Etat ne s'impose pas cette discipline. Il convient donc que le Parlement soit saisi, en fin de premier semestre, d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue au travail commandé aux magistrats de la Cour des Comptes -dont l'élaboration pourrait être confiée à la Cour dans l'esprit de l'article 47 de la Constitution. Un jugement politique pourra alors être porté sur la pertinence de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.
1. Une vraie comptabilité patrimoniale pour l'Etat
A la
différence des particuliers ou des entreprises, l'Etat ne connaît
pas exactement la nature de son patrimoine et par voie de conséquence le
valorise insuffisamment en faisant, de fait, reporter ce poids sur les
contribuables actuels mais également les générations
futures.
Ce constat naguère établi par notre collègue Jean Arthuis,
alors ministre de l'économie, vient encore récemment d'être
à nouveau mis en évidence. En effet, M. Jean-Jacques
François, chef de la Mission comptabilité patrimoniale, a remis
au ministre de l'économie et au secrétaire d'Etat au budget un
rapport intitulé "
Le système financier de l'Etat en
question "
, dont le sous-titre "
Situation
d'urgence ? "
, donne le ton du contenu de ce rapport.
Le diagnostic auquel le rapport a abouti est clair et sans appel :
" S'il n'évolue pas de manière significative, le
système financier de l'Etat risque de perdre rapidement en
efficacité et en pertinence ".
Le rapport François : un diagnostic sévère
Les
principales observations et conclusions du rapport François mettent en
évidence les dysfonctionnements, voire les graves carences de
l'administration française.
Ce rapport estime en effet que
" les limites du système
financier vont devenir insupportables "
, en raison de concepts
budgétaires dépassés et de processus pénalisants.
Par ailleurs,
" la France prend du retard sur l'étranger et sera
mise en difficulté à l'international si elle ne bouge
pas ".
Les dispositifs actuels présentent trois principales imperfections :
- le budget n'informe pas sur certains enjeux importants ;
-
la comptabilité de l'Etat ne permet ni de voir clair ni de
rendre compte dans le domaine de la gestion ;
- les processus financiers sont encore pénalisés par les
contraintes propres aux administrations.
Dès lors, le rapport retient deux priorités :
" une
comptabilité décisionnelle "
et
" l'efficacité financière ".
Cet état des lieux sévère a des conséquences
dommageables sur la connaissance et la valorisation par l'Etat de son
patrimoine.
Ainsi, la valeur du patrimoine de l'Etat diminuerait de 60
milliards de francs sur 10 ans du fait de l'insuffisance du niveau
d'entretien et du retard dans les mises en conformité. Sa mise à
niveau requiert 5 à 6 milliards de francs par an. A défaut de la
réaliser dès maintenant, son poids sera reporté sur les
générations futures.
Qui plus est, le rapport met en exergue
" une visibilité
brouillée "
sur l'étendue du domaine et du parc
immobilier de l'Etat.
Votre commission ne peut que constater l'étroitesse du lien qui unit
l'amélioration de la gestion publique et la réforme de l'Etat.
Or, cette dernière n'est visiblement pas la priorité du
gouvernement.
2. Un jugement d'expert : celui de la Cour des Comptes
Si la
Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances
pour l'année 1998, analyse les conséquences de
l'amélioration de la conjoncture sur l'économie française
(croissance de l'activité, poursuite de la lente décroissance du
déficit budgétaire, progression des recettes fiscales...),
elle n'en souligne pas moins les limites de l'exécution d'un budget
traduisant, pour la première fois sur une année complète,
les priorités du gouvernement issu des élections
législatives du printemps 1997.
A cet égard, elle émet un jugement critique, estimant, en
substance, que les dépenses de l'Etat ont continué de
croître, que la structure de la dépense publique continue de se
dégrader.
Elle insiste également sur le fait que des pratiques
budgétaires et comptables critiquables se perpétuent.
La Cour des comptes formule ainsi des critiques relatives à des
pratiques peu respectueuses des grands principes budgétaires.
Sans
tomber dans un degré de technicité trop important, il est
intéressant d'en relever certains exemples.
Les
libertés prises en 1998 par le gouvernement
avec les grands
principes budgétaires
La Cour
note que
les relations entre le Trésor et la Coface ne sont pas
décrites de façon satisfaisante dans les comptes de
l'Etat
:
" les opérations effectuées par la
Coface pour le compte de l'Etat n'apparaissent distinctement ni dans les
comptes de l'Etat ni dans les comptes de la Coface ".
La Cour des
comptes avait déjà émis de nombreuses critiques sur cette
absence de transparence des opérations, et juge indispensable une
clarification comptable.
S'agissant des dépenses en capital, la Cour des comptes
déplore n'avoir pu disposer d'une comptabilité fiable
cohérente des autorisations de programme.
Elle estime
qu'
" aucune explication ne justifie les défaillances
chroniques "
de cette comptabilité spéciale des
investissements. Elle poursuit :
" La synthèse
comptable de la gestion des investissements publics, fondée sur la
dualité autorisations de programme-crédits de paiement, perd, de
ce fait, toute pertinence. Une remise en ordre s'impose, d'autant que la
nécessité de développer les modes de gestion pluriannuelle
est, à juste titre, considérée comme une priorité
de la modernisation des procédures financières ".
La Cour des comptes est bien plus sévère encore s'agissant de
certaines opérations réalisées sur
les comptes
d'affectation spéciale, en particulier sur le compte n° 902-24
" Produits de cessions de titres, parts et droit de
sociétés ", devenu l'instrument unique de comptabilisation
des recettes de privatisation. Elle constate, en effet, que les
résultats de ce compte sont inférieurs à la
réalité car certaines recettes sur des cessions de titres,
notamment pour
le GAN
, n'ont pas été enregistrées
sur le compte.
D'une manière générale, la Cour émet de nombreuses
réserves sur les opérations affectant les comptes d'affectation
spéciale, estimant que de nombreuses pratiques
" rendent opaques
les interventions de l'Etat et montrent que la frontière entre budget
général et comptes spéciaux du Trésor ne fait pas
l'objet d'un respect suffisant ".
La Cour des comptes regrette que, comme par le passé, certaines
opérations de trésorerie
, qui devraient être
traitées en opérations budgétaires, le soient comme des
opérations de trésorerie, ce qui réduit artificiellement
le déficit budgétaire. A l'inverse, d'autres opérations ne
devraient être décrites qu'en trésorerie, alors qu'elles
sont imputées au budget, ce qui permet également
d'améliorer le solde budgétaire.
Le financement de la trésorerie de l'Agence centrale des organismes de
sécurité sociale (ACOSS) permet à l'Etat de minorer
artificiellement son déficit budgétaire, puisqu'il comptabilise
en recettes budgétaires le remboursement du capital d'un prêt de
la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à la Caisse des
dépôts et consignations, alors qu'il n'en avait pas
supporté la charge, initialement imputée en opération de
trésorerie.
Enfin, s'agissant de
la modification des crédits en cours de
gestion
,
la Cour des comptes se montre particulièrement
sévère. Après avoir relevé de nombreuses
irrégularités en matière de reports, elle conclut :
" Ces irrégularités, qui traduisent parfois une gestion
défaillante, doivent cesser ".
B. LA MISE EN PLACE DE COMPTES CONSOLIDÉS
1. De l'établissement de comptes consolidés aux réformes de procédure et de nomenclature
Votre
commission des finances, par la voix de son président et de son
rapporteur général, a déjà réclamé
l'établissement d'une présentation commune à la fois des
comptes des administrations publiques, mais aussi des projets de loi de
finances et de financement de la sécurité sociale, et
souhaité orienter en ce sens ses travaux.
Le constat des difficultés méthodologiques présidant
à cet établissement conduit ainsi à s'interroger sur de
possibles améliorations de la procédure d'examen des textes
financiers et de leur nomenclature.
a) Les difficultés de l'établissement de comptes consolidés
La seule
solution technique pour obtenir une vision d'ensemble des finances publiques
est de retenir les instruments comptables des comptes nationaux, tels qu'ils
figurent dans le Rapport économique, social et financier, ce qui n'est
possible que pour l'année n-1 (en l'occurrence 1998).
Par ailleurs, il est techniquement impossible d'agréger les lignes du
projet de loi de finances et du projet de loi de financement. La
comptabilité des organismes sociaux fait intervenir des concepts
extrêmement divers et il n'est même pas possible de comparer
dépenses et recettes d'un même projet de loi de financement
puisque les champs ne sont pas identiques.
Le tableau suivant, établi à partir des comptes nationaux
prévisionnels pour 1998, apporte essentiellement des
confirmations :
• la charge de la dette pèse surtout sur l'Etat (73,1 %) de
même que les dépenses d'intervention (78,6 %) tandis que les
administrations de sécurité sociale (ASSO) prennent à leur
charge 78,7 % des transferts sociaux et prestations sociales. A noter
s'agissant des dépenses que les ASSO représentent le premier
poste des dépenses publiques (39,2 % contre 38,5 % pour l'Etat) et
notamment 21,9 % des dépenses de rémunérations du secteur
public soit plus que les collectivités locales ;
• les cotisations sociales vont à 88 % aux ASSO tandis que l'Etat
reçoit 60,1 % des impôts et recettes fiscales (à noter
cependant que les ASSO bénéficient de 34,4 % des
impôts sur le revenu et le patrimoine) ; au total, les ASSO ont 40,9
% des recettes publiques.
Il est par ailleurs intéressant de constater grâce à ce
tableau les ordres de grandeur de ce qui peut s'apparenter au " compte de
résultat des administrations en comptabilité
nationale " :
la sphère publique a un total
d'activité de 5.256 milliards de francs (pour un PIB 1998 de
8.565 milliards de francs) dont 38,8 % vont aux prestations sociales
et 22,25 % aux rémunérations.
De même, l'analyse des recettes révèle le poids
prédominant des recettes fiscales sur les cotisations, accentué
par la fiscalisation croissante de la protection sociale qui montre
l'augmentation de la participation de l'ensemble de l'activité et non
plus seulement du facteur travail au financement des dépenses sociales
(graphique présentation par catégorie de recettes).
Comptes consolidés des administrations publiques en 1998
(en milliards de francs)
|
|
|
|
|
|
|
Organismes divers d'admi-nistration centrale |
|
|
DÉPENSES |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Consommations intermédiaires |
138,8 |
29,4 % |
102,2 |
21,6% |
187,6 |
39,7% |
43,8 |
9,3% |
472,4 |
Rémunérations des salariés |
626,2 |
53,5 % |
257,1 |
21,9% |
235,8 |
20,1% |
52,4 |
4,5% |
1171,5 |
Autres dépenses de fonctionnement |
3,4 |
8,2 % |
22,2 |
53,2% |
9,5 |
22,8% |
6,6 |
15,8% |
41,7 |
Intérêts |
224,9 |
73,1 % |
6 |
1,9% |
46 |
14,9% |
30,9 |
10,0% |
307,8 |
Prestations sociales et transferts sociaux |
259,2 |
12,7 % |
1608 |
78,7% |
70,7 |
3,5% |
104,3 |
5,1% |
2042,2 |
Subventions |
71 |
60,0 % |
1,6 |
1,4% |
33,7 |
28,5% |
12,1 |
10,2% |
118,4 |
Autres transferts |
657 |
78,6 % |
40 |
4,8% |
80,9 |
9,7% |
57,8 |
6,9% |
835,7 |
Acquisition d'actifs non financiers |
45,8 |
17,1 % |
25,4 |
9,5% |
178,1 |
66,6% |
18 |
6,7% |
267,3 |
dont FBCF |
44,8 |
17,5 % |
24,4 |
9,6% |
169,8 |
66,5% |
16,4 |
6,4% |
255,4 |
TOTAL DES DEPENSES |
2026,2 |
38,5 % |
2062,5 |
39,2% |
842 |
16,0% |
325,8 |
6,2% |
5256,5 |
RECETTES |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Production et subventions d'exploitation |
27,7 |
45,0 % |
10,1 |
16,4% |
13,9 |
22,6% |
9,9 |
16,1% |
61,6 |
Impôts et transferts de recettes fiscales |
1447,3 |
60,1 % |
400,9 |
16,6% |
492,8 |
20,5% |
68,3 |
2,8% |
2409,3 |
dont taxes et impôts sur production |
978,4 |
71,0 % |
35,1 |
2,5% |
328,9 |
23,9% |
34,9 |
2,5% |
1377,3 |
dont impôts courants sur le revenu et le patrimoine |
536 |
54,2 % |
339,5 |
34,4% |
79,3 |
8,0% |
33,4 |
3,4% |
988,2 |
dont impôts en capital |
43,9 |
100,0 % |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
43,9 |
dont transferts de recettes fiscales |
-110,9 |
- |
26,3 |
- |
84,6 |
- |
0 |
- |
0 |
Cotisations sociales |
185,3 |
11,8 % |
1380 |
88,0% |
2,3 |
0,1% |
0,9 |
0,1% |
1568,5 |
Impôts et cotisations dûs non recouvrables (net) |
-11,1 |
45,3 % |
-13,4 |
54,7% |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
-24,5 |
Autres transferts courants |
42,7 |
7,0 % |
198,1 |
32,7% |
175,9 |
29,0% |
189,5 |
31,3% |
606,2 |
Autres recettes |
34 |
22,4 % |
13,7 |
9,0% |
60,6 |
39,9% |
43,4 |
28,6% |
151,7 |
TOTAL DES RECETTES |
1767 |
35,2 % |
2052,8 |
40,9% |
870 |
17,3% |
334,5 |
6,7% |
5024,3 |
CAPACITÉ DE FINANCEMENT |
-259,2 |
111,6 % |
-9,7 |
4,2% |
28 |
12,1% |
8,7 |
-3,7% |
-232,2 |
Source : INSEE ? bases 1980 et 1995 des Comptes nationaux ;
calculs Direction de la Prévision
(1) La base 1980 corrigée pour passage au SEC 79 correspond aux
exigences du traité de Maastricht pour la présentation des
déficits publics.
(2) En 1997, la capacité de financement des administrations publiques
s'entend y compris soulte France Télécom.
b) Les enseignements à tirer
Au total
cette vision consolidée des finances publiques apporte principalement un
enseignement quant aux masses respectives. Il doit être
complété par des éléments de tendance (nouveaux
prélèvements sociaux, baisse des prélèvements en
faveur de l'Etat) et par des rapprochements (budget de l'Etat / dépenses
inscrites en loi de financement ; évolution des frais de gestion
des régimes sociaux par rapport à celle des dépenses de
fonctionnement de l'Etat).
Il est en outre impossible de comparer ligne par ligne les projets de loi de
finances et de financement de la sécurité sociale pour des
raisons de méthode comptable, et cela en l'absence de prévisions
fournies par le gouvernement concernant les comptes nationaux pour 1999, 2000
et 2001.
Répartition par fonctions des dépenses publiques consolidées
Répartition par catégories des recettes
consolidées
2. Quelques pistes d'évolution
a) Un exercice difficile
Il est
aujourd'hui indispensable de réussir à établir des comptes
consolidés. Il à peine imaginable que les lois de finances et les
lois de financement soient impossibles à agréger. La France
dépensera en 2000 1.650 milliards de francs pour l'Etat et 1.800
milliards de francs au titre des régimes de base de
sécurité sociale.
Et pour des raisons de structures
comptables, de champ méthodologique, de transferts divers et
variés, le gouvernement n'apparaît pas en mesure de fournir une
vision globale des finances publiques de l'année à venir alors
même qu'il est obligé de le faire pour respecter ses engagements
européens.
Les prélèvements obligatoires consolidés peuvent
s'appréhender plus facilement puisque les champs se recouvrent à
peu près. De même, il est possible de rapprocher les recettes de
chaque champ, même si les deux parties du tableau se recouvrent.
Recettes comparées sur prélèvements
obligatoires de l'Etat et des régimes obligatoires de base de
sécurité sociale
(prévisions pour l'an 2000)
(en milliards de francs)
Recettes de l'Etat (état A du PLF) |
Prévisions de recettes des régimes obligatoires de base (article 6 du PLFSS) |
||
Recettes fiscales |
1.882,2 |
Cotisations effectives |
1.043 |
Recettes non fiscales |
200,3 |
Cotisations fictives |
201.5 |
Prélèvements sur recettes |
- 288 |
Contributions publiques |
67,1 |
|
|
Impôts et taxes affectés |
515,6 |
|
|
Transferts reçus |
4,7 |
|
|
Revenus des capitaux |
1,7 |
|
|
Autres ressources |
34,1 |
Total |
1.794,5 |
Total |
1.867,7 |
En
revanche, il est beaucoup plus délicat de procéder au même
rapprochement pour les dépenses de l'Etat et des régimes sociaux.
A ce titre d'aucuns évoquent l'idée de lois de financement (Etat
et sécurité sociale) consolidées. Ceci n'apparaît
pas constituer une hypothèse absurde mais elle doit se concilier avec le
respect des principes du paritarisme social. Elle serait nécessaire
quand on prend conscience que ces dépenses, aujourd'hui mises en oeuvre
par l'Etat ou les régimes de sécurité sociale, sont
couvertes par un même contributeur, l'acteur économique, et par un
même moyen, le prélèvement obligatoire.
La fiscalisation croissante de la sécurité sociale, sa
déconnexion grandissante avec les revenus du travail pour
s'élargir à l'ensemble de l'activité économique et
financière introduisent une tendance à la consolidation des
prélèvements, au moins dans l'esprit des Français. Or
aucun élément technique public ne permet de disposer de
consolidation des dépenses. Il leur serait donc impossible de savoir
exactement ce que l'ensemble de la sphère publique, car il s'agit bien
de cela , compte dépenser de l'argent prélevé de
manière collective ?
A tout le moins, on est en droit d'attendre des réponses claires du
gouvernement sur ces questions. Si la loi de finances et la loi de financement
de la sécurité sociale présentent un intérêt
certain, elles connaissent aussi de fortes limites qu'il conviendra de
réduire.
b) Une contribution au débat
Sans
prétendre apporter de réponses définitives, votre
rapporteur général souhaiterait simplement soumettre quelques
pistes de réflexion afin d'apporter sa contribution au débat.
Ne pourrait-on pas limiter strictement leur champ ? Cette limitation
vaudrait tout autant de façon négative comme cela existe
déjà (ne peuvent figurer dans chacune des lois que certaines
catégories de mesures que les textes organiques et la jurisprudence
constitutionnelle précisent de façon détaillée) que
de façon positive : ne pourrait figurer dans aucun autre texte une
mesure à caractère de prélèvement, modifiant un
impôt, une taxe, exonérant de charges ou créant un fonds de
financement.
Lois de finances et de financement auraient ainsi un domaine
réservé qui permettraient de faire de leur discussion le temps
fort et unique de l'appréhension des prélèvements
obligatoires et de leur affectation.
Par ailleurs ne peut-on pas travailler à une nomenclature comptable
unique entre les deux textes permettant de disposer d'états
annexés en loi de financement reprenant les principaux titres de la loi
de finances ? Il s'agirait ici de détailler les frais de
fonctionnement (par analogie avec le titre III), les prestations fournies (par
analogie avec le titre IV), les dépenses en capital des
différents régimes (par analogie avec le titre V) et les
dépenses de prévention (par analogie avec le titre VI). Cette
présentation sous forme commune permettrait d'avoir une vision globale
des types de dépenses des deux textes.
Cette modernisation, cette évolution des instruments apparaissent
comme un enjeu essentiel et votre commission des finances entend dès
aujourd'hui prendre date dans cette oeuvre d'évolution des finances
publiques. Chaque Français et chaque entreprise savent ce qu'ils paient.
Ils doivent aussi savoir ce à quoi cet argent sert.
C. UNE RÉFLEXION AUTOUR DE L'ORDONNANCE ORGANIQUE DE 1959
1. Un certain vieillissement conceptuel
L'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique
relative
aux lois de finances est, en principe, à la base du fonctionnement des
finances publiques.
