III. AUDITIONS DU MARDI 5 OCTOBRE 1999
A. AUDITION DE M. GEORGES RIFFARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA FÉDÉRATION DES ÉTABLISSEMENTS HOSPITALIERS DE L'ASSISTANCE PRIVÉE (FEHAP)
Réunie le
mardi 5 octobre 1999
sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président
, la
commission a poursuivi son programme
d'auditions
sur le
projet de loi
n° 1786 (rectifié)
(AN) relatif à la
réduction négociée du temps de travail.
La commission a tout d'abord entendu
M. Georges Riffard, directeur
général de la Fédération des établissements
hospitaliers de l'Assistance privée
(FEHAP).
M. Georges Riffard
a rappelé que la loi du 13 juin 1998
avait placé les établissements devant les termes d'une
alternative : soit s'engager dans le processus de négociation, soit
attendre la mise en oeuvre obligatoire de la réduction du temps de
travail au 1
er
janvier 2000. Toutefois, dans ce dernier cas,
l'absence d'aides de l'Etat ne pouvait qu'entraîner de graves
difficultés budgétaires pour les établissements.
A cet égard, il a estimé que les dépenses strictement
liées à l'application des 35 heures au 1
er
janvier 2000 entraînaient une augmentation salariale de 12,6 %,
compte tenu des heures supplémentaires majorées, en soulignant
que cette augmentation n'était pas compatible avec le niveau des
enveloppes de financement limitées à environ 2 % de hausse
annuelle.
Soulignant que la FEHAP devant choisir " entre le choléra et la
myxomatose ", avait opté pour le moindre mal et s'était
engagée dans le processus de négociation sur la réduction
du temps de travail (RTT),
M. Georges Riffard
a
précisé que l'accord signé le 4 mars 1999,
après plus d'un an de négociations et trois additifs successifs,
avait fait l'objet d'un refus d'agrément du ministre de l'emploi et de
la solidarité au début du mois d'août. Il a ajouté
que la FEHAP avait introduit un recours gracieux contre la décision de
refus.
Rappelant que la convention collective du 31 octobre 1951 recouvrait
148.000 salariés dans 2.200 établissements sanitaires,
sociaux ou médico-sociaux, il a souligné que l'accord du 4 mars
1999 s'était traduit par la signature d'environ 1.000 accords dans les
établissements, la plupart ayant été signés avant
le 1
er
juillet 1999 pour bénéficier de l'aide maximale
et que plus d'un salarié sur deux, relevant de la convention collective,
était aujourd'hui concerné par un accord d'entreprise ou
d'établissement.
Il a rappelé que la FEHAP avait, à l'origine,
préconisé le principe de l'agrément d'un accord national,
modulable, qui aurait été ensuite décliné au niveau
de chaque établissement, les services extérieurs de l'Etat
n'ayant alors qu'à vérifier la conformité des
aménagements locaux au regard de la loi du 13 juin 1998 et de l'accord
national.
Il a souligné toutefois que cette proposition de la FEHAP n'avait pas
été retenue par le Gouvernement qui avait estimé que tous
les accords et décisions unilatérales portant sur la RTT devaient
être soumis à l'agrément du ministre au sens de l'article
16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975.
Il a estimé que, dans le secteur social et médico-social,
3.000 accords au total avaient été transmis au
ministère pour agrément et que leur examen nécessiterait
une période de six mois au moins. Il a souligné la
difficulté soulevée par le fait que des accords signés en
décembre ne prendraient juridiquement effet qu'en juin 2000,
c'est-à-dire après la date butoir du 1
er
janvier 2000
prévue par la loi du 13 janvier 1998 pour l'application des " 35
heures ".
Il a constaté que les établissements en question pourraient
être mis dans l'obligation d'appliquer la RTT sans aide de l'Etat, au
cours du premier semestre 2000, ce qui entraînerait une hausse de la
masse salariale de 6 % en 2000.
