B. LE PROJET DE LOI PRIVILÉGIE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL À LA CRÉATION D'EMPLOIS
1. Un projet de loi qui modifie de nombreuses dispositions du code du travail
Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale le 28 juillet 1999 comprenait 17 articles dont 13 relatifs aux modalités ou aux conséquences de la réduction du temps de travail.
a) Les articles relatifs à la baisse de la durée légale du travail et à ses conséquences
L'article premier
du projet de loi est sans doute le
plus
emblématique puisqu'il confirme le principe de la réduction de la
durée légale à 35 heures au
1
er
janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt
salariés et au 1
er
janvier 2002 pour l'ensemble des
entreprises.
L'article 2
est une conséquence de l'article premier, il modifie
le régime des heures supplémentaires pour tenir compte de
l'abaissement de la durée légale prévu par l'article
premier. Il prévoit que dans les entreprises dont la durée
collective est fixée à 35 heures ou moins, les heures
supplémentaires effectuées entre 35 et 39 heures donnent lieu
à une bonification de 25 % pour le salarié. Dans les autres
entreprises, la bonification est de 15 % et une contribution de 10 %
est versée au fonds pour l'emploi mentionné à l'article
11. Cette contribution n'est pas due si le paiement des heures
supplémentaires et des majorations est remplacé par un repos
compensateur équivalent, cette substitution étant
considérée comme favorable à l'emploi. Un accord collectif
de branche ou d'entreprise détermine si cette bonification prend la
forme d'un repos ou d'une majoration de salaire. A défaut, elle prend la
forme d'un repos. Le régime des heures supplémentaires
effectuées au-delà de 39 heures est inchangé. En 2000
(respectivement 2002), la bonification est de 10 % pour les
salariés des entreprises de plus de vingt salariés
(respectivement vingt ou moins) à 35 heures et n'est pas due dans
les autres entreprises, qui devront en revanche s'acquitter de la contribution
de 10 %.
Par ailleurs, les modalités de prise du repos compensateur obligatoire
sont simplifiées et une organisation par cycle peut désormais
être mise en place par accord d'entreprise aussi bien que par accord de
branche étendu.
Enfin, le contingent de 130 heures, qui détermine le seuil maximum
à partir duquel toute heure supplémentaire donne lieu à un
repos compensateur, s'appliquera pour les entreprises de plus de vingt
salariés au-delà de 37 heures en l'an 2000 et au-delà de
36 heures en 2001 (respectivement 2002 et 2003 pour les entreprises de vingt
salariés ou moins).
Le contingent est réduit à 90 heures en cas d'accord de
modulation (sauf en cas de faible amplitude de cette modulation).
L'article 5
distingue trois catégories de cadres afin de pouvoir
leur appliquer la réduction du temps de travail. Les cadres dirigeants
ne sont pas soumis à la réglementation sur la durée du
travail, comme cela est déjà prévu par la jurisprudence.
Les cadres occupés selon l'horaire collectif applicable à
l'équipe, au service ou à l'unité auxquels ils
s'intègrent et dont l'horaire peut être
prédéterminé, sont soumis aux mêmes règles
que l'ensemble des salariés. Les cadres au sens des conventions
collectives qui n'appartiennent pas à la première ou à la
deuxième de ces catégories et, donc, dont l'horaire collectif ne
peut être prédéterminé, devront également
être concernés par la réduction du temps de travail. Leur
durée du travail pourra être fixée par des conventions
individuelles de forfait hebdomadaires, mensuels ou annuels, en heures ou en
jours. Lorsque ces conventions de forfait seront établies sur
l'année, en heures ou en jours, un accord collectif sera requis. En cas
de décompte en jours de travail, le nombre de jours travaillés
devra être au maximum de 217 jours. L'accord pourra, le cas
échéant, prévoir que le régime de décompte
en jours s'applique également à certains des salariés
itinérants dont la durée du travail ne peut être
prédéterminée.
L'article 8
précise, d'une part, que les jours de repos provenant
de la réduction du temps de travail sont pris en compte pour le calcul
des congés payés, d'autre part, qu'il est tenu compte des
situations de pluriactivité pour l'ordre des départs en
congé.
L'article 10
ouvre la possibilité, par accord collectif,
d'utiliser, après accord du salarié, une partie des heures
libérées par la réduction du temps de travail à des
actions de formation strictement destinées au développement
personnel et professionnel du salarié et dont les frais sont
payés par l'entreprise.
L'article 11
est une conséquence directe de l'article premier,
puisqu'il prévoit une aide pour les entreprises effectivement
passées à 35 heures.
Il prévoit en effet que les entreprises se trouvant effectivement
à 35 heures hebdomadaires, et en tout état de cause au
maximum à 1.600 heures sur l'année, pourront
bénéficier d'un allégement de cotisations sociales.
