CHAPITRE V
DES EXPERTS AGRÉÉS PAR
LE CONSEIL DES VENTES
VOLONTAIRES
DE MEUBLES AUX ENCHÈRES PUBLIQUES
Ce
chapitre a pour objet de définir un statut d' "
expert
agréé par le conseil des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques
"
.
Il tend ainsi à remédier à l'absence actuelle de toute
réglementation relative à l'activité des experts,
consécutivement à l'abrogation par le
décret n° 85-382 du 29 mars 1985 du
décret n° 56-1181 du 21 novembre 1956 relatif
au tarif des commissaires-priseurs, qui comportait un titre II concernant
les experts.
Article 28
Liste des experts
agréés
Cet article prévoit l'établissement par le conseil des ventes volontaires d'une liste des experts agréés auxquels pourront avoir recours les sociétés de ventes volontaires et les officiers ministériels chargés de procéder à des ventes volontaires ou judiciaires de meubles aux enchères publiques.
*
Antérieurement à 1985, les commissaires-priseurs
ne
pouvaient avoir recours qu'à des experts inscrits sur une liste
établie par la chambre de discipline
"
à
l'exclusion de tous autres
"
, aux termes de l'article 19
du décret n° 56-1181 du 21 novembre 1956
modifiant le tarif des commissaires-priseurs.
Depuis l'abrogation de ce décret, les commissaires-priseurs peuvent
faire appel à tout expert de leur choix.
Le titre d'expert n'est ni réglementé ni protégé.
Cependant, il existe des organisations, non reconnues officiellement, qui
regroupent les experts auxquels les commissaires-priseurs ont le plus souvent
recours : la compagnie nationale des experts, le syndicat français
des experts professionnels en oeuvres d'art et objets de collection, et l'union
française des experts.
Il existe par ailleurs des listes d'experts auprès des tribunaux
établies par la Cour de cassation et les cours d'appel ; toutefois,
les juges restent libres de désigner en qualité d'expert toute
personne de leur choix (cf. article 1
er
de la
loi n° 71-498 du 29 juin 1971).
*
Le
projet de loi tend à mettre fin à l'absence actuelle de
réglementation de l'activité des experts en définissant un
statut d'expert agréé par le nouveau conseil des ventes
volontaires. Ce statut offrira un certain nombre de garanties aux
sociétés de ventes et aux officiers ministériels qui
feront appel à un expert agréé : compétence
reconnue par l'agrément, obligation d'assurance et régime de
responsabilité solidaire avec l'organisateur de la vente
(cf. article 30), surveillance par le conseil des ventes
(cf. article 33), interdiction pour l'expert de vendre ou d'acheter
un bien pour son propre compte dans le cadre d'une vente à laquelle il
apporte son concours (cf. article 34).
Toutefois, le projet de loi n'établit pas un monopole en faveur des
experts agréés, contrairement au régime antérieur
à 1985. En effet, l'article 28 prévoit seulement que le
conseil des ventes sera chargé d'établir la liste des experts
agréés auxquels
"
peuvent avoir
recours
"
les sociétés de ventes, les huissiers
de justice, les notaires et les commissaires-priseurs judiciaires. Les
sociétés de ventes volontaires, comme les officiers
ministériels, pourraient donc toujours avoir recours à des
experts autres que les experts agréés.
Les critères d'agrément des experts seront définis par le
décret d'application de la loi ; devraient notamment figurer parmi
ces critères les diplômes et l'expérience professionnelle,
ainsi que des critères de moralité (absence de condamnations
pénales...).
Sur cette base, le conseil des ventes volontaires sera amené à
élaborer sa propre jurisprudence d'agrément, sous le
contrôle de la Cour d'appel de Paris. En effet, les décisions du
conseil étant susceptibles de recours dans les conditions prévues
par l'article 20 du projet de loi, tout expert sollicitant un
agrément qui se sera vu opposer un refus par le conseil des ventes
pourra faire appel de cette décision devant la Cour d'appel de Paris.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 28 sous réserve
d'un
amendement
tendant à faire apparaître clairement que
les sociétés de ventes auront la faculté de recourir
à un expert agréé si elles souhaitent faire appel à
un expert, sans qu'il s'agisse pour autant d'une obligation, et à
renvoyer à un décret la fixation des conditions de
l'agrément des experts.
