TRAVAUX DE LA COMMISSION

A. AUDITIONS DE LA COMMISSION

Audition de M. Alain RICHARD,
Ministre de la défense

du 4 février 1999

Monsieur le Président

Mesdames et messieurs les sénateurs

Le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense est le dernier élément de nature législative nécessaire à la mise en oeuvre de l'armée professionnelle.

Il a l'ambition de parachever le travail de réforme des armées, mis en oeuvre par la loi de programmation militaire et la loi portant réforme du service national. Il poursuit la rénovation en profondeur du lien indispensable qui unit la Nation à son armée. Il assure, en cohérence avec l'ordonnance de 1959, la continuité de l'Etat dans le fonctionnement régulier des services dont dépend la vie de la Nation. Pour cet ensemble de raisons, il s'agit d'abord et avant tout de l'accomplissement d'une mission régalienne.

Au terme du vote de ce projet de loi, les trois composantes que sont la réserve militaire, première réserve et deuxième réserve, et le service de défense, représenteront chacune à sa place trois engagements au service de l'Etat et de la Nation, à partir de trois types de mission égales en dignité.

I. POURQUOI UN PROJET DE LOI ?

Le changement de contexte opérationnel est la première raison de la réforme de notre réserve. Notre réserve de masse précédente, nombreuse, répondait aux besoins d'un conflit majeur en Europe. Elle n'était plus adaptée aux missions de l'armée professionnelle.

Désormais, la réserve est une réserve au format resserré, comprenant 100 000 postes de réservistes. Mais cette première réserve est une réserve d'emploi, totalement intégrée aux forces d'active et à la gendarmerie nationale. Ce point est essentiel pour comprendre cette réforme : il n'y a plus de concept d'emploi spécifique aux réserves. Toutes les forces, d'active comme de réserve, peuvent concourir à la réalisation de la totalité des missions des armées. Il n'y aura plus, comme auparavant, deux armées différentes, l'une d'active qui remplit les missions quotidiennes, l'autre constituée de régiments de réserve en attente et demeurant dans la virtualité.

Cette exigence nécessite que le réserviste soit un militaire à part entière pendant ses périodes d'activité, et que la loi organise la disponibilité requise, c'est à dire garantisse concrètement la possibilité de s'engager dans la réserve de manière compatible avec sa vie professionnelle ou sociale.

La volonté constante du gouvernement de renouveler le lien armées-Nation constitue une deuxième raison majeure. La loi portant réforme du service nationale en a été une des premières expressions concrètes : elle a instauré un parcours de citoyenneté pour toutes les jeunes Françaises et tous les jeunes Français, avec comme coeur l'appel de préparation à la défense.

Ce parcours de citoyenneté permet à nos concitoyens qui le souhaitent de pouvoir servir sous les drapeaux sans expérience militaire préalable et sans en faire leur métier, notamment dans la réserve. A la place d'une ancienne réserve constituée pour une large part d'anciens du service militaire, maintenus dans cette obligation, nous avons voulu une réserve basée sur le volontariat, ouverte à tous, hommes et femmes.

Il nous semble qu'ainsi, nous apportons une contribution majeure au maintien d'un lien fort entre la Nation et son armée. Pour cette dimension nouvelle, il nous fallait un texte législatif qui reconnaisse le rôle éminent des réservistes et de leurs associations et qui fixe leurs droits et leurs obligations.

Enfin, je souhaite rappeler que les dispositions juridiques fondant la réserve et le service de défense seront suspendues le 1er janvier 2003. Ainsi l'examen de ce projet de loi me semble intervenir au bon moment pour assurer le passage progressif de système ancien au nouveau.

II. L'EMPLOI DES RESERVES

Lorsque j'ai reçu certains parlementaires, pour un échange sur ce dossier, j'ai remarqué l'intérêt que vous portez à l'emploi concret des réservistes. Je vais l'illustrer, en abordant successivement la première réserve, c'est à dire la réserve d'emploi, et la deuxième réserve, véritable vivier de citoyens désireux de consacrer une partie de leur temps au profit du lien armées-Nation.

La première réserve est donc la réserve d'emploi, pleinement intégrée aux forces. Elle est constituée des réservistes qui disposent tous d'affectation précise dans les unités. Elle comprend 100 000 réservistes.

Ces réservistes suivront des activités de formation et de préparation opérationnelle, individuellement et collectivement en unités. Leur équipement sera identique à celui des unités d'active, rompant ainsi avec les pratiques anciennes et désuètes.

J'entends consacrer aux réserves les moyens nécessaires. Ainsi, le budget 1999 présente une augmentation de 40 MF des crédits affectés aux réserves par rapport à 1998. Cette progression se poursuit sur la période de programmation : en 2002, les crédits s'élèveront à 584 MF en franc 1995, soit une progression de 140% par rapport à 1997. Par ailleurs, je veille à ce que la répartition de ces ressources au sein des armées et de la gendarmerie nationale se fasse en considération des effectifs et de l'emploi des réserves. Le budget 1999 en est une première illustration : un peu plus de 50 % des 40 MF supplémentaires sont en effet destinés à la gendarmerie nationale.

Cette dernière disposera de 50 000 postes de réservistes, soit la moitié. Ces réservistes renforceront les capacités des unités territoriales, brigades et PSIG, ou les structures de commandement. Le recours pourra avoir lieu de manière déconcentrée, par exemple au niveau du département, lors d'événements prévisibles de grande ampleur ou de calamités...Il pourra également être envisagé à titre individuel dans des actions de prévention, sécurisation de transports publics ou prévention routière, ou au profit du lien armées-Nation, présence sur des stands d'information ou participation à l'encadrement de l'APD et des préparations militaires. Par ailleurs, des escadrons et des pelotons de gendarmerie mobile seront constitués, susceptibles d'être engagés en tout point du territoire en renfort de l'active, par exemple dans des missions de sécurisation des zones sensibles.

L'armée de terre disposera pour sa part de 30 000 réservistes. Par exemple, chaque régiment de combat d'active comprend 5 compagnies dont une de réservistes, l'unité de réserve de régiment professionnalisé, URRP, présentant un effectif de 130 personnes. Ce sont des unités de combat, entraînées, disposant du même équipement que les unités d'active, susceptibles de participer à toutes les missions du régiment, y compris à l'extérieur. Les réservistes pourront être appelés individuellement, et collectivement en unités constituées. De la même manière, il existe des URARP, unités de réserves d'arme du régiment professionnel, pour le Train ou le Génie. Enfin, des réservistes seront présents dans les états-majors de tous niveaux.

La marine aura 6 500 réservistes, qui apporteront leur concours dans le domaine des renforts d'état-major, de la protection des ports et des installations sensibles, du soutien des forces.

De la même manière, l'armée de l'air utilisera ses 8 000 réservistes dans des missions de protection ou de soutien des bases, dans des structures de commandement ou dans des unités logistiques et de transmissions.

Le service de santé utilisera 7 000 réservistes, pour assurer le remplacement ou le renfort des personnels techniques d'active de ses propres hôpitaux, et également la constitution des formations sanitaires de chaque armée.

500 réservistes du service des essences renforceront les tâches de soutien pétrolier des unités.

Par ailleurs, ces réservistes contribueront tous aux actions menées par leur armée au profit du lien armée-Nation, plus particulièrement pour l'encadrement des journées APD et des préparations militaires.

Je voudrais citer un dernier exemple. Il s'agit du besoin en spécialistes, dans des domaines spécifiques, je pense aux actions civilo-militaires. La réserve constitue un cadre parfait dans lequel ce type de compétence est indispensable et peut être recruté et utilisé efficacement.

La deuxième réserve a un rôle tout aussi important qui s'inscrit dans notre volonté collective de renouveler le lien armées-Nation : les réservistes sont en effet un lien essentiel entre les armées et la société civile.

Cette réserve, plus nombreuse, présente la même diversité que la première réserve, le même dévouement au service de la promotion de l'esprit de défense. Elle comprend plus particulièrement les réservistes non titulaires d'une affectation, disponibles pour participer bénévolement, à titre individuel ou dans un cadre associatif, à des activités définies avec l'autorité militaire. Des réservistes de la deuxième réserve peuvent éventuellement rejoindre la première réserve si les conditions réglementaires le permettent, s'ils le souhaitent et si leurs propres contraintes personnelles les y autorisent.

III. LE PROJET OFFRE LES GARANTIES A TOUTES LES PARTIES PRENANTES

Je vous l'ai dit tout à l'heure, pour permettre aux hommes et aux femmes désireux de s'engager dans la réserve, pour assurer la disponibilité dont nous avons besoin, il fallait garantir les intérêts de toutes les parties prenantes, réservistes, employeurs et Etat.

Pour ce qui concerne les réservistes, tous les Français volontaires pour être réservistes souscriront un engagement de service dans la réserve (ESR) où, sous une forme contractuelle, seront clairement indiquées les conditions d'exécution de leur choix.

Le réserviste est certes un militaire à temps partiel. Mais c'est un militaire en tous points égal au militaire d'active pendant ses périodes d'activité. En conséquence, tout réserviste qui effectue une période dans les armées, dans le cadre d'un ESR ou au titre de la disponibilité, perçoit une solde et des indemnités identiques à celles des militaires d'active placés dans la même situation que lui.

Pendant les périodes d'activité dans la réserve, le contrat de travail du réserviste est suspendu. La loi garantit au salarié, par une modification du code du travail, qu'il ne fera l'objet d'aucun licenciement ni d'aucune sanction du fait des absences résultant de ses activités dans la réserve.

