N° 450

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE, relative au pacte civil de solidarité ,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : Première lecture : 1118 , 1119 , 1120 , 1121 , 1122 , 1138 ,
1143 et T.A. 207 .

Deuxième lecture : 1479 , 1482 , 1483 et T.A. 278 .

Commission mixte paritaire : 1601 .

Nouvelle lecture : 1587, 1639 , 1674 et T.A. 341 .



Sénat
: Première lecture : 108 , 258 , 261 et T.A. 100 (1998-1999).

Deuxième lecture : 310 , 335 et T.A. 116 (1998-1999).

Commission mixte paritaire : 361 (1998-1999).

Nouvelle lecture : 429 (1998-1999).


Droit civil.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 23 juin 1999, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois du Sénat a examiné en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Patrice Gélard, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture relative au pacte civil de solidarité.

Le rapporteur a rappelé que le Sénat, opposé au principe même du pacte civil de solidarité, avait, en première lecture, adopté un dispositif alternatif, simple et cohérent, à partir duquel il était envisageable qu'un accord entre les deux assemblées puisse se dessiner.

Il a regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas saisi cette possibilité d'ouverture, mais ait, au contraire, en deuxième comme en nouvelle lecture, marqué sa volonté d'imposer à tout prix une construction juridique hybride et inapplicable, devenue d'autant plus inutile qu'elle avait accepté de reconnaître le concubinage.

Constatant que l'Assemblée nationale avait, en nouvelle lecture, rétabli intégralement son texte de deuxième lecture auquel le Sénat avait opposé une question préalable, votre commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter à nouveau une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.

Mesdames, Messieurs,

Après l'échec, le 18 mai dernier, de la commission mixte paritaire, le Sénat est saisi, en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité adoptée le 15 juin, en nouvelle lecture, par l'Assemblée nationale.

Le texte de cette proposition est identique à celui adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, auquel le Sénat avait opposé une question préalable.

Le pacte civil de solidarité (Pacs) offre un nouveau cadre juridique " aux personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier ", selon l'expression employée de manière récurrente.

Le 23 mars dernier, le Sénat avait adopté la proposition de loi en première lecture sous le nom de " proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité ".

Il avait en effet considéré qu'il n'y avait pas de place dans le code civil pour une nouvelle construction juridique du couple située entre le mariage et l'union libre. Faisant ressortir les innombrables difficultés pratiques et juridiques que générerait le Pacs, il l'avait en tout état de cause jugé inapplicable.

Le Sénat s'était donc prononcé pour un dispositif alternatif simple et cohérent, de nature à supprimer les discriminations dont les couples homosexuels faisaient l'objet du fait de la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation, sans toutefois porter atteinte au mariage ou à la famille ni générer de nouvelles discriminations à l'encontre des personnes vivant en union libre ou des personnes seules.

Le texte adopté affirmait ainsi dans le code civil le principe de la liberté de la vie personnelle de chacun, définissait le mariage comme une institution hétérosexuelle, reconnaissait légalement le concubinage hétérosexuel ou homosexuel en tant qu'union de fait et comportait un ensemble de mesures fiscales et successorales favorisant le lien social et la liberté de tester.

En conséquence, le pacte civil de solidarité, rendu inutile par la reconnaissance du concubinage hétérosexuel et homosexuel, était supprimé.

Pourtant, l'Assemblée nationale avait, en deuxième lecture, rétabli le Pacs tout en gardant une définition du concubinage.

Après avoir démontré en première lecture qu'il existait une alternative au Pacs, à partir de laquelle il était envisageable qu'un accord entre les deux assemblées puisse se dessiner, le Sénat n'avait pu que constater, en deuxième lecture, le refus de l'Assemblée nationale de saisir cette possibilité d'ouverture et la volonté de la majorité des députés d'imposer à tout prix une construction juridique hybride et inapplicable, devenant d'autant plus inutile qu'elle avait accepté de reconnaître le concubinage homosexuel.

Le Sénat avait donc en conséquence décidé d'adopter une question préalable.

Votre commission a largement démontré précédemment les dangers que représentait le pacte civil de solidarité pour le mariage et les discriminations relatives qu'il engendrerait, sans aucune justification sociale, à l'égard des familles, des personnes vivant en concubinage et des personnes seules.

Elle a également critiqué le silence du texte sur la situation des enfants nés de parents liés par un Pacs, estimant qu'il n'était pas cohérent de donner un statut au couple en faisant totalement abstraction de l'enfant qui peut en être le fruit. Elle a de plus relevé les potentialités inquiétantes que le Pacs comportait concernant la parentalité des couples homosexuels.

