B. DES PRÉVISIONS DE RECETTES POUR 2000 AFFECTÉES PAR L'IMPORTANCE DES TRANSFERTS
1. Les modifications de structure
Le
projet de loi de finances pour 2000 affiche une progression des recettes nettes
du budget général de 5,4 milliards de francs pour l'an
prochain, soit + 0,4 % et une réduction des charges
budgétaires de 10 milliards de francs, soit - 0,6 %.
A structure constante toutefois, les recettes progressent de
39 milliards de francs, par rapport aux évaluations
révisées de 1999 soit + 2,7 %, avec une progression des
charges budgétaires de 15 milliards de francs, soit - 0,9 %.
En effet, le projet de loi de finances incorpore un grand nombre de
modifications de structure, qui consistent essentiellement à
transférer 45,2 milliards de francs de recettes fiscales à
la sécurité sociale et à incorporer 1,7 milliard de
francs dans les recettes fiscales et, dans les recettes non fiscales, des fonds
de concours et recettes diverses qui devaient y figurer, pour
8,9 milliards de francs.
Les modifications de structure du PLF 2000
|
Effet sur les recettes de l'Etat |
|
Recettes fiscales |
|
|
Transfert au budget général d'une fraction de la taxe sur les bureaux (qui alimentait le fonds pour l'aménagement de l'Ile de France) |
+1,52 |
|
Rebudgétisation de la taxe sur les installations nucléaires de base (ancien fonds de concours au budget de l'industrie), de la taxe forestière, et de la taxe de défrichement (qui alimentaient le fonds forestier national) |
+1,171 |
|
Transfert d'une partie des droits de consommation sur les tabacs à la sécurité sociale pour le financement de la ristourne dégressive, de la CMU et du " fonds amiante " |
|
- 43,2 |
Transfert de la TGAP à la sécurité sociale |
|
-2,0 |
Total recettes fiscales |
|
- 42,509 |
Recettes non fiscales |
|
|
Budgétisation de fonds de concours
|
+ 6,356 |
|
Budgétisation de recettes de missions d'ingénierie publique autrefois centralisées sur deux comptes de tiers |
+ 2,190 |
|
Budgétisation des recettes de deux CAS (fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France, fonds forestier national) |
+0,118 |
|
Budgétisation de taxes affectées |
+0,245 |
|
Total recettes non fiscales |
+8,908 |
|
TOTAL GENERAL |
|
-33,601 |
(en milliards de francs)
2. Les principales évolutions pour 2000
a) L'impact des mesures d'allégements fiscaux
Le
projet de loi de finances pour 2000 est construit en prenant en compte la
poursuite de la croissance économique, dont la progression est
estimée à 2,8 % en volume et 3,8 % en valeur (contre
2,3 % en volume et 3,3 % en valeur, selon les estimations
révisées pour 1999).
Les recettes totales nettes de l'Etat devraient atteindre
1.442,2 milliards de francs, soit une progression de seulement
5,4 milliards de francs par rapport au budget révisé de
1999. Cette très faible progression s'explique d'abord par l'ampleur des
modifications de périmètre (-33,6 milliards de francs). A
structure constante, les recettes progresseraient de 39 milliards de
francs, soit +2,7 %.
Il n'en reste pas moins que, même à structure constante, la
progression des recettes budgétaires devrait être
modérée en 2000, selon les évaluations du projet de loi de
finances, et cela en raison de l'évaluation des allégements
d'impôts.
Tels que retracés dans le fascicule " voies et moyens " (tome
1) les aménagements de droits pour 2000 s'élèveront
à 54,8 milliards de francs pour 2000. Si l'on prend en compte les
changements de périmètre (33,6 milliards de francs), les
allégements en recettes fiscales et non fiscales, proposés pour
2000, se traduisent seulement par une moins-value de recettes de
21,2 milliards de francs, à laquelle il faut ajouter
4,6 milliards de francs de dépenses induites par la diminution des
droits de mutation.
Les baisses d'impôts
s'élèveront à
39 milliards de francs en 2000,
selon le gouvernement,
dont
25 milliards de francs résultant de mesures prises dans le projet
de loi de finances
, en raison du coût net de l'application du taux
réduit de TVA au secteur du logement (- 19,7 milliards de francs),
des mesures relatives au droit de bail (- 3,2 milliards de francs) et
du relèvement à 5 % de la quote-part d'imposition des
dividendes reçus dans le cadre du régime spécial des
sociétés mères-filles (+ 4,2 milliards de
francs), mais aussi de la compensation versée aux collectivités
locales pour la diminution des droits de mutation à titre
onéreux, soit 4,6 milliards de francs.
Les autres facteurs de diminution des recettes fiscales proviennent des
mesures prises antérieurement
, pour environ 14 milliards de
francs, avec notamment l'arrivée " à terme " de la
surtaxe d'impôt sur les sociétés (- 12,4 milliards de
francs)
30(
*
)
.
Les recettes non fiscales qui progressent également de
7,6 milliards de francs en 2000 sous l'effet de la croissance,
feront
l'objet de changements de périmètres, conduisant à une
majoration " optique " de 8,4 milliards de francs
supplémentaires.
Les prélèvements sur recettes
augmenteront fortement en
raison de la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle
(- 8,8 milliards de francs d'allégement net). Compte tenu des
incidences en termes de recettes d'impôt sur les sociétés,
l'allégement supplémentaire peut toutefois être
évalué à 2 milliards de francs. Les
prélèvements au profit de l'Union européenne augmenteront
de 5 milliards de francs en 2000.