Les périodes dans la réserve sont néanmoins considérées comme travail effectif chez l'employeur habituel pour l'estimation de certains droits sociaux : avancement, primes et avantages liés à l'ancienneté, congés payés et droit aux prestations sociales.

Pendant les périodes d'activité dans la réserve, le réserviste, qu'il soit salarié ou non, est maintenu dans son système de protection sociale habituel. Il bénéficie aussi des soins gratuits du Service de santé des armées et de la couverture offerte par le code des pensions militaires d'invalidité, en cas d'invalidité permanente ou temporaire résultant de l'activité militaire. Enfin, pour ce qui concerne l'assurance vieillesse, par une modification apportée au code des pensions civiles et militaires, le réserviste bénéficie d'une affiliation rétroactive proportionnelle au nombre de jours effectués dans la réserve au régime général et à l'IRCANTEC. Le paiement des cotisations correspondantes est à la charge de l'Etat.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit une clause de disponibilité à laquelle sont astreints les anciens militaires. Elle a été entourée des garanties nécessaires pour éviter qu'une contrainte légale ne puisse gêner leur reconversion civile. Limitée dans le temps à cinq ans, elle ne se traduit, hors circonstances exceptionnelles que par des convocations à des fins de vérification d'aptitude ou de suivi administratif pour des durées n'excédant pas cinq jours cumulés sur les cinq années. Cette clause a pour but de garantir en tout temps une ressource suffisante et de pouvoir mettre à profit, si la situation l'exigeait, le capital de savoir-faire et d'expériences accumulés par les anciens militaires

Enfin, en dehors des activités dans la première réserve, un cadre concret est établi pour tous les réservistes ainsi que ceux qui ont obtenu l'honorariat, pour pouvoir participer à des activités organisées par les armées et la gendarmerie, notamment au profit du lien armées-Nation : ils sont alors collaborateurs bénévoles du service public.

Venons en aux garanties pour l'employeur. Au-delà de cinq jours ouvrés par année civile, pour lesquels l'employeur doit être informé par le salarié avec un préavis d'un mois, la possibilité de réaliser des périodes dans la réserve résulte d'un consensus entre l'employeur et le réserviste. Ce dernier est tenu d'obtenir l'accord de l'employeur, en l'informant avec un préavis de deux mois. Cette disposition permet à l'entreprise d'adapter l'organisation de son activité.

En fait, c'est dans le dialogue entre le réserviste et son employeur, et dans la réalisation systématique d'un véritable partenariat entre l'Etat et l'entreprise que réside l'une des clés du succès de cette réforme. Ainsi, le principe de base qui sera mis en oeuvre est de rechercher avec l'entreprise au cas par cas, de manière personnalisée, des dispositions de nature conventionnelle favorables à ce partenariat.

Ce partenariat se traduira par l'établissement de conventions entre le ministère de la défense et les entreprises, qui permettront de formaliser ces nouvelles relations et la convergence d'intérêts réciproques. Dans ce cadre, les entreprises signataires de telles conventions se verront attribuer la qualité de partenaire de la défense. Leurs dirigeants pourront à ce titre avoir accès à certaines distinctions honorifiques.

IV. LA CONCERTATION

Ce projet de loi répond à une grande attente des réservistes et de leurs associations. Il était également attendu par les employeurs. J'ai souhaité m'appuyer sur une concertation méthodique avec l'ensemble des partenaires, et consacrer le temps nécessaire à la prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes pour dégager le plus large consensus et aboutir à un projet équilibré.

Le conseil supérieur d'étude des réserves, qui regroupe sous ma présidence les plus hautes autorités du ministère de la défense et les douze associations de réservistes les plus représentatives au niveau national, a servi de cadre pour la concertation avec les réservistes. Ces associations se sont révélées comme une force de proposition responsable, particulièrement riche et dynamique, soucieuse de parvenir à un projet qui convienne à tous.

Les grandes organisations d'employeurs ont pu faire valoir leurs contraintes propres à l'occasion de travaux approfondis avec le ministère de la défense et le MEDEF et la CGPME. J'ai reçu personnellement Monsieur SELLIERE sur ce sujet, et nous avons pu constater une convergence sur l'essentiel des questions.

J'ai également recueilli les réflexions des parlementaires des deux chambres qui marquent pour cette question un vif intérêt personnel.

V. LE SERVICE DE DEFENSE

Quarante ans nous séparent de l'ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. C'est elle, qui fonde le service de défense , qui contribue - je cite le texte de l'ordonnance : " ... à assurer, en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agressions, la sécurité et l'intégrité du territoire ainsi que la vie de la population. "

Il nous a paru essentiel de redonner au service de défense des bases législatives modernisées. Le nouveau texte donne au Gouvernement la possibilité d'utiliser une procédure cohérente de mise à disposition collective. En cas de menace grave ou de crise majeure, des personnels de la fonction publique, ainsi que des entreprises publiques ou privées qui assurent des fonctions vitales pourront être maintenus à leur poste. Administrations de l'Etat et des collectivités territoriales de la République et éléments du secteur productif en matière de transport, d'énergie ou de communications seront ainsi, chacun pour ce qui les concerne, investis d'une partie des devoirs de défense nationale.

VI. DISPOSITIONS DIVERSES

La loi comporte un certain nombre de dispositions diverses cohérentes avec la professionnalisation et le recrutement de réservistes : il s'agit de modifications apportées au statut général des militaires permettant la mise en oeuvre du corps des chirurgiens-dentistes et du corps de soutien de la gendarmerie nationale. Il s'agit également des dispositions qui fondent la préparation militaire.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

*

* *

M. Serge Vinçon, rapporteur, a exprimé sa perplexité sur la formulation retenue pour la deuxième réserve et souhaité des précisions sur l'exclusion des réserves civiles du projet de loi. Il s'est par ailleurs interrogé sur les mesures complémentaires qui pourraient être adoptées afin de favoriser le partenariat souhaité entre les entreprises et l'Etat, sur le plan de communication qui pourrait être mis en oeuvre afin de favoriser le recrutement des réservistes et, enfin, sur les moyens budgétaires dévolus aux réserves pendant la période de programmation.

M. André Dulait a interrogé le ministre sur les limites d'âge retenues pour servir dans la réserve ainsi que sur les garanties accordées aux réservistes dans l'hypothèse où leur entreprise connaîtrait des difficultés pendant la période où ils sont absents.

M. Bertrand Delanoë, après avoir marqué son accord avec l'esprit et le contenu du projet de loi, a rappelé la nécessité d'inscrire la réserve dans la perspective du renouvellement d'un lien fort entre le citoyen et la préoccupation de défense.

M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur les enseignements tirés des exemples étrangers pour l'élaboration du projet de loi et sur le rôle dévolu aux réservistes dans le cadre des opérations extérieures, notamment pour les affaires civilo-militaires. Il a souhaité par ailleurs des précisions sur la prise en compte de la situation particulière des petites et moyennes entreprises. Enfin, il a demandé au ministre de dresser un premier bilan de l'APD.

En réponse aux commissaires, M. Alain Richard a apporté les précisions suivantes :

- les termes de première et deuxième réserves figurent dans la loi de programmation et traduisent par ailleurs les préoccupations manifestées par les associations de réservistes ;

- les réserves civiles répondraient à des besoins évidents mais leur mise en oeuvre s'avère délicate et ne doit en aucun cas retarder la mise en place des réserves militaires ;

- les conventions entre l'Etat et les entreprises doivent être signées par branche ou secteur d'activité, tout en prenant en compte les préoccupations spécifiques des PME ; elles ont pour objectif d'assurer une meilleure information des entreprises en soulignant en particulier que l'accomplissement des périodes des salariés réservistes représente une contrainte marginale dans l'organisation du travail et que l'expérience acquise par le réserviste, notamment en matière d'intelligence économique, peut être très précieuse pour l'entreprise ;

- le plan de communication sur les réserves, en cours d'élaboration, fait l'objet d'une étroite concertation avec le CSER -dont la fonction devrait être par ailleurs reconfirmée après l'adoption du projet de loi- ; l'APD constitue le cadre le plus adapté pour sensibiliser les jeunes aux réserves ; une deuxième journée de convocation pourrait d'ailleurs être envisagée pour les jeunes qui auraient manifesté lors de l'APD un intérêt particulier pour la défense ; il conviendra aussi de susciter chez les étudiants un plus grand intérêt pour les réserves ;

- les crédits affectés aux réserves s'élèvent à 309 millions de francs en 1999 et devront augmenter de l'ordre de 60 à 70 millions de francs par an, afin d'atteindre l'objectif d'une dotation de 584 millions de francs à l'échéance de la loi de programmation. ;

- l'âge limite dans les réserves a été fixé à l'âge limite dans le grade correspondant de l'armée d'active augmenté de 5 ans, afin de tenir compte notamment des besoins dans la gendarmerie ;

- s'agissant des garanties en cas de licenciement, les droits des réservistes sont totalement assimilés à ceux des salariés ; par ailleurs, un statut trop contraignant pourrait avoir des effets dissuasifs sur le recrutement des réservistes par les entreprises ; la possibilité de planifier les périodes de réserves constitue un facteur d'encouragement pour les professions libérales ;

- une éducation civique tournée vers la défense constitue une priorité pour le Gouvernement et se traduira notamment par une meilleure formation des futurs enseignants dans ce domaine ;

- le bilan de l'APD se révèle dans l'ensemble satisfaisant. Les préparations militaires connaissent aujourd'hui une montée en puissance progressive ; la mise en place du volontariat est intervenue de manière anticipée pour la gendarmerie dès 1998  et elle devra se poursuivre en 1999 en faisant appel à l'ensemble des jeunes, y compris des personnes en difficulté ;

- le projet de loi a retenu du système britannique le souci de mieux intégrer les réservistes aux unités d'active et d'orienter certains spécialistes vers des activités civilo-militaires.

