CHAPITRE III :
POUR UNE APPRÉCIATION PLUS GLOBALE
DE
L'ÉTAT DE NOS FINANCES PUBLIQUES
Le
projet de loi de finances pour 1999 avait été marqué par
un contexte européen nouveau résultant de la création de
l'euro et de l'instauration de nouvelles normes relatives aux politiques des
finances publiques.
Deuxième budget de l'euro, le projet de loi de finances pour 2000 se
caractérise également par l'ampleur nouvelle des liens qui
unissent désormais, tant au plan juridique que technique, le
présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de
la sécurité sociale eu égard à l'importance des
transferts de charges et de recettes réalisées au mépris
souvent, si ce n'est du texte, du moins de l'esprit de l'ordonnance organique
du 2 janvier 1959. Aussi, désormais l'appréhension des
finances de l'Etat ne peut plus se faire qu'en y intégrant
l'évolution des finances sociales, ce qui rend dès lors
indispensable une présentation consolidée des comptes publics et
l'évolution des règles juridiques applicables en la
matière.
Par ailleurs, seule collectivité publique à être encore
déficitaire, l'Etat pourrait utilement s'inspirer des efforts faits par
les collectivités locales afin de dégager un solde
budgétaire excédentaire et cela nonobstant le poids des charges
nouvelles que leur impose le gouvernement.
I. LA FRANCE, MAUVAIS ÉLÈVE DE L'UNION EUROPÉENNE
Ainsi
que cela avait déjà été relevé lors du
dernier débat d'orientation budgétaire, pour réelle que
soit l'amélioration des finances publiques françaises, celle-ci
pèche à un double titre.
D'une part, parce qu'elle s'opère selon une voie tristement originale
qui est celle de " l'exception française " consistant à
faire financer par un niveau historiquement élevé de
prélèvements obligatoires, des dépenses publiques qui ne
baissent pas.
D'autre part, dans la mesure où les comparaisons internationales doivent
inciter à plus de modestie. En effet, les politiques budgétaires
des Etats membres, s'agissant des finances publiques, sont désormais
sous surveillance
32(
*
)
. Or,
l'analyse comparative ainsi effectuée démontre que les
résultats enregistrés par la France sont encore incertains.
Elle reste le " mauvais élève " de l'Europe : si
elle a effectivement accompli un effort significatif, c'est parce qu'elle se
situait en " queue de peloton " et l'effort entrepris reste donc pour
partie insuffisant. L'amélioration de notre déficit public,
significative en valeur absolue, reste en effet plus limitée en valeur
relative.
A. LA PERSISTANCE DE DÉFICITS PUBLICS PLUS ÉLEVÉS QUE LA MOYENNE EUROPÉENNE
Ce constat s'applique tant à la composante structurelle des déficits publics qu'à leur niveau global.
1. Un déficit structurel supérieur de 0,8 point de PIB à la moyenne de la zone euro
Ainsi
que devait le reconnaître le gouvernement
33(
*
)
, le déficit structurel des
administrations publiques françaises a été faiblement
réduit entre 1997 et 1999 passant de - 2,2 points de PIB à -
1,8 point de PIB. Il entend par ailleurs le faire diminuer de
0,3 point d'ici 2000. Or, c'est de la réduction du niveau du
déficit structurel qui reflète concrètement l'ampleur des
réformes de fond mises en oeuvre que dépend l'assainissement
durable des finances publiques françaises.
De ce fait, la France continue de connaître un niveau de déficit
structurel supérieur à celui de la zone euro, comme le montre le
tableau ci-après.
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Solde structurel de la zone euro |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 1,3 |
- 1,2 |
Solde structurel de la France |
-1,9 |
- 2,4 |
- 2,2 |
-2,0 |
Ecart France/zone euro |
+ 0,3 |
+ 0,8 |
+ 0,9 |
+ 0,8 |
Source : OCDE. Perspectives économiques, juin
1999
Selon les chiffres de l'OCDE
34(
*
)
, le déficit structurel de la
France excède en effet sur la période de 1997 à 2000 de
0,3 à 0,9 point de PIB celui de la zone euro, de sorte qu'en
1999 mais également en 2000, la France connaîtra le niveau de
déficit structurel le plus élevé de toute l'Union
européenne, ainsi que cela ressort du tableau suivant.
On doit également relever, pour le déplorer, que cet écart
entre la France et la zone euro ne s'est pas réduit depuis 1998 mais se
maintient à des niveaux élevés, de près de
0,8 point de PIB.