Elle n'en constitue néanmoins pas un cadre strict, une épure
budgétaire, limitant les pouvoirs du Parlement en la matière et
amputant le cas échéant la portée des mesures que celui-ci
pourrait préconiser. Ainsi votre commission des finances a fait de la
baisse des prélèvements sa priorité : or les
dispositions conjuguées de l'article 40 de la Constitution et de
l'article 42 de l'ordonnance précitée lui interdisent de
baisser globalement le niveau de la pression fiscale puisque toute baisse
d'impôt doit être gagée par l'augmentation du même
montant d'une autre imposition. De la même façon, cette ordonnance
ne permet que de " dépenser moins ", mais pas de
" dépenser mieux " et de redéployer les moyens. S'il
est possible de diminuer le montant de certains crédits
budgétaires, il n'est pas possible de réaffecter, en tout ou
partie l'économie ainsi réalisée ou d'accroître des
chapitres que l'on jugerait insuffisamment dotés.
Par ailleurs, eu égard à la " montée en
puissance " des lois de financement social et au développement de
liens complexes unissant désormais les deux lois financières
ladite loi organique semble souffrir d'un certain vieillissement conceptuel,
les principes d'universalité ou d'unité budgétaires
étant, à tout le moins, mis à mal.
Il serait donc nécessaire, à ce titre, de repenser le contenu de
cette ordonnance compte tenu de l'évolution du domaine des finances
publiques ainsi que de leur indispensable modernisation. S'agissant de la dette
de l'Etat, on doit rappeler que le Parlement n'en a qu'une " vision
tronquée ", selon l'expression du rapporteur général
de l'Assemblée nationale puisque les ressources et remboursements
d'emprunts font partie des opérations de trésorerie et ne
figurent pas en tant que tels dans la définition de l'équilibre
général du budget. De même, il pourrait être
envisagé de mieux distinguer entre le fonctionnent et l'investissement
ou d'adapter les règles, souvent contournées, qui entourent la
publication des décrets d'avance et des arrêtés
d'annulation.
2. La limitation de la rétroactivité fiscale
Le
principe de sécurité juridique est une condition essentielle de
bon fonctionnement des sociétés.
Il implique que chaque
citoyen puisse connaître, à l'avance et de manière
précise, les avantages et les inconvénients de ses actes eu
égard aux règles juridiques qui s'imposent à lui.
Concrètement, la sécurité juridique implique que la norme
juridique soit accessible, claire et prévisible.
Elle garantit donc
la stabilité des situations juridiques, notamment en s'opposant à
leur remise en cause par des normes rétroactives.
Or, la multiplication, au cours de ces dernières années, de
dispositions fiscales soit rétroactives, soit rétrospectives a
contribué à développer un sentiment
d'insécurité juridique fort parmi les contribuables.
Longtemps cette exigence n'a concerné que les lois de finances dans
la mesure où celles-ci détenaient un quasi-monopole de fait sur
la fiscalité
. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, à l'image du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qui
contient les principales mesures fiscales préconisées par le
gouvernement.
A ce titre, si l'on souhaite faire évoluer l'état du droit, il
est indispensable de ne pas seulement inscrire un tel principe au sein de
l'ordonnance organique de 1959, et cela afin de lui donner une portée
générale.
Les
propositions de votre rapporteur général pour limiter le
recours
aux dispositions fiscales rétroactives
Le
principe de sécurité juridique est une condition essentielle de
bon fonctionnement des sociétés.
Or, la multiplication, au cours de ces dernières années, de
dispositions fiscales soit rétroactives, soit rétrospectives
(comme l'abrogation par anticipation d'avantages fiscaux concernant des
opérations étalées sur plusieurs années) a
contribué à développer un sentiment
d'insécurité juridique fort parmi les contribuables.
Cette situation entraîne deux effets pervers.
D'une part, elle altère l'esprit d'entreprise des contribuables :
si l'environnement juridique de l'entreprise ou du patrimoine devient instable,
toute prévision tend à devenir impossible et les agents
économiques ne sont plus encouragés à développer
leurs activités.
D'autre part, l'utilisation intempestive de la rétroactivité
affaiblit la crédibilité et l'efficacité de la politique
fiscale. En effet, les contribuables sont moins réceptifs aux
incitations fiscales de l'Etat dès lors que celles-ci peuvent être
effacées ou remises en cause après quelques années.
Le 2 mars 1999, la commission des finances du Sénat et le Centre
d'études de fiscalité des entreprises ont organisé un
colloque intitulé " loi fiscale rétroactive et
sécurité juridique : quelle conciliation ? ".
L'objectif de ce colloque était notamment de proposer des pistes de
réflexion pour renforcer la sécurité fiscale.
Les
intervenants ont admis le rôle de la jurisprudence pour limiter le
recours aux dispositions rétroactives.
Toutefois, ils ont estimé que cette évolution serait
facilitée si un principe général du droit relatif à
la non rétroactivité était introduit dans la
Constitution.
L'article 2 du code civil pose le principe selon lequel la loi ne dispose que
pour l'avenir ; elle n'a pas d'effet rétroactif.
Toutefois, la
simple valeur législative du principe de non
rétroactivité, confirmée par le Conseil constitutionnel,
ne permet pas de l'imposer au législateur.
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur général a
souhaité faire évoluer l'état du droit applicable.
Il a, à ce titre, déposé deux propositions de loi,
n° 53 et n° 54 (1999-2000), pour limiter le recours aux
dispositions fiscales rétroactives.
En effet, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant
le domaine des lois organiques, une révision constitutionnelle
préalable apparaît nécessaire
puisqu'il estime qu'une
loi organique ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets
limitativement énumérés par la Constitution.
Or, aucune disposition constitutionnelle ne fait référence au
principe de non rétroactivité. C'est la raison pour laquelle une
proposition de loi constitutionnelle a été déposée
qui modifie le sixième alinéa de l'article 34 de la Constitution
qui dispose que la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et
les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
Il
s'agit de préciser que les règles relatives à l'assiette
et au taux ne sont pas rétroactives sauf dans les conditions et sous les
réserves prévues par une loi organique.
Par ailleurs, votre rapporteur général a également
déposé une proposition de loi organique qui tend à
circonscrire, en droit, les cas où le recours à une loi
rétroactive est admissible tout en tenant compte non seulement de la
tradition juridique de la France, mais aussi de la spécificité de
la technique fiscale. Ainsi, les règles d'application dans le temps des
dispositions incluses dans les lois de finances sont maintenues.
Le vecteur juridique retenu est une loi organique afin que le champ
d'application de la présente proposition s'étende aux
dispositions fiscales contenues non seulement dans les lois, mais
également dans les lois de finances et dans les lois de financement de
la sécurité sociale.
II. METTRE FIN À " L'EXCEPTION FRANÇAISE "
Ainsi que votre commission des finances l'a déjà rappelé, " l'exception française " en matière de finances publiques se traduit par un niveau historiquement élevé de prélèvements obligatoires destinés à financer des dépenses publiques qui ne baissent pas et un déficit budgétaire insuffisamment réduit. La comparaison de notre situation " d'exception " avec celle de nos principaux partenaires nous démontre que celle-ci est une impasse. Il convient donc, sans délai, d'y remédier.
La
dérive de la dette publique analysée par votre commission des
finances :
des leçons à méditer
A la
demande de la commission des finances du Sénat, le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie (direction de la
prévision) a réalisé une étude sur
l'évolution de la dette publique en France. Cette étude a fait
l'objet d'un rapport d'information de votre rapporteur général.
La dérive de la dette publique, passée de 27.000 francs par
actif occupé en 1980 à 212.000 francs en 1997, a
transféré aux générations futures un lourd
fardeau
. Ce report de charges est d'autant moins justifiable que,
l'endettement de l'Etat ayant servi à financer ses charges courantes de
fonctionnement, il s'est accompagné d'un appauvrissement du patrimoine
public. La valeur nette de ce dernier atteignait 53,3 points de PIB en 1980 ;
elle n'était plus que de 7,6 points de PIB en 1997.
L'accumulation de la dette publique a été le produit d'une
politique des finances publiques délibérément conduite par
l'Etat dans le sens, d'une part, d'un recours volontaire au déficit
budgétaire et, d'autre part, de l'alourdissement continu des charges
publiques. L'impact négatif de cette gestion sur la dette publique a
été amplifié par l'écart entre le coût de la
dette et le taux de croissance suscité par le niveau élevé
des taux d'intérêt.
Des précisions importantes doivent compléter cette
présentation.
Pour apprécier correctement la politique budgétaire de l'Etat, il
convient de distinguer trois périodes : la première, de 1981
à 1986, où le solde conjoncturel est proche de l'équilibre
alors que le solde primaire structurel -qui manifeste l'orientation volontaire
de la politique budgétaire- est largement déficitaire, la
deuxième, entre 1988 et 1991, où le solde conjoncturel devient
nettement excédentaire mais où le solde primaire structurel est
significativement déficitaire, la troisième, enfin, à
partir de 1993, où le solde conjoncturel accuse de profonds
déficits alors que les déficits primaires structurels sont
réduits et se transforment en excédents à partir de 1996.
Cette périodisation montre qu'un jugement global sur la
responsabilité respective de la conjoncture et des politiques
budgétaires sur l'augmentation de la dette publique peut être
établi. A partir de 1993, les déficits conjoncturels sont
responsables du surcroît d'endettement à peu près à
parité avec les déficits structurels, que les gouvernements en
fonction à partir de cette date se sont efforcés de
réduire, tandis que, sans nécessité économique, les
marges de manoeuvre engendrées par la bonne conjoncture des
années 89 à 90 ont été dépensées au
lieu d'être employées à réduire l'endettement public
que les importants déficits délibérés du
début des années 80 et l'extension du secteur public avaient
suscité.
Car, à côté des déficits
délibérés, il faut aussi prendre en compte
l'évolution du secteur public.
Le financement des nationalisations a impliqué un endettement global de
34,6 points de PIB au cours de la période, imputable pour l'essentiel au
début des années 80, et a entraîné des charges
cumulatives puisque le patrimoine financier des administrations publiques a un
rendement net négatif. Il existe en effet un écart de 4 points
entre le coût de la dette et les revenus des actifs financiers de l'Etat.
Face à cette gestion contestable des finances publiques, un
changement de cap est intervenu à partir de 1994.
Dès cette année, l'orientation de la politique budgétaire
a permis progressivement de contrecarrer l'effet sur la dette d'une conjoncture
déprimée. La réduction continue des déficits
structurels primaires s'étant prolongée, à partir de 1996
des excédents structurels primaires compensent de plus en plus
complètement les déficits conjoncturels. L'accroissement de la
dette a ainsi pu être freiné alors que le déficit de
croissance atteignait son comble, comme dans l'ensemble des pays
européens, et alors que l'écart entre le coût moyen de la
dette et le taux de croissance provoquait une dérive spontanée
particulièrement rapide de la dette.
A ce sujet, il convient en effet de préciser que si les taux
d'intérêt et de croissance avaient été identiques
entre 1991 et 1997, la dette publique n'aurait augmenté que de 8,5
points de PIB entre ces dates, contre les 22,5 points observés.
Le gouvernement devrait tirer toutes les leçons de cette étude
alors que la prise en compte du " hors-bilan " de l'Etat non encore
comptabilisé (retraites, défaisances, garanties...) va
accroître encore un passif qu'il importe de résorber dès
maintenant.
Mais le programme de stabilité notifié par le gouvernement
à la Commission européenne n'est pas à la hauteur des
enjeux. Les déficits structurels sont maintenus alors que la conjoncture
économique permettrait d'accumuler des réserves. Le gouvernement
choisit une augmentation du volume des dépenses publiques alors que la
responsabilité de la dérive de la dette est largement imputable
au niveau qu'elles atteignent déjà dans notre pays.
Cette politique ne marque aucune rupture avec les choix qui ont fait le lit
d'un endettement public insoutenable.
A. LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS AVANT DANS LA RÉDUCTION DU DÉFICIT
Votre
commission ne fait pas de l'orthodoxie budgétaire, consistant à
réduire prioritairement le déficit budgétaire et à
diminuer le poids de la dette publique, un dogme absolu. Elle estime
néanmoins indispensable de profiter de la situation actuelle pour
accroître l'effort de réduction du déficit, celui-ci se
situant toujours à un niveau trop élevé car
supérieur à celui enregistré chez nos principaux
partenaires
43(
*
)
.
Un tel effort, conforme à ce que votre commission a encore
récemment préconisé lors du débat d'orientation
budgétaire, est non seulement souhaitable mais possible et, à ce
titre, largement réclamé tant en France qu'à
l'étranger. Dans ce contexte,
votre commission estime qu'il est
d'ores et déjà possible de faire " gagner un an "
à la France
en anticipant pour cela les objectifs que le
gouvernement s'était fixés dans le programme de
stabilité.
1. Les mises en garde internationales
a) Les jugements sévères de la Commission européenne
En mars
1999, dans ses recommandations concernant les " grandes orientations des
politiques économiques des Etats-membres et de la
Communauté ", la Commission européenne avait tenu à
indiquer s'agissant de la France que :
" le raffermissement
attendu de l'activité économique en 2000 et au delà
devrait être utilisé pour accomplir des progrès vers
l'objectif de moyen terme pour le déficit, c'est-à-dire les
projections du scénario favorable du programme de stabilité de la
France ".
Ce sentiment était également partagé par les nouveaux
commissaires européens. Ainsi, lors de son audition par le Parlement
européen, en septembre 1999, le nouveau commissaire aux affaires
financières, M. Pedro Solbes s'était félicité,
de façon générale, de voir les déficits publics de
l'Euro 11 diminuer plus vite que prévu dans le Pacte de
stabilité et de croissance. Il se déclarait par ailleurs
favorable à ce que les surplus de recettes engendrés par la
croissance soient affectés à la réduction des
déficits publics, en particulier s'agissant des pays connaissant des
" impasses importantes "
au nombre desquels il citait la
France.
De même, le 16 septembre 1999, M. Pascal Lamy, commissaire
européen chargé du commerce international estimait s'agissant de
la France que
" dans la conjoncture actuelle qui est bonne et qui
devrait être encore un peu meilleure l'année prochaine, le niveau
du déficit budgétaire est trop élevé ",
l'empêchant ainsi d'avoir un effet contra-cyclique.
Ces jugements étaient encore corroborés par l'analyse faite
récemment par M. Gerrit Zalm, ministre néerlandais de
l'économie et des finances. Il indiquait le 8 octobre 1999 que la
réduction des déficits publics apparaissait trop lente au regard
du rythme de croissance de la France
44(
*
)
. Il
s'était par ailleurs, de façon fort perspicace,
déjà soucié du mode de financement des 35 heures et
de son impact sur le budget français.
b) Les préconisations de la Banque centrale européenne
Le rapport de la Banque centrale européenne de septembre 1999 indiquait que " des objectifs budgétaires plus ambitieux sont justifiés pour l'année 2000 et au-delà ". Elle estimait ainsi nécessaire l'évolution consistant à " accorder une plus grande importance à l'objectif de réduction des dépenses primaires courantes afin de poursuivre plus avant l'assainissement des finances publiques ", dans la mesure où " pendant la phase de transition vers des soldes budgétaires proches de l'équilibre ou en excédent, les finances publiques dans l'ensemble de la zone euro demeurent vulnérables aux chocs non anticipés ".
Les
sages préconisations budgétaires de la Banque centrale
européenne
pour l'année 2000 et au-delà
Dans son
rapport de septembre 1999, la Banque centrale européenne émettait
les sages préconisations suivantes :
"
L'année 2000 devrait connaître des avancées plus
rapides que prévu en matière de réduction des
déficits budgétaires dans la zone euro. Lors de la
présentation du budget pour l'année à venir, plusieurs
gouvernements ont d'ailleurs clairement exprimé leur intention
d'accorder un grande importance à l'objectif de réduction de
dépenses primaires courantes ainsi que de poursuivre plus avant
l'assainissement des finances publiques.
Cette évolution est nécessaire car, pendant la phase de
transition vers des
soldes budgétaires proches de
l'équilibre ou en excédent, les finances publiques dans
l'ensemble de la zone euro demeurent vulnérables aux chocs non
anticipés.
Dans les années à venir, les gouvernements
devraient moins compter que dans un passé récent sur les effets
financiers bénéfiques escomptés de la conjonction, d'une
accélération de la croissance et de taux d'intérêts
bas pour améliorer le solde budgétaire. Au contraire, il leur
faut intensifier leurs efforts pour réduire les sources de
déséquilibre des finances publiques qui subsistent, tels que des
niveaux de dette publique et d'imposition excessivement élevés,
des systèmes de redistribution impossibles à maintenir et des
administrations publiques inefficaces.
L'expérience récente d'un ralentissement modeste de la croissance
dans la zone euro permet de penser que le respect des obligations du Pacte de
stabilité et de croissance est justifié pour protéger les
finances publiques des conséquences néfastes de périodes
plus sévères ou prolongées de faible activité
économique et -surtout dans les pays fortement endettés- d'une
remontée des taux d'intérêt aggravant le coût du
service de la dette publique. Les récents mouvements à la hausse
des rendements obligataires renforcent la nécessité de mesures
plus décisives pour parvenir à des situations budgétaires
fondamentalement robustes
".
2. Les critiques au sein même de la majorité plurielle
a) Les voix des experts
Le 10
septembre 1999, M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France,
soulignait que les dépenses et les déficits publics
étaient trop élevés en France, en Italie et en Allemagne
après avoir très opportunément rappelé que
le
Pacte de stabilité et de croissance prévoyait que les budgets
devaient être proches de l'équilibre ou en excédent.
Un large consensus existe également chez les économistes qui se
prononcent dans leur très grande majorité pour la
réduction du déficit budgétaire et le remboursement de la
dette. Ils rappellent ainsi fort justement que le Pacte de stabilité
prévoit que les éventuelles recettes excédentaires doivent
être utilisées à la réduction du déficit. De
même, ils estiment que la marge de manoeuvre budgétaire de la zone
euro ne s'accroîtra qu'à partir du moment où les
autorités gouvernementales européennes se seront engagées
durablement sur le chemin de la réduction des dépenses publiques
structurelles.
b) Et celle des anciens Premiers ministres socialistes
A la fin du mois d'août 1999, M. Michel Rocard déclarait qu'il lui " semblait plus sain de réduire notre dette. C'est le meilleur moyen de ne pas avoir à augmenter dans l'avenir la pression fiscale ".
Le
président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, se
" rallie " aux recommandations de la commission des finances du
Sénat
Lors du
débat d'orientation budgétaire pour 2000, qui s'est tenu en juin
1999, votre commission des finances avait souhaité que les
prélèvements obligatoires, eu égard à leur niveau
historiquement élevé, soient réduits, que la
dépense publique soit maîtrisée mais également mieux
gérée, afin que le déficit budgétaire et, partant,
le poids de la dette publique soit significativement réduit et cela afin
de préserver l'avenir.
On ne peut donc que se féliciter que ces préconisations aient
été reprises au mois d'octobre 1999 par M. Laurent
Fabius, président de l'Assemblée nationale, sous la forme de
" trois cercles vertueux " : baisse des
prélèvements, contrôle de l'efficacité de la
dépense et amélioration de la gestion publique.
Il n'est pas jusqu'au rapporteur général de la commission des
finances de l'Assemblée nationale qui ne reconnaisse, à
l'occasion de la discussion générale du présent projet de
loi de finances, que
" quelques éléments d'incertitude ou
d'insatisfaction demeurent. Des impatiences se font également jour
concernant la réduction des déficits publics et des
prélèvements obligatoires ".
3. Adopter une gestion prévoyante
a) Se prémunir contre un éventuel retournement de la conjoncture
La
réduction des déficits publics, au premier chef celui de l'Etat,
et partant, celle de l'endettement doit permettre de reconstituer les marges de
manoeuvre nécessaires afin de pouvoir faire face à un
éventuel retournement de la conjoncture.