Audition du Général de division BARRIÉ
Sous-chef d'Etat-Major de l'Armée de Terre
" Organisation Ressources Humaines "


le mercredi 3 mars 1999

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les sénateurs,

L'armée de terre, vous le savez, est engagée dans une profonde refondation qui l'a conduite à redéfinir l'ensemble de ses composantes d'ici 2002.

Cette vaste entreprise, préparée dans un esprit de concertation avec toutes les parties prenantes depuis 1996, nous a amenés à définir un grand projet auquel nos personnels adhèrent.

La réalisation de ce projet prévoit, notamment, la création d'une nouvelle composante réserve, intégrée à l'active et renforçant ses liens avec la nation, élément indispensable de l'armée professionnalisée que nous élaborons.

Après vous avoir présenté le cadre général de ce nouveau système des réserves, j'aborderai les modalités pratiques de sa montée en puissance en traitant successivement de son organisation, de la réalisation de ses effectifs et de son emploi.

I. CADRE GÉNÉRAL DU NOUVEAU SYSTÈME DES RÉSERVES

Pour pouvoir être en mesure de mener les différents conflits envisagés, la loi de programmation militaire a retenu pour l'armée de terre ce qu'on a coutume d'appeler " le contrat opérationnel de l'armée de terre " ; il s'agit pour nous d'être en mesure de déployer à distance avec les moyens logistiques associés, et sous commandement interarmées :

- soit 30 000 hommes sur un théâtre, pour une durée d'un an, avec des relèves très partielles,

tout en demeurant capable de projeter simultanément une force de 5 000 hommes relevable ;

- soit plus de 50 000 hommes pour prendre part à un engagement majeur dans le cadre de l'Alliance ;

étant entendu que nous devons, dans les deux cas, avoir une capacité d'engager sur le territoire national, un volume de forces suffisant.

Le système de réserve que nous avons connu précédemment était la conséquence naturelle de la conscription et de la situation stratégique ; d'une manière similaire, le nouveau concept répond à la professionnalisation et au nouveau cadre d'emploi des forces.

Suivant les termes de la loi de programmation militaire, la réserve a pour rôle :

- de fournir aux forces d'active les renforts nécessaires, le cas échéant, pour accroître ou maintenir leurs capacités dans leurs différentes fonctions,

- de remplir des missions sur le territoire national en substitution de personnel ou d'unités d'active, pour permettre la disponibilité permanente des forces,

- d'entretenir le lien entre les forces armées et la nation.

Le nouveau système des réserves répond à la professionnalisation et à l'évolution de nos missions.

En cohérence avec la place dévolue à la réserve militaire dans le concept d'emploi des forces armées, l'armée de terre a substitué à une réserve de masse " en attente ", formée essentiellement d'assujettis au service national obligatoire, souvent juxtaposée aux formations d'active, une réserve d'emploi, totalement intégrée à l'armée professionnelle, plus restreinte en effectifs, mais mieux entraînée et mieux motivée dès lors qu'il est fait un large appel aux volontaires, souscrivant un engagement à servir dans la réserve (ESR).

Plusieurs facteurs ont été pris en compte lors de la détermination du volume de la composante réserve de l'armée de terre ; le premier facteur est la nécessité de disposer d'une réserve d'emploi, appelée à participer à toutes les missions confiées à l'armée de terre, employable en tout temps et en tout lieu, en tenant compte bien sûr de sa disponibilité spécifique ; il faut souligner qu'en terme de capacité opérationnelle, le volume de forces réellement disponibles et entraînées - 88 unités élémentaires de réserve - est sensiblement identique à celui des effectifs réalisés dans les 74 régiments de réserve de l'ancienne organisation et demeure significatif ; nous avons eu également la volonté de définir, en organisation, une maquette réaliste, c'est à dire atteignable en terme de réalisation des effectifs volontaires (actuellement 9000 cadres sous ESR pour une cible de 15000) ; atteignable, également, en terme de budget, d'équipement, de suivi des activités, de gestion personnalisée.

Enfin notre organisation a été définie en fonction de la capacité d'intégration dans les corps d'active et de la volonté d'offrir aux réservistes une affectation la plus proche possible de leur domicile en créant une unité de réserve dans toutes nos formations d'active, afin d'assurer le meilleur maillage territorial.

II - L'ORGANISATION DE LA COMPOSANTE RÉSERVE

A la fois complément, renfort et environnement de l'active, la 1 ère réserve de l'armée de terre compte 30 000 hommes avec un taux d'encadrement, élevé, de 50 % ; ils sont affectés soit au titre de compléments individuels soit au sein d'unités de réserve organiques.

Comme compléments individuels dans les régiments, les états-majors, les écoles ou autres organismes assimilés, ils ont alors pour rôle :

- de renforcer les cellules de commandement pour assurer la continuité du fonctionnement des états-majors,

- d'activer certaines fonctions non pourvues en permanence (notamment à la base régimentaire) et d'assurer le renfort ou le recomplètement des éléments d'active dans des fonctions estimées indispensables ou prioritaires,

- de répondre aux besoins dans les spécialités rares, habituellement déficitaires ou sans équivalence militaire (linguistes, spécialistes des transports voie ferrée, spécialistes de l'environnement...).

Les unités de réserve organiques comprennent :

- 10 PC tactiques (1 par zone de défense et un pour la zone de franchissement du Rhin), qui peuvent renforcer des cellules d'état-major ou armer des états-majors de circonstance pour une action sur le territoire national ;

- 75 unités de réserve de régiment professionnel (URRP) intégrées aux régiments d'active, pouvant participer, dans la mesure de leurs moyens et de leur disponibilité à toutes les missions du régiment ; elles ont vocation, du fait de leur organisation, leurs équipements et leur niveau de préparation opérationnelle, à assurer des missions simples de sécurité générale dans le cadre d'engagements de basse intensité. Elles ne sont pas dédiées à la seule protection du territoire, mais celle-ci constitue l'un de leurs cadres d'emploi les plus probables.

Pour mémoire, ces URRP ont chacune un effectif de 130 (4 officiers, 43 sous-officiers et 83 MdR) ;

- 13 unités de réserve d'arme de régiment professionnel (URARP) : 2 dans le Génie, et 11 dans le Train.

Elles ont une vocation spécifique au profit de la mission majeure de leur régiment.

En terme d'organisation, la composante réserve est réalisée à plus de 90 % .

Des 74 régiments de réserve existants en 1993, il n'en reste que dix qui seront dissous cette année.

4 unités de réserve et le PC tactique de la zone de franchissement du Rhin seront créés d'ici la fin de l'année et toute l'organisation sera alors en place.

III - RECRUTEMENT ET REALISATION DES EFFECTIFS

Notre réserve sera recrutée à partir :

- de ceux qui auront effectué un service actif soit comme carrière-contrat soit comme volontaire du service national ;

- de ceux qui, à l'issue d'une préparation militaire, voudront entrer directement dans la réserve ;

- ou même de ceux, qui sans aucune expérience militaire, voudraient servir directement dans la réserve, afin notamment de faire profiter l'armée de terre de leur compétence civile.

En matière de recrutement, nous n'excluons aucune source et cherchons un équilibre entre ces différentes origines en favorisant essentiellement le volontariat quelle que soit l'origine du volontaire. A ce sujet, la rédaction de l'article 1 du projet de loi peut semer un doute car il parle des volontaires et des anciens militaires. Il est clair que les volontaires se recruteront aussi pour une large part parmi les ex-active, comme c'est le cas dans toutes les armées étrangères professionnalisées.

Où en sommes nous dans la réalisation des effectifs ?

- 9 000 cadres ont souscrit un ESR pour une cible de 15 000.

Nous avons réussi à fidéliser la grande majorité des cadres de l'ancien système, qui étaient volontaires et qui avaient des activités régulières en régiment de réserve ou en état-major ;

- au niveau du recrutement des Militaires du Rang, notre cible est d'environ 15 000 et nous entamons la montée en puissance. C'est un recrutement nouveau puisque dans l'ancien système, seuls les cadres étaient sous ESR. Néanmoins nous enregistrons des signes prometteurs. Ainsi, en CMD de Rennes, sur 1 200 anciens VSL contactés individuellement, 100 ont signé leur engagement dans la réserve.

- IV - EMPLOI

Avant d'aborder l'emploi proprement dit de nos réservistes, je parlerai de la formation préalable à l'emploi, formation qui est conséquente puisqu'elle concerne 300 officiers et 500 sous-officiers, chaque année.

L'armée de terre prévoit d'adapter la formation du personnel de réserve à la nouvelle organisation de la composante réserve, désormais intégrée au sein des unités d'active.

L'évolution ainsi envisagée s'applique au déroulement de carrière des cadres de réserve, au dispositif des actions de formation ainsi qu'à l'enseignement militaire supérieur des officiers de réserve.

Les nouveaux cursus de formation désormais proposés aux officiers de réserve leur permettront de suivre, pour leur carrière, une voie commune, dans les grades allant de sous-lieutenant à colonel.