Au total, l'ensemble de ces mesures fiscales expliquerait la très
faible progression des recettes du budget de l'Etat en 2000. En dehors des
mesures du présent projet de loi de finances, les recettes auraient
progressé de 79 milliards de francs.
b) Des recettes sans doute sous-évaluées
Plusieurs éléments permettent de craindre que,
malgré les allégements fiscaux annoncés, les estimations
de recettes pour 2000 soient sous-évaluées :
-
l'expérience de 1999 a montré que l'évaluation du
coût ou du rendement des mesures fiscales n'est pas exempte d'effets
" d'affichage ".
Ainsi, le rendement des mesures prises en matière d'impôt de
solidarité sur la fortune a été manifestement
surestimé : la loi de finances initiale faisait état d'un produit
de 14,85 milliards de francs, l'évaluation révisée se
contente de 12,5 milliards de francs, soit une révision à la
baisse de 19 %
31(
*
)
.
Pour 2000, la seule grande mesure fiscale porte sur la TVA dans les logements
et son coût est évalué sur la base de statistiques datant
de 1996... Les effets des mesures fiscales sur l'offre et donc sur l'assiette
des prélèvements ne sont pas pris en compte, non plus que les
incidences indirectes de la mesure sur les cotisations sociales.
-
surtout,
la faible révision des recettes pour 1999
laisse à penser, comme cela a été démontré
plus haut,
que les suppléments de recettes seront plus importants que
prévu
, de l'ordre de 20 à 35 milliards de francs au
minimum.
Dans ces conditions, les recettes pour 2000 devraient également
être revues à la hausse, puisque les évaluations de
recettes du projet de loi de finances prennent pour base les résultats
de l'année précédente.
c) Des allégements fiscaux à mettre en parallèle avec les hausses prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale
Il faut rappeler que les annonces de diminutions d'impôts dans le projet de loi de finances pour 2000 s'accompagnent de la création de nouveaux prélèvements dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : la contribution sur les bénéfices des sociétés viendra opportunément remplacer la surtaxe d'impôt sur les sociétés et la taxe générale sur les activités polluantes sera considérablement élargie.
Evolution des prélèvements pour 2000
Etat |
Coût/gain |
Sécurité sociale |
Coût/gain |
Fin de la surtaxe d'impôt sur les sociétés |
-12,4 |
Cotisation sociale sur les bénéfices |
4,3 |
Relèvement de la quote-part d'imposition des dividendes (régime mère-fille) |
+4,2 |
Extension de la taxe générale sur les activités polluantes |
|
Réforme de la taxe professionnelle |
-2,0 |
Taxation des heures supplémentaires |
7,5 |
Divers |
-2,0 |
- |
- |
sous-total entreprises |
-12,2 |
sous-total entreprises |
+13,6 |
Taux réduit de TVA sur les travaux dans les logements d'habitation |
-19,7 |
- |
- |
Abaissement des droits de mutation à titre onéreux |
-4,6 |
- |
- |
Divers |
0,5 |
- |
- |
sous-total ménages |
- 24,8 |
sous-total ménages |
0 |
Remboursement du droit de bail |
-3,5 |
Contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires |
|
TIPP |
+2,7 |
- |
- |
Divers |
-1,0 |
- |
- |
sous-total non réparti |
-1,8 |
sous-total non réparti |
+1,8 |
total général |
-39 |
total général |
+15,4 |
Au
total, les prélèvements sur les entreprises continueront à
augmenter en 2000, en raison des nouvelles contributions introduites par le
projet de loi de financement de la sécurité sociale
.
De surcroît, si l'on prend en compte les nouveaux
prélèvements introduits par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale (15,4 milliards de francs), les
allégements nets de prélèvements pour 2000 ne porteront
que sur 23,6 milliards de francs. Sachant que 14 milliards
d'allégements proviennent de mesures prises antérieurement
à la loi de finances, l'allégement net proposé par le
gouvernement dans le projet de loi de finances et le projet de loi de
financement pour 2000 est légèrement inférieur à
10 milliards de francs, soit à environ le tiers des plus-values de
recettes potentielles en fin d'année 1999.
|
Coût/gain
|
(a) Allégements fiscaux déjà adoptés par le Parlement |
- 14 |
(b) Allégements proposés par le PLF 2000 |
- 25 |
(c) Alourdissements proposés par le PLFSS 2000 |
+ 15,4 |
Total nouveaux allégements PLF/PLFSS 2000 |
- 9,6 |
Non seulement les allégements nouveaux seront très faibles en 2000, mais le gouvernement a déjà annoncé de nouveaux prélèvements pour 2001, pour au moins 17,5 milliards de francs, sans compter ceux qui seront nécessaires au financement des 35 heures et de la couverture maladie universelle.
Les nouveaux prélèvements annoncés pour 2001
Augmentation des prélèvements annoncée pour 2001 |
Evaluation |
TGAP |
9,3 milliards de francs |
Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés |
8,2 milliards de francs |
Contribution des organismes complémentaires pour le financement de la CMU |
? |
Financement des 35 heures |
20 milliards de francs |
Total |
au moins 17,5 milliards de francs de prélèvements supplémentaires |
Source : projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000
La conséquence du refus du gouvernement de procéder
véritablement à des allégements d'impôts et de
cotisations, alors même que la conjoncture permet d'importants
encaissements de recettes fiscales et de cotisations sociales, est que
la
France se trouve désormais en toute première position, au niveau
européen comme mondial, pour le poids de ses prélèvements
obligatoires.