Article 29
Nomenclature des
spécialités
Cet
article prévoit l'établissement par le conseil des ventes
volontaires d'une liste des spécialités des experts
agréés et limite à deux (ou quatre en cas de
spécialités connexes) le nombre des spécialités au
titre desquelles peut être agréé un expert.
Il s'inspire des dispositions de l'article 19 du décret du
21 novembre 1956 qui prévoyait l'établissement par la
chambre nationale des commissaires-priseurs d'une liste des
spécialités pour lesquelles l'assistance d'un expert était
autorisée.
Alors que le décret du 21 novembre 1956 interdisait
d'être expert pour plusieurs spécialités, sauf s'il
s'agissait de deux spécialités connexes, l'article 29 du
projet de loi autorise l'inscription d'un expert agréé dans deux
spécialités distinctes au plus et au maximum quatre
spécialités s'il s'agit de spécialités connexes.
Cependant, ce plafonnement du nombre des spécialités des experts
agréés n'apparaît pas clairement justifié. Aussi
votre commission vous propose-t-elle d'adopter un
amendement
tendant
à supprimer le deuxième alinéa de l'article 29. Il
appartiendra au conseil des ventes volontaires d'apprécier au cas par
cas la compétence de chaque expert et le nombre de
spécialités dans lesquelles il est susceptible d'être
agréé.
Elle vous propose en outre d'adopter un
amendement
rédactionnel
tendant à remplacer le mot
" liste
"
par le mot
"
nomenclature
"
afin d'éviter toute
confusion entre la liste des experts prévue à l'article 28
et la liste des spécialités prévue à
l'article 29.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 29
ainsi
modifié
.
Article 30
Responsabilité des experts
agréés
Cet
article prévoit l'obligation pour un expert agréé de
contracter une assurance garantissant sa responsabilité professionnelle
et pose le principe de la responsabilité solidaire de l'expert
agréé avec l'organisateur de la vente.
• L'obligation d'
assurance
ainsi imposée aux experts
agréés répond au souci de garantir la protection du
consommateur dans la mesure où l'expert est susceptible d'engager sa
responsabilité civile dans l'exercice de son activité, ce qui
peut être lourd de conséquences sur le plan pécuniaire.
La justification d'une police d'assurance constituera donc une condition
à laquelle sera subordonnée l'agrément de l'expert.
Cependant, selon les informations fournies par la Chancellerie, la
majorité des experts ont d'ores et déjà contracté
une assurance nonobstant l'absence d'obligation légale.
• L'article 30 du projet de loi rétablit par ailleurs
le principe d'une
responsabilité solidaire
de l'expert et de
l'organisateur de la vente qui n'est plus reconnue depuis 1985.
Il lui donne toutefois une portée beaucoup plus large que celle qui
résultait du régime antérieur à 1985.
En effet, le décret du 21 novembre 1956 prévoyait d'une
part, dans son article 23, que les indications portées au catalogue
engageaient la responsabilité solidaire de l'expert et du
commissaire-priseur et d'autre part, dans son article 29, que le
commissaire-priseur était responsable des fautes commises au cours ou
à l'occasion des ventes publiques par les experts qui l'assistaient.
Le projet de loi n'apporte en revanche aucune précision quant à
l'étendue de la responsabilité solidaire de l'expert
agréé avec l'organisateur de la vente ; dès lors que
l'expert ou l'organisateur de la vente aurait commis une faute, la
responsabilité de l'autre professionnel serait donc engagée sans
qu'il y ait besoin de prouver sa faute.
Cette rédaction apparaît trop imprécise. En effet, il n'y a
pas lieu de mettre en cause la responsabilité solidaire de l'expert pour
une faute concernant l'organisation même de la vente, dans laquelle
celui-ci n'intervient pas. De même, l'expert ne saurait être tenu
responsable solidairement avec la société de ventes du contenu de
la publicité ou du paiement du prix et de la délivrance du bien,
ou encore de la décision de garantir au vendeur un prix d'adjudication
minimal ou de lui consentir une avance sur le prix de l'adjudication.