Cette voie commune sera jalonnée par trois étapes qui leur offriront tout d'abord des postes d'officier subalterne, puis des fonctions d'officier supérieur en état-major, et enfin des postes de haute responsabilité ou d'expert. L'accès à la 2 ème étape sera soumis à l'obtention d'une qualification d'état-major.

Les sous-officiers, quant à eux, suivront aussi une voie commune, dans les grades allant de sergent à major. Cette voie sera jalonnée également par trois étapes correspondant respectivement aux fonctions de chef de groupe, de chef de section et de traitant en état-major.

Dans la continuité des missions données à notre personnel de réserve, quels sont les emplois tenus, par les volontaires ayant souscrit un ESR, dès maintenant, en temps de paix :

* Emplois en régiment

- en unité de combat, comme gradé d'encadrement (chef de groupe, chef de section ou commandant de compagnie) ou comme spécialiste dans une technique faisant appel :

- soit à des savoir-faire spécifiques (sapeur, transmetteur...)

- soit à une compétence civile (mécanicien, cuisinier, conducteur, etc...) ;

- à l'état-major du régiment , où 15 cadres sont employés en renforcement ou en substitution de personnel d'active, dans des postes comme adjoint au bureau opérations par exemple.

* Emploi en état-major , quelles que soient la mission et la nature de cet état-major (EMAT, CFAT, CFLT, .... DMD) : dans des postes faisant appel :

- soit à une compétence spécifique d'état-major (conduite des opérations, par exemple) - soit à une compétence civile (interprète, juriste, logisticien, professeur de langue, etc...).

Ainsi à l'état-major du commandement de la force logistique terrestre (CFLT) on compte 209 cadres et militaires du rang de réserve pour 350 personnels d'active.

* Emplois liés à l'environnement de l'armée de terre

Quelques exemples :

- encadrement des journées APD : 1200 cadres de réserve sont concernés au même titre que leurs camarades d'active

- encadrement des préparations militaires : 500 cadres de réserve y participent

- participation à la campagne " feux de forêt " dans le Midi de la France et en Corse : 80 cadres sur le continent et 40 en Corse constituent des modules de surveillance, mission qui dure de 1 à 3 semaines.

* Emplois en opération extérieure

Plus d'une quarantaine de cadres ont effectué un séjour en ex-Yougoslavie en 1998 ; ils y ont été employés comme observateurs, comme linguistes, ou dans le cadre des affaires civilo-militaires, où il est fait appel à leur compétence civile (assainissement des eaux, urbanisme, etc...).

En temps de crise grave, ou a fortiori de guerre , volontaires et astreints rejoindraient leur poste pour remplir leur mission soit comme complément individuel soit au sein des unités de réserve déjà décrites. C'est donc dans cette situation qu'il est probable que les URRP , dans le cadre de leur régiment d'active, rempliraient des missions de sécurité civile et de protection du territoire.

En conclusion, La transition entre l'ancien et le nouveau système des réserves s'est effectuée dans de bonnes conditions ; les cadres volontaires de l'ancienne réserve ont bien accepté leur nouveau rôle et la place qui leur est confiée dans l'armée professionnelle ; ils sont fiers de voir leur engagement et leur compétence reconnus et d'être traités à l'instar de l'active.

Personne n'a été oublié, tous ceux qui ont voulu continuer à servir ont reçu une affectation, dans le respect des statuts.

Je terminerai en soulignant que la loi sur les réserves est très attendue, aussi bien par le personnel d'active que par le personnel de réserve. Elle sera un signe fort de l'intérêt porté à la réserve. Il importe que ce signe soit donné rapidement, afin que la réserve, bien ébranlée par les mutations en cours, retrouve rapidement un second souffle de nature à nous permettre d'atteindre les objectifs de recrutement en volontaires.

Enfin, cette loi redonnera à la réserve sa légitimité en reconnaissant le sens du service des réservistes et leur position sociale. Elle marque donc bien une étape majeure de la constitution de notre armée professionnelle, qui doit compter sur une composante réserve motivée, disponible et efficace.

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Interrogé par M. Serge Vinçon sur les difficultés susceptibles d'être posées par le recrutement de réservistes militaires du rang, le général Barrié a souligné la nécessité d'offrir aux candidats des activités stimulantes, compte tenu d'une rémunération plus faible que celle des officiers de réserve.

A la demande de M. Serge Vinçon, le général Barrié a ensuite évoqué le rôle des cadres de réserve, très apprécié par la collectivité militaire, dans l'encadrement des journées d'appel de préparation à la défense dans les sites relevant de l'armée de terre.

Interrogé par M. Serge Vinçon et par M. Xavier de Villepin, président, sur le fondement juridique des engagements souscrits par les réservistes avant la promulgation de la loi en préparation, le général Barrié a rappelé que la loi de janvier 1993 avait autorisé l'emploi de réservistes, dès le temps de paix, en état-major ou dans les différentes formations militaires. Il a estimé que la nouvelle loi conférerait une légitimité nouvelle aux réservistes et, de ce fait, stimulerait probablement les recrutements à venir.

A la demande de M. Xavier de Villepin, président, le général Barrié a commenté la réflexion en cours sur la seconde réserve, destinée à contribuer au renforcement du lien armées-nation.

Répondant enfin à une question de M. Xavier de Villepin, président, sur le recours à des personnels réservistes en opérations extérieures, le général Barrié a rappelé l'emploi de ces cadres, en ex-Yougoslavie, comme observateurs, comme linguistes, ou dans le domaine des affaires civilo-militaires (assainissement des eaux, urbanisme...). Il a estimé que, dans ce contexte, l'emploi des réservistes s'appuyait sur une qualification précise acquise, pour l'essentiel, dans le domaine civil, et ne saurait, de ce fait, être effectuée dans un cadre collectif.

Audition de l'Amiral PORTZAMPARC,
Inspecteur des réserves et de la mobilisation de la Marine,
sur la réserve de la Marine


Le 3 mars 1999

1. Introduction

Pour vous parler de la réserve marine et en guise d'introduction, je voudrais mettre en avant deux idées fortes qui se retrouvent dans la loi et dans l'exposé des motifs et qui permettent de mieux comprendre la façon dont nous abordons cette nouvelle réserve, qui correspond bien à notre besoin.

La première notion importante est celle de l'expression du volontariat, non pas d'un volontariat pour effectuer telle ou telle activité dans la réserve - il s'agira alors d'une étape ultérieure et qui se situe à un autre niveau - mais bien d'un volontariat pour faire partie des réserves , manifestation tangible d'une adhésion à des valeurs de service et de sacrifice au profit de la communauté nationale - un véritable acte de citoyenneté. C'est, je pense, un des points clefs de la future loi et ses conséquences sont très importantes, en particulier au niveau de l'organisation des relations entre le réserviste et l'institution militaire, car ce volontariat doit être suscité, recensé et entretenu sous peine de le voir disparaître. Le réserviste est un volontaire agréé, accepté en son sein par l'institution militaire, ce qui lui permettra ensuite de se porter candidat pour une affectation ou une activité de réserve.

La deuxième notion essentielle que je souhaitais signaler dans cette introduction résulte de la professionnalisation des armées et du besoin impératif de permettre à l'institution militaire de rester en osmose avec les français, de ne pas se marginaliser ou être marginalisée, de pouvoir assurer le flux de recrutement et de réinsertion de personnel correspondant à ses besoins tant qualitatifs que quantitatifs. La réserve à cet égard peut être considérée comme la respiration de cette armée professionnelle au sein de la Nation , respiration qui permet au plus grand nombre de français de comprendre et d'accepter le fait militaire. Que ce souffle devienne difficile, forcé ou même inexistant dans certains secteurs de la société et le corps militaire deviendra un corps étranger à la plus grande majorité de nos concitoyens, avec des phénomènes de rejet qui inévitablement en résulteront. Ce ne sera plus l'armée de la Nation, d'où l'accent mis dans cette loi sur le lien armée/nation aussi bien à travers des activités rémunérées liées à une affectation en première réserve que des activités bénévoles mais reconnues par l'institution militaire dans le cadre de la deuxième réserve.

L'appréhension de ces deux notions de volontariat et de respiration au sein de la Nation me paraît essentielle. Elle fonde l'organisation que nous mettons en place et l'emploi des réservistes de la marine dont je vais maintenant vous parler.

2. L'emploi des réservistes

L'emploi des réservistes dans la marine s'inscrit dans ce triple rôle de renfort des forces d'active, de substitution du personnel d'active et d'entretien du lien armée/nation fixé par la loi de programmation militaire 97/2002 et dont le cadre a été précisé par l'E.M.A à l'automne dernier.

Il y aura deux composantes à la réserve marine que nous commençons à organiser dans l'esprit de la future loi :

2.1 Une composante affectée, rémunérée mais contingentée à 6500 personne, où les réservistes viendront :

- en renfort des états majors opérationnels, par exemple pour effectuer du contrôle naval, domaine où les réservistes ont acquis une compétence reconnue,

- en apport de compétences dans des domaines très spécialisés (linguistes, juristes, qualiticiens, relations publiques, ...),

- en renfort de forces dédiées à la protection défense des points sensibles et des ports de commerce d'intérêt majeur, comme cela se fait par exemple à Toulon depuis la mise en vigueur de mesures VIGIPIRATE, avec la permanence d'un groupe de 9 réservistes,

- en armement d'un nombre restreint d'unités navales dans le cadre de la force maritime de complément,

- en renfort des sémaphores dans le cadre de la surveillance du littoral ainsi que des unités de marins pompiers plus particulièrement en saison estivale,

- en renfort du personnel d'active, dans le cadre du lien armée/nation, pour l'encadrement des préparations militaires, qui comprennent cette année plus de 1000 stagiaires, pour l'intervention lors des journées A.P.D, et pour accompagner la Direction du Personnel Militaire de la Marine dans ses actions conduites dans les domaines du recrutement et de la réinsertion des anciens marins,

- en remplacement, individuel ou par modules, de personnel d'active dans des domaines de l'administration, de la logistique, de la sûreté, de la sécurité, sur la base d'une compétence technique particulière.