Cet allégement de charges est subordonné à un accord
d'entreprise ou, pour les entreprises de moins de 50 salariés, à
un accord de branche étendu ou un accord local fixant les
paramètres essentiels de la réduction de la durée du
travail. La négociation est donc menée par les organisations
syndicales représentatives, sans que les règles de
représentativité soient modifiées. En cas d'accord
d'entreprise, lorsque les organisations syndicales signataires sont
minoritaires, une confirmation par le personnel, à la demande d'une ou
des organisations signataires, est prévue.
En l'absence de délégué syndical, l'accord peut être
conclu par un salarié mandaté par une organisation syndicale
reconnue représentative sur le plan national et doit être
approuvé par la majorité du personnel.
Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, en l'absence de
délégué syndical ou de salarié mandaté, les
délégués du personnel peuvent négocier l'accord,
qui doit être approuvé par la majorité du personnel et
validé par une commission paritaire nationale de branche ou par une
commission paritaire locale.
A compter de 2002, dans les petites entreprises de moins de onze
salariés, à défaut d'accord de branche et si le
mandatement ne s'avère pas possible, la réduction pourra
être mise en place par le chef d'entreprise ayant reçu
l'approbation écrite de la majorité des salariés.
Bénéficieront également de l'allégement les
entreprises qui ont réduit la durée du travail avant
l'entrée en vigueur de la présente loi, dans les conditions
prévues à l'article 3 de la loi du 13 juin 1998
précitée ouvrant droit à l'aide incitative, ou par accord
conduisant à une durée effective du travail inférieur ou
égale à 35 heures.
Le paragraphe XVI fait l'objet de nombreuses critiques (
voir
ci-après
) concernant sa constitutionnalité, il prévoit
qu'un fonds sera mis en place par la loi de financement de la
sécurité sociale pour l'année 2000 pour assurer la
compensation prévue à l'article L. 131-7 du code de la
sécurité sociale aux régimes concernés par
l'allégement. L'Etat et les régimes de protection sociale sont
appelés à contribuer à ce fonds en fonction du
surcroît de recettes et des économies de dépenses induits
par la réduction du temps de travail, de sorte que l'équilibre
des régimes concernés ne soit pas affecté. Enfin, ce
paragraphe prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat
déterminera les règles de calcul et d'évolution de ces
contributions.
L'article 12
définit le barème d'allégement de
cotisations sociales patronales dont pourront bénéficier les
entreprises soumises au champ de la durée légale, à
l'exception de certains organismes publics de l'Etat en situation de monopole
pour certaines de leurs activités, ou en raison de l'importance des
concours de l'Etat. L'exonération est non cumulable avec d'autres
exonérations sauf celles prévues par la loi du 13 juin 1998
précitée et la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant
à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction
conventionnels du temps de travail, auxquelles s'ajoute la composante bas et
moyens salaires du barème d'allégements.
L'article 14
procède à la validation des accords conclus
avant l'entrée en vigueur de la présente loi, en application de
la loi du 13 juin 1998 précitée, lorsqu'ils sont conformes aux
stipulations de la présente loi. Un délai d'un an est, par
ailleurs, laissé aux branches et aux entreprises pour
éventuellement adapter leurs accords. Seules les dispositions relatives
au régime des heures supplémentaires sont immédiatement
applicables.
L'article 15
porte sur les conséquences du refus par un
salarié de la modification de son contrat de travail consécutive
à une réduction du temps de travail organisée par un
accord collectif signé par des organisations syndicales majoritaires ou
approuvé par une majorité du personnel. Dans ce cas,
l'application de l'accord constituera une cause réelle et
sérieuse de licenciement et un éventuel licenciement sera soumis
à la procédure applicable en cas de licenciement individuel.
L'article 16
apporte au salarié rémunéré au
SMIC une double garantie : garantie du maintien du salaire au moment du
passage à 35 heures par l'octroi d'un complément
différentiel de salaire et garantie de progression de son salaire
mensuel. Cette garantie sera ainsi revalorisée, pour chaque
salarié, en fonction de l'évolution des prix et de la
moitié de l'augmentation du pouvoir d'achat du salaire mensuel ouvrier.
Cette garantie concerne également les nouveaux embauchés
recrutés sur des postes équivalents à ceux des
salariés en place, ainsi que les travailleurs à temps partiel
lorsque leur durée de travail est réduite. L'article 16
prévoit qu'un rapport du Gouvernement au Parlement précisera,
avant le 31 décembre 2002, les mesures permettant de rendre sans objet
cette garantie d'ici le 1
er
juillet 2005.
L'article 17
a pour objet de transposer dans le code rural, d'une part
les dispositions du présent projet de loi et, d'autre part, celles de la
loi du 13 juin 1998 précitée qui n'avaient pas
été rendues applicables aux salariés des professions
agricoles (règles relatives aux coupures pour les salariés
à temps partiel, définition du travail effectif).