Les déficits structurels des administrations publiques
(en % du PIB)
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Prévisions 1999 |
Prévisions 2000 |
Allemagne |
- 2,8 |
- 2,2 |
- 2,7 |
- 2,4 |
- 1,7 |
- 1,4 |
- 1,1 |
- 1,2 |
France |
- 3,9 |
- 4,5 |
- 3,8 |
- 2,8 |
- 1,9 |
- 2,4 |
- 2,2 |
- 2,0 |
Italie |
- 8,2 |
- 8,1 |
- 7,0 |
- 5,6 |
- 1,7 |
- 1,4 |
- 1,1 |
- 0,9 |
Royaume-Uni |
- 6,4 |
- 6,3 |
- 5,6 |
- 4,3 |
- 2,5 |
- 0,4 |
- 0,4 |
- 0,3 |
Autriche |
- 3,3 |
- 4,3 |
- 4,4 |
- 3,1 |
- 1,3 |
- 2,0 |
- 2,1 |
- 2,0 |
Belgique |
- 5,5 |
- 3,4 |
- 2,9 |
- 1,5 |
- 0,9 |
- 0,7 |
- 0,5 |
- 0,5 |
Danemark |
- 0,2 |
- 1,6 |
- 1,8 |
- 0,8 |
0,1 |
0,6 |
2,3 |
1,9 |
Finlande |
- 1,5 |
- 1,7 |
- 1,6 |
- 1,2 |
- 1,2 |
0,9 |
1,9 |
2,1 |
Grèce |
- 12,4 |
- 8,5 |
- 9,1 |
- 6,3 |
- 3,0 |
- 1,8 |
- 1,6 |
- 1,7 |
Irlande |
- 0,1 |
0,4 |
- 1,9 |
0,0 |
0,5 |
1,0 |
0,9 |
1,0 |
Pays-Bas |
- 2,5 |
- 3,6 |
- 3,5 |
- 2,2 |
- 1,6 |
- 2,0 |
- 2,1 |
- 1,9 |
Portugal |
- 5,7 |
- 5,2 |
- 4,9 |
- 2,6 |
- 2,1 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- 1,8 |
Espagne |
- 6,1 |
- 5,4 |
- 6,4 |
- 3,3 |
- 1,7 |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 1,3 |
Suède |
- 7,4 |
- 6,7 |
- 5,4 |
- 1,8 |
1,1 |
3,2 |
1,7 |
2,7 |
Union européenne |
- 5,0 |
- 4,9 |
- 4,6 |
- 3,4 |
- 1,7 |
- 1,3 |
- 1,1 |
- 1,0 |
Euro- 11 |
- 4,3 |
- 4,2 |
- 4,1 |
- 3,1 |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 1,3 |
- 1,2 |
Source : OCDE, Perspectives économiques juin 1999
2. Les déficits publics les plus élevés
Certes,
la France s'inscrit depuis 1997 dans le mouvement général de
réduction des déficits publics rendu nécessaire par la
mise en place des critères de convergence. Ces déficits demeurent
néanmoins parmi les plus élevés de l'Union
européenne, et sensiblement plus importants que ceux de ses principaux
partenaires
35(
*
)
.
De ce point de vue là, la lecture du rapport économique, social
et financier joint par le gouvernement au présent projet de loi de
finances est extrêmement instructive, et conduit à relativiser
très fortement, si ce n'est la réalité, du moins
l'importance des efforts entrepris par la France en ce domaine.
Comme le montre en effet le tableau, ci-dessous, la France connaissait en 1999,
le niveau de déficit public le plus important des principaux pays
européens, à égalité avec l'Italie, avec un niveau
de 2,2 points de PIB. Le constat restera également valable en l'an
2000 où elle continuera à se situer en tête, mais seule
cette fois-ci, avec 1,8 point de PIB de déficit public.
Solde des administration publiques
(en points de PIB)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
France |
- 3,0* |
- 2,7 |
- 2,2 |
- 1,8 |
Italie |
- 2,7 |
- 2,7 |
- 2,2 |
- 1,6 |
Zone euro |
- 2,4 |
- 2,0 |
- 1,8 |
- 1,4 |
Allemagne |
- 2,7 |
- 2,0 |
- 2,0 |
- 1,4 |
Pays-Bas |
- 0,9 |
- 0,9 |
- 1,5 |
- 1,3 |
Belgique |
- 1,9 |
- 1,3 |
- 1,3 |
- 1,1 |
Espagne |
- 2,6 |
- 1,7 |
- 1,4 |
- 0,8 |
* Y
compris la soulte France Télécom
Source : Direction de la Prévision - Rapport économique,
social, et financier
L'examen des programmes de stabilité et de convergence prolonge ce
constat à l'horizon 2002.