2.2 La deuxième composante, non affectée, non rémunérée, mais dont certaines actions peuvent être reconnues comme des activités de réserve, est très importante pour la marine qui, par nature et vocation, est cantonnée dans certains ports du littoral. Elle permet d'élargir notre couverture géographique et d'associer un grand nombre de réservistes volontaires à tout ce travail essentiel pour une armée professionnalisée, qui vise à préserver un lien étroit et vivant entre la nation et son armée. Le champ d'action est extrêmement vaste ; il touche aux domaines du recrutement, de la réinsertion professionnelle des anciens militaires, des relations avec les élites, avec les entreprises, avec l'éducation nationale, avec le milieu associatif, avec les institutions de la République. Nous avons la chance de disposer aujourd'hui d'un potentiel de réservistes bien placés dans la vie civile. A nous de savoir les intéresser et bien les utiliser.

3. Le recrutement des réservistes

Pour ce qui concerne le recrutement, nous estimons qu'en régime stabilisé, la nouvelle réserve marine sera principalement composée d'anciens militaires contractuels ou de carrière. Notre souci actuel est de ne pas voir se tarir complètement le flux de recrutement en hommes et femmes qui n'ont pas l'intention de choisir le métier des armes comme métier principal, mais qui s'intéressent à la marine. Leur recrutement est prévu essentiellement à partir des préparations militaires marine pour les non officiers et des préparations militaires supérieures pour les officiers, d'où une action importante de sensibilisation que nous conduisons avec l'aide de nos réservistes et de leurs associations.

Ce travail nous a permis d'ouvrir cette année plus de quarante centres de préparations militaires marine où nous pouvons donner à ces jeunes, qui contrairement à leurs prédécesseurs ne sont pas venus pour obtenir un sursis, toute l'information qu'ils souhaitent sur la marine et sur sa réserve. Nous les préparons également au permis de navigation côtière et à l'attestation de formation aux premiers secours, ce qui, comme j'ai pu le constater sur place, suscite de leur part un très vif intérêt.

Nous comptons aussi beaucoup sur les stages dans " l'entreprise marine " pour susciter des vocations de réservistes de bon niveau et les premiers contacts avec les universités et les écoles nous permettent d'être raisonnablement optimiste pour cette voie pour peu que la durée minimale du volontariat dans les armées, actuellement fixée à un an, puisse être fractionnée.

4. La formation des réservistes

Pour ce qui concerne la formation, notre objectif est que les réservistes disposent d'une formation bleue marine de base acquise pendant leur engagement pour les anciens militaires, lors de stages spécifiques pour ceux issus du milieu civil.

Dans l'organisation de nos réserves, nous veillons à bien identifier les compétences de chacun, compétences civiles ou militaires, afin de pouvoir les rentabiliser dans des affectations de réserves ou des concours fournis à la marine dans le cadre du lien armée/nation. C'est ainsi par exemple que nous travaillons sur la démarche de qualité avec des qualiticiens formés dans le monde civil et qui nous font bénéficier de leur connaissances. Mais nous travaillons également avec des juristes ou des linguistes, sans pour cela avoir consacré du potentiel militaire à leur formation spécifique.

Cet accent mis sur l'utilisation des compétences civiles nous impose une organisation très décentralisée permettant de garder un bon contact avec les réservistes et de suivre l'évolution de leurs compétences professionnelles, de leurs souhaits, et de leur disponibilité afin de pouvoir mieux saisir les occasions qui se présentent.

Pour conclure, je dirais que la nouvelle réserve marine, à l'interface du milieu civil et militaire, va avoir un rôle important à jouer pour que la marine reste bien acceptée et comprise par la majorité de nos concitoyens ainsi que pour contribuer à faire admettre la noblesse et l'intérêt des métiers exercés en son sein.

*

* *

A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon a souhaité connaître le détail des besoins en spécialistes que la marine entendait satisfaire en faisant appel aux réservistes, ainsi que les modalités du suivi personnalisé des réservistes.

M. Xavier de Villepin, président, a demandé des précisions sur l'évolution des effectifs de réservistes d'ici 2002, sur les principales catégories prévues pour leur emploi et sur les relations particulières envisagées entre les réservistes et les entreprises liées à la marine.

M. Philippe Madrelle s'est enfin inquiété de l'avenir du centre de formation maritime d'Hourtin.

En réponse à ces différentes interventions, l'amiral de Portzamparc a apporté les précisions suivantes :

- la marine n'ayant pas les moyens de former ses propres personnels pour des besoins intervenant de manière occasionnelle, elle envisage prioritairement de faire appel aux réservistes pour diverses catégories d'emplois, comme ceux de linguistes, de juristes, de spécialistes des travaux publics, d'informaticiens ou de contrôleurs de gestion ;

- le suivi personnalisé des réservistes jouera un rôle important afin de concilier les besoins de la marine et la disponibilité des réservistes ;

- la réserve affectée et rémunérée de la marine passera de 27.000 hommes aujourd'hui à 6.500 en 2002 ;

- la marine attache une grande importance au rôle des réservistes dans ses relations avec les entreprises et, d'ores et déjà, des conventions de partenariat ont été conclues avec certaines entreprises pour traiter non seulement de la situation des réservistes mais de la réinsertion professionnelle des anciens militaires ;

- les réservistes seront répartis en quatre catégories principales d'emplois : la protection défense, les renforts opérationnels et renforts d'état-major, le soutien des forces et le lien armées-nation par l'encadrement des préparations militaires et de l'appel de préparation à la défense ;

- le centre de formation maritime d'Hourtin devant être fermé à l'été 2000, des négociations sont en cours pour étudier l'utilisation future de son emprise.

Audition du Général de division aérienne
Richard WOLSZTYNSKI
Inspecteur de l'armée de l'air

Le 3 mars 1999

Les armées, conformément à la politique de défense, articulent leur action autour des quatre grandes fonctions stratégiques que sont la dissuasion, la prévention, la protection et la projection.

Dans ce cadre, l'armée de l'air privilégie, par nécessité opérationnelle, la logique d'intégration des unités de forces et de soutien d'une part et, au sein d'une même unité, l'intégration de toutes les catégories de personnel d'autre part.

Les réserves de l'armée de l'air s'inscrivent naturellement dans cette logique.

Sont évoqués ici successivement :

- la problématique de l'emploi des réserves,

- l'aspect quantitatif du besoin,

- la formation et le maintien en condition des réservistes,

- l'emploi des réservistes sans passé militaire.

I. LA PROBLEMATIQUE DE L'EMPLOI DES RESERVES

En terme de structure et de logistique, la fonction dimensionnante pour l'armée de l'air est celle de la projection de forces. L'armée de l'air doit être capable d'engager en des lieux éloignés du territoire une centaine d'avions.

Pour réaliser cette mission, l'armée de l'air doit veiller à maintenir la capacité de projeter deux ou trois bases aériennes qui seront construites sur le même modèle que celles des bases de l'hexagone.

Pendant cette construction, la priorité est donnée à la réalisation des missions aériennes, mais aussi à la sécurité et à la protection de l'ensemble des sites. En effet, les forces aériennes seraient engagées dès que possible pour acquérir la supériorité aérienne indispensable à la préparation et à l'engagement des autres forces, terrestres en particulier. Les opérations du golfe sont à cet égard très démonstratives.

Les bases ainsi créées sur le théâtre d'opérations, à l'identique de celles implantées sur le territoire national, permettent une adaptation rapide du personnel projeté. Ce dernier y retrouve les repères bien connus dont il a besoin et qui sont dans ce cas le premier gage de réactivité et d'efficacité. Sont évités ainsi tous les délais et phases de transition induits par les changements d'organisations ou structures.

La construction de ces bases projetées s'effectue par prélèvement de personnel dans les unités des bases aériennes de l'hexagone, selon des plans préétablis.

A titre d'exemple, deux bases importantes ont été constituées lors de la projection dans le Golfe :

- AL'AHSA pour le déploiement d'avions de combat ;

- RIYAD, pour l'accueil des avions de transport, des avions ravitailleurs et de tout le soutien médical lourd.

Ces différents prélèvements génèrent sur les bases aériennes du territoire national des déficits en personnel qu'il faudra combler si la crise perdure.

En effet, si le format de l'armée de l'air est bien adapté pour permettre une projection rapide des forces programmées, il ne permet pas en revanche, avec le seul personnel d'active, de maintenir dans la durée un fonctionnement satisfaisant des bases en métropole.

L'armée de l'air doit donc pouvoir faire appel aux réservistes afin de combler, au moins partiellement, les déficits créés par la projection. Ces réservistes doivent posséder sensiblement les mêmes aptitudes et compétences que le personnel d'active qu'ils remplacent. Ils sont préparés et qualifiés dans cet optique et apportent leur contribution dans une logique de métier.

Ainsi, le concept d'emploi des forces s'applique à la réserve qui doit être totalement intégrée dans les unités d'active.

II. ASPECT QUANTITATIF DES BESOINS

La fonction projection dimensionne également l'aspect quantitatif du besoin en réservistes.