Il convient donc de limiter l'étendue de la responsabilité
solidaire de l'expert à ce qui relève de son champ
d'intervention, c'est à dire notamment l'estimation et la
définition des qualités substantielles du bien offert à la
vente.
C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter un
amendement
tendant à préciser que l'expert est solidairement responsable
avec l'organisateur de la vente
"
pour ce qui relève de
son activité
"
.
Elle vous propose d'adopter l'article 30
ainsi modifié
.
Article 31
Usage de la qualité d'expert
agréé
Cet
article a pour objet de permettre aux experts agréés par le
conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques de se
prévaloir de cette qualité en l'accompagnant de l'indication de
leur(s) spécialité(s).
Le décret du 21 novembre 1956 interdisait aux experts figurant
sur les listes établies par les chambres des commissaires-priseurs de
prendre des titres indiquant qu'ils étaient admis à assister les
commissaires-priseurs.
En revanche, le projet de loi tend à autoriser les experts
agréés à faire état de leur qualité, ce qui
leur permettra d'informer les sociétés de ventes volontaires aux
enchères publiques désireuses de faire appel à un expert
qu'elles seront assurées d'un certain nombre de garanties
(compétences, assurance, responsabilité solidaire...) en
s'adressant à eux.
Toutefois, ils ne pourront utiliser que le seul titre d' "
expert
agréé par le conseil des ventes volontaires aux enchères
publiques
" et devront obligatoirement y joindre la mention de leur(s)
spécialité(s).
Cette rédaction s'inspire de celle prévue par l'article 3 de
la loi n° 71-498 du 29 juin 1971
précitée pour les experts judiciaires.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 32
Sanctions pénales de
l'usurpation du
titre d'expert agréé
Cet
article a pour objet d'assurer la protection du titre
d'
"
expert agréé par le conseil des ventes
volontaires aux enchères publiques
".
A cette fin, il prévoit la sanction pénale de l'usage de cette
dénomination ou d'une dénomination présentant une
ressemblance de nature à causer une méprise dans l'esprit du
public.
L'infraction ainsi définie sera punie des mêmes peines que celles
prévues à l'article 433-17 du code pénal relatif au
délit d'usurpation de titres ou de qualités
réglementés par l'autorité publique, à savoir un an
d'emprisonnement et 100.000 F d'amende.
La rédaction retenue s'inspire des dispositions prévues par
l'article 4 de la loi du 29 juin 1971 précitée
pour les experts judiciaires.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 32
sans
modification
.
Article 33
Radiation d'un expert
agréé
Cet
article prévoit la possibilité pour le conseil des ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques de prononcer la radiation
d'un expert de la liste des experts agréés
"
en
cas d'incapacité légale, de faute professionnelle ou d'agissement
contraire à l'honneur, à la probité ou aux bonnes
moeurs
"
.
Cette rédaction s'inspire des dispositions de l'article 5 de la
loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts
judiciaires, qui prévoit la radiation d'un expert inscrit sur une liste
d'experts auprès des tribunaux
"
en cas
d'incapacité légale, de faute professionnelle grave ou de
condamnation pour faits contraires à l'honneur, à la
probité et aux bonnes moeurs
"
.
Elle a cependant pour conséquence de soumettre les experts
agréés à des exigences plus sévères que les
dirigeants des sociétés de ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques de la part desquels l'article 4 ne demande que
des garanties tenant à leur
"
honorabilité
"
et à leur
"
expérience
"
.
De plus, les conditions prévues pour autoriser la radiation d'un expert
agréé sont plus larges que celles permettant la radiation d'un
expert judiciaire puisque ne serait pas exigés le caractère
"
grave
"
de la faute professionnelle commise ou
l'existence d'une condamnation en cas d'agissement contraire à
l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs.
Or, le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques,
chargé de veiller à la régularité de
l'activité des experts agréés aux termes de
l'article 16 du projet de loi, pourrait par ailleurs prononcer à
leur égard les autres sanctions disciplinaires prévues à
l'article 19 : avertissement, blâme ou interdiction à
titre temporaire.
Votre commission vous propose d'adopter à cet article un
amendement
tendant à harmoniser les conditions du retrait de
l'agrément d'un expert agréé avec celles en vigueur pour
la radiation des experts judiciaires. En effet, il n'appartient pas au conseil
des ventes d'apprécier lui-même les agissements contraires
à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs, mais
seulement de sanctionner un expert ayant fait l'objet d'une condamnation pour
de tels agissements.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 33
ainsi
modifié
.