Elle permettrait également de se prémunir contre une
éventuelle dégradation du solde des administrations sociales qui
demeure, malgré un indéniable redressement, toujours
structurellement fragile. En outre, le vieillissement de la population et les
charges qui en découlent rendent plus que jamais indispensable cette
nécessaire et salutaire rigueur.
b) Utiliser les plus-values de recettes fiscales
Ainsi,
eu égard aux perspectives favorables de croissance que semble devoir
connaître la France pour l'année à venir, mais
également les années suivantes, une accentuation significative de
l'effort de réduction du déficit budgétaire apparaît
non seulement souhaitable ou nécessaire mais également
réalisable. Cette accentuation de la réduction pourrait ainsi
être évaluée, eu égard au retard français en
ce domaine, à un montant de l'ordre de 0,2 point de PIB, soit environ
20 milliards de francs. Ainsi la France " gagnerait un an " par
rapport au programme de stabilité en réalisant dès
l'année prochaine l'objectif qu'elle s'était fixée pour
2001, et qui est de 2,2 points de PIB (contre 2,4 points) s'agissant
du déficit budgétaire de l'Etat.
Par delà la vertu d'exemplarité attachée à
l'affichage d'un tel objectif, celui-ci pourrait d'ailleurs être atteint
dès cette année, soit dès 1999. En effet, les plus values
de recettes fiscales enregistrées d'ores et déjà par
l'Etat, que l'on peut chiffrer à un minimum de 30 à 40 milliards
de francs permettraient déjà, sans effort supplémentaire,
et nonobstant la nécessaire diminution du poids des
prélèvements obligatoires, d'atteindre un tel objectif comme le
reconnaissait d'ailleurs implicitement lors de la discussion
générale à l'Assemblée nationale, le ministre de
l'économie quand il soulignait que
" la croissance est en effet
plus forte que prévue,
mais les recettes, loin de ne pas être
au rendez-vous, sont excédentaires ".
Puissent donc les faits rejoindre les intentions afin que l'avenir soit
préservé.
B. BAISSER LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Leur niveau historiquement élevé et qui ne baisse pas, nonobstant les incantations gouvernementales, rend indispensable une action déterminée en ce domaine. Ce constat est par ailleurs celui qui apparaît dans l'étude précitée commandée par votre commission des finances sur la concurrence fiscale en Europe de laquelle il ressort que la situation de la France en ce domaine apparaît globalement mauvaise. La France est ainsi un des pays où la pression fiscale est la plus élevée en Europe.
La
concurrence fiscale en Europe :
une contribution au débat de
votre commission des finances
Le
rapport (n° 483 ; 1998-1999) publié en juillet 1999 a
pour objectif d'alimenter la réflexion et le débat sur les
questions posées par la concurrence fiscale en Europe. Il rend compte
des conclusions d'une étude commandée par votre commission des
finances à l'Observatoire français des conjonctures
économiques (OFCE).
Il s'agissait d'identifier plus précisément les
aspérités associées à un état paradoxal de
la construction européenne. Celle-ci est en effet
caractérisée par une intégration de plus en plus
complète des marchés (biens, services, capitaux), par les
progrès réalisés dans le domaine des libertés
d'aller et de venir (libertés d'établissement, de
circulation...), par une unification monétaire très largement
accomplie mais aussi par une harmonisation fiscale si limitée que des
phénomènes de concurrence fiscale ont tout lieu d'être
redoutés.
La complexité technique des problèmes abordés appelle
approfondissements et prolongements mais elle ne doit pas occulter la dimension
politique du sujet : des précisions s'imposent donc pour que la
volonté du législateur s'exerce en pleine clarté.
De ce dernier point de vue, l'un des enseignements forts de l'étude doit
être médité. La concurrence fiscale entre Etats
européens appelle naturellement un meilleur dialogue international. Mais
elle réclame aussi d'entreprendre sans tarder des réformes
internes. Notre pays a beaucoup à faire. Il serait vain et dangereux
pour lui d'espérer imposer son exception fiscale à ses
partenaires.
De ce fait, votre commission des finances s'emploiera à faire progresser
la réflexion en la matière en s'appuyant sur le constat sans
appel fait par cette étude :
la situation de la France au regard
de la concurrence fiscale apparaît globalement mauvaise.
En effet, notre pays apparaît comme l'un de ceux où la pression
fiscale est la plus élevée en Europe en occupant, impôt par
impôt, une position souvent moyenne au regard de cet indicateur. Cette
situation n'est d'ailleurs pas vraiment surprenante, car elle ne fait que
traduire l'absence de choix stratégiques en politique fiscale des
gouvernements successifs, qui ont cumulativement fait usage de toutes les
assiettes fiscales concevables, en application de raisonnements en
général plus politiques ou budgétaires
qu'économiques.
Le niveau des prélèvements obligatoires est, de fait, en France,
particulièrement préoccupant au regard de la
compétitivité fiscale et place notre pays en mauvaise situation
pour affronter une recrudescence éventuelle de la concurrence fiscale.
Cette situation se vérifie dans le domaine des impôts indirects
où, avec le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique,
l'Autriche et l'Italie, la France est parmi les pays qui taxent le plus la
consommation.
Mais on le vérifie surtout dans le domaine des
impôts directs et des prélèvements sociaux.
1. Mettre fin à une fiscalité élevée pour les entreprises françaises
L'accroissement de la fiscalité pesant sur les entreprises grandes et moyennes depuis deux ans et demi est préoccupant à plusieurs titres. En premier lieu, la concentration de toutes les hausses ou créations d'impôts sur une seule catégorie d'entreprises, voire sur une fraction de celle-ci conduit à fragiliser le principe de l'égalité des contribuables devant les charges publiques. En outre, elle a pour effet de creuser le fossé fiscal entre les petites entreprises et les autres. Enfin, on ne saurait constater sans inquiétude la divergence de plus en plus grande entre la fiscalité française des entreprises et la fiscalité des autres Etats membres de l'Union européenne.
a) Un contexte fiscal national de moins en moins favorable aux moyennes et grandes entreprises
La
création d'un nouvel impôt sur les grandes entreprises
L'analyse du projet de loi de finances pour 2000 ne peut s'exonérer
cette année de celle du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000, tant les deux textes sont
liés. Car le second ajoute aux alourdissements fiscaux prévus
pour les entreprises par le présent projet de loi de finances une
nouvelle taxe sur les entreprises de plus de 50 millions de francs sur laquelle
il convient de rester très vigilant.
En effet, la contribution sociale sur les bénéfices (CSB) des
entreprises créée par l'article 3 du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2000, dont le rendement attendu est
de
4,3 milliards de francs
pour 2000, est un impôt pérenne,
susceptible d'augmenter fortement à l'avenir et extrêmement
concentré.
Ce nouvel " impôt sur l'impôt ", acquitté par les
entreprises dont le chiffre d'affaires excède 50 millions de francs, a
d'abord pour conséquence de
pérenniser la hausse du taux
facial de l'impôt sur les sociétés
résultant des
dispositions de la loi portant mesures urgentes à caractère
fiscal et financier du 10 novembre 1997, pour
les grandes
sociétés
.
Or, si l'objectif de diminution du déficit public dans la perspective du
passage à la monnaie unique pouvait justifier, à l'automne 1997,
la création d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les
sociétés, celle
d'un impôt pérenne sur la
fraction des sociétés qui subit le plus violemment la concurrence
des entreprises étrangères est d'autant plus contestable que la
France se situe déjà parmi les pays taxant le plus lourdement
leurs entreprises
.
Cette nouvelle taxe a également pour particularité d'être
extrêmement concentrée
puisque moins de 2 % des
entreprises qui payent l'impôt sur les sociétés fourniront
plus des trois-quarts de son rendement, ce qui n'était pas le cas de la
contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, plus
équitablement répartie entre les entreprises.
Elle s'inscrit enfin dans un contexte global de durcissement du
régime fiscal des moyennes et grandes entreprises qui peut
s'avérer extrêmement préjudiciable pour celles-ci.
Les hausses d'impôt visant les entreprises de plus de 50 millions
de francs de chiffre d'affaires.
Depuis 1997, le gouvernement a souhaité taxer les entreprises, et
notamment les plus grosses d'entre elles, pour se donner des marges de
manoeuvre budgétaires. Pour cela, il a retenu un seuil de 50 millions de
francs de chiffre d'affaires (7 millions d'euros) censé
sélectionner les seules grandes entreprises.
Or, le critère de 7 millions d'euros de chiffre d'affaires trace la
frontière non pas entre les grandes entreprises et les PME comme il a
été plusieurs fois affirmé, mais entre les petites
entreprises et les entreprises moyennes et grandes, au sens de la
recommandation de la Commission européenne du 3 avril 1996. La
Commission européenne ne considère comme " grandes "
- par opposition aux PME - que les entreprises dont le chiffre
d'affaires excède 40 millions d'euros, soit 280 millions de francs.
Ce sont donc les entreprises moyennes et grandes qui, en acquittant une
contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés de
15 % puis de 10 %, ont permis à la France de se conformer aux
critères fixés par le traité de Maastricht pour le passage
à la monnaie unique.
Ces mêmes entreprises ont de nouveau été
sollicitées, via la très forte
augmentation du taux de la
cotisation minimale de taxe professionnelle
en 1998, pour atténuer
le coût pour les finances publiques de la suppression de la part
salariale de l'assiette de la taxe professionnelle.
Les lois de finances pour 1998 et 1999 ont accru de plus de 100 % les
tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de
50 millions de francs de chiffre d'affaires, procurant un surcroît
d'impôt de plus de 700 millions de francs.
On le constate donc, la contribution sociale sur les bénéfices
(CSB) créée par l'article 3 du projet de loi de financement de la
sécurité sociale s'ajoute à une série de
" cadeaux " fiscaux aux entreprises de plus de 50 millions de
francs de chiffre d'affaires, qui porte le poids des impôts sur les
moyennes et grandes entreprises à un
niveau
que votre rapporteur
général juge
préoccupant
, d'autant que d'autres
mesures plus générales sur les entreprises doivent être
prises en considération.
Les autres hausses d'impôt sur les entreprises
Les entreprises qui ont bénéficié de la réforme de
l'assiette de la taxe professionnelle dès la première
année ont subi en contrepartie une hausse de leur impôt sur les
sociétés évaluée à
2,6 milliards de
francs
pour 2000, en raison de la moindre imputation de taxe
professionnelle sur leur résultat imposable à l'IS.
Par ailleurs, en 1999, les entreprises participatives ont vu leur cotisation
d'impôt sur les sociétés augmenter suite à la
soumission à l'impôt sur les sociétés d'une
quote-part des dividendes issus de leurs filiales, et, pour les autres,
à la diminution de l'avoir fiscal attaché aux produits de
participation. Ces deux mesures de pur rendement devaient, selon les
estimations fournies en 1998 par le gouvernement, procurer respectivement 1,2
milliard et 1,5 milliard de francs à l'Etat. Selon le fascicule
" voies et moyens " joint au projet de loi de finances pour 2000,
leur rendement a finalement été de 4,5 milliards et un milliard
de francs.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2000 tel qu'adopté par
l'Assemblée nationale prévoit trois nouvelles mesures
d'alourdissement des prélèvements pesant sur les
entreprises :
- la première consiste à diminuer de 45 à 40 % le
taux de l'avoir fiscal pour les personnes morales, ce qui devrait rapporter 1,5
milliard de francs dans les caisses de l'Etat ;
- la deuxième prévoit de relever de 2,5 à 5 % la
quote-part des dividendes bruts soumise depuis 1999 à l'impôt sur
les sociétés, ce qui procurerait un gain fiscal de
4,2 milliards de francs en 2000 ;
- la troisième consiste à accroître de près de
9 % le barème de la taxe sur les voitures particulières des
sociétés.
Récapitulation des mesures prises depuis 1997 au
détriment
des moyennes et grandes entreprises.
MUFF 1997 : |
Imposition de certaines plus-values à long terme au taux normal de l'IS et instauration d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés (fixée à 15 % pour 1997 et 1998 et à 10 % pour 1999) pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ; |
|
=> surcroît de recettes : 23,1 MdsF en 1997, 1 7,4 MdsF en 1998 et 12,4 MdsF en 1999 |
LFI 1998 : |
- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ; |
|
=> surcroît de recettes : 200 MF |
|
- Limitation de la déductibilité des provisions pour renouvellement ; |
|
=> surcroît de recettes en 1998 : 4 MdsF |
|
- Suppression de l'avantage fiscal lié à la provision pour fluctuation des cours. |
|
=> surcroît de recettes en 1998 : 1 MdF |
LFI 1999 : |
- Quadruplement en trois ans du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle (0,35 % en 1998, 1 % en 1999, 1,5 % en 2001) ; |
|
=> surcroît de recettes en 1999 : 700 MF |
|
- Rétablissement (au taux de 2,5 %) de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes versés par une filiale à sa mère ; |
|
=> surcroît de recettes en 1999 : 4,5 MdsF |
|
- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 50 à 45 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ; |
|
=> surcroît de recettes en 1999 : 1 MdF |
|
- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ; |
|
=> surcroît de recettes en 1999 : 500 MF |
PLF 2000 : |
- Doublement de la fraction imposable des dividendes versés par une société fille à sa mère (quote-part de frais et charges de 5 %) ; |
|
=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 4,2 MdsF |
|
- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 45 à 40 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ; |
|
=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 1,5 MdF |
PLFSS 2000 : |
Institution d'une contribution sociale de 3,3 % sur les bénéfices des sociétés (CSB) affectée au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " ; |
|
=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 4,2 MdsF |
|
- Création d'un taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) |
|
=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 3,6 MdsF |
b) L'accroissement du " fossé fiscal " entre grandes et petites entreprises
Au
moment de la création par la loi de finances pour 1997 d'un taux
d'impôt sur les sociétés réduit en faveur des
entreprises de moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires qui
renforcent leurs fonds propres, M. Alain Lambert, alors rapporteur
général du budget, avait accueilli la mesure avec scepticisme.
Considérant en effet qu'une telle mesure était peu lisible et
contraire à l'objectif de neutralité de la législation
fiscale, il avait exprimé sa préférence pour la
suppression de la surtaxe de 10 % instituée par la loi de finances
rectificative du 4 août 1995 sur l'impôt acquitté par toutes
les entreprises.
Or, depuis deux ans, le gouvernement a constamment élargi cette faille
ouverte entre les petites entreprises (moins de 50 millions de francs de
chiffre d'affaires) et les autres, non pas en se contentant d'alléger
l'imposition des premières, mais, comme on a vu plus haut, en
accroissant la charge fiscale des secondes, c'est-à-dire en substituant
à la discrimination positive initiée par le gouvernement
Juppé une discrimination négative, au détriment des
moyennes et grandes entreprises.
Cette politique est critiquable pour plusieurs raisons.
D'abord, la multiplication des seuils et des régimes spéciaux
d'imposition dans notre droit fiscal a trois défauts majeurs :
- elle met à mal les principes de neutralité fiscale et
d'égalité devant l'impôt et créé des effets
de seuil ;
- elle a pour effet de complexifier à l'excès notre dispositif
législatif, le rendant opaque aux yeux des fiscalistes les plus
avertis ;
- elle encourage les entreprises à agir en fonction de
considérations fiscales plutôt qu'économiques,
c'est-à-dire à adopter des comportements d'optimisation fiscale.
Ensuite, la concentration des hausses de charges sur les seules entreprises
moyennes et grandes, qui sont,
a priori
, non seulement les plus
exposées à la concurrence internationale, mais surtout les plus
mobiles, va finir par les encourager à " voter avec leurs
pieds ", c'est-à-dire à s'installer sous des cieux plus
cléments. On le constate de plus en plus avec les restructurations
actuelles dont certains groupes profitent pour changer de nationalité
fiscale.
La fiscalité des entreprises de nos partenaires européens est en
effet de plus en plus compétitive par rapport à la
fiscalité française.
c) Une fiscalité sur les entreprises divergente par rapport au reste de l'Union européenne
La
divergence la plus apparente entre la France et ses partenaires, mais non la
plus pertinente, porte sur les taux de l'impôt sur les
bénéfices des sociétés. En effet, bien que le taux
facial de cet impôt, après imputation de la nouvelle CSB, soit
inférieur à ce qu'il était ces deux dernières
années, il reste supérieur au taux moyen de l'impôt sur les
sociétés dans l'Union européenne, qui a tendance à
baisser
45(
*
)
.
Une hausse des taux de l'impôt sur les sociétés
accroît la propension qu'ont les entreprises, et notamment les plus
grosses d'entre elles, à optimiser leur résultat (via les
restructurations de groupe, les provisions ou la politique d'amortissement
pratiquée), voire à se délocaliser, ce qui peut avoir un
effet inverse à l'effet recherché en termes de
rendement
46(
*
)
.
A ce titre l'étude du cabinet Baker Mc Kenzie réalisée
pour le compte du gouvernement hollandais et rendue publique le 15 janvier
1999, est intéressante. En effet, cette étude repose sur la
comparaison des taux effectifs d'imposition des entreprises pour des
investissements dont le rendement avant impôt est identique. Or, il
ressort de cette étude que
la France est le pays de l'Union
européenne dont le taux effectif d'imposition des entreprises est le
plus élevé
, pour un rendement avant impôt de 10 %.
Le tableau ci-après récapitule les résultats de
l'étude.
Ces résultats doivent être rapprochés de l'étude
précitée, commandée par votre commission des finances
à l'Observatoire français des conjonctures économiques
(OFCE) au printemps dernier, qui avait pour objet d'appréhender la
compétitivité fiscale des différents Etats membres de
l'Union européenne au vu de la notion de " coût du
capital "
47(
*
)
.
Les
résultats obtenus dépendent en effet du mode de financement
choisi par l'entreprise (endettement, augmentation de capital ou
autofinancement).
Or, l'étude réalisée pour le compte du gouvernement
hollandais montre que pour obtenir un rendement net de 5 %, une
société française doit obtenir un taux de rendement avant
impôt de 4,54 %, lorsque l'investissement est financé par
endettement (la moyenne européenne étant de 4,26 %) et de
6,65 % lorsqu'il est financé par autofinancement (contre
5,38 % en Belgique ou 6,13 % en Finlande). En revanche, la France se
situe dans une position comparativement favorable lorsque l'investissement est
financé par augmentation du capital (4,39 % contre 4,39 % en
moyenne européenne).
Au vu de ces résultats et surtout de la difficulté à
évaluer la compétitivité fiscale des pays de l'Union
européenne compte tenu de la très grande
hétérogénéité des bases imposables et des
taux, votre commission ne peut que se prononcer pour une
plus grande
harmonisation des fiscalités européennes.
2. Stabiliser l'impôt sur le patrimoine
a) Les limites de l'alourdissement des cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune
En effet, les règles applicables à l'impôt de
solidarité sur la fortune ont été très
significativement durcies ces dernières années.
Ainsi, la loi de finances pour 1999 avait particulièrement alourdi le
poids des cotisations de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Trois mesures avaient contribué au durcissement du dispositif :
- l'absence d'actualisation du barème pour la deuxième
année consécutive ;
- l'intégration de la majoration spéciale de 10 %
introduite par la loi de finances rectificative de 1985 dans la cotisation de
l'impôt de solidarité sur la fortune ;
- la création d'une nouvelle tranche marginale (taux de 1,8 %
concernant la fraction de la valeur nette taxable du patrimoine
supérieure à 100 millions de francs).
Le ministre de l'économie et des finances avait alors annoncé
que ces seules mesures permettraient déjà de rapporter
2 milliards de francs supplémentaires. Ainsi, après avoir
rapporté 11,11 milliards de francs en 1998, l'impôt de
solidarité sur la fortune aurait dû rapporter 14,9 milliards
de francs en 1999, soit 34 % de plus par rapport à 1998.
A l'époque, votre commission avait émis plusieurs
réserves.
D'une part, elle s'était montrée sceptique devant les chiffres
annoncés, d'autre part, elle avait critiqué le fait que la
création de cette dernière tranche risquait de renforcer la
caractère déjà très concentré de
l'impôt de solidarité sur la fortune.
Enfin, elle avait regretté l'utilisation idéologique de cet
impôt et souligné les dangers d'un rejet de ce dernier par les
contribuables concernés ainsi que les risques d'évasion fiscale
ou de délocalisation.
L'ISF, un impôt à " rendement décroissant " ?
Les
derniers chiffres publiés par le gouvernement concernant le rendement de
l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) semblent très
largement confirmer ces craintes.