En effet, la mise sur pied de deux bases aériennes nécessite de prélever sur la substance des unités stationnées en métropole environ 2 000 personnes d'active par base projetée, soit 4 000 hommes au total.

Pour combler le déficit ainsi créé et lorsque l'engagement des forces doit durer, il est fait appel à la réserve dont la disponibilité individuelle est de l'ordre de 20 jours par an. Cette durée peut être toutefois portée à 120 jours après accord du réserviste et de son employeur, ceci en cas de nécessité liée à l'emploi opérationnel.

Dans ces conditions, l'armée de l'air a fixé le format de sa première réserve à 8 000 hommes, ce qui permet également de participer, en tant que de besoin, à la sécurité générale et à la mission permanente de la promotion de l'esprit de défense.

A ce titre, la première réserve concourt au renfort des unités de protection d`active et a la constitution des détachements militaires susceptibles d'être engagés dans des actions de secours aux populations.

C'est ainsi que des réservistes ont été employés dans les unités de protection en remplacement de certains cadres d'active détachés à la sécurité des aéroports civils lors de la mise en oeuvre du plan vigipirate. D'autres ont été employés au sein d'équipes constituées pour déblayer les voies de communication lors des importantes inondations dans le sud-est. Enfin depuis plusieurs années, des réservistes sont intégrés dans les équipes de surveillance dans le cadre de la lutte contre les feux de forêts.

La réserve participe également à la promotion de l'esprit de défense dont les objectifs sont :

- consolider le sentiment de besoin de défense au sein de la nation. Dans ce cadre, plus de 350 réservistes seront employés en 1999 au cours des journées d'appel de préparation à la défense, en qualité d'intervenant au sein d'équipes mixtes active/réserve.

Ces dernières dispenseront en 1999 une information sur les enjeux de la défense au profit de 130 000 jeunes répartis sur 43 sites civils et militaires.

- favoriser le recrutement de personnel d'active et de réserve. La participation de réservistes aux journées d'information sur les emplois et les carrières de l'armée de l'air organisées par les bases aériennes en est un exemple. Dans l'avenir ils seront chargés d'activer et d'animer des structures de liaison avec les établissements scolaires et universitaires.

- aider à la reconversion des militaires par l'apport de leurs connaissances du milieu professionnel civil dans les échanges entre l'armée de l'air et les partenaires sociaux du bassin d'emploi. D'ores et déjà, ils apportent leur concours dans l'organisation des forums pour l'emploi organisés sur les bases aériennes.

- faciliter le recours à la réserve par une meilleure information des employeurs civils, en animant les relations avec les entreprises dans le cadre des conventions "armées-entreprises" par l'intermédiaire des correspondants défense.

III. FORMATION ET MAINTIEN EN CONDITION DES RESERVISTES

En matière de formation et d'entraînement, la fonction structurellement dimensionnante est toujours celle de la projection de forces. En effet, le réserviste employé dans ce cadre doit avoir des qualités professionnelles identiques à celle de son homologue d'active afin de pouvoir le remplacer.

Pour cette raison, l'armée de l'air privilégie le recours au personnel de réserve ayant été formé dans l'active. Ce personnel est réputé avoir les qualifications requises pour tenir un poste de niveau équivalent au dernier poste tenu en activité.

Ce personnel doit cependant être régulièrement entraîné pour conserver la compétence indispensable à la tenue du poste qui lui est assigné et conserver un lien étroit et permanent avec son unité afin d'y être totalement intégré et pouvoir occuper ce poste sans période d'adaptation.

Aussi dès le temps de paix, il est nécessaire d'entraîner à haut niveau les réservistes employés dans le cadre de la projection de forces. C'est donc la moitié des réservistes, soit 4 000 hommes qui doivent être entraînés dans leur métier en participant à l'activité de leur unité en moyenne 20 jours par an. Les autres réservistes pourront être utilisés avec un entraînement de quelques jours par an ou bénéficier d'une courte remise en condition avant leur emploi.

IV. EMPLOI DES RÉSERVISTES SANS PASSÉ MILITAIRE

A l'avenir et compte tenu de la réforme du service national et de la suspension de l'appel sous les drapeaux, la ressource en personnel de réserve formé dans l'activité va se réduire. Dans ces conditions, l'armée de l'air fera appel à des citoyens sans passé militaire, dont le métier civil est directement transposable dans le milieu militaire, essentiellement dans les missions de soutien général.

Tel est le cas en effet pour les métiers du bâtiment et de la restauration, de la mécanique générale et du transport, de l'administration et de l'informatique. Possédant le geste technique, les réservistes volontaires concernés devront cependant effectuer des périodes de réserve dans leur unité ce qui facilitera et accélérera leur intégration.

*

* *

M. Serge Vinçon a souhaité savoir si les réservistes de l'armée de l'air pourraient participer directement à des opérations extérieures. Il a également demandé des précisions sur les conditions d'entraînement des réservistes. M. Xavier de Villepin, président, s'est également interrogé sur la durée normale pour l'entraînement des réservistes ainsi que sur les leçons qui avaient pu être tirées des opérations extérieures au regard du rôle que les réservistes pourraient y jouer.

Répondant à ces questions, le général Wolsztynski a d'abord relevé que, si les réservistes de l'armée de l'air avaient d'abord pour vocation de se substituer au personnel d'active projeté sur un théâtre extérieur, ils pouvaient également prendre part, comme le souhaitait d'ailleurs l'armée de l'air, à des opérations extérieures ; ainsi, depuis 1997, 5 à 6 cadres de réserve se trouvaient présents sur le théâtre de l'ex-Yougoslavie. Il a par ailleurs indiqué que les moyens destinés à l'entraînement des réservistes ne se distinguaient pas de ceux prévus pour les forces actives. Il a également rappelé que la durée moyenne des périodes des réservistes représentait aujourd'hui 16 jours par an et que l'armée de l'air comptait d'ores et déjà 2.270 engagements à servir dans la réserve, l'adoption prochaine du projet de loi sur les réserves permettant sans doute d'étendre encore le nombre des engagements à venir.

Le général Wolsztynski a enfin souligné que l'expérience de l'armée française dans les opérations extérieures avait particulièrement mis en évidence l'intérêt des actions civilo-militaires, pour lesquelles les réservistes pourraient jouer un rôle très utile.

Audition du Général Toussaint MARCHETTI ;
Inspecteur des réserves et de la mobilisation
de la gendarmerie nationale


Le 10 mars 1999

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les sénateurs,

Dans le nouveau dispositif qui consacre l'armée professionnelle, la gendarmerie conserve les missions de défense militaire qu'elle assumait jusqu'à présent avec une réserve à 135000 hommes. Elle entend cependant conduire ses réservistes vers une contribution encore plus grande dans l'exécution du service pour le plus grand bénéfice des populations en un temps où la sécurité devient la préoccupation première de nos concitoyens.

En effet, la loi de programmation assigne à la gendarmerie un rôle particulier dans la défense du territoire face à une menace par essence diffuse et qui requiert des effectifs nombreux.

Aussi, le renfort des unités d'active par des réservistes volontaires devient un champ d'application très prometteur, aussi large que justifié d'autant qu'il répond à l'impérieuse nécessité de développer et d'affermir le lien que l'armée se doit d'entretenir avec la nation.

C'est la raison pour laquelle l'effectif de cette réserve prévu à 50 000 hommes, apparaît en adéquation avec les missions qui sont confiées à la gendarmerie.

Au cours de cet exposé je me propose de vous entretenir de l'organisation des réserves de la gendarmerie, de la manière selon laquelle nous prévoyons d'employer nos réservistes et enfin des modalités de la mise en condition de ces nouvelles réserves.

1 L'organisation de la réserve.

Les 50 000 hommes de la réserve de la gendarmerie qui appartiennent à la première réserve sont répartis en deux grands ensembles : la réserve de 1 er échelon et la réserve de 2 ème échelon, correspondant à des besoins différents suivant la nature de la crise.

1.1 La réserve de 1 er échelon.

Elle doit pouvoir être mise sur pied, en totalité, dans un délai inférieur à trente jours. Elle constitue la partie de la réserve à laquelle il est fait appel en premier lieu. D'un volume d'environ 13000 hommes, elle est prévue pour faire face à des problèmes de sécurité intérieure hors les situations exceptionnelles. Cette réserve à haute disponibilité est une réserve individuelle car elle repose sur le volontariat contractuel.

Elle est destinée à renforcer en priorité les unités territoriales ainsi que les Pelotons de Surveillance et d'Intervention de la Gendarmerie (P.S.I.G). Ces renforcements concernent essentiellement les unités qui sont les premières à lutter contre la petite et la moyenne délinquance à l'origine du sentiment d'insécurité.

Cette réserve de 1 er échelon aura par ailleurs pour fonction d'accroître la capacité de manoeuvre à la fois du commandant de groupement et de circonscription par la mise sur pied au niveau du département et de la zone de défense d'un peloton de réserve de gendarmerie départementale et d'un escadron de réserve dont les effectifs globaux sont respectivement de 45 et 140 officiers et sous-officiers.

Cette réserve de 1 er échelon bénéficiera de la priorité d'équipement, de formation et de budget.

1.2 La réserve de 2 ème échelon.

Elle est prévue pour faire face à une crise de haute intensité ou qui s'installe dans la durée. Elle ne sera mise sur pied qu'en cas de rappel, soit en application des articles 2 et 6 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 soit en cas de troubles graves ou de menaces de troubles graves à l'ordre public, c'est à dire dans les circonstances prévues à l'article 16 du projet qui vous est soumis.

