N° 11
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 octobre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relatif à l' action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale,
Par M.
Pierre FAUCHON,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot,
Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel
Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon
Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude
Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros :
Assemblée nationale
(11
ème
législature) :
957
,
1702
et T.A.
350
Sénat :
470
(1998-1999).
Code pénal. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Après avoir entendu, le 7 octobre 1999,
Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la justice
et M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation
puis, le 12 octobre 1999,
M. Jean-François Burgelin, procureur général
près la Cour de cassation, M. Jean-Marie Darde, procureur
général près la cour d'appel d'Amiens et
M. Laurent Lemesle, procureur de la République près le
tribunal de grande instance de Nancy
, la commission des Lois du
Sénat, réunie le 13 octobre 1999 sous la
présidence de
M. Jacques Larché
, a
examiné, sur le rapport de
M. Pierre Fauchon
, le projet de
loi adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'action
publique en matière pénale et modifiant le code de
procédure pénale.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a constaté que ce projet
de loi était présenté par le Gouvernement comme
destiné à assurer l'indépendance des décisions du
ministère public vis à vis du pouvoir exécutif mais qu'il
renforçait à bien des égards l'organisation
hiérarchique du parquet.
Il a en effet relevé que l'interdiction faite au ministre de la justice
d'intervenir dans les affaires individuelles s'accompagnerait d'importantes
contreparties tendant à renforcer ses moyens d'action, telles que la
définition de directives générales de politique
pénale s'imposant aux magistrats du parquet et la création d'un
droit d'action propre lui permettant d'engager directement des poursuites,
l'autorité hiérarchique du procureur général dans
le ressort de la cour d'appel étant par ailleurs accentuée.
Il a cependant souligné que la nouvelle organisation du ministère
public proposée par le projet de loi risquait d'aboutir à une
" balkanisation " de l'application de la politique pénale au
niveau national, puisqu'aucune autorité ne serait plus en mesure de
coordonner l'action des procureurs généraux et de remédier
aux distorsions susceptibles d'apparaître dans l'exercice de l'action
publique d'une région à l'autre.
Afin de maintenir une régulation de l'action publique assurant
l'unité de l'application de la politique pénale tout en
écartant les risques de suspicion politique qui pèsent
actuellement sur les interventions du ministre de la justice,
M. Pierre
Fauchon, rapporteur
, a proposé que le ministre de la justice
conserve ses prérogatives actuelles pour les seules affaires mettant en
jeu les intérêts fondamentaux de l'Etat, qui lui sont apparus
relever de la responsabilité du Gouvernement, tandis que pour l'ensemble
des autres affaires, la mission de garantir la cohérence de l'action
publique au niveau national serait confiée à une autorité
indépendante présentant toutes les garanties
d'impartialité.
A l'issue d'un débat auquel ont pris part
MM. Christian Bonnet,
Patrice Gélard, Lucien Lanier, Charles Jolibois,
Jean-Jacques Hyest, Robert Badinter, Robert Bret, Maurice Ulrich et
Jacques Larché, président
, la commission, suivant les
orientations de son rapporteur, a adopté les principales propositions
suivantes :
• Le
garde des Sceaux
(article 1
er
)
resterait
responsable de la définition des orientations générales
de la politique pénale
dans le respect des compétences du
législateur. En outre, il conserverait la possibilité de donner
des
instructions
(
écrites, motivées et versées
au dossier
) aux procureurs généraux
dans les seules
affaires
relatives aux infractions visées par les titres I et II du
livre IV du code pénal, c'est-à-dire les
atteintes aux
intérêts fondamentaux de l'Etat
et le
terrorisme
.
L'interdiction des instructions individuelles
du ministre de la
justice, prévue par le projet de loi serait
maintenue pour toutes les
autres affaires
.
Le
droit d'action propre
du ministre de la justice, institué
par le projet de loi serait en revanche
supprimé
car il n'aurait
plus de raison d'être, compte tenu du maintien de ses prérogatives
actuelles dans ce " domaine réservé " et de
l'institution d'une autorité indépendante chargée de
réguler l'action publique pour les autres affaires.
• Il serait créé un
procureur général de
la République
(article additionnel après l'article
1
er
)
chargé de veiller à la cohérence de
l'exercice de l'action publique et au respect des orientations
générales définies par le ministre de la justice
sur
l'ensemble du territoire.
Afin d'exercer efficacement cette mission, le procureur général
de la République pourrait, le cas échéant, donner des
instructions
aux procureurs généraux pour faire valoir des
considérations d'intérêt général dans toutes
les affaires autres que celles concernant les atteintes aux
intérêts fondamentaux de l'Etat et le terrorisme, à
condition toutefois qu'elles soient
écrites, motivées et
versées au dossier
.
Il devrait rendre compte de son activité au Président de la
République et au ministre de la justice dans un
rapport annuel
.
De manière à garantir son impartialité, il serait
nommé pour cinq ans par le Président de la République
sur une liste de trois personnalités proposées par le Conseil
supérieur de la magistrature
; son mandat, d'une durée
de
cinq ans
, ne serait pas renouvelable. En cas d'empêchement ou
de manquement grave aux obligations de sa charge, il pourrait être
mis
fin à ses fonctions
par le Président de la République
prenant acte d'une décision du Conseil supérieur de la
magistrature saisi par le ministre de la justice.
• S'agissant des dispositions du projet de loi tendant à
renforcer les
garanties offertes aux justiciables face aux
classements sans suite
,
la commission a approuvé l'exigence
d'une motivation des décisions de ne pas poursuivre
, qui constitue
davantage la généralisation d'une pratique qu'une
véritable innovation
(article 4
),
mais a souhaité
simplifier la procédure de recours contre ces décisions
. Elle
a en effet
accepté la consécration de l'existence d'un recours
hiérarchique devant le procureur général
, ouvert
à toute personne ayant dénoncé les faits donnant lieu
à décision de ne pas poursuivre ; en revanche, elle a
rejeté la mise en place de commissions régionales de recours
contre les classements sans suite
qui lui est apparue source de lourdeur et
de complexité alors que son utilité n'est pas
démontrée (
article 5
).
• Enfin, pour ce qui concerne le dernier chapitre du projet de loi,
relatif au
contrôle de l'autorité judiciaire sur les services
de police judiciaire
, la commission a
souhaité que l'inspection
générale des services judiciaires soit associée aux
enquêtes administratives concernant le comportement des officiers ou
agents de police judiciaire
dans l'exercice de leurs missions de police
judiciaire (
article additionnel après l'article 10
). Elle a
en outre supprimé des dispositions dépourvues de portée
normative qui lui ont semblé source d'ambiguïté car
plaçant sur un pied d'égalité le procureur de la
République et les chefs de service de la police ou de la gendarmerie
(article 7)
.