Elle a en tout état de cause regretté que ce texte vienne en discussion de manière prématurée au moment où un groupe de travail était chargé par la chancellerie de proposer une réforme d'ensemble du droit de la famille. La présidente de ce groupe, elle-même, Mme Dekeuwer-Defossez, a d'ailleurs fait connaître les réticences que lui inspirait la nouvelle construction du couple proposée : " le mariage, seul organisé jusqu'à présent dans le Code civil, se trouverait remplacé par une « fusée à trois étages » : concubinage, Pacs et mariage, les deux premières structures pouvant accueillir indifféremment des couples de sexes différents et des paires de même sexe. L'architecture même de cette fusée peut laisser perplexe, la multiplication des statuts et l'absence de rationalité claire présidant à leur organisation interpellant l'observateur " 1( * ) .

On rappellera que Mme Irène Théry, dans son rapport sur la famille, établi à la demande conjointe de Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, et de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait plaidé pour une reconnaissance du concubinage homosexuel et hétérosexuel comme situation de fait créatrice de droits, après avoir constaté l'impasse à laquelle aboutirait une formalisation du couple fondée sur un contrat inscrit dans le droit des personnes 2( * ) . Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, n'a donc jugé bon ni de suivre les conclusions du rapport de Mme Irène Théry, ni d'attendre les résultats des travaux menés par le groupe de travail sur le droit de la famille, qu'elle a elle-même installé.

Votre commission a enfin montré que, de surcroît, ce texte, mal préparé, serait source de nombreuses difficultés pratiques et juridiques et se révélerait totalement inapplicable.

Sur ce dernier point, il convient de souligner que plusieurs observations effectuées par votre commission ont été prises en compte en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, la navette permettant ainsi d'améliorer le texte.

Mais les améliorations apportées sont loin d'être suffisantes. Le Pacs, bien que désormais défini comme un contrat, figure toujours dans le livre premier du code civil, relatif aux personnes. Il ne procure toujours aux partenaires qu'une protection illusoire, présente encore les lourdeurs et les incohérences d'un état civil bis et multiplie les risques de fraudes. Si les rigueurs de l'indivision ont été atténuées, celle-ci subsiste néanmoins pendant toute la durée du Pacs au mépris de la règle selon laquelle " nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision ". La mention de la réparation du préjudice consécutif à la rupture reste extrêmement floue et n'atténue pas la dureté de la rupture unilatérale.

Concernant le concubinage que l'Assemblée nationale a accepté de reconnaître à la suite du Sénat, la définition proposée n'apparaît pas satisfaisante.

Le Sénat avait défini le concubinage comme " le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par le mariage ". Il avait de plus légalisé les actuels certificats de concubinage en donnant un caractère de présomption légale à des certificats de notoriété délivrés, aux personnes majeures et célibataires, par l'officier de l'état civil, le juge ou le notaire. Il avait enfin précisé que les concubins pouvaient passer des contrats pour organiser tout ou partie de leurs relations pécuniaires ou patrimoniales.

L'Assemblée nationale, quant à elle, a écrit que le concubinage était une " union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ".

La définition donnée par l'Assemblée nationale est à la fois moins complète que celle donnée par le Sénat, en ce qu'elle élude le régime de la preuve, et plus contraignante, en ce qu'elle pose des exigences de stabilité et de continuité de la vie commune, d'ailleurs beaucoup plus restrictives que celles permettant de souscrire un Pacs .

En rétablissant le Pacs, en plus du concubinage , l'Assemblée nationale aboutit à un système inutilement complexe d'autant plus qu'une même personne peut cumuler plusieurs statuts : il sera possible d'être en même temps lié par un Pacs avec une personne et concubin d'une autre personne de même qu'il est possible d'être concubin et marié. A cet égard, le Sénat avait refusé qu'un certificat de concubinage puisse être délivré à des personnes mariées par ailleurs.

Le Sénat avait adopté un dispositif simple et cohérent, affirmant la primauté du mariage, défini comme une institution hétérosexuelle, et reconnaissant le concubinage comme l'union de fait de couples tant homosexuels qu'hétérosexuels.

L'Assemblée nationale ayant repris, en nouvelle lecture, l'intégralité de son texte de deuxième lecture, votre commission ne peut que vous proposer de confirmer votre opposition au dispositif adopté en votant à nouveau une motion tendant à opposer la question préalable , dont les termes figurent ci-après.

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