Cette réserve sera d'un effectif d'environ 37000 hommes. Elle sera composée dans toute la mesure du possible de volontaires ayant souscrit un engagement pour servir dans la réserve mais aussi de personnels disponibles au sens entendu par le projet de loi.

Les volontaires remplaceront en fait ce que l'on appelait les noyaux actifs des unités dérivées dans le système précédent.

1.3 Caractéristiques de la mise en oeuvre.

La mise en oeuvre de la nouvelle réserve est caractérisée par la souplesse et la progressivité.

Souplesse d'abord, car en fonction de la nature de chaque crise et des besoins à satisfaire, la gendarmerie pourra :

- soit augmenter la capacité opérationnelle de certaines unités territoriales (brigades et PSIG) et des structures de commandement existantes ;

- soit donner, aux échelons territoriaux du niveau départemental et zonal, une capacité de manoeuvre supplémentaire par la mise sur pied d'unités du type peloton ou escadron.

Progressivité ensuite, car en fonction de l'intensité de la crise, un nombre variable d'unités de réserve pourra être mis sur pied soit rapidement soit après une période de formation.

Ce dispositif doit permettre de mieux répondre en fonction des priorités gouvernementales à la diversité des menaces.

2 L'emploi de la réserve.

La loi de janvier 1993, en permettant dès le temps de paix aux réservistes de souscrire un engagement spécial de volontaire soit pour acquérir ou compléter une formation soit pour occuper une fonction dans les armées, a ouvert un champ nouveau d'emploi des réservistes inconnu jusqu'ici dans notre histoire militaire.

Les changements géostratégiques intervenus à la fin de la décennie précédente ne sont pas étrangers à cette profonde modification du concept d'emploi des réserves. La gendarmerie en a alors tiré les conséquences et elle a sur le champ commencé à associer plus étroitement les réservistes à l'exécution de son service ordinaire.

Au surplus elle s'est attachée à examiner de près les possibilités offertes par la loi de programmation militaire qui dispose que les réservistes peuvent être employés en renfort des unités notamment lorsque l'effectif du personnel d'active s'avère insuffisant et elle a dégagé les principes d'emploi qui figurent ci après.

2.1 Les principes d'emploi.

Les réservistes renforcent les deux subdivisions d'arme et sont associés à toutes les missions de la gendarmerie.

Ils sont entièrement intégrés aux unités d'active et effectuent les mêmes missions tant en matière de défense civile que de défense opérationnelle du territoire. Ils agissent aux côtés et au sein des unités et des états-majors qu'ils constituent ou qu'ils renforcent. En dehors de l'emploi en unité constituée le principe du "binomage" avec le personnel d'active sera toujours recherché notamment, chaque fois que l'emploi amènera les réservistes à être en contact avec le public.

Les réservistes de la gendarmerie renforceront ainsi les unités d'active dans certaines circonstances particulières : événements prévisibles de grande ampleur, calamités publiques, mesures exceptionnelles de sécurité, luttes contre la délinquance, battues, services d'ordre, dispositifs de recherches en tout genre (personnes disparues, recherche d'indices...), dispositifs mis en place dans le cadre du plan ORSEC, gardes, protections et interventions au profit de points sensibles.

Ils seront employés en unité constituée (escadron ou peloton), mais aussi de manière individuelle, de façon à garantir aux volontaires des activités régulières.

L'emploi des réservistes n'est pas limité au seul volet de l'intervention. Il est aussi envisagé à titre individuel dans les domaines de la prévention. Un champ assez vaste semble en effet s'ouvrir et qui recouvrira les domaines suivants :

- politique de la ville, sécurisation des transports publics ;

- prévention routière, prévention rurale, campagne d'éclairage ;

- prévention de la toxicomanie ;

- protection de l'environnement.

Par ailleurs, des actions spécifiques dans les domaines du recrutement et de la formation leur seront également dévolues :

- recrutement (présence sur les stands) ;

- forums, encadrement des préparations militaires, des journées d'appel à la défense ;

- participation à la formation des OPJ, des gardes champêtres des agents locaux de médiation et de sécurité.

La typologie qui vient d'être donnée, est loin d'être exhaustive, elle concerne principalement les réservistes ayant souscrit un E.S.R..

La gendarmerie envisage également de faire appel à des réservistes spécialistes dans certains domaines scientifiques et techniques chaque fois que les besoins du service l'exigeront.

2.2 Particularités de l'emploi en unité constituée.

La gendarmerie va créer deux catégories d'unités de réserve : les pelotons de réserve de gendarmerie départementale (PRGD) et les escadrons de réserve de la gendarmerie mobile (ERGM).

Les pelotons de réserve de la gendarmerie départementale (PRGD) seront utilisés en renfort des groupements pour des missions de gendarmerie départementale. Sur ordre du commandant de légion de gendarmerie départementale, ils pourront cependant être employés dans tout département de la légion.

Les escadrons de réserve de la gendarmerie mobile (ERGM) seront en principe employés dans la circonscription dont ils dépendent en fonction des événements (grands rassemblements, catastrophes naturelles, plans de sécurité générale, mesures Vigipirate, contrôles de zones...) et pour faire face de manière générale à l'émergence de phénomènes nouveaux. Mais, ils pourront aussi être engagés en tout point du territoire national. Ils seront destinés à remplir en priorité des missions de sûreté. Ainsi ils déchargeront de ces missions les escadrons de gendarmerie mobile qui seront alors rendus plus disponibles pour remplir leurs missions prioritaires de maintien de l'ordre. Il pourra s'agir de missions de sécurisation des zones sensibles, de protection de points sensibles ou enfin plus généralement de missions de sécurité publique en liaison avec la gendarmerie départementale.

2.3 Les restrictions d'emploi.

Les réservistes convoqués ou rappelés seront soumis aux restrictions d'emploi suivantes :

- les unités comportant des réservistes seront considérées au regard de la participation des forces armées au maintien de l'ordre comme des forces de troisième catégorie ;

- la participation éventuelle de réservistes à des missions de police judiciaire tiendra compte de leurs compétences spécifiques limitées ;

- les réservistes sont agents de la force publique. Cependant ils ne sont pas habilités à constater les infractions à la loi pénale ni à faire un acte d'enquête. Ils peuvent néanmoins apporter une aide matérielle aux officiers et agents de police judiciaire tout au long des investigations entreprises notamment sur les lieux d'un crime ou d'un délit et au cours des recherches des auteurs de ces crimes ou délits ;

- en l'état actuel de la réglementation aucun militaire de réserve ne peut être habilité OPJ ;

- les anciens sous-officiers de carrière de la gendarmerie ne peuvent être proposés en vue de se voir reconnaître la qualité d'APJ, que dans la mesure où ils ont cessé d'exercer depuis peu de temps des fonctions territoriales comportant des attributions en matière d'exercice de la police judiciaire ;

- dans l'exercice de la police administrative, ils doivent autant que possible être placés sous les ordres directs d'un personnel d'active ;

- ils ne sont autorisés à faire usage de leurs armes que dans les cas de légitime défense de soi-même ou d'autrui. au cours des opérations de maintien de l'ordre conformément aux prescriptions de l'article 431-3 du code pénal et dans les conditions prévues pour les sentinelles lorsqu'ils assurent la garde d'une zone militaire sensible ;

- dans les détachements mis sur pied pour des opérations extérieures le recours aux réservistes sera fonction de la demande particulière formulée par l'état-major des armées (affaires civiles, prévôté, contrôles de police).

La liste des missions qui pourront être confiées aux réservistes, nonobstant certaines restrictions d'emploi, montre que les unités en charge de la sécurité publique peuvent attendre des renforcements appréciables. De surcroît, l'emploi des réservistes tel qu'il vient d'être défini s'attache, en conformité avec le voeu du législateur, à entretenir de la manière la plus étroite le lien armée nation notamment au regard des missions de prévention qu'il est prévu de leur confier.

2.4 Le processus de montée en puissance des forces.

La montée en puissance des forces de la gendarmerie permettra de donner une réponse adaptée à des crises de basse, moyenne et haute intensité. Trois niveaux sont ainsi à distinguer :

premier niveau : correspond à une crise de basse intensité. La gendarmerie renforcera la capacité opérationnelle de ses unités organiques par les personnels de la réserve, volontaires ayant souscrit un E.S.R. Il peut s'agir de renforts individuels ou à base d'unités constituées de la réserve du 1 er échelon.

deuxième niveau : correspond à une crise de moyenne intensité. La gendarmerie mettra sur pied tout ou partie de ses réservistes volontaires sous contrat en convoquant ou en rappelant le nombre de réservistes nécessaires. La crise de moyenne intensité pourra aller jusqu'aux troubles graves ou aux menaces de troubles graves.

troisième niveau : correspond à une crise de haute intensité. La gendarmerie mettra sur pied tout ou partie de sa réserve. Il pourra s'agir de la mobilisation, de la mise en garde ou encore d'une situation de pré-mobilisation, de troubles graves ou de menaces de troubles graves.

2.5 Convocations et rappels.

Les réservistes ayant souscrit un engagement pour servir dans la réserve ou appartenant à la disponibilité seront tenus de rejoindre leur formation ou leur poste :

En cas de convocation :

soit pour occuper une fonction dans la réserve de 1er échelon et cela sera notamment le cas pour les volontaires. Il s'agira du mode d'appel le plus fréquemment utilisé d'autant qu'il aura été fixé de façon contractuelle ;

- soit pour prendre part à des périodes d'exercice.