Evolution du besoin/capacité net de financement des administrations publiques
(% du PIB)
Projections extraites des programmes de convergence ou de stabilité
|
Date (1) |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Programme de stabilité |
|||||||
B |
12/98 |
- 1,9 |
- 1,6 |
- 1,3 |
- 1,0 |
- 0,7 |
- 0,3 |
D |
01/99 |
- 2,7 |
- 2,5 |
- 2,0 |
- 2,0 |
- 1,5 |
- 1,0 |
E |
12/98 |
- 2,6 |
- 1,9 |
- 1,6 |
- 1,0 |
- 0,4 |
0,1 |
F |
01/99 |
- |
- 2,9 |
- 2,3 |
- 2,0 (2) |
- 1,6 (2) |
- 1,2 (2) |
IRL |
12/98 |
- |
1,7 |
1,7 |
1,4 |
1,6 |
- |
I |
12/98 |
- 2,7 |
- 2,6 |
- 2,0 |
- 1,5 |
- 1,0 |
- |
L |
-- |
|
|
|
|
|
|
NL (3) |
10/98 |
- 0,9 |
- 1,3 |
- 1,3 |
- |
- |
-1,1 (4) |
A |
11/98 |
- 1,9 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- 1,7 |
- 1,5 |
- 1,4 |
P |
12/98 |
- |
- |
- 2,0 |
- 1,5 |
- 1,2 |
- 0,8 |
FIN |
09/98 |
- 1,1 |
1,1 |
2,4 |
2,2 |
2,1 |
2,3 |
Programmes de convergence |
|||||||
DK |
10/98 |
0,5 |
1,1 |
2,5 |
2,8 |
2,6 |
(5) |
EL |
06/98 |
- 4,0 |
- 2,4 |
- 2,1 |
- 1,7 |
- 0,8 |
- |
S |
12/98 |
- 0,8 |
1,5 |
0,3 |
1,6 |
2,5 |
- |
UK (6) |
12/98 |
- 0,6 |
0,8 |
- 0,3 |
- 0,3 |
- 0,1 |
0,2 (7) |
(1)
Date de l'adoption des programmes.
(2) Scénario prudent, projection d'un scénario favorable : -
1,7 %, - 1,2 % et - 0,8 % du PIB pour les années 2000
à 2002.
(3) Pas de données annuelles fournies pour les années 2000/01.
(4) Scénario prudent, projections pour des scénarios moyen et
favorable : respectivement - 0,25 et 0,25 % du PIB pour
l'année 2002.
(5) Projection pour l'année 2005 : 3,5 % du PIB.
(6) Données pour les années financières commençant
à chacune des années calendrier indiquées.
(7) Projection pour l'année financière 2003/04 : 0,1 %
du PIB.
Source : Services de la Commission européenne
De ce fait, en 2000, la France aura cessé de réduire
l'écart existant entre son niveau de déficit public et celui de
l'Allemagne ou de la zone euro : il reste toujours à des niveaux
significatifs, c'est-à-dire supérieur de l'ordre de
0,4 point de PIB.
Le déficit public sera donc pour l'an 2000 en France plus
élevé que pour la moyenne de la zone euro, d'un montant que l'on
peut donc estimer au minimum à 0,4 point de PIB, soit, en valeur
absolue, près de 40 milliards de francs.
3. Malgré des prélèvements obligatoires qui atteignent des sommets
Prélèvement obligatoires au sens strict
(en % du PIB, année 1996)
Etats-Unis |
27,9 |
Japon |
28,5 |
Portugal |
33,4 |
Espagne |
33,7 |
Royaume-Uni |
35,1 |
Canada |
37,2 |
Allemagne |
38,2 |
Grèce |
41,4 |
Union européenne |
42,4 |
Italie |
43,5 |
Pays-Bas |
43,9 |
Autriche |
44,1 |
France |
45,7 |
Belgique |
46,6 |
Finlande |
48,8 |
Danemark |
51,9 |
Suède |
51,9 |
Source : OCDE
Note : les chiffres sont ceux de 1995 pour la Grèce, le Japon, les
Etats-Unis et le Canada. Pour le Royaume-Uni et l'UE, données
Eurostat.
Cette situation met la France dans une position particulièrement
délicate à l'heure où la concurrence fiscale en Europe
risque de s'exacerber. En effet, ainsi que le soulignait le récent
rapport
36(
*
)
de votre commission
des finances sur la concurrence fiscale en Europe, la situation de notre pays
est globalement mauvaise.