Il a estimé nécessaire que les établissements sociaux et
médico-sociaux bénéficient d'une dérogation
transitoire permettant de reporter au 1
er
juillet 2000 la date
de mise en oeuvre obligatoire de la RTT. Il a estimé important que les
établissements sociaux et médico-sociaux ne perdent pas le
bénéfice des négociations longues conduites au cours du
premier semestre 1999 qui avaient conduit à la signature de plus de
1.000 accords dans le secteur couvert par la convention du 31 octobre 1951.
M. Louis Souvet, rapporteur,
a fait part du désarroi de certains
gestionnaires vis-à-vis des règles d'application de la loi. Il
s'est interrogé sur l'origine des retards intervenus pour agréer
l'accord du 4 mars 1999, sur l'articulation de l'accord signé par la
FEHAP avec l'accord de la branche professionnelle du secteur sanitaire, social
et médico-social à but non lucratif (UNIFED) du 1
er
avril 1999 agréé le 25 juin et étendu le 4 août. Il
s'est demandé si le projet de loi remettait en question certains aspects
des accords signés dans les établissements. Il s'est
inquiété du financement de la RTT par les employeurs du secteur
hospitalier privé et s'est posé des questions sur le sort
particulier réservé aux établissements publics.
M. Jean Delaneau, président,
s'est interrogé sur
l'éventualité de reporter d'un an la date de mise en oeuvre
obligatoire de la RTT.
En réponse,
M. Georges Riffard
a indiqué qu'il n'avait pas
d'explications officielles du retard pour l'agrément de l'accord FEHAP.
Selon certaines hypothèses, l'accord remettrait en cause le principe
d'annualité budgétaire, ce qui semble toutefois relever d'une
erreur d'interprétation selon
M. Georges Riffard
.
Par ailleurs, l'accord ne permettrait pas d'assurer un équilibre
salarial du fait du caractère insuffisant des retenues sur les salaires.
Sur ce point,
M. Georges Riffard
a précisé que l'accord
FEHAP prévoyait deux retenues, portant respectivement sur 2,58 % et
0,26 % du salaire, qui étaient plus élevées que
celles fixées dans d'autres accords signés par les organismes
nationaux du secteur médico-social non lucratif et agréés
par le ministre.
Enfin, il a évoqué l'argument de " proximité "
avec la fonction publique hospitalière, tout en s'interrogeant sur la
portée de ce motif dans la mesure où le secteur
médico-social n'est pas comparable en importance au secteur hospitalier.
Concernant l'accord UNIFED, il a rappelé qu'il avait été
convenu en 1998 de distinguer, pour l'application de la loi sur la RTT, trois
niveaux : l'accord de branche devait porter sur toutes les dispositions
relatives à l'aménagement du temps de travail et à
l'organisation de la flexibilité ; les avenants aux conventions
collectives devaient régler les questions relatives à la
durée du travail, au maintien des salaires et aux embauches ;
enfin, les situations particulières devaient être traitées
par les accords d'entreprise ou d'établissement.
M. Georges Riffard
s'est donc félicité de
l'agrément de l'accord de l'UNIFED mais a souhaité que, par
cohérence, l'agrément des accords signés par les deux
autres niveaux de négociations intervienne maintenant le plus rapidement
possible.
Concernant le projet de loi, il a observé que les dispositions
prévues pour les cadres ou pour les salariés à temps
partiel correspondaient largement aux choix effectués dans le cadre de
l'accord de la FEHAP. En revanche, il a souhaité que soient
mentionnés non seulement les accords étendus mais
également les accords de branche agréés dans le texte du
projet de loi afin d'éviter toute incertitude juridique pour l'avenir.
Concernant le financement de la RTT, il a souligné que cette
dernière devrait entraîner mécaniquement une embauche
supplémentaire de 6 à 7 % dans la mesure où les gains
de productivité dans le secteur étaient difficiles à
dégager et où le service auprès des personnes prises en
charge revêtait un caractère permanent. Il a indiqué que le
financement était assuré à la fois par les retenues sur
salaires et par l'aide de l'Etat qui représenterait entre 2,5 et
3,5 % du salaire moyen.
Il n'a pas souhaité porter de jugement sur la situation du secteur
public hospitalier.