Article 34
Interdiction pour un expert
agréé d'acheter ou de vendre
pour son propre compte
Cet
article a pour objet d'interdire à un expert agréé
d'intervenir pour son propre compte dans une vente aux enchères
publiques à laquelle il apporte son concours, de manière à
éviter tout risque de conflit d'intérêts.
Le décret précité du 21 novembre 1956
prévoyait déjà qu'aucun expert ne pourrait intervenir dans
une vente où figuraient des objets lui appartenant.
Le projet de loi renforce cette exigence déontologique en posant le
principe de l'interdiction faite à un expert agréé, non
seulement d'estimer ou de mettre en vente un bien lui appartenant, mais
également de se porter acquéreur directement ou indirectement
d'un bien dans les ventes aux enchères publiques auxquelles il apporte
son concours.
L'article 34 prévoit en outre des sanctions pénales pour
cette infraction qui serait punie d'une année d'emprisonnement et de
100.000 F d'amende.
Si la mise en oeuvre de l'interdiction pour l'expert agréé
d'estimer ou de mettre en vente un bien lui appartenant, déjà
prévue avant 1985, ne soulève pas de difficultés
particulières, l'interprétation du principe de l'interdiction
faite à l'expert de se porter acquéreur directement ou
indirectement d'un bien au cours d'une vente mérite en revanche
d'être précisée. En effet, cette disposition ne doit pas
être interprétée comme faisant obstacle à la
possibilité pour l'expert de recevoir et d'exécuter des ordres
d'achat en tant que mandataire, cette pratique étant consacrée
par l'usage et considérée comme un service rendu aux amateurs qui
ne peuvent assister en personne aux ventes.
Votre commission vous propose donc d'adopter un
amendement
tendant
à préciser que l'expert agréé ne peut se porter
acquéreur d'un bien directement ou indirectement
"
pour
son propre compte
"
dans le cadre d'une vente aux
enchères publiques à laquelle il apporte son concours, ce qui
permet de faire apparaître clairement qu'il pourra se porter
acquéreur en qualité de mandataire.
Par ailleurs, il est à noter que le projet de loi n'interdit pas
à un expert agréé d'acquérir un bien à
l'occasion d'une mission d'expertise réalisée en dehors d'une
vente aux enchères. Il n'interdit pas non plus à un expert
agréé de devenir dirigeant, associé ou salarié
d'une société de ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques et d'expertiser en cette qualité des biens mis
en vente par ladite société.
Quant aux
sanctions pénales
prévues par l'article 34
concernant l'interdiction faite aux experts d'acheter ou de vendre pour leur
propre compte, elles soulèvent un certain nombre d'interrogations.
En effet, un expert agréé qui enfreindrait cette interdiction
encourrait par ailleurs les sanctions disciplinaires prévues par
l'article 19 : avertissement, blâme, interdiction à
titre temporaire ou même retrait d'agrément.
En prévoyant en outre des sanctions pénales, le projet de loi
tend à traiter plus sévèrement les experts que les
dirigeants, associés et salariés d'une société de
ventes auxquels les dispositions de l'article 3 interdisent en principe
d'acheter ou de vendre directement ou indirectement pour leur propre
compte ; en cas d'infraction à cette interdiction, les
organisateurs de la vente n'encourraient pour leur part que des sanctions
disciplinaires et non des sanctions pénales spécifiques.
En outre, la responsabilité pénale d'un expert
agréé pourrait, le cas échéant, être mise en
cause sur le fondement d'incriminations pénales de droit commun telles
que l'abus de confiance (cf. article 314-1 du code pénal) ou encore
l'escroquerie (cf. article 313-1 du code pénal).
Aussi n'apparaît-il pas indispensable de prévoir de nouvelles
sanctions pénales spécifiques. Votre commission vous propose donc
d'adopter un
amendement
tendant à supprimer le dernier
alinéa de l'article 34 prévoyant ces sanctions.
Elle vous propose d'adopter cet article après l'avoir modifié par
les deux
amendements
présentés ci-dessus.