Ainsi, son produit ne serait pas de 14,9 milliards de francs comme il
l'avait été annoncé initialement, mais seulement de
12,5 milliards de francs, soit seulement 1,4 milliard de francs de
plus qu'en 1998. Pourtant, le marché de l'immobilier a repris et les
valeurs mobilières ont connu une progression très dynamique en
1998
48(
*
)
.
On peut donc logiquement se demander si les mesures
d'alourdissement de
l'impôt de solidarité sur la fortune n'ont pas atteint leurs
limites et si ce dernier n'est pas devenu un impôt à rendement
décroissant.
Les craintes de votre rapporteur général semblent
partagées par notre collègue Jean-Pierre Brard, qui estime dans
son rapport sur la fraude et l'évasion fiscale
49(
*
)
, qu'il est nécessaire d'
"
étudier la
consolidation de la légitimité
de l'ISF, grâce à l'élargissement de son assiette, la
réduction des taux, le relèvement du seuil d'exonération
et la suppression de la limitation du plafonnement
".
Ce discours inédit de la part d'un membre de la majorité
plurielle s'explique par une prise de conscience de la réalité
des délocalisations liées à l'alourdissement de l'ISF.
Ainsi, dans le même rapport, notre collègue fait remarquer qu'
"
en l'absence d'étude officielle, il est difficile de se
prononcer tant sur le nombre des délocalisations que sur le montant des
bases d'impositions concernées. Néanmoins, ce mouvement de
délocalisation est suffisamment important pour que de nombreux
professionnels du droit ou du patrimoine aient eu à s'y
intéresser, en France comme à l'étranger.
Il convient ainsi de ne pas méconnaître la portée de ce
phénomène, votre Rapporteur soulignant qu'il n'est pas de
l'intérêt de l'Etat et de la collectivité de voir
s'échapper des bases d'impositions sur lesquelles une part significative
de l'impôt ne pourra plus être assise
".
b) L'attitude contradictoire de l'Assemblée nationale
Face
aux résultats assez décevants du rendement de l'ISF pour 1999,
certaines voix, notamment au sein même de la majorité plurielle,
s'étaient élevées pour s'interroger sur les limites de la
pression fiscale et sur la nécessité de stabiliser l'impôt
de solidarité sur la fortune.
Or, aucune mesure n'a été adoptée dans ce sens. Au
contraire, l'Assemblée nationale a adopté toute une série
de mesures visant à alourdir davantage les cotisations de l'ISF, en
contradiction avec objectifs affichés par le gouvernement.
Les mesures d'alourdissement de l'ISF votées par l'Assemblée nationale
L'actualisation du barème proposée par le
gouvernement mais rejetée par l'Assemblée nationale.
En effet, même si ce dernier n'a donné aucune explication
officielle pour expliquer l'erreur de prévision quant au produit
effectivement perçu de l'impôt de solidarité sur la
fortune, il semble avoir pris conscience de l'impact négatif des mesures
adoptées en matière d'impôt de solidarité sur la
fortune lors de la loi de finances pour 1999.
Ainsi, non seulement le projet de loi de finances pour 2000 ne prévoit
aucune nouvelle mesure d'alourdissement de la cotisation supplémentaire,
mais au contraire, il se propose de relever les seuils des tranches
d'imposition du barème en proportion de la hausse prévisible des
prix en 1999, soit 0,5 %, et cela pour la première fois depuis
trois ans.
Or, l'Assemblée nationale a rejeté l'actualisation du
barème de l'impôt de solidarité sur la fortune en adoptant
un amendement de suppression de cet article.
L'élargissement de l'assiette de l'ISF sans contrepartie en
matière de réduction des taux
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté contre l'avis du
gouvernement un amendement visant à élargir l'assiette de l'ISF
aux oeuvres d'art qui ne répondent à aucun des critères
suivants :
- constituer des biens meubles qui sont le complément artistique des
immeubles classés ou inscrits à l'inventaire
supplémentaire des monuments historiques ;
- être une oeuvre présentée au public ;
- être une oeuvre d'un artiste contemporain encore en vie.
Paradoxalement, l'initiative de cette disposition vient de notre
collègue Jean-Pierre Brard, alors même qu'il avait indiqué
dans son rapport précité que toute extension de l'assiette devait
s'accompagner d'une réduction des taux ou d'un relèvement du
seuil d'imposition.
c) Les propositions de votre commission
Votre
commission estime qu'il est urgent de stabiliser l'imposition du patrimoine et
de rétablir la confiance des contribuables en leur montrant que la
fiscalité sur l'impôt de solidarité sur la fortune est
désormais stable, à travers deux dispositions
concrètes :
- l'actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur
la fortune ;
- la suppression des effets du plafonnement de la cotisation d'ISF.
S'agissant de l'actualisation du barème de l'impôt de
solidarité sur la fortune, votre commission regrette l'attitude
démagogique de l'Assemblée nationale.
En effet, la non actualisation du barème de l'impôt de
solidarité sur la fortune pour la quatrième année
consécutive se justifie moins pour des raisons d'équité
que par le souci d'augmenter la pression fiscale sur les plus fortunés.
Or, le refus d'actualiser ledit barème risque d'inciter les
contribuables concernés à quitter notre pays pour échapper
à une pression fiscale toujours plus forte.
Il apparaît également souhaitable de procéder à la
suppression des effets du plafonnement de la cotisation d'ISF.
Sans revenir en détail sur les nombreux épisodes parlementaires
ayant présidé à la mise en place d'une telle mesure, on
doit relever, outre l'attitude constante de votre commission en ce domaine, que
désormais celle-ci semble rejointe par des membres de la
" majorité plurielle " qui se sont interrogés sur
l'opportunité de revenir sur la limitation du plafonnement de la
cotisation d'ISF.
Ainsi, dans son récent rapport d'information précité notre
collègue Jean-Pierre Brard constate que "
pour les titulaires de
patrimoine très élevés (...), le cumul IR et ISF peut
ainsi s'avérer confiscatoire. Ce caractère confiscatoire est
à l'origine de certains départs à l'étranger. Afin
d'éviter cette difficulté, on peut envisager de rétablir
le dispositif mis en place en 1989 et en 1991, à savoir un plafonnement
sans limite du total IR-ISF à 85 % du revenu(...) ".
Votre commission des finances ne peut que souscrire à ces propos en
souhaitant en ce domaine également que l'on passe des intentions aux
actes.
3. Impôt sur le revenu, se méfier des effets d'annonce
La
réforme de l'impôt sur le revenu est désormais dans l'air
du temps. Hier, on n'en parlait dans les cercles gouvernementaux qu'en
aparté comme pour calmer l'impatience de l'opinion ; aujourd'hui,
les petites phrases ont laissé la place aux gros rapports, tandis que
les manchettes des journaux sur les déclarations de telle ou telle
personnalité témoignent d'un débat au sein même de
la majorité gouvernementale .
De fait, les esprits ont évolué, même si la réforme
n'est pas encore à l'ordre du jour.
Toutefois,
pendant que l'on discute, les prélèvements
continuent d'augmenter. Les Français le ressentent d'autant plus
douloureusement qu'avec la reprise de la croissance, la pression d'un
barème progressif se fait plus forte
.
L'agitation qui caractérise la majorité gouvernementale sur ce
sujet, fait contraste avec
l'immobilisme de fait
,
immobilisme
d'autant plus dangereux pour le pays qu'il s'inscrit dans une Europe
où, à l'heure de l'Euro, le facteur travail est de plus en plus
mobile
.
Le système fiscal français doit donc être
entièrement revu. Le gouvernement le sait, le gouvernement l'admet mais
le gouvernement ne le fait pas.
Le temps de la réflexion ne saurait justifier cette inertie quand des
mesures simples, conservatoires ou correctives, peuvent être prises
compte tenu de l'évolution dynamique des recettes : 320 milliards
de recettes en 1999, soit 4,6 milliards de plus que ce qui a été
inscrit dans la loi de finances initiale pour 1999 ; 333,2 milliards de
francs prévus en l'an 2000, soit 13,2 milliards de plus qu'en 1999. La
croissance de l'impôt sur le revenu - + 4,125 % - est
encore plus " dynamique " que celle du PIB.
Ainsi votre commission souhaite en ce domaine apporter sa contribution au
débat afin d'inciter le gouvernement à agir. En matière
fiscale comme en matière budgétaire, la politique doit en effet
décider, non constater.
Face à un double constat, - la progressivité du barème est
excessive
par rapport au reste de l'Europe, la montée des
prélèvements se poursuit insidieusement -, votre rapporteur
général souhaite
porter un coup d'arrêt à
l'accroissement de la charge fiscale
et réaffirmer une des
priorités oubliées
de notre système fiscal qu'est
le renforcement des solidarités familiales
.
a) Une forte progressivité aux deux extrémités du barème
La
question n'est plus tabou. Le rapporteur général de la commission
des finances de l'Assemblée nationale le reconnaît lorsqu'il
affirme : "
le haut niveau des prélèvements
obligatoires fait qu'une réflexion sur les taux marginaux de
l'impôt sur le revenu ne doit pas être exclue
".
En France, l'impôt sur le revenu est très concentré
.
D'abord, parce que, si l'on fait abstraction des prélèvements
CSG/CRDS, il n'y avait en 1997, que 15,71 millions de foyers payant
l'impôt sur 31,18 millions, soit une proportion de 50,4%. Ensuite parce
qu'il pèse essentiellement sur les hauts et très hauts
revenus
: en 1997, les 5 % de contribuables situés en haut de
l'échelle des rémunérations recevaient 22 % du revenu et
payaient 50 % de l'impôt ; les 50 % du bas de l'échelle recevaient
18,6 % du revenu et payaient 2,8 % de l'impôt
50(
*
)
.
Le phénomène symétrique
d'une excessive
progressivité à l'entrée du barème
a
été encore récemment mis en évidence par les
travaux
de François Bourguignon
de l'École pratique
des hautes études, dans un rapport remis l'an dernier au Premier
ministre
dans le cadre du Conseil d'analyse économique
.
Ce rapport insiste sur
la nécessité d'une approche globale de
la question de la redistribution
et préconise une alternative
consistant à
remplacer le système IR-transferts par un
système " d'impôt négatif ",
dont le principe
est le suivant : tout ménage ou toute personne, quel que soit son
revenu primaire, reçoit un transfert forfaitaire et est imposé
à un taux constant sur la totalité des revenus qu'il ou elle en
obtient.
Un système d'impôt négatif appliqué en Angleterre
La
Grande-Bretagne vient de mettre en place un système
procédant
de ces principes. Déjà annoncé dans le budget de mars
dernier
, le " working families tax credit " (WFTC)
et
inspiré du modèle américain de crédit
d'impôt, est destiné à réduire le " piège de
la pauvreté " en encourageant les " foyers assistés " à
retourner sur le marché du travail.
Le nouveau crédit d'impôt, qui est payable sur la feuille de paie,
va se substituer au système actuel du " family credit "
(complément familial) jusqu'ici versé par la
sécurité sociale. La réforme s'inscrit d'ailleurs dans le
cadre de " l'intégration des systèmes fiscal et de protection
sociale ", voulue par le chancelier de l'Echiquier, avec la fusion des services
du fisc et de la sécurité sociale. Il s'agit de rendre le travail
" plus avantageux que les allocations, avec l'instauration d'un revenu
minimum de 200 livres par semaine (ou 10.000 livres par an) par foyer où
il y a un emploi à plein temps ".
Selon les estimations du Trésor britannique, l'introduction du WFTC, qui
devrait concerner 1,5 million de foyers (contre 800.000
bénéficiaires du système actuel de " family credit "), va
représenter un coût fiscal annuel de 5 milliards de livres
pour le budget de l'État, soit un surcoût de 1,8 milliard de
livres (18 milliards de francs) par rapport au système actuel. Pour en
bénéficier, les foyers britanniques doivent comprendre au moins
un adulte travaillant plus de 16 heures par semaine, avoir au moins un enfant
à charge de moins de 16 ans et un volume d'épargne
inférieur à 8.000 livres (80.000 francs).
Puisse la France s'inspirer de l'expérience britannique. C'est ce que
votre rapporteur général avait d'ailleurs proposé en
lançant l'idée d'un Revenu minimum d'activité (RMA).
b) La montée des prélèvements rampants
Le
rapport de M. Didier Migaud estime à juste titre qu'une réflexion
s'impose sur l'indexation du barème.
Il fait d'abord remarquer que l'indexation actuelle s'effectue sur la base de
l'indice des prix hors tabac et que l'écart traditionnel de 0,1% entre
cet indice et l'indice général aboutit sur une période de
cinq ans à une augmentation de la charge fiscale d'environ 1 à
2,5 milliards de francs. Mais il souligne que "
l'indexation du
barème sur l'évolution des prix et non sur celle du revenu
disponible des ménages contribue également à renforcer le
poids intrinsèque de l'impôt sur le revenu par rapport aux autres
prélèvements
".
Le problème de l'indexation n'avait pas échappé à
votre rapporteur général qui avait ainsi fait remarquer dans son
rapport sur le projet de loi de finances pour 1999 que, "
une simple
indexation sur les prix permet à l'État, par le jeu de la
progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de
l'augmentation de pouvoir d'achat des Français
". Car telle
est bien la question que pose un barème fortement progressif comme celui
en vigueur dans notre pays, surtout lorsqu'il s'applique à des revenus
gonflés par le retour de la croissance.
c) Des mesures nécessaires : indexer le barème sur la croissance et actualiser certains seuils
Le
problème est de définir un mode d'indexation qui aille au
delà d'une simple articulation sur les prix. Tandis que
l'Assemblée nationale s'oriente vers un mode d'indexation tendant
à proportionner le prélèvement résultant de
l'impôt sur le revenu à la croissance de l'assiette,
votre
commission des finances recherche un système qui limite le
phénomène de captation des fruits de la croissance par le budget
de l'Etat.
Ainsi, pour votre commission des finances, il s'agit non pas de trouver un
agrégat représentatif de l'assiette de l'impôt sur le
revenu, mais de tenir compte dans l'évolution du barème de
l'accroissement du revenu réel des Français. La solution la plus
simple à cet égard serait de faire référence au
taux de croissance du produit intérieur brut, agrégat à la
fois simple et prévisible.
Par ailleurs votre commission estime que des aménagements neutres
ponctuels sont possibles afin de réparer certains " oublis "
du ministère des finances qui omet d'actualiser certains chiffres vieux
parfois de plus de vingt ans.
d) Rectifier certaines erreurs manifestes en matière de fiscalité de la famille
L'année dernière le gouvernement a
été
amené à compenser le rétablissement de
l'universalité des allocations familiales qu'il venait de supprimer par
un abaissement du plafond de l'avantage fiscal consécutif au quotient
familial, qui passe de 16.380 francs à 11.000 francs.
Ces mesures qui s'analysent non seulement comme un coup porté aux
familles mais aussi plus généralement comme un renforcement de la
fiscalité sur les hauts revenus, constituent une erreur manifeste
d'appréciation. Cette erreur doit être rectifiée par
exemple en faisant en sorte que
la possibilité de rattachement au
foyer fiscal soit offerte non seulement aux enfants étudiants mais
également à ceux, trop nombreux, à la recherche d'un
emploi
. De même, le nécessaire développement des
solidarités privées, et en tout premier lieu des
collatéraux pourrait conduire à abaisser les conditions
d'âge à partir duquel les personnes recueillies au foyer ouvrent
droit à déduction.
Votre commission des finances souhaite que l'on corrige les effets les plus
dommageables d'une politique qui doit s'analyser comme un
alourdissement de
la fiscalité pesant sur les cadres
et donc comme un facteur
supplémentaire de pénalisation des
" capacités ", de ceux qui par leur compétence et leurs
efforts sont à l'origine d'une bonne part du dynamisme de
l'économie française.
e) Mettre fin à la fatalité du régime de l'impôt sur le revenu.
L'élimination des niches proposée l'année
dernière par le gouvernement, au nom d'une justice abstraite, n'est pas
une réponse au mal fiscal français.
Car ce ne sont pas
quelques niches ponctuelles qu'il faut éliminer, des taux de TVA qu'il
faut manipuler mais la logique même de notre système fiscal
lui-même qu'il faut réformer
.
Toujours plus de contraintes, toujours plus d'exceptions
. Telle semble
être la
fatalité du système fiscal français
et, en particulier, du régime de l'impôt sur le revenu.
Comment ne pas constater une fois encore que, surtout lorsqu'il s'agit
d'impôt sur le revenu, on ne fixe une règle que pour y apporter,
parfois immédiatement, une multitude d'exceptions ? Selon la
commission d'étude des prélèvements obligatoires
présidée par M. Ducamin, "
le niveau jugé
élevé des taux d'imposition a entraîné la floraison
de mécanismes en tous genres qui entachent gravement la
progressivité, provoquent des ruptures d'égalité entre les
contribuables car seuls les plus avertis bénéficient de ces
mécanismes et peuvent avoir des effets pervers sur le fonctionnement de
l'économie
".
Lorsque les revenus de transfert et de remplacement représentent plus
de 35% contre 23% en 1970, on ne peut plus considérer notre
système fiscal indépendamment du régime des prestations
sociales.
Une vision d'ensemble est donc nécessaire. Votre commission estime que
cette situation doit être examinée de près dans la mesure
où le jeu combiné des règles fiscales et sociales peut
aboutir à des discriminations non fondées.
" Less is more ", cet aphorisme n'est pas le fait de quelque tenant
du monétarisme pur et dur mais celui d'un architecte Mies van der Rohe
considéré comme un des pères du fonctionnalisme .
La justification profonde de cet appel en faveur d'un certain
" minimalisme fiscal " ne réside pas seulement en ce que les
Français voudraient payer moins d'impôts ; le sens
réel de la formule est qu'il faut un système fiscal plus simple,
plus fonctionnel, moins sophistiqué.
Trop d'impôt tue l'impôt,
on le sait
; mais trop
d'exceptions dissout la règle, qui perd alors efficacité et
légitimité
.
Une " mise à plat " est indispensable, votre commission des
finances pense que c'est sur la base de principes clairs et avec une nette
volonté de simplification qu'il faut aborder la refonte et même la
refondation du système fiscal français, et en premier lieu de
l'impôt sur le revenu.
C. UNE ACTION FORTE SUR LES DÉPENSES
Votre commission n'est pas hostile par principe à la dépense publique. Elle estime néanmoins que celle-ci, eu égard aux montants atteints actuellement, doit être maîtrisée, stabilisée et même réduite. Il est désormais impératif, afin que les prélèvements obligatoires soient réduits, de dépenser " moins " mais également de dépenser " mieux ".
1. Une salutaire réduction
a) La réduction des dépenses publiques : un objectif très largement partagé
La
réduction des dépenses publiques est aujourd'hui un
impératif.
Cette affirmation n'est pas, comme votre commission l'a souvent rappelé,
un présupposé idéologique, mais une
nécessité imposée par l'analyse objective de la situation
budgétaire de la France et des perspectives préoccupantes
d'évolution des dépenses publiques.
Il convient d'abord de rappeler que
les engagements européens de la
France entraînent des conséquences budgétaires pour notre
pays.
En effet, conformément au Pacte de stabilité et de croissance,
adopté par le Conseil de l'Union européenne en 1997, les Etats
membres doivent
" atteindre l'objectif à moyen terme d'un solde
budgétaire proche de l'équilibre ou en excédent ".
La réduction des dépenses publiques est donc un engagement,
faisant l'objet d'une surveillance multilatérale. La France ne saurait
s'y soustraire sans manquer à sa parole ni sans subir les lourds
inconvénients d'une perte de crédibilité.
Or, dans son rapport annuel
51(
*
)
, la Banque
centrale européenne note :
" La plupart des pays sont
encore éloignés de l'objectif inscrit dans le Pacte de
stabilité et de croissance...La poursuite des efforts d'assainissement a
été différée ".
Sur ce point, elle
conclut :
" les projections budgétaires devraient non
seulement être conçues pour préserver les finances
publiques des conséquences financières de récessions
potentielles, mais devraient aussi prévoir des dispositifs permettant de
faire face aux futurs engagements implicites accumulés par les
administrations publiques ".
