EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi, portant ratification de sept ordonnances
prises par le Gouvernement au cours de l'été 1998 sur le
fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998 et renvoyé à
votre commission des Lois, constitue avec les trois autres textes
renvoyés respectivement à la commission des Finances, à la
commission des Affaires sociales et à la commission des Affaires
économiques, un quatuor législatif tendant à
conférer valeur législative à un vaste ensemble de mesures
poursuivant l'actualisation et l'adaptation du droit applicable outre-mer. Ce
sont en effet au total vingt ordonnances qui ont été
publiées en quatre vagues successives aux mois de juin, juillet,
août et septembre 1998, marquant une avancée importante dans
l'oeuvre si délicate de modernisation du droit applicable outre-mer
menée depuis quelques années. Les deux dates butoir fixées
par l'article 2 de la loi d'habilitation susvisée en application de
l'article 38 de la Constitution ont bien été respectées
par le Gouvernement : 15 septembre 1998 pour l'adoption des ordonnances,
15 novembre 1998 pour le dépôt des projets de loi de ratification.
Le projet de loi de ratification n° 421 renvoyé à la
commission des Lois et aujourd'hui soumis à votre examen a
été adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale le 10 juin dernier, celle-ci n'y ayant introduit
que cinq modifications figurant sous autant d'articles additionnels. Observons
que pareille méthode, si elle est incontournable pour amender le contenu
des ordonnances soumises à ratification, n'est pas de nature à
améliorer la lisibilité de l'ordonnancement juridique, la
présentation consolidée des textes reposant alors exclusivement
sur les auteurs de recueils et de codes ... qui d'ailleurs ne
répertorient pas les textes applicables outre-mer ! Connaître
l'état du droit en vigueur outre-mer nécessitera donc pour toute
personne intéressée de vérifier qu'aucune modification n'a
été introduite par la loi de ratification, dont l'adoption
interviendra plus d'un an et parfois près de dix-huit mois après
l'entrée en vigueur des ordonnances en tant qu'actes ayant valeur
réglementaire.
Notons enfin que pendant ce laps de temps relativement long d'un an à
dix-huit mois, certaines mesures prises par voie d'ordonnances ont
été modifiées par le législateur qui a ainsi d'ores
et déjà procédé à leur ratification
implicite. Le Conseil d'État (CE, 10 juillet 1972, Cie Air-Inter - CE,
11 juin 1990, Congrès du Territoire de Nouvelle-Calédonie) et le
Conseil constitutionnel reconnaissent en effet la ratification tacite,
résultant d'une manifestation de volonté "
implicite,
mais clairement exprimée
" du Parlement (décision du 29
février 1972, Participation des salariés aux résultats de
l'entreprise) ou d'une loi "
qui, sans avoir cette ratification pour
objet direct, l'implique nécessairement
" (décision du
23 janvier 1987, Conseil de la concurrence).
En application du dernier alinéa de l'article premier de la loi
d'habilitation du 6 mars 1998, les projets correspondant aux sept ordonnances
que le présent projet de loi propose de ratifier ont été
soumis aux assemblées délibérantes de chaque
département, territoire ou collectivité d'outre-mer. Seuls ont
rendu un avis explicite le conseil général de la Guadeloupe, le
conseil régional de la Réunion, le conseil général
de Saint-Pierre-et-Miquelon et le congrès de la
Nouvelle-Calédonie.
Si parmi ces sept ordonnances certaines ont un objet ponctuel, d'autres ont un
champ beaucoup plus vaste tant d'un point de vue géographique que
relativement aux domaines juridiques concernés : ce sont au total
des dispositions issues de huit codes et de plus d'une trentaine de lois qui
sont ainsi rendues applicables outre-mer.
A. L'ORDONNANCE N° 98-580 DU 8 JUILLET 1998 RELATIVE AU DÉLAI DE DÉCLARATION DES NAISSANCES EN GUYANE
Cette
première ordonnance, prise en application du point 6° de
l'article 1
er
de la loi d'habilitation du 6 mars 1998
précitée concernant l'état civil en Guyane, a pour simple
objet
d'allonger à trente jours le délai de déclaration
des naissances à l'officier de l'état civil dans certaines
communes du département de la Guyane
1(
*
)
, par dérogation aux dispositions
de droit commun de l'article 55 du code civil.
Celui-ci prévoit que les déclarations de naissances doivent
être faites dans les trois jours de l'accouchement, à l'officier
de l'état civil du lieu ; faute de déclaration dans ce
délai légal, une naissance ne peut être prise en compte par
les registres de l'état civil que sur le fondement d'un jugement
déclaratif de naissance rendu par le tribunal de l'arrondissement dans
lequel est né l'enfant, le tribunal compétent étant celui
du domicile du requérant si le lieu de naissance est inconnu.
Or ce délai de trois jours apparaît inadapté à la
situation particulière de certaines populations de l'intérieur de
la Guyane vivant notamment le long des fleuves Maroni et Oyapock et de leurs
affluents. En raison de l'isolement de ces populations
disséminées sur un immense territoire
2(
*
)
et des difficultés de
communication, la pirogue étant le plus souvent le seul moyen de
transport disponible, à la fois lent et coûteux, de nombreux
enfants nés sur le territoire des communes concernées ne
pouvaient jusqu'ici être déclarés dans les délais
à l'état civil et se trouvaient ainsi privés de
reconnaissance juridique.
Cette situation a pour conséquence que plusieurs milliers d'habitants de
la Guyane sont actuellement dépourvus d'état civil, notamment
dans la région du Haut Maroni. Ces personnes, qui ne possèdent
aucun document d'identité, ne peuvent circuler librement dans l'ensemble
du département sans courir le risque d'être reconduites à
la frontière du fait des contrôles d'identité
effectués dans le cadre de la lutte contre l'immigration
clandestine ; elles se trouvent également dans
l'impossibilité d'entamer des études secondaires ou de participer
aux élections, par exemple.
En outre, cette situation préjudiciable aux intérêts des
personnes concernées constitue également un obstacle à la
mise en place d'un contrôle effectif des mouvements de population sur les
fleuves, pourtant indispensable à une lutte efficace contre
l'immigration clandestine.
L'ordonnance du 8 juillet 1998 apporte un premier élément de
réponse à ces problèmes en allongeant à un mois le
délai de déclaration des naissances dans les communes
concernées, ce qui devrait permettre de faciliter l'enregistrement des
nouveaux-nés par l'état civil. Elle devra être
complétée par un recensement des populations dépourvues
d'état civil qui devrait servir de base à la constitution de
dossiers permettant l'attribution juridictionnelle d'un état civil aux
personnes concernées, par voie de jugements déclaratifs de
naissances.
Votre commission vous propose de ratifier l'ordonnance n° 98-580 du
8 juillet 1998
sans modification
.