Concernant le moratoire d'un an, il a souligné que la demande de la
FEHAP portait sur un report de six mois seulement et qu'elle était
motivée uniquement par le caractère exorbitant du droit commun de
la procédure d'agrément prévue à l'article 16 de la
loi du 30 juin 1975.
En réponse à M. Jean Delaneau, président,
M. Georges
Riffard
a souligné que le blocage des rémunérations
intervenu en 1999 à la suite de la signature des accords devrait faire
l'objet de report d'année en année une fois l'accord
agréé.
M. Philippe Nogrix
s'est interrogé sur l'intention
affichée par le Gouvernement d'éviter toute dérive
budgétaire dans le secteur social et médico-social à
l'occasion de la mise en oeuvre de la RTT. Il s'est interrogé sur le
financement du dispositif au-delà des cinq ans prévus par la loi
pour le versement des aides. Il s'est demandé si le délai de six
mois ne pouvait pas être réduit en pratique. Il s'est
interrogé sur l'incidence des mesures relatives à la tarification
dans le secteur social et médico-social.
M. Paul Blanc
s'est également interrogé sur la situation
financière des établissements sociaux et médico-sociaux
dans un délai de cinq ans.
M. Jean Chérioux
a rappelé que l'aide de l'Etat devait
diminuer progressivement au cours des cinq prochaines années et s'est
enquis de l'incidence de la récente jurisprudence de la Cour de
cassation sur les règles de compensation des heures de veille.
M. Claude Huriet
s'est demandé si la mise en oeuvre de la RTT
n'aurait pas pour conséquence d'augmenter la participation
demandée aux familles des personnes prises en charge dans les
établissements sociaux et médico-sociaux.
En réponse,
M. Georges Riffard
a souligné que la situation
des usagers était une préoccupation de la FEHAP, en particulier
dans les 600 établissements d'hébergement pour personnes
âgées. Il a souligné qu'il était important de mettre
en oeuvre le plus rapidement possible la RTT, afin de pouvoir obtenir les aides
de l'Etat et d'éviter d'être dans l'obligation de reporter le
coût salarial sur d'autres financeurs.
Il a précisé qu'à l'expiration de la période de
cinq ans, les établissements continueraient à appliquer les
mesures de modération salariale et à bénéficier de
l'aide structurelle versée pour chaque salarié qui correspondait
environ à 1,7 % de la masse salariale, ainsi que de l'incidence des
allégements structurels de l'échelle des
rémunérations. Il a considéré que les recettes
correspondraient environ à 5 % de la masse salariale, admettant
qu'un problème pourrait se poser pour les établissements qui
auraient procédé à 7 % d'embauches
supplémentaires.
S'agissant des délais d'examen par le ministère, il a
rappelé que, sur les 2.000 accords relatifs au secteur social et
médico-social déposés avant le 1
er
juillet
1999, seuls une vingtaine d'accords avaient été
agréés par l'administration. Il s'est donc interrogé sur
la capacité de la commission compétente à examiner environ
3.000 accords au total d'ici au 1
er
janvier 2000.
Il a redouté que l'opération d'agrément des accords soit
déléguée dans les services extérieurs de l'Etat, ce
qui risquerait de conduire à de multiples rejets pour de simples motifs
de précaution.
Il a estimé que le problème de la tarification applicable aux
établissements d'hébergement pour personnes âgées
était indépendant de celui de la RTT. Il s'est
félicité que la nouvelle tarification permette de mieux
répartir les charges, tout en soulignant que le problème majeur
était celui du niveau des enveloppes de financement.
Enfin, il a regretté le comportement évolutif de la Cour de
cassation sur le problème de la compensation des heures de veille, en
soulignant que les dettes cumulées de certains établissements
pouvaient dépasser 50 % de leur budget annuel.
Il a estimé souhaitable une solution législative qui renverrait
aux conventions collectives nationales agréées une
compétence en matière de fixation des compensations des heures
d'astreinte et qui prévoirait en outre qu'aucun nouveau contentieux ne
pourrait être ouvert après la promulgation de la loi.