Il ne s'agit pas, en effet, de renouveler les erreurs du passé, et
notamment de la période de forte croissance des années 1988
à 1990. Elle avait alors permis de réduire les déficits
publics, tandis que l'Etat dépensait avec prodigalité : une
fois cette période révolue, les déficits ont de nouveau
augmenté, dans une proportion jamais égalée à cause
des charges nouvelles que Etat s'était imposées et qu'il a
dû honorer.
Or, en ce domaine, les critiques adressées au gouvernement sur son
manque de volonté pour réduire les dépenses publiques
proviennent également de sa propre majorité parlementaire.
En effet, lors de l'audition, par la commission des finances de
l'Assemblée nationale, de MM. Strauss-Kahn et Sautter, le 15
septembre 1999, son rapporteur général, M. Didier Migaud,
rappelait que :
"
La question est de savoir si l'on pourra compter
uniquement sur la modération de la charge de la dette pour tenir les
engagements en matière de croissance des dépenses de l'Etat, ou
s'il faudra agir sur les dépenses de fonctionnement de
l'Etat
".
On ne saurait mieux dire ! Sur ce point, votre rapporteur
général partage entièrement l'analyse de son homologue de
l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, le président de l'Assemblée nationale, M. Laurent
Fabius, a fait valoir, à plusieurs reprises, sa
" différence " en matière de dépenses publiques.
Il a, notamment, estimé que
" si on veut traiter
sérieusement la question des impôts et des charges sociales, il
paraît essentiel de regarder sérieusement aussi du
côté des dépenses. "
Il ajoutait :
" en matière de baisse d'impôts, c'est l'évolution
des dépenses qui fait à long terme la
différence ".
Il préconisait même de
" faire en sorte que l'argent public soit utilisé avec
parcimonie ".
Or, le gouvernement reste sourd à ces conseils et à ces
avertissements, qu'ils proviennent du Sénat, d'organisations
internationales, des institutions communautaires, de la Cour des comptes ou des
rangs de sa propre majorité. Il préfère s'en tenir
à et entretenir l' " exception française ", dont
tout indique qu'elle est une impasse, budgétaire en l'occurrence.
b) Les économies faites par le gouvernement
En
présentant le projet de loi de finances pour 2000, le gouvernement a
indiqué que
" le réexamen au franc le franc de l'ensemble
des dépenses publiques et la recherche des gains
d'efficacité "
avaient conduit à dégager des
économies, 29 milliards de francs en 1998 et 31 milliards de francs en
1999.
Ces économies s'élèveront, en 2000, à
près de 34 milliards de francs.
Les gisements d'économies existent donc bel et bien même si
l'effort du gouvernement est à relativiser. Il s'agit, en
réalité, de redéploiements de crédits,
destinés à financer les priorités du gouvernement. Les
économies deviennent donc possibles dès lors qu'on veut les
trouver !
Quelques exemples de redéploiements effectués par le gouvernement
Le
gouvernement a ainsi réalisé des économies sur
le
budget de l'emploi
. Il indique en effet que
" les nouvelles
priorités du gouvernement
[les emplois jeunes et la réduction
du temps de travail]
ont été financées par des
économies et un recentrage des dispositifs les plus anciens
[le
contrat initiative emploi ou les contrats emploi
solidarité]
".
Votre commission rappelle que le gouvernement avait déclaré que
les conséquences d'une réduction des crédits de l'emploi
seraient très dommageables pour les publics concernés. Elle
constate que ce n'est plus le cas.
Ce qui n'était pas possible hier
le devient aujourd'hui !
Par ailleurs, il convient également de remarquer que, contrairement aux
affirmations du gouvernement,
il est possible de diminuer les effectifs nets
de la fonction publique, sans pour autant perturber le bon fonctionnement des
services publics. Le ministère de l'économie en donne
lui-même l'exemple, ses effectifs budgétaires allant diminuer de
3.000 postes en trois ans, grâce à des progrès de
productivité.
Le gouvernement réalise donc, enfin, des économies forfaitaires,
ce qui n'a en réalité, rien de surprenant.
Ainsi, dans une réponse adressée à votre commission lors
de la préparation du débat d'orientation budgétaire de
juin 1999, et relative aux postes d'économies budgétaires
envisagés, le gouvernement a indiqué que
" afin de
financer ses priorités et respecter le cadrage qu'il s'est fixé,
le gouvernement est conduit à dégager des économies
[...]
. S'agissant notamment des sections budgétaires les moins
prioritaires, les dépenses de fonctionnement devront baisser de 3 %
tandis que pour les dépenses d'intervention, une baisse de 10 % des
moyens devra être recherchée ".
Le gouvernement valide donc a posteriori la stratégie
arrêtée par votre commission. Pourtant, la position du
gouvernement sur ce point n'est pas claire.
Il semble même
éprouver certaines difficultés à reconnaître qu'il
réalise des économies budgétaires, et ses affirmations
sont contradictoires.
Dans une réponse à une question de votre commission lors du
débat d'orientation budgétaire, il a ainsi indiqué :
" Loin de privilégier une logique d'économie aveugle et
forfaitaire, le gouvernement a privilégié une
budgétisation fondée sur l'analyse de l'efficacité de la
dépense ".
Cependant, au cours d'une réunion de la Délégation
interministérielle pour la réforme de l'Etat tenue le 13 juillet
1999 et présidée par le Premier ministre, un objectif de
réduction de 15 % des chapitres budgétaires a été
fixé pour la loi de finances.
Dès lors, s'agit-il d'une volte-face de la part du gouvernement ou
plutôt d'une réticence à reconnaître qu'il
réalise des économies forfaitaires ?
Au demeurant certaines économies affichées par le gouvernement
apparaissent à votre commission éminemment contestables.
Le gouvernement indique s'agissant des redéploiements
réalisés sur les dépenses de fonctionnement :
" A
titre d'exemple, la professionnalisation des armées et la
réduction du format engendrent 1 milliard de francs d'économies
sur les dépenses de fonctionnement ".
Or, cette affirmation
n'est pas fondée. En effet, le gouvernement oublie de préciser
que le décret d'avance du 2 septembre 1999 a abondé de plus de 4
milliards de francs les crédits de rémunérations du budget
de la défense. Dès lors, quelle est la base de son calcul ?
La loi de finances initiale de 1999 ou l'exécution budgétaire
telle qu'elle peut être objectivement constatée ?
2. Le renforcement du contrôle de la dépense publique
a) L'insuffisance du contrôle à l'origine de graves dysfonctionnements
Votre
commission considère que le renforcement du contrôle exercé
sur les dépenses publiques permettra de mettre en évidence les
dysfonctionnements qui peuvent affecter leur utilisation, tout en rendant plus
" visible " et légitime leur réduction.
En effet, l'efficacité des dépenses publiques est un enjeu majeur
et doit faire l'objet d'un contrôle aussi régulier que possible.
Il s'agit, en effet, non seulement de dépenser " moins " mais
également de dépenser " mieux ".
Or, l'utilisation des dépenses publiques est loin, aujourd'hui,
d'être toujours optimale ainsi que le prouvent les lacunes de la gestion
des ressources humaines dans la fonction publique.
L'Etat, mauvais employeur ?
Contrairement à n'importe quel employeur, l'Etat ne
connaît pas avec précision le nombre de ses fonctionnaires, ni
leur position statutaire.
Ce constat, qui a de graves conséquences en termes budgétaires en
raison tant des crédits que des effectifs concernés,
résulte des travaux de la Cour des comptes mais aussi de ceux du
Sénat.
Dans une lettre datée du 28 juillet 1998 et adressée au ministre
de l'emploi et de la solidarité, le Premier président de la Cour
des comptes écrivait :
" la Cour a relevé que
les effectifs dont disposait le ministère étaient
éloignés des prévisions et autorisations de la loi de
finances initiale ".
Il poursuivait :
" La
description des effectifs qui figure en loi de finances initiale, seule
information dont dispose la représentation nationale en la
matière, ne correspond pas à la réalité ".
Puis il concluait :
" Une amélioration de la gestion
prévisionnelle des effectifs est indispensable ".
Par ailleurs, la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion
des personnels de l'éducation nationale, présidée par
notre collègue Adrien Gouteyron, a mis en exergue
la " mal-administration " du système éducatif.
Des surnombres évalués à 10.000 enseignants, un volant
d'heures supplémentaires disproportionné, des décharges
syndicales totales ou partielles mal appréhendées, des personnels
détachés ou mis à disposition avec un certain
arbitraire : autant de dysfonctionnements qui expliquent que des
élèves puissent ne pas avoir de professeurs malgré les
moyens considérables dont dispose l'éducation nationale.
Dans le même temps, l'autorisation budgétaire est vidée de
son sens au cours du processus de transformation des emplois inscrits en loi de
finances en emplois attribués aux établissements scolaires,
tandis que le contrôle des emplois est embryonnaire, en particulier au
niveau local.
Dès lors, il est légitime de s'interroger sur la validité
de l'information que le ministère de la fonction publique a
communiquée à votre commission sur les positions statutaires des
fonctionnaires de l'Etat.
En effet, d'après une enquête réalisée en 1996 par
la direction générale de l'administration et de la fonction
publique, il y avait 5.123 agents titulaires mis à disposition, 32.617
en service détaché, et 39.589 placés en
disponibilité. Les chiffres ne sont-ils pas trop précis eu
égard aux faits mis en exergue par la Cour des comptes et par le
Sénat ?
Le ministère précise d'ailleurs que cette enquête
" ne permet pas de recenser nommément les organismes d'accueil
dans lesquels sont placés les agents "
.
Il y a donc des
fonctionnaires mis à disposition, en service détaché ou
placés en disponibilité, mais l'administration ignore où
ils se trouvent précisément !
Par ailleurs, le rapport Roché sur le temps de travail dans les trois
fonctions publiques a bien montré que les durées de travail
moyennes hebdomadaires sont très variables. Pour les seuls agents
à temps plein de la fonction publique, elles varient de 29 à 40
heures. Et le rapport conclut :
" L'aménagement et la
réduction du temps de travail doit être une formidable occasion
d'une
remise à plat de l'organisation
actuelle du temps de
travail dans les fonctions publiques ".
Où en est le gouvernement sur ce point ? Quelles sont ses
véritables intentions s'agissant de l'application des " 35
heures " à la fonction publique ?
b) La prise en considération des contrôles réalisés
En créant, au début de cette année, une mission d'évaluation afin de mieux contrôler l'utilisation et l'efficacité de la dépense publique, la commission des finances de l'Assemblée nationale s'est ainsi ralliée, implicitement, aux préconisations faites depuis des années déjà, par son homologue du Sénat.
La mission d'évaluation et de contrôle (MEC)
En
février 1999, le groupe de travail sur l'efficacité de la
dépense publique et le contrôle parlementaire, constitué
par l'Assemblée nationale et présidé par M. Laurent
Fabius, a rendu ses conclusions, parmi lesquelles était affirmée
la nécessité de mettre en place des outils adaptés au sein
de l'Assemblée nationale : il s'agit de la mission
d'évaluation et de contrôle (MEC), rattachée à la
commission des finances.
La MEC tend à pallier l'absence d'évaluation de la dépense
publique au sein du Parlement, en raison, notamment, d'une procédure
budgétaire qui incite à privilégier
" une logique
de dépenses, au détriment d'une logique de
résultats ".
La MEC s'inscrit clairement dans une
logique de maîtrise des finances
publiques
.
Le rapport d'information présentant le bilan de la mission
indique :
" cette politique d'assainissement de nos finances
publiques doit être poursuivie, afin, notamment, de retrouver des marges
de manoeuvre budgétaire de soutien à la conjoncture et de
réduire l'impact, sur la croissance, du niveau élevé de la
dette publique et des prélèvements obligatoires ".
Il
s'agit, pour la MEC, de
" rompre avec la logique actuelle du
" toujours plus de dépenses " ".
A cet égard,
votre commission des finances ne peut que souscrire au principe de la
mission :
" Contrôler réellement, pour
dépenser mieux et prélever moins ".
En 1999, la MEC a étudié quatre politiques publiques : la
politique autoroutière, la gestion des effectifs et des moyens de la
police nationale, les aides à l'emploi, et l'usage des fonds de la
formation professionnelle. Elle a bénéficié du concours
régulier de la Cour des comptes.
Il conviendra d'être attentif aux suites données, par le
gouvernement, aux évaluations et contrôles de la MEC, le rapport
d'information précité précisant qu'
" il
conviendrait, qu'à l'avenir, les travaux de la MEC aient des traductions
lors de l'examen du projet de loi de finances ".
On ne peut donc que se féliciter d'une telle initiative. Il est
cependant indispensable que le gouvernement prenne en considération,
dans les projets de loi qu'il présente, les conclusions auxquelles les
contrôles parlementaires sont parvenus.
Or, il semble que cette exigence ne soit que très partiellement remplie.
Parfois même, les propositions du gouvernement vont exactement à
l'encontre des conclusions formulées par la mission de
l'Assemblée nationale. C'est le cas en ce qui concerne la politique
autoroutière. De même, s'agissant de la gestion des effectifs et
des moyens de la police nationale, le rapporteur général de la
commission des finances de l'Assemblée nationale estime que la MEC
" avait fait le pari que ses propositions pouvaient être mises en
oeuvre à budget constant, en les gageant, pour l'essentiel, sur les
crédits de personnel, les prévisions de départs massifs en
retraite constituant une opportunité exceptionnelle pour ce faire. Or,
le projet de budget pour 2000 montre que le ministère de
l'intérieur et de
la décentralisation conditionne encore
la mise en oeuvre de ces mesures à l'obtention de crédits
supplémentaires ".
3. Dépenser moins, dépenser mieux
a) Une position exprimée lors du débat d'orientation budgétaire
Lors du
débat d'orientation budgétaire, votre commission avait
déjà attiré l'attention sur le fait que
l'amélioration des comptes publics français résultait de
la conjonction d'un niveau élevé de prélèvements et
d'une bonne conjoncture économique.
Votre commission est donc favorable à une réelle réduction
des dépenses publiques, des dépenses de fonctionnement notamment.
Une action forte doit être entreprise sur le " train de vie " de
l'Etat, ainsi que sur les dépenses de la fonction publique.
En 2012, la moitié des fonctionnaires aujourd'hui en activité
devraient être partis à la retraite. Il faut saisir cette occasion
pour réduire le format et les missions de l'Etat. Les dépenses de
personnel sont devenues les plus lourdes, et sont les plus rigides. Quant aux
charges résultant des pensions, elles deviendront très rapidement
insoutenables. Le gouvernement lui-même en convient, puisque
questionné sur ce point par votre commission des finances, il a
estimé que
" en raison du poids qu'elles représentent
dans le budget de l'Etat, les dépenses de personnel constituent un enjeu
majeur dans la maîtrise des finances publiques dans les années
à venir ".
Les intentions ne se sont toujours pas traduits en faits. Les économies
mises en avant par le gouvernement sont en réalité des
économies de constatation, mais aucune décision n'a
été engagée ni même prise afin de dégager de
véritables marges de manoeuvre sur ces postes de dépenses.
Il apparaît donc que le gouvernement a décidé de ne rien
faire, et, à ce titre, il porte une lourde responsabilité face
aux générations futures qui devront assumer les
conséquences financières de son manque de courage.
Peut-on réduire le nombre des fonctionnaires ?
Il est
possible de réduire le nombre de fonctionnaires sans porter atteinte
néanmoins à la qualité du service public ni remettre en
cause la valeur de ceux qui ont choisi de s'y consacrer. Dans son rapport
publié à l'occasion du débat d'orientation
budgétaire, votre rapporteur général écrivait
ainsi :
" Il importe d'ancrer dans la durée la politique de
réduction des effectifs de la fonction publique préconisée
par votre commission ".
Concrètement, il était
proposé de ne pas remplacer 5 % des départs à la retraite
des fonctionnaires, ce qui permettrait de diminuer les effectifs de 4.250
emplois par an, soit une diminution annuelle de moins de 0,3 % des
effectifs totaux actuels.
Cette démarche est pleinement opératoire puisque, en
réponse à une question de votre rapporteur général,
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie précise
que
" le non remplacement total des départs en retraite en 2000
générerait une économie de l'ordre de 9,3 milliards
de francs en 2000, pour une réduction d'effectifs d'environ 44.900
fonctionnaires civils. En 2005, cette économie, estimée à
12,1 milliards de francs pour le flux des départs de l'année
(58.400 départs non remplacés), permettrait d'obtenir une
économie annuelle cumulée de 63,9 milliards de francs ".
b) Des intentions aux faits
Cette
position est constante et votre commission l'a déjà
défendue et appuyée lors des deux derniers exercices
budgétaires. Elle
regrette à ce titre que les
dépenses ne diminuent pas en 2000 puisque le retour de la croissance et
le maintien à un niveau élevé des
prélèvements obligatoires permettent au gouvernement de financer
ses priorités.
Elle souhaite donc que les dépenses de fonctionnement, notamment celles
liées à la fonction publique, soient, de façon claire et
continue, orientées à la baisse.
Elle n'a cependant jamais opté en faveur d'une baisse
systématique de l'ensemble des dépenses publiques.
Elle a
ainsi toujours souhaité préserver les budgets régaliens
mais également les dépenses qui préparent l'avenir et
notamment celles des titres V et VI, alors que la régulation
budgétaire opérée par le gouvernement a souvent
réduit ce type de dépenses.
Par ailleurs, votre commission n'ignore pas que certains départements
ministériels pourraient bénéficier de crédits plus
importants, tandis que des économies pourraient être
réalisées sur d'autres. L'ordonnance organique de 1959 lui
interdit cependant de procéder à de telles réaffectations,
bien souvent indispensables.
En réalité, votre commission souhaiterait pouvoir
réaliser des redéploiements ou des réaffectations de
crédits, eu égard aux besoins budgétaires qui se
manifesteraient, ou de manière à tirer les conséquences de
dysfonctionnements, voire de gaspillages, éventuellement mis en
évidence par les missions de contrôle qu'elle entreprend sur
l'utilisation et l'efficacité de la dépense publique.
Comment
" activer " les dépenses passives de
l'emploi :
l'exemple du revenu minimum d'activité (RMA)
Cette
initiative prise par votre rapporteur général part d'un
constat : il faut mettre fin à cette spirale de l'inactivité
mise en place par le RMI et développer grâce au RMA un cercle
vertueux de l'activité.
En effet, le niveau élevé de certaines prestations sociales en
font souvent un frein puissant à la reprise du travail et à la
réinsertion sociale. Par exemple, le bénéficiaire du RMI
hésite à accepter un poste relativement précaire qui le
conduirait à abandonner son allocation et les exonérations
diverses qui y sont associées. Ceci nourrit l'exclusion sociale et a un
coût élevé pour l'Etat : même le Conseil
d'analyse économique (CAE) placé auprès du Premier
ministre, l'a récemment admis.
Aussi, afin de lutter contre le chômage et l'exclusion sociale, le RMA
a pour buts principaux :
de favoriser la reprise d'activité des
bénéficiaires du RMI et des chômeurs de longue
durée, s'agissant des personnels les moins qualifiés ;
d'augmenter le niveau de l'emploi et de réduire l'exclusion
sociale.
Il s'agit également d'une prestation sociale résolument
tournée vers l'activité
Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux
chômeurs en fin de droit contraste avec leur faible retour à
l'activité : les prestations ne servent plus qu'à
l'assistance. On peut dès lors se demander si le RMI n'est pas
désormais " un revenu minimum d'inactivité ". Il est au
demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a
augmenté de 30 % depuis 1996, lorsque nous connaissions une
période de vive croissance de l'économie.
Par ailleurs, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont pas
occupés pour deux raisons : trop coûteux pour les
entreprises, trop faiblement rémunérateurs pour les
bénéficiaires de prestations d'assistance et notamment du RMI.
Le RMA veut donc renverser ces effets pervers en proposant une solution servant
les intérêts des exclus comme des entreprises par une
réorientation totale des aides publiques.
Son mécanisme est simple. Le bénéficiaire du RMI ou le
chômeur indemnisé de longue durée devenant salarié
perçoit un RMA. Celui-ci correspond d'une part au salaire qui est
versé par l'entreprise, et d'autre part à un complément de
ressources payé par l'Etat. Cela doit lui assurer un gain net de revenu
par rapport à sa prestation d'origine et aux avantages associés.