En cas de rappel par ordre individuel.

Il s'agit ici de circonstances liées à des troubles graves à l'ordre public et évoquées aux articles 16 et 17 du projet de loi.

La décision de convoquer des réservistes soit pour prendre part à des périodes d'exercice, soit pour occuper une fonction dans la gendarmerie est largement déconcentrée. Il est ainsi possible de faire face, de la manière la plus efficace, à tous les types de situations.

2.6 Rôle des échelons hiérarchiques.

Commandant de circonscription.

Le commandant de circonscription arrête annuellement le plan général d'emploi et d'entraînement des réserves en tenant compte :

des orientations budgétaires et des priorités fixées annuellement par la DGGN ;

des événements prévisibles ou saisonniers qui doivent se dérouler dans la circonscription (exercices, grands rassemblements de personnes, etc...) ;

de l'évaluation des risques et des menaces.

Commandant de légion.

Le commandant de légion est l'autorité organique dont relèvent les réservistes. Il veille à ce que l'instruction et l'administration des réservistes soient conformes aux impératifs d'emploi et d'entraînement. Il décide des convocations pour l'instruction individuelle (stages, journées de formation ou d'information, etc.). Le commandant de légion élabore la politique de gestion des réservistes d'autant qu'il gère par ailleurs les candidatures à la préparation militaire.

Commandant de groupement.

Autorité d'emploi, le commandant de groupement est en contact étroit avec tous les réservistes volontaires qu'il peut convoquer dans les conditions prévues par l'engagement spécial, sans formalité particulière si la convocation s'inscrit dans le cadre du plan général d'emploi et d'entraînement des réserves mais aussi dans les situations d'urgence (plans ORSEC, catastrophes naturelles, accidents technologiques, affaires judiciaires, battues, etc.). De même le commandant de groupement de gendarmerie départementale est autorisé en cas d'urgence (dispositif de recherche notamment) à faire appel à des réservistes volontaires de la gendarmerie mobile présents dans le département.

3 LA MISE EN CONDITION DE LA NOUVELLE RESERVE.

3.1 Le recrutement des réservistes.

Les 50 000 réservistes de la gendarmerie sont ainsi répartis :

2200 officiers.

21800 sous officiers.

26000 militaires du rang.

Le recrutement des réservistes se fera d'abord par l'intégration de volontaires et ensuite par l'affectation des personnels soumis à la disponibilité.

Les volontaires pourront être recrutés parmi :

les anciens militaires d'active ;

les anciens gendarmes adjoints ;

les civils souhaitant servir dans la réserve ;

ceux ayant effectué une préparation militaire.

Une bonne part du recrutement de nos réservistes se fera principalement par la voie des préparations militaires. La gendarmerie mesure la tâche qui l'attend, dans un système fondé sur le volontariat, pour drainer dans ses rangs de nombreux militaires du rang et pour ultérieurement les conserver.

A défaut de volontaires, il sera fait appel aux personnels disponibles au sens entendu par le projet de loi.

Seront soumis à la disponibilité :

les anciens militaires d'active de la gendarmerie ;

les gendarmes adjoints rendus à la vie civile.

3.2 L'entraînement des réservistes.

L'entraînement des réservistes aura pour objet de préparer d'abord les réservistes à l'exécution du service de la gendarmerie départementale, première utilisatrice de la réserve.

3.2.1 Personnels sous ESR.

Les personnels ayant souscrit un ESR et donc susceptibles d'être appelés à renforcer les unités d'active, feront l'objet de vérifications de leurs connaissances principalement dans les domaines suivants :

- d'abord celui de la sécurité en rappelant les dispositions réglementaires relatives au droit d'usage des armes et par une formation technique et tactique au service de l'arme de dotation ;

- ensuite celui qui a trait à l'exercice de la police judiciaire et administrative.

3.2.2 Personnels astreints à la disponibilité et appartenant à la 1 ère réserve.

Les personnels astreints à la disponibilité et appartenant à la 1 ère réserve seront convoqués de manière périodique afin de permettre le maintien des compétences et de la cohésion des unités.

3.3 Situation des affectés à la deuxième réserve.

Appartiendront à la deuxième réserve les réservistes volontaires qui n'auront pu recevoir une affectation. De même, les disponibles qui n'auraient pas été affectés dans la 1 ère réserve seront placés en 2 ème réserve. Aucune disposition particulière n'est pour l'heure envisagée à l'égard de ces personnels si ce n'est un suivi de leurs activités bénévoles.

3.4 La période de transition.

La gendarmerie s'est fixée la fin de l'année 1999 comme terme de la mise en place du nouveau format des réserves. Nous avons en effet considéré qu'il convenait d'aller au plus vite vers cet objectif.

Cela est d'ailleurs vivement souhaité par les réservistes eux mêmes justement parce qu'ils veulent être fixés sur le rôle qui est désormais le leur au sein des nouvelles formations.

3.4.1 Ce qui a été accompli en 1998.

Renforcement des structures de commandement existantes, des B.T et des PSIG.

Dissolutions des pelotons de maintenance, des pelotons frontières, des pelotons de circulation et des pelotons de surveillance et d'intervention dérivés (PSID).

Suppression de la majoration de rappel de 20%.

3.4.2 Les objectifs pour 1999.

Mise sur pied des escadrons de réserve de circonscription.

Mise sur pied des pelotons de réserve de la gendarmerie départementale.

Renforcement des compagnies. Ce renforcement est fixé à 20% de l'effectif total des brigades territoriales.

Dissolution des pelotons de renseignement, des escadrons dérivés de la gendarmerie mobile, des unités de gardes de points sensibles.

S'agissant des personnels, des mesures de gestion appropriées ont été prises pour tenir compte de la réduction de 135000h à 50000h. Ces mesures visent à maintenir dans les rangs les cadres et les militaires du rang qui ont souscrit un ESR. En d'autres termes les réservistes qui ont manifesté leur volontariat seront maintenus dans les effectifs du nouveau format.

3.5 Dispositions relatives aux moyens.

3.5.1 Le parc automobile.

Nous allons procéder à l'élimination du parc tactique de la mobilisation et à son remplacement par un parc d'un emploi mixte en privilégiant les formations de la réserve de 1er échelon.

3.5.1.1 Equipement de la réserve de 1 er échelon.

Les 103 pelotons de réserve de la gendarmerie départementale seront dotés d'un véhicule routier de liaison (VRL) et de 8 véhicules routiers brigade à grande capacité (VRBCG).

L'équipement sera réalisé par prélèvement sur les groupements de gendarmerie départementale dont les volants techniques auront été augmentés.

Les 9 escadrons de réserve de circonscription seront équipés par détachement des véhicules disponibles du parc tactique des unités de la gendarmerie mobile.

3.5.1.2 Equipement de la réserve de 2 ème échelon.

En fonction de la nature et de la localisation de la crise, l'équipement de la réserve de 2 ème échelon pourra être réalisé, d'abord, avec les véhicules opérationnels non employés de la gendarmerie mobile, et ensuite par la mise en oeuvre de la réquisition.

3.5.2 L'armement.

Il est prévu la mise en place d'une double dotation pistolet automatique- fusil au profit des unités constituées de la réserve et des effectifs dédiés au renforcement des unités d'active.

L'objectif est d'équiper en priorité les personnels de la réserve de 1er échelon avec ce double armement.

3.5.3 L'habillement.

Le principe est d'équiper, à terme, tous les réservistes ayant souscrit un engagement à servir dans la réserve (ESR) d'un paquetage réduit de campagne et d'une tenue de service courant.

Ces effets seront conservés au domicile des intéressés.

3.5.4 Les transmissions.

L'équipement des unités en matériels s'effectuera à partir des matériels existants compatibles avec le réseau de la gendarmerie départementale.

CONCLUSION

La gendarmerie s'attache à prévoir l'emploi de ses réserves pour faire face aux crises que pourrait connaître notre pays.

Elle entend aussi recourir plus fréquemment à ces professionnels à temps partiel capables de remplacer en toutes circonstances les personnels d'active dont la mission principale, faut-il le rappeler, est de lutter contre la petite et la moyenne délinquance.

Dans cette perspective nos réservistes auront à conduire des actions de prévention dont les plus éminentes seront orientées vers la jeunesse. C'est de cette manière que nous envisageons d'apporter notre contribution au développement du lien armée nation en conformité avec le voeu du législateur.

La gendarmerie est acquise aux nouvelles réserves. Nous mesurons ce qu'elles peuvent nous apporter pour concourir à la bonne exécution du service. Nous souhaitons simplement pour l'heure que s'instaurent les meilleures conditions qui nous permettront de recruter et de fidéliser les hommes et les femmes appelés à constituer la réserve de la gendarmerie nationale. Nous connaissons les enjeux, nous savons combien les cadres sont d'ores et déjà dévoués à cette cause. Avec eux nous voulons créer une réserve performante, c'est à dire dynamique, instruite et animée d'un idéal. Un idéal qui doit viser à garantir la paix civile et contribuer ainsi à la réalisation de l'équilibre social, ce qu'Ernest RENAN appelait le "plébiscite de tous les jours" par lequel se construit et finalement vit une nation.

*

* *

M. Serge Vinçon, après avoir rappelé le rôle important que les réserves de la gendarmerie jouaient pour affermir le lien armée-nation, a souhaité savoir quelle était la situation des matériels dévolus aux forces de réserve. Il s'est également interrogé