Il y a un intérêt objectif pour le bénéficiaire
à travailler.
Ceci se fait dans le cadre d'un contrat de longue durée (cinq ans) qui
assure au salarié une stabilité de ses revenus et qui
définit les engagements auxquels souscrit l'entreprise vis-à-vis
de l'Etat. Bien entendu, un tel mécanisme s'applique aux chômeurs
et bénéficiaires de RMI les moins qualifiés ; il ne
peut concerner les personnes reconnues officiellement employables du fait de
handicaps physiques ou moraux ; il est conçu de manière
à éviter les effets d'aubaine. Sur la base de tels principes,
votre commission approfondira son analyse et la consignera dans une prochaine
proposition de loi.
Dès lors, cette année,
votre commission
, regrettant la
faiblesse des marges de manoeuvre offertes par l'ordonnance de 1959 vous
proposera de
rejeter les budgets dont les orientations ne sont pas
admissibles pour elle et non conformes aux préconisations qu'elle a
déjà émises depuis deux exercices budgétaires.
D. ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS LOCALES AUX FRUITS DE LA CROISSANCE
Le
Premier ministre a annoncé au mois d'octobre 1999 la création
d'une mission chargée de réfléchir à l'avenir de la
décentralisation. Cette initiative, qui imite, un an après, la
création par le Sénat d'une mission d'information chargée
de dresser le bilan de la décentralisation, est bienvenue.
Il faut en effet espérer que les travaux de cette commission, au sein de
laquelle notre assemblée est largement représentée,
permettront au gouvernement de fixer un cap à son action en
matière de finances locales, et de mettre ainsi un terme à la
dérive actuelle, caractérisée par l'exacerbation de tous
les défauts du système de financement des collectivités
locales.
1. Un système de financement des collectivités locales en voie d'essoufflement
a) Rendre leur pouvoir fiscal aux collectivités locales
Les
collectivités locales françaises sont une exception au sein de
l'Union européenne en ce que la moitié de leurs recettes
proviennent d'une fiscalité directe
52(
*
)
dont elles votent les taux depuis 1980.
Cette spécificité pourrait constituer un atout. En effet, les
élus locaux sont mieux à même de mener des politiques de
développement dynamiques lorsque leurs ressources dépendent du
niveau des rentrées fiscales plutôt que des dotations de l'Etat.
De plus, comme le souligne le rapporteur pour avis des crédits des
collectivités locales au nom de la commission des lois de
l'Assemblée nationale, "
le pouvoir fiscal local donne à
la collectivité une plus grande capacité d'endettement et donc de
programmation de ses dépenses d'investissement
". D'ailleurs,
lors de leur audition par la mission sénatoriale d'information
chargée de dresser le bilan de la décentralisation, les
représentants du cabinet Arthur Andersen ont déclaré que
plusieurs Etats de l'Union européenne, notamment l'Italie,
procédaient actuellement à des transferts d'impôts au
profit des collectivités locales.
Toutefois, la situation actuelle des impôts directs locaux perçus
par les collectivités locales françaises conduit à
s'interroger sur l'existence véritable d'une fiscalité
locale :
-
les taux votés par les collectivités s'appliquent à
des bases de plus en plus réduites
. Ce phénomène est
particulièrement marqué s'agissant de la taxe professionnelle,
dont les bases ont été abattues de 16 % en 1987 et seront
réduites de 35 % lorsque la fraction de son assiette assise sur les
salaires aura totalement disparu. Dans le même ordre d'idée, le
pouvoir fiscal de certaines collectivités est réduit lorsque
l'Etat décide de supprimer la faculté pour des
collectivités de percevoir certains impôts. Ainsi, la loi de
finances pour 1993 a supprimé la part régionale et la part
départementale de la taxe foncière sur les
propriétés non bâties.
Il convient de souligner que les allégements de fiscalité locale
ainsi réalisés se traduisent par des pertes de recettes pour les
collectivités locales car les compensations versées en
contrepartie par l'Etat ne prennent généralement pas la forme de
dégrèvements, et leur montant évolue moins vite que les
anciennes bases
53(
*
)
.
-
les impôts locaux sont de moins en moins acquittés par leurs
contribuables théoriques, et de plus en plus par le contribuable
national
. L'inadaptation de l'assiette des impôts directs locaux a
conduit les gouvernements successifs à multiplier les
dégrèvements et les exonérations. Le projet de loi de
finances pour 2000 prolonge ce phénomène en abaissant de 1500
francs à 1200 francs le montant maximum de taxe d'habitation
supporté par les redevables à faibles revenus.
Dans le projet de loi de finances pour 2000, la dépense fiscale
consacrée aux impôts directs locaux s'élève à
94 milliards de francs, contre 78 milliards de francs en 1998, soit
environ le quart du produit total de la fiscalité directe locale.
Cette progression s'explique par la réforme de la taxe professionnelle
et, compte tenu de la montée en charge progressive du coût de
cette réforme, il est probable que les sommes consacrées par
l'Etat à la prise en charge des impôts locaux seront, dans les
années à venir, d'un montant équivalent à celui de
la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui s'élève à
111 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000. Au terme
de la réforme de la taxe professionnelle, seulement 40 % de cet
impôt sera acquitté par les entreprises, les 60 % restant
étant à la charge du contribuable national.
-
l'évolution du produit des impôts directs locaux est
déconnectée de l'évolution des taux
. La liberté
des collectivités locales en matière de vote des taux des
impôts directs locaux a toujours été relative puisque
l'article 1636 B
septies
du code général des impôts
prévoit que les taux d'une collectivité ne peuvent pas
s'écarter de plus de 2 % ou 2,5 %, selon l'impôt concerné,
du taux moyen national. De plus, l'article 1636 B
sexies
du code
général des impôts détermine les règles de
lien entre l'évolution des différents impôts au sein d'une
même collectivité.
Aujourd'hui, du fait de la multiplication des allégements de taxe
professionnelle qui ne sont pas compensés par des
dégrèvements
54(
*
)
et des
modifications apportées à l'assiette de la taxe professionnelle,
le système fiscal local perd de son sens lorsque la prise en charge d'un
fraction croissante du produit de cet impôt par le budget de l'Etat et
les modifications apportées à l'assiette de l'impôt local
ne permettent plus au taux de déterminer le produit de l'impôt. En
1999, l'augmentation du produit des impôts locaux due à
l'évolution des taux est de 0,7 %. Si l'on y ajoute le montant des
compensations versées par l'Etat au titre des différents
allégements de taxe professi+onnelle
55(
*
)
, l'augmentation totale du produit de la
fiscalité locale s'élève à 4,2 %.
Par ailleurs, la référence aux quatre taxes traditionnelles
devient de plus en plus inadaptée, notamment du fait de la montée
en puissance des ressources tirées de la taxe d'enlèvement des
ordures ménagères, dont le produit est trois fois
supérieur à celui de la taxe foncière sur les
propriétés non bâties.
Le système fiscal local est donc en très mauvais état.
Pourtant, le maintien d'une fiscalité directe locale est une
nécessité. D'abord, comme le souligne le rapporteur pour avis des
crédits des collectivités locales au nom de la commission des
lois de l'Assemblée nationale, parce qu' "
il est
particulièrement dangereux pour la démocratie locale
d'opérer une distinction entre le contribuable et
l'électeur
". Ensuite, parce que les collectivités
locales et les entreprises constituent les deux principaux acteurs du
développement économique. A cet égard, la taxe
professionnelle unique, qui conduit à une correction des écarts
de richesse fiscale entre les communes d'un même espace économique
et remédie à la concurrence fiscale entre elles, constitue une
chance qu'il ne faut pas laisser passer.
b) " Déverrouiller " le système de financement local
Les
difficulté de réformer en profondeur la fiscalité locale
sont patentes mais, en réalité, c'est l'ensemble du
système de financement des collectivités locales qui est
" verrouillé ".
En d'autre termes, l'imbrication des différents dispositifs est telle
qu'ils ne peuvent plus être modifiés qu'à la marge car
toute réforme de plus grande ampleur aurait des conséquences sur
l'ensemble du système.
Quatre exemples révélateurs de l'imbrication des dispositifs
La mise
en place en 1996 d'une " enveloppe normée " des concours de
l'Etat a eu pour effet de " solidariser " les évolutions des
principales dotations de l'Etat aux collectivités locales. L'enveloppe
normée étant une enveloppe fermée, toute revalorisation du
montant d'une de ses composantes a pour conséquence de pénaliser
le montant de la variable d'ajustement de l'enveloppe, la DCTP.
Par exemple, au sein de l'enveloppe, les concours de l'Etat au fonds national
de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et au fonds
national de péréquation (FNP) évoluent comme les recettes
fiscales nettes de l'Etat. Le taux d'indexation retenu par le projet de loi de
finances pour 2000 est négatif (- 0,316 %) car le gouvernement ne tient
pas compte du transfert du produit de certains impôts au financement de
la sécurité sociale. A structure constante, les recettes fiscales
de l'Etat progressent de plus de 3 %. Le choix du gouvernement est donc
contestable, mais sa contestation serait contre-productive car une
revalorisation de l'indexation des concours de l'Etat au FNPTP et au FNP aurait
pour conséquence de réduire le montant de la DCTP ;
Le régime de la fiscalité locale de France Télécom
limite les marges de manoeuvre des élus locaux dans la
réalisation de leur revendication de voir le produit de cette
fiscalité bénéficier aux budgets locaux. En effet, le
produit de la fiscalité locale de France Télécom est pour
partie affecté au budget général, et pour partie
consacré au FNPTP. Par conséquent, l'assujettissement de France
Télécom au droit commun de la fiscalité locale aurait pour
conséquence de réduire les ressources du fonds. En outre,
l'article 1635
sexies
du code général des impôts
prévoit que la fraction du produit de la fiscalité locale de
France Télécom qui alimente le budget général sert
à financer la DCTP. Cette disposition n'a pas de conséquences
depuis 1996 puisque le montant de la DCTP résulte désormais de la
différence entre le montant des dotations qui composent l'enveloppe
normée et celui de l'enveloppe normée elle-même. Mais, si
le système de l'enveloppe normée disparaissait un jour, un
éventuel assujettissement de France Télécom au droit
commun de la fiscalité locale pourrait avoir des conséquences sur
le montant de la DCTP ;
La loi de finances pour 1999 prévoit que les pertes de DCTP
enregistrées entre 1998 et 1999 sont compensées
intégralement aux communes éligibles à la dotation de
solidarité urbaine (DSU) et à la dotation de solidarité
rurale (DSR) par le biais du FNPTP. Cette disposition accroît le montant
des charges du FNPTP. Pourtant, c'est le FNP qui a été
abondé pour compenser le coût de cette augmentation de charges.
Cette manoeuvre est logique, car les ressources du FNP proviennent du solde du
FNPTP. Elle illustre cependant le caractère illisible du système
de financement des collectivités locales ;
Les orientations du gouvernement conduisent à un mélange des
genres entre dotations de l'Etat et compensations de ressources fiscales,
puisque les compensations de suppressions d'impôts locaux sont
désormais indexées sur le taux de progression de la DGF.
Aujourd'hui, lorsque l'on débat de l'indexation de la compensation de la
réforme de la taxe professionnelle, les thèmes abordées ne
concernent plus l'évolution des bases et des taux de cet impôt,
mais portent sur les règles de calcul de la DGF (le recalage de sa base,
la régularisation de son montant). Au terme de la réforme, la
compensation est d'ailleurs appelée à se fondre dans la DGF,
selon des modalités encore inconnues.
Le système de financement des collectivités locales
présente désormais les caractéristiques suivantes :
- au niveau local, les élus ne peuvent pas suffisamment agir sur leurs
recettes fiscales, qui proviennent d'impôts dénaturés ;
- sur le plan national, les parlementaires qui souhaiteraient apporter des
modifications à l'architecture ou à l'indexation des concours de
l'Etat aux collectivités locales se heurtent à l'imbrication des
dispositifs.
Les collectivités locales sont aujourd'hui mises devant le fait
accompli. Il est plus que jamais nécessaire de
" déverrouiller " leur système de financement.
2. Le budget 2000 : aller au delà du " service minimum "
La
présentation, lors de la séance du comité des finances
locales tenue le 14 septembre 1999, des dispositions relatives aux finances
locales dans le projet de loi de finances pour 2000 par le ministre de
l'intérieur et le secrétaire d'Etat chargé du budget,
avait provoqué une réaction négative des membres du
comité, toutes tendances politiques confondues.
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale de la
première partie du présent projet de loi de finances, le
gouvernement a présenté, ou accepté, des amendements
revalorisant les montants de certains concours de l'Etat aux
collectivités locales.
Les modifications au projet initial du gouvernement ont été
nombreuses, et ont permis de contenir la fronde naissante au sein de la
majorité de l'Assemblée nationale.
En réalité, les modifications apportées portent sur des
montants moins importants que ne le laisse entendre le gouvernement et
permettent, soit de corriger les effets pervers de la réforme de la taxe
professionnelle, soit d'accroître le montant de dotations qui, sinon,
aurait stagné en francs courants, donc baissé en francs
constants.
a) Mettre fin au sous-dimensionnement de l'enveloppe normée
Lors de
son audition par votre commission des finances, le 2 novembre 1999, le
ministre de l'intérieur a considéré que, dans le projet de
loi de finances pour 2000, "
l'effort supplémentaire de l'Etat
en faveur des collectivités locales s'élevait à 1.875
millions de francs
".
Cette présentation, largement développée par le
gouvernement et les parlementaires qui le soutiennent, est contestable car,
d'une part, le ministre ne ne précise pas où s'ajoutent ces 1.875
millions de francs et, d'autre part, ce montant apparaît fantaisiste
dès lors que l'on procède à un recensement des
dispositions du projet de loi de finances relatives aux collectivités
locales.
Le montant des concours de l'Etat en faveur des collectivités locales
dans le projet de loi de finances pour 2000 résulte largement de
l'application aux différentes dotations de taux d'indexation
prévus par la loi. C'est le cas pour les dotations qui composent
l'enveloppe normée, le montant de la dotation de compensation de la taxe
professionnelle (DCTP) résultant quant à lui du taux d'indexation
de l'enveloppe normée elle-même, déterminé par
l'article 57 de la loi de finances pour 1999.
Outre les règles d'évolution mécanique des dotations, les
concours de l'Etat progressent également en application de
différents textes. Ainsi, l'article 57 de la loi de finances pour 1999
dispose que le montant de la DSU est majoré de 500 millions de francs
par an pendant les trois année d'application du contrat de croissance et
de solidarité (1999 , 2000 et 2001). De même, la loi du 12
juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale prévoit que le montant de la dotation
d'intercommunalité (la DGF des structures intercommunales)
bénéficie d'un abondement de 500 millions de francs par an de
2000 à 2004.
Dès lors, " l'effort supplémentaire " de l'Etat en
faveur des collectivités locales se résume aux dispositions
suivantes :
- un abondement de 200 millions de francs de la dotation d'aménagement
de la DGF, destiné à atténuer les conséquences de
la prise en compte des résultats du recensement général
sur le montant de la DSU et de la DSR ;
- un abondement de 500 millions de francs de la DSU, qui permettra à
cette dotation de progresser de 16 % en 2000 au lieu, comme l'avait
initialement prévu le gouvernement, de stagner
56(
*
)
;
- la revalorisation de 276 millions de francs du montant de la compensation
versée aux collectivités locales en contrepartie de la
suppression progressive de la part " salaires " de la taxe
professionnelle.
L'effort supplémentaire de l'Etat est donc inférieur à
1 milliard de francs, et ne s'élevait qu'à 200 millions de francs
dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2000.
Les arguties relatives au montant de l'effort de l'Etat en faveur des
collectivités locales ne manquent pas de surprendre si l'on se
remémore les arguments invoqués en faveur de la création
d'une enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités
locales. Le système de l'enveloppe normée devait en effet reposer
sur l'acceptation par les collectivité de la fixation d'un
" plafond " au montant des dotations de l'Etat en échange de
la prévisibilité et de la lisibilité pluriannuelle de
l'évolution de leurs ressources.
Il apparaît aujourd'hui que, pour fonctionner, un tel système
n'est viable que si le " plafond " est suffisamment
élevé. Dans l'actuel contrat de croissance, il est manifestement
trop bas et, pour que le système de financement des collectivités
locales puisse continuer de fonctionner, le gouvernement est contraint de
" colmater les brèches " et de multiplier les
" avenants " au contrat de croissance et de solidarité,
c'est-à-dire de recourir de manière systématique à
la pratique des abondements exceptionnels de certaines dotations de
manière à compenser les conséquences négatives sur
leur montant de l'application du droit commun.
Les dispositions du projet de loi de finances pour 2000 marquent
également les limites du mode de calcul et de l'organisation interne de
la principale dotation de l'Etat aux collectivités locales, la DGF :
- en 2000, la dotation forfaitaire de la DGF augmentera fortement, en raison de
la prise en compte des résultats du recensement dans le calcul des
attributions aux communes, ce qui provoquera, puisque la DGF est une enveloppe
fermée, une baisse du montant de la dotation d'aménagement de la
DGF ;
- la dotation d'aménagement comprend la DGF des structures
intercommunales et les dotations de solidarité, la DSU et la DSR. Pour
éviter de pénaliser ces dotations, le gouvernement prévoit
d'abonder la dotation d'aménagement de 200 millions de francs ;
- en outre, pour éviter que, au sein de la dotation
d'aménagement, l'augmentation du montant de la DGF des structures
intercommunales ne pénalise la DSU et la DSR, la loi du 12 juillet 1999
prévoit que le montant de la dotation d'intercommunalité est
majoré de 500 millions de francs par an ;
- comme la majoration de 200 millions de francs de la dotation
d'aménagement et de 500 millions de francs de la DGF des structures
intercommunales ne permettent pas à la DSU et à la DSR
d'augmenter, il est alors prévu d'abonder la DGF de 500 millions de
francs supplémentaires et de prélever 150 millions de francs sur
le FNPTP pour permettre à la DSR de progresser.
La nécessité de multiplier les abondements témoigne du
sous-dimensionnement des enveloppes consacrées par l'Etat aux
collectivités locales
57(
*
)
et du
caractère restrictif des taux d'indexation des concours de l'Etat aux
collectivités locales, qui sont des indices composés du taux
d'évolution prévisionnelle des prix et d'une fraction du taux de
croissance du produit intérieur brut. L'évolution de ces indices
n'est absolument pas représentative de l'évolution des charges
supportées par les collectivités locales, ce qui conduit le
gouvernement à corriger leurs effets négatifs de manière
à éviter l'asphyxie financière des collectivités
locales.
Votre rapporteur général considère que le mode de
calcul des dotations de l'Etat doit évoluer. Il convient dès
aujourd'hui de travailler à l'élaboration d'un indice
synthétique représentatif de l'évolution des charges des
collectivités locales, sur lequel seraient indexées les dotations
de l'Etat aux collectivités locales.
Dans l'attente de la réforme du taux d'indexation des dotations, il est
nécessaire, pour les exercices 2000 et 2001, de revaloriser le montant
de l'enveloppe normée, en portant à 50 % la fraction du taux de
croissance du PIB prise en compte pour le calcul de son taux de progression.
b) Corriger les effets pervers de la réforme précipitée de la taxe professionnelle
La
réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi de
finances pour 1999 a pris les élus locaux par surprise. Elle n'a en
effet été précédée d'aucune concertation.
Les inconvénients de cette réforme avaient été mis
en évidence par votre commission des finances dès la discussion
de la loi de finances pour 1999. La première année d'application
de la réforme les confirment. Il apparaît notamment que, d'une
fait des mesures d'accompagnement de la réforme, et en particulier de
l'augmentation des cotisations minimales et de péréquation,
certaines entreprises, notamment les plus grandes, ne verront pas le poids de
leur fiscalité allégé par la réforme. De plus, les
collectivités locales dynamiques qui font des efforts pour attirer des
entreprises et créer des emplois sur leur territoire sont
pénalisées car leurs recettes fiscales ne prennent pas en compte
ces créations d'emplois
58(
*
)
.
Les effets pervers sur le développement de la taxe professionnelle
unique
Le caractère précipité de cette réforme a conduit
le gouvernement à défendre, à six mois d'intervalle, deux
projets contradictoires : la suppression de la part " salaires "
de la taxe professionnelle, dans le cadre de la loi de finances pour 1999, et
la promotion de la taxe professionnelle unique (TPU), dans le cadre de la loi
du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale. La taxe professionnelle unique était
déjà au coeur du projet de loi relatif à la
coopération intercommunale présenté en 1997 par le
précédent gouvernement.
La conjonction de ces deux réformes conduit aujourd'hui à
construire l'intercommunalité à fiscalité
intégrée sur une ressource tronquée. Pour permettre aux
établissements publics de coopération intercommunale à TPU
de bénéficier de ressources suffisantes pour l'exercice des
compétences qui leur seront transférées par leurs communes
membres, il a été admis que ceux-ci pourraient compléter
les ressources qu'ils tireront de la taxe professionnelle en votant des taux
additionnels à ceux de leurs communes membres pour les trois autres
impôts directs locaux.
La suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle
pourrait donc être à l'origine d'un alourdissement des
prélèvements obligatoires, notamment ceux reposant sur les
ménages, si les établissements publics de coopération
intercommunale à taxe professionnelle unique utilisaient tous leur
faculté de recourir à la fiscalité mixte.
Les conséquences imprévues de la disparition des bases
" salaires "
Le caractère pénalisant de la réforme de la taxe
professionnelle pour les ressources des collectivités locales avait
conduit votre commission, l'année dernière, à
préconiser le remplacement de la compensation, proposée par le
gouvernement et les députés, par un dégrèvement.
Le dégrèvement avait l'avantage de ne pas supprimer les bases
" salaires ", mais simplement d'en transférer la charge des
entreprises vers le budget de l'Etat. Cette solution permettait non seulement
de faire évoluer les ressources des collectivités locales comme
les anciennes bases salaires, mais également d'éviter un grand
nombre d' " effets secondaires " de la réforme, liés
précisément à la disparition d'une partie de l'assiette de
la taxe professionnelle.
Votre rapporteur général soulignait à ce sujet les
conséquences de la suppression des bases sur les potentiels fiscaux des
communes et sur les seuils d'écrêtement au profit des fonds
départementaux de péréquation de la taxe professionnelle
(FDPTP) des établissements exceptionnels
59(
*
)
.
En ce début de session 1999-2000, le gouvernement est, par deux fois,
conduit à " revoir sa copie " et à corriger les effets
pervers de sa réforme de la taxe professionnelle
:
- le taux de progression de la compensation versée aux
collectivités locales étant manifestement insuffisant, le
gouvernement a été amené à accepter sa
revalorisation de 0,821 % à 2,05 % (article 14
ter
du projet de
loi de finances pour 2000). Si le système de dégrèvement
avait été retenu, cette question ne se serait pas posée
puisque la compensation aurait été mécanique ;
- la disparition des bases " salaires " conduit à
réduire le montant du prélèvement sur les communes
" riches " de la région Ile-de-France au profit du fonds de
solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF)
60(
*
)
. En conséquence, le gouvernement a
été contraint d'introduire, dans le projet de loi relatif
à la prise en compte des conséquences des résultats du
recensement sur la répartition des dotations de l'Etat aux
collectivités locales, une disposition visant à prendre en compte
dans le calcul du potentiel fiscal des communes contributrices au FSRIF le
montant de la compensation de la réforme de la taxe
professionnelle
61(
*
)
.
Le gouvernement devait, en application de la loi de finances pour 1999,
remettre au Parlement un rapport sur les fonds départementaux de
péréquation de la taxe professionnelle. Ce rapport ne lui a pas
encore été communiqué. Il conviendra de s'assurer que ce
rapport évoque les conséquences de la réforme de la taxe
professionnelle sur les seuils d'écrêtement des
établissements exceptionnels.
La réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi
de finances pour 1999 se traduit donc par un allégement limité
des charges des entreprises, un coût élevé pour le budget
de l'Etat, une pénalisation des ressources des collectivités
locales et l'apparition d'" effets secondaires " multiples. Le suivi
de la mise de en oeuvre de la réforme, et des futures modalités
d'intégration de la compensation de la taxe professionnelle dans la
dotation globale de fonctionnement, reste plus que jamais indispensable.
CONCLUSION
Ce
budget est celui des " occasions manquées ", dont votre
commission espère qu'elles ne déboucheront pas sur des
" illusions perdues ".
Désireux de perpétuer " l'exception française ",
sans rénover sur le fond les méthodes de gestion de l'Etat tout
en profitant d'une bonne conjoncture économique, le gouvernement s'est
engagé dans la voie de la facilité, au mépris des risques
potentiels pesant sur la société française et au premier
chef sur l'avenir des générations futures.
Face à ce constat, et eu égard aux limites dans lesquelles est
insérée son action, votre commission des finances souhaite, elle,
traduire en actes ses intentions.
En effet, la politique budgétaire
est une affaire de choix, de priorités et ne doit pas se réduire
à constater.
Elle vous proposera donc, afin de diminuer le poids des
prélèvements obligatoires, de supprimer dans la première
partie du présent projet de loi de finances les principales mesures
d'aggravation injustifiée de la fiscalité, en étant
consciente néanmoins du fait que celles-ci se trouvent également,
et fort opportunément pour le ministre de l'économie, dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Votre commission vous demandera également, lors de l'examen de la
seconde partie, de rejeter les budgets ne répondant pas aux
préconisations qu'elle a déjà émises, depuis plus
de deux ans, et que le gouvernement se refuse obstinément à
appliquer :
Elle vous demandera pour cela d'adopter une démarche qualitative
face à la dépense publique, même si cet exercice est
très fortement contraint par les dispositions de l'ordonnance organique
de 1959, puisqu'il s'agit non seulement de juger les crédits futurs mais
également la gestion en cours. S'il est nécessaire de
dépenser moins, il faut également dépenser mieux. Votre
commission souhaite donc adresser un message clair au gouvernement en rejetant
les crédits des ministres dont elle ne partage pas les choix
fondamentaux et dont les administrations n'ont pas entrepris les efforts
nécessaires pour améliorer leur gestion ou rationaliser leurs
structures.
De même elle s'opposera à la hausse des dépenses
quand elles correspondent à des charges de gestion courante, de
fonctionnement ou d'intervention.
Elle ne refusera pas systématiquement certaines augmentations,
lorsqu'elles concernent des dépenses de souveraineté, des budgets
régaliens ou sont destinées, telles les dépenses
d'investissement, à préparer l'avenir. En revanche, elle
préconisera le rejet des crédits insuffisants pour
préparer l'avenir : les ministères négligent les
investissements, les dépenses de souveraineté sont en baisse.
Ainsi en effet, pourrait être réduit significativement le niveau
du déficit budgétaire, et mise en oeuvre une politique durable de
diminution du poids de la dette publique, seule en mesure de préparer
l'avenir.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une séance tenue dans la matinée du
mercredi 10 novembre sous la présidence de M. Alain
Lambert, président, la commission a procédé à
l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet
de loi de finances pour 2000, sur le rapport de M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le rapporteur général s'est tout d'abord intéressé
aux éléments de cadrage macro-économique, indiquant que le
Gouvernement prévoyait une croissance en volume du produit
intérieur brut (PIB) de 2,8 %, et rappelant que l'année
passée, la croissance attendue s'élevait à peu près
au même niveau (+ 2,7 %) mais que le " trou d'air " provoqué par
la crise asiatique dans les économies européennes avait
provoqué une diminution de la croissance, qui devrait être,
finalement, de 2,3 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé qu'une
croissance du PIB de 2,8 % en volume était un objectif
élevé, mais réalisable sous deux conditions. Il a
mentionné d'une part, la stabilité de l'environnement
économique international, et, d'autre part, la poursuite de la
croissance de la demande intérieure.
Abordant le contexte économique mondial, il a jugé probable la
poursuite de la croissance aux Etats-Unis, même s'il existe un
débat sur une éventuelle décélération de la
croissance (" soft-landing "). Certains économistes, a-t-il noté,
pensent que ce " soft-landing " n'aura pas lieu, mais ce point reste en
débat.
Il a ensuite évoqué la situation économique du Japon. Le
contexte économique japonais est celui d'une légère
croissance, mais l'économie japonaise est une économie fragile,
a-t-il estimé, relevant deux faiblesses structurelles notables : d'une
part, le déficit public proche de 10 points de PIB, d'autre part, la
dette publique, qui a dépassé les 100 points du PIB. Il a enfin
rappelé que le Japon était particulièrement tributaire du
niveau mondial des taux d'intérêt ainsi que des cours boursiers.
Sur le plan national, il a estimé que le regain de croissance pouvait
être confirmé, mais il a regretté que certains obstacles
structurels obèrent la croissance, citant notamment les rigidités
du marché du travail et la situation, toujours problématique, des
finances publiques en France.
A propos du déficit budgétaire, qui devrait diminuer de 0,3 point
de PIB cette année, le rapporteur général a
souligné qu'il s'agissait là d'une baisse " optique ", et a
estimé que, compte tenu de la croissance attendue pour 2000, il aurait
été possible de diminuer le déficit budgétaire de
façon plus nette, sans effort supplémentaire.
Il a notamment fait remarquer que le déficit prévu par la loi de
finances pour 1999 avait été réduit, en exécution,
selon les chiffres communiqués par le Gouvernement, de 70 milliards de
francs au 30 septembre 1999, alors que la baisse des déficits entre la
loi de finances pour 1999 et la loi de finances pour 2000 se limitait à
20 milliards de francs. De même, il a regretté que la partie
structurelle du déficit n'ait que faiblement été
réduite contrairement au déficit conjoncturel, en raison du
niveau actuel de progression du PIB.
Par ailleurs, il a estimé que les recettes fiscales étaient
volontairement minorées par le Gouvernement. Le rapporteur
général a en effet estimé leur excédent à un
minimum de 30 à 40 milliards de francs pour 2000, contrairement à
l'estimation basse fournie par le Gouvernement pour lequel l'excédent ne
dépasserait pas 6 milliards de francs.
Evoquant les déficits publics français, il a souligné que
la France continuait à se mal classer par rapport à la zone Euro
et que de surcroît, elle avait dépassé en 1999 le plafond
de 60 % de dette publique par rapport au PIB, tel que défini dans le
Traité sur l'Union européenne.
Il s'est ensuite inquiété de l'absence de réformes de
structure, évoquant l' " exception française " qui se
caractérisait notamment par le maintien d'un déficit de
fonctionnement élevé de sorte qu'en 2000, près de
50 milliards de francs de dépenses courantes seraient
financées par l'emprunt et donc, de facto, par les
générations futures. Il a par ailleurs évoqué
l'impact des mesures décidées par le Gouvernement telles que
celle relative aux emplois-jeunes, dont le coût s'élèvera
à 24 milliards de francs en 2000 et à près de 33 milliards
de francs en année pleine.
En outre, il a relevé que les dépenses de la fonction publique
n'étaient pas maîtrisées, rappelant qu'elles mobilisaient
40 % du budget de l'Etat, et s'est alarmé de leur augmentation de 3,4 %
par rapport à 1999, ce qui représentait 22,5 milliards de francs
de dépenses supplémentaires alors que l'ensemble des
dépenses du budget général ne devait progresser que de
15 milliards de francs.
Puis il a évoqué ce qu'il appelait le théorème de "
Dominique Strauss-Kahn " et selon lequel, si les impôts diminuaient, les
prélèvements obligatoires continuaient de progresser.
Il a rappelé que, selon le Gouvernement, les baisses d'impôt
s'élèveraient à 39 milliards de francs en 2000, dont
environ 20 milliards au titre de l'application du taux réduit de la TVA
aux travaux dans les logements. Concernant cette mesure, il a tenu à
exprimer quelques réserves. Il s'est tout d'abord demandé si les
entreprises répercuteraient intégralement cette baisse de la TVA
sur leurs factures. Il a exprimé un doute quant au caractère
redistributif de la mesure, estimant qu'elle bénéficierait
surtout aux ménages les plus aisés. Enfin, il s'est
demandé si la baisse de la TVA était le choix le plus pertinent
en matière d'utilisation des dépenses fiscales.
Par ailleurs, le rapporteur général a souligné les liens
étroits qui unissent le projet de loi de finances et le projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Il a estimé que les
prévisions de recettes pour 2000 étaient affectées par
l'importance des transferts opérés en faveur de la
sécurité sociale. Il a relevé que les
prélèvements des entreprises augmentaient en 2000, notamment en
raison de la taxe générale sur les activités polluantes,
qu'il a estimé détournée de son objectif premier, la
qualifiant d'" impôt de rendement ".
Il a souligné le niveau record atteint par les
prélèvements obligatoires en France de sorte que, avec un niveau
égal à 45,3 % du PIB en 1999, la France était la plus mal
classée au sein de la zone Euro.
Il a rappelé les préconisations formulées par la
commission des finances lors du débat d'orientation budgétaire,
et a regretté que le Gouvernement n'en ait pas tenu compte lors de
l'élaboration du projet de loi de finances.
A ce titre, il a rappelé qu'il lui apparaissait indispensable de mettre
en place une vraie diminution des prélèvements obligatoires,
ainsi qu'un meilleur contrôle de la dépense publique. Il ne
s'agissait pas en effet forcément de dépenser moins, a-t-il
souligné, mais également de dépenser " mieux ". Enfin, il
s'est prononcé en faveur d'une diminution plus sensible du
déficit budgétaire, pleinement compatible avec le niveau actuel
des rentrées fiscales.
De façon générale, il a tenu à souligner que le
Gouvernement continuait à bénéficier du regain actuel de
croissance, soit de facteurs exogènes, lui permettant de " boucler " son
budget, sans pour autant réaliser les nécessaires réformes
de structure attendues par la société française, telles
que la réforme de l'Etat, des retraites et du financement social.
Le rapporteur général s'est ensuite interrogé sur les
moyens dont dispose le Parlement pour faire entendre sa voix et donner un
contenu concret à ses préconisations.
Il a ainsi estimé que l'ordonnance organique du 2 janvier 1959,
nonobstant ses vertus intrinsèques, rendait l'exercice de
réécriture du budget plus formel que lisible, puisqu'on ne
pouvait pas réaffecter une dépense ou baisser globalement le
niveau de la pression fiscale.
En outre, le rapporteur général a estimé qu'il
était indispensable d'élaborer un budget consolidé de la
Nation, comprenant à la fois le projet de loi de finances et le projet
de loi de financement de la sécurité sociale. A défaut, la
présentation de comptes consolidés était nécessaire
afin d'avoir une vision claire et globale des finances publiques
françaises et donc de permettre au Parlement d'exercer pleinement son
rôle constitutionnel.
En conclusion, il a jugé que le rejet de certains fascicules
budgétaires constituerait un message clair, adressé tant au
Gouvernement qu'à l'opinion.
De ce fait, il a énoncé les trois critères permettant de
déterminer si un budget devait faire l'objet d'un rejet. Le premier
critère consiste à évaluer l'effort de rationalisation de
la gestion du département ministériel. Le second consiste
à s'opposer à la hausse des dépenses de gestion courante,
qu'il s'agisse de dépenses de fonctionnement ou d'intervention. Le
troisième critère concerne les dépenses de
souveraineté ou d'investissement, dans la mesure où leur hausse
n'est pas forcément " mauvais signe ", puisque ces dépenses
permettent de préparer l'avenir, a estimé le rapporteur
général.
Il appartient donc à chaque rapporteur spécial d'émettre
les propositions dans le cadre ainsi fixé.
Après s'être inquiété des phénomènes
de délocalisation ou de fuite de la matière imposable à
l'étranger, M. Philippe Marini, rapporteur général, a donc
demandé au Gouvernement d'utiliser les marges de manoeuvres fiscales
dont il disposait aujourd'hui pour résoudre les problèmes
structurels auxquels il était confronté, et d'agir pour que la
croissance soit réellement mise à profit pour assainir les
finances publiques, en vue d'années éventuellement plus
difficiles.
M. Jean-Philippe Lachenaud a félicité le rapporteur
général pour la clarté de son exposé. Il a ensuite
fait plusieurs remarques.
Il a tout d'abord souligné que la présentation habile du projet
de loi de finances pour 2000, par le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, ne résistait pas à l'examen des
faits, à savoir l'importance de la hausse des prélèvements
obligatoires et le maintien, à des niveaux élevés, des
déficits et de la dette publics.
Il a déclaré que la distinction entre le projet de loi de
finances et le projet de loi de financement de la sécurité
sociale devenait absurde, et qu'il convenait de réfléchir
à une réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, dont
l'esprit était de retracer, dans un document unique, l'ensemble des
ressources et des charges de l'Etat, et qui ne répondait plus
désormais à son objet. Il a ajouté qu'une telle
réforme se justifiait d'autant plus que le Parlement ne pouvait, sauf
à transgresser les dispositions de l'ordonnance organique,
procéder à des amendements nécessaires sur le projet de
loi de finances, comme des réallocations de crédits.
Enfin, s'agissant des critères qui guideraient les propositions de vote
de la commission sur les fascicules budgétaires, il les a
approuvés dans leur ensemble, tout en regrettant que la notion de "
budget régalien " n'apparaisse plus, et en souhaitant que chacun des
budgets soit examiné strictement à l'aune des critères
énoncés par le rapporteur général.
M. Maurice Blin a félicité le rapporteur général
pour la pertinence de ses propos. Il a fait trois observations.
Il a tout d'abord noté que les engagements de l'Etat, hors budget, se
multipliaient, à l'image du fonds spécial pour le financement des
trente-cinq heures, et que les confusions entre le budget de l'Etat et les
crédits de la sécurité sociale rendaient encore plus
complexe le suivi de la politique budgétaire.
En second lieu, il a considéré que le projet de loi de finances
pour 2000 ne préparait pas l'avenir, et ne permettait pas de faire face
à un éventuel retournement de la croissance économique. A
ce titre, il s'est alarmé de l'absence de toute réforme en
matière de retraites.
Enfin, il a fait remarquer que le Gouvernement se félicitait de la
reprise du marché de l'emploi, mais a noté que le système
d'indemnisation du chômage, trop généreux par rapport aux
revenus tirés de l'activité, créait une
désincitation à l'activité professionnelle. Soulignant les
insuffisances du revenu minimum d'insertion, il a encouragé le
rapporteur général à poursuivre ses réflexions sur
le " revenu minimum d'activité " (RMA).
M. René Ballayer a adressé ses félicitations au rapporteur
général pour son exposé. Tirant enseignement de son
expérience personnelle, en tant qu'ancien chef d'entreprise, il s'est
étonné que l'Etat puisse continuer à emprunter pour payer
des dépenses de fonctionnement courant, alors même que la
croissance économique était forte.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a déclaré que la
présentation du projet de loi de finances pour 2000 intervenait dans un
excellent contexte économique, marqué notamment par une
diminution du taux de chômage, une bonne santé des entreprises et
un record de capitalisation pour les marchés boursiers. Notant que le
rapporteur général avait parlé de baisse optique du
déficit budgétaire, elle a estimé que la
présentation faite de la hausse des prélèvements
obligatoires relevait également d'un tel effet d'optique.
Mme Marie-Claude Beaudeau a noté que le rapporteur général
proposait de réduire davantage le déficit budgétaire, ce
que le projet de loi de finances réalisait déjà. Elle a
souligné la nécessité de satisfaire les besoins
collectifs, avant de proposer de réduire la pression fiscale. Elle a
ajouté qu'il convenait de poser deux questions essentielles, à
savoir tout d'abord, qui contribuait à l'impôt, et ensuite, qui
bénéficiait de la redistribution des sommes
prélevées. Concernant les contributeurs de l'impôt, elle a
noté que le produit de l'impôt sur le revenu avait fortement
progressé en 1999, mais que certaines dispositions fiscales visaient
à alléger les charges sur les ménages aisés.
S'agissant de la redistribution des sommes prélevées, elle a
estimé que des crédits supplémentaires accordés aux
bénéficiaires des minima sociaux auraient un impact direct sur
l'activité économique, puisque ces sommes seraient
immédiatement transformées en consommation, et non en
épargne.
M. Roland du Luart s'est déclaré très satisfait de
l'exposé du rapporteur général. Il a souscrit à
l'objectif de réduction des prélèvements obligatoires, en
indiquant que les réponses du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie sur ce sujet étaient insuffisantes. Il a
souhaité que le Gouvernement précise le nombre de contribuables
français qui, du fait de la pression fiscale, avaient quitté le
territoire national. A ce sujet, il s'est interrogé sur la
possibilité de revenir sur la limitation des effets du plafonnement en
matière d'impôt de solidarité sur la fortune. Enfin, il
s'est inquiété du sort de certaines personnes âgées
qui, vivant en grande partie de la rémunération de leur capital,
devaient supporter une imposition parfois supérieure aux revenus
qu'elles en tiraient.
M. Jacques Oudin a salué l'exposé du rapporteur
général. Il a souhaité le compléter sur trois
points.
Tout d'abord, il a souligné la hausse des dépenses de
fonctionnement et la diminution parallèle des dépenses
d'investissement, alors même que les premières
représentaient la gestion du quotidien et les secondes la
préparation de l'avenir.
Ensuite, il a détaillé les dépenses de fonctionnement :
les dépenses de fonction publique tout d'abord, pour lesquelles il
existait des possibilités de redéploiement, les dépenses
d'aides à l'emploi ensuite, qui poursuivaient leur augmentation
même en période de croissance, les aides aux "
délaissés ", et les subventions d'équilibre à
divers organismes.
Puis M. Jacques Oudin a relevé l'échec des pouvoirs publics pour
développer l'activité économique, en observant que le
nombre de salariés du secteur marchand en France était
inférieur à la moyenne de l'Union européenne, la
Grande-Bretagne comptant ainsi 3 millions de salariés de plus que la
France. Il a ajouté que le taux de chômage français
était encore très supérieur à la moyenne
européenne.
Enfin, il a souligné les liens entre le projet de loi de finances et le
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a
rappelé que les recettes et dépenses passaient de l'un à
l'autre texte, alors même que ces deux lois ne présentaient pas la
même structure et ne répondaient pas aux mêmes obligations :
autant la loi de finances, qui ouvrait des autorisations de dépenses,
faisait l'objet d'un suivi rigoureux qui débouchait sur la loi de
règlement, autant la loi de financement de la sécurité
sociale, qui ne fixait qu'un " objectif " de dépenses, ne donnait lieu
à aucun contrôle a posteriori du Parlement.
M. Alain Lambert, président, a déclaré approuver
entièrement les options prises par le rapporteur général.
Il s'est inquiété du fait que le projet de loi de finances ne
tenait aucun compte de l'avenir, et continuait à faire porter sur les
générations futures, par le biais de l'emprunt, les
dépenses actuelles.
Reprenant les termes employés par Mme Marie-Claude Beaudeau, il a
estimé que les besoins collectifs devaient effectivement être
satisfaits, mais qu'il fallait, dans un contexte de croissance
retrouvée, songer aux besoins des générations à
venir. Il a demandé au rapporteur général s'il croyait que
le Gouvernement avait vraiment la maîtrise de la croissance
économique, qui lui permettrait de se garantir contre un retournement de
conjoncture, de même nature que celui de 1992-1993.
Enfin, il a déclaré partager, comme tous ses collègues,
des préoccupations sociales, mais s'est alarmé du poids pris par
les rémunérations de la fonction publique dans le total des
dépenses publiques, à savoir 40 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a remercié tous
les intervenants. A M. Jean-Philippe Lachenaud, il a rappelé que les
décisions déjà prises par la commission sur certains
fascicules budgétaires l'avaient été en conformité
avec les critères qu'il avait exposés dans son exposé
général. S'agissant des crédits de la défense, dont
la commission a préconisé le rejet, il a rappelé que la
loi de programmation militaire n'était pas respectée en
matière d'investissements, ce qui compromettait l'avenir. Concernant les
crédits de la recherche, il a noté l'opacité de la
présentation budgétaire et les inquiétudes relatives aux
investissements dans les grands équipements à caractère
scientifique. Enfin, pour l'enseignement supérieur, il a relevé
que les efforts d'évaluation de la dépense étaient
insuffisants et que les dysfonctionnements du système d'enseignement
nécessitaient de s'interroger sur une meilleure allocation des
ressources publiques en faveur de l'éducation.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite approuvé
les propos tenus par M. Jacques Oudin, s'agissant notamment de la dichotomie
croissante entre le projet de loi de finances et le projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Il a observé que le
cadre fixé par l'ordonnance du 2 janvier 1959 avait
éclaté et qu'il convenait désormais de le rebâtir.
Il a souhaité que la réflexion sur la réforme de
l'ordonnance organique de 1959 constitue un des axes de travail essentiels pour
la commission des finances en l'an 2000.
En réponse à M. Maurice Blin, il a indiqué que la forte
croissance économique dans l'Union européenne permettait la
diminution du chômage en France, mais qu'il restait à un niveau
très élevé par rapport à d'autres pays, comme
l'Allemagne, qui connaît, pour sa partie ouest, un taux de chômage
d'environ 7 à 8 %. Il a regretté que les crédits pour les
prestations d'assistance aient progressé de 30 % en quatre ans, alors
même que la croissance était vive, ce qui témoignait d'une
mauvaise prise en compte du phénomène de l'exclusion. Il en a
conclu que la lutte contre l'assistanat devenait un enjeu politique
fondamental, thème qui pourrait être examiné par la
commission des finances en l'an 2000, en concertation avec la commission des
affaires sociales, au travers notamment de la mise en place d'un " revenu
minimum d'activité " (RMA).
Il a ensuite approuvé les propos tenus par M. René Ballayer, en
ajoutant qu'il était plus que nécessaire de se préoccuper
des générations futures, et de ne pas hypothéquer leur
avenir.
Il a pris acte des remarques formulées par Mme Maryse
Bergé-Lavigne, tout en notant que son point de vue divergeait de celui
de la majorité de la commission.
A Mme Marie-Claude Beaudeau, il a répondu que la satisfaction des
besoins collectifs et la revalorisation des minima sociaux constituaient deux
éléments d'un véritable débat de
société. S'agissant de la distinction entre ceux qui contribuent
à l'impôt et ceux qui bénéficient de la
redistribution, il l'a alors invitée à s'interroger sur les
véritables bénéficiaires de l'abaissement de la TVA sur
les logements, qui seraient d'abord, à en croire les études
économiques, les ménages aisés. Il a ajouté que les
entreprises, qui ont encore un sens civique, pourraient le perdre
progressivement, eu égard aux contraintes toujours croissantes de
l'environnement international, et au poids des prélèvements
obligatoires en France.
En réponse à M. Roland du Luart, il a indiqué que la
limitation du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune
avait été une grave erreur, d'ailleurs dénoncée
à l'époque par la commission des finances du Sénat, et
qu'il devrait proposer d'y remédier sous la forme d'un amendement au
projet de loi de finances. S'agissant des revenus patrimoniaux des personnes
âgées, il s'est félicité que les marchés
financiers se portent bien, ce qui permettait de maintenir une
rémunération de l'épargne pour les petits contribuables.
En réponse à M. Alain Lambert, président, il a fait
observer la relativité du pouvoir des gouvernements. Il a rappelé
la situation économique du Japon, qui faisait peser un risque
réel de déstabilisation sur l'ensemble des économies et
des marchés financiers américains, européens et mondiaux.
Il a cité l'exemple de la crise du fonds " long term credit management "
(LTCM), qui avait nécessité la mobilisation d'une grande partie
de la communauté financière internationale.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a indiqué qu'elle ne pensait pas que les
Etats seraient bientôt relégués au second plan pour la
gestion des crises financières. Prenant l'exemple du Japon, elle a
noté que le sauvetage du système bancaire japonais avait
été en grande partie l'oeuvre des pouvoirs publics, ce qui
pouvait pour partie expliquer le niveau de la dette publique japonaise. Elle a
déclaré que l'ouverture prochaine des négociations dans le
cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) nécessiterait
l'intervention forte des Etats.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a approuvé cette
intervention, notamment quant au rôle éminent que devait jouer
l'Etat, tout en ajoutant qu'il croyait davantage à un Etat
régulateur du marché qu'à un Etat administrateur,
c'est-à-dire, désireux de se substituer au
marché.
1
Données non
révisées.
2
- 0,4 point de PIB en 1998.
3
Ou bien, pour les secteurs abrités, au détriment de
la stabilité des prix.
4
En outre, la projection ne tient pas compte des coûts de
réorganisation des entreprises estimés à 2 % de la
masse salariale dans une simulation de l'OCDE (cf. Etudes économiques de
l'OCDE, France, 1999).
5
Le reliquat, soit 15,4 milliards de francs, correspond à
l'effet en 2000 de mesures déjà votées.
6
Il indiquait également que : " dans ces
conditions, il est normal que le discours que vous avez tenu ait
consisté à critiquer le budget par tous les bouts. Mais chacun
est à même d'en voir la réalité, la maîtrise
de la dépense publique,
la baisse du déficit pas
exagérée mais mesurée et progressive
, pour maintenir
la croissance qui est là ".
7
Hors effet de structure, il convient, en effet, de
réintégrer 33,6 milliards de francs de recettes au sein du
budget général.
8
Ainsi, le rapporteur général de l'Assemblée
nationale relevait à ce propos : " Dans l'absolu, votre
rapporteur général ne peut manquer d'éprouver une certaine
gêne, au vu des masses ainsi déplacées, qui
révèlent une grande -trop grande- instabilité des modes
d'imputation budgétaire de certaines dépenses ou recettes ".
9
Celui-ci est, au vu des exercices budgétaires
antérieurs, estimé par votre commission à un montant
minimal de 30 à 40 milliards de francs par rapport aux prévisions
de la loi de finances pour 1999.
10
Titre I (hors dépenses et recettes d'ordre).
11
Dans le rapport économique, social et financier pour 1999,
figure page 144 un graphique de grand format en couleurs accompagné
d'indications chiffrées qui sont ici reprises. Curieusement, le
même rapport pour 2000, malgré les améliorations
apportées à sa présentation d'ensemble, ne contient, page
198, qu'un graphique de petite taille, sans plus de précisions. Le
tableau chiffré à partir duquel a été tracé
ledit graphique n'a au surplus pas été communiqué à
votre commission qui n'est donc pas en mesure d'actualiser les chiffres du
gouvernement.
12
Le solde primaire correspond à la différence entre
les recettes et les dépenses (hors prise en compte de la charge de la
dette sous forme d'intérêts). Lorsque ce solde devient
excédentaire, cela signifie que l'Etat n'emprunte plus pour financer les
intérêts de sa dette.
13
Exprimée en nouvelle base de comptes nationaux (SEC 95).
14
Elle constituait 91,36 % en 1998 de la dette de l'Etat et sa part
au sein de celle-ci continue de s'accroître.
15
Rapport d'information, 27 janvier 1999, page 160,
XI
ème
législature.
16
In JO Questions Sénat, 29 juillet 1999, page 2576.
17
Réseau ferré de France.
18
Il convient de relever que l'accroissement, dans la nouvelle
base 1995 du montant de la dette publique au sens de Maastricht, qui est de
60,3 % du PIB en 1998, est dû à l'intégration des
structures de défaisance publiques, dont EPFR et CDR, dans le secteur
des ODAC.
19
Sur l'ensemble de ces questions, on se reportera à l'avis
présenté par M. Jacques Oudin, au nom de la commission des
finances du Sénat.
20
" Des intentions aux faits " (n° 437 ;
1998-1999).
21
Le rapporteur général de l'Assemblée
nationale indiquait à ce titre que, " on ne peut manquer
d'éprouver une certaine gêne, au vu des masses ainsi
déplacées, qui révèlent une grande - trop grande -
instabilité des modes d'imputation budgétaire de certaines
dépenses ou recettes "...
22
Décisions DC n° 94-351 du 29 décembre 1994 et
DC n° 97-395 du 30 décembre 1997.
23
Centre national de la recherche scientifique.
24
Institut national de la santé et de la recherche
médicale.
25
Institut national de la recherche agronomique.
26
A titre de comparaison, la progression des dépenses du
budget général en 2000 est de 15 milliards de francs !
27
Celle-ci vient donc, de facto, se substituer à la surtaxe
temporaire d'impôt sur les sociétés,
précédemment supprimée !
28
Hors fonds de concours.
29
Si l'on prend directement les évaluations de recettes
fiscales nettes en juillet 1999 en les extrapolant par rapport aux
évolutions de 1998, on obtient des recettes fiscales nettes fin 1999
à 1.567,7 milliards de francs, soit des recettes supplémentaires
en fin d'année de 27 milliards de francs, ce qui se trouve bien dans la
fourchette retenue (20 à 34 milliards de francs).
30
Celle-ci devant toutefois être remplacée par la
nouvelle contribution sociale sur les bénéfices des
sociétés, dont le produit, à terme, devrait
s'élever à 12,5 milliards de francs.
31
A noter que notre collègue Jean-Pierre Brard a reconnu,
dans son rapport sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales,
intitulé " retrouver l'égalité devant
l'impôt " (n° 1802 ;
XI° législature) que les mesures prises par le gouvernement
lors de la loi de finances pour 1999 avaient conduit plusieurs centaines de
titulaires de grande fortune à transférer leur domicile fiscal
à l'étranger.
32
Sur l'ensemble de ces aspects, on se reportera au rapport de
M. Alain Lambert " Euro 1999 " - (n° 382 ;
1997-1998).
33
In Rapport économique, social et financier pour 1999 -
page 145.
34
Eu égard aux méthodes de calcul retenues, les
évaluations en valeur absolue retenues par l'OCDE diffèrent de
celles du gouvernement. L'appréciation relative du niveau des
déficits structurels et de leur variation implique cependant,
nécessairement, une approche comparatiste, reposant sur des
méthodes communes d'appréciation que seule l'OCDE semble en
état de mettre en oeuvre.
35
Ce que souligne d'ailleurs le rapporteur général
à l'Assemblée nationale : " on remarquera que le rythme
d'assainissement prévu pour la France en 1999 et 2000 est nettement plus
rapide que la moyenne communautaire ou de la zone euro
, même si le
déficit public français reste à un niveau moyen
relativement plus élevé "
.
36
" Une contribution au débat "
(n° 483 ; 1998-1999).
37
En nouvelle base de comptes nationaux (SEC 95), il convient de
rappeler que celle-ci s'élève à 60 % du PIB en 1997,
60,3% en 1998 et 60,5 % en 1999.
38
Crédit local de France - Dexia, note de conjoncture,
juillet 1999.
39
Ministère de l'intérieur, bulletin d'informations
statistiques (BIS) de la DGCL, octobre 1999.
40
Observatoire des finances locales, Les finances des
collectivités locales en 1999, juillet 1999.
41
Selon le ministère de l'intérieur, le coût de
la réforme des SDIS a augmenté de 11 % entre 1998 et 1999. Le
coût global se situe désormais entre 13 et 15 milliards de francs.
42
En 2000, la compensation de la taxe professionnelle sera
indexée sur l'indice de la DGF défini à l'article L.1613-1
du code général des collectivités territoriales, soit 2,05
% en 2000, tandis que la compensation de la baisse des droits de mutation sera
indexée sur l'évolution de la DGF après recalage de la
base de DGF de 1999 et régularisation négative du montant de la
DGF 2000 au titre du " trop perçu " en 1998, soit 0,821 %.
43
Voir chapitre III : La France, mauvais élève
de l'Union européenne.
44
Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 1999,
votre rapporteur général s'était déjà
intéressé aux travaux de M. Zalm, qui était
" l'inventeur " de la norme éponyme, méthode efficace
de réduction du déficit budgétaire.
45
On rappelle que le Royaume-Uni a fait passer son taux de 33
à 31 % (21 % pour les PME), puis 30 % et 20 % en
1999/2000, avec un taux de 10 % pour les plus petites entreprises en 2000.
L'Allemagne vise à l'horizon 2002 un taux de 35 % voire 28 %.
46
On objectera toutefois avec raison que la comparaison des taux de
l'impôt sur les sociétés est peu significative compte tenu
des très grandes différences d'assiette de cet impôt d'un
pays à l'autre.
47
Cet indicateur s'interprète comme le taux de rendement
avant impôt nécessaire pour qu'un investissement
réalisé à la marge rapporte, après impôt sur
les sociétés, un taux de rendement réel fixé
à 5 %. Autrement dit, plus la charge fiscale pesant sur les
entreprises est forte, plus le taux de rendement avant impôt de cet
investissement doit être élevé pour assurer un taux de
rendement après impôt de 5 % à l'investisseur.
48
Ainsi, la progression en 1998 de l'indice CAC 40 s'élevait
à 31,5 %.
49
Jean-Pierre Brard : la lutte contre la fraude et
l'évasion fiscale : " retrouver l'égalité devant
l'impôt ", (n° 1802, XI° législature).
50
Comme le soulignait M. de La Martinière, en 1996, "
les contribuables à revenu élevé sont surtout sensibles
à leur taux marginal d'imposition. L'important, pour un cadre
supérieur, c'est le revenu supplémentaire qu'il peut tirer de ses
efforts. S'il juge que la pression fiscale est confiscatoire, il est
tenté de réduire son offre de travail ou bien, ce qui est de plus
en plus le cas, de se délocaliser à l'étranger " .
51
Rapport annuel 1998, avril 1999.
52
L'expression " fiscalité directe locale "
désigne les " quatre vieilles ", c'est-à-dire la taxe
professionnelle, la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les
propriétés bâties et la taxe foncière sur les
propriétés non bâties.
53
A ce sujet, l'exemple de l'abattement de 16 % sur les bases de la
taxe professionnelle est particulièrement significatif. La compensation
de cet abattement a été intégrée à la
dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) en 1987.
Initialement indexée sur l'évolution des recettes fiscales de
l'Etat, cette dotation a ensuite été indexée sur le taux
d'évolution des prix à la consommation, avant de devenir, en
1996, la variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de
l'Etat aux collectivités locales. En dépit de l'augmentation
continue des bases de la taxe professionnelle, la compensation versée
aux collectivités locales en contrepartie de l'abattement de 16 % sur
les bases a diminué de 25 % depuis 1995.
54
Lorsqu'un allégement prend la forme d'un
dégrèvement, les ressources des collectivités locales ne
sont pas affectées puisque le dégrèvement n'a pour effet
que de transférer la charge de l'impôt du contribuable
théorique vers le budget de l'Etat.
55
Suppression de la part " salaires ", réduction
pour embauches et investissement, exonérations dans les zonages
d'aménagement du territoire.
56
La DSR sera également revalorisée, de 150 millions
de francs, mais ces crédits sont prélevés sur ceux du
fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).
57
A cet égard, il convient de remarquer que l'application
des dispositions des articles L. 1613-1 et L.1613-2 du code
général des collectivités territoriales relatives au
recalage de la base de la DGF et à la régularisation de son
montant conduisent à minorer de 1,485 milliard de francs le montant de
la DGF à répartir en 2000. Les problèmes posés
à la DGF par la prise en compte des résultats du recensement de
1999 auraient été pratiquement évités si ces
dispositions n'avaient pas été appliquées.
58
Ces différents éléments sont
développés dans le commentaire de l'article 14
ter
du
présent projet de loi de finances.
59
Rapport général, tome II, n° 66 (1998-99), p.
335.
60
Ce mécanisme sera explicité par notre
collègue Michel Mercier dans son rapport sur le projet de loi relatif
à la prise en compte des résultats du recensement
général de 1999 dans la répartition des dotations de
l'Etat aux collectivités locales, qui devrait être examiné
par notre Assemblée le 10 décembre 1999.
61
Lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi,
les députés ont décidé que la compensation de la
réforme de la taxe professionnelle serait prise en compte dans le calcul
du potentiel fiscal de l'ensemble des collectivités locales. Cette
disposition a pour effet de dénaturer l'utilité du potentiel
fiscal en tant qu'instrument de mesure de la richesse fiscale des communes,
puisque le potentiel fiscal ne sera plus représentatif des bases
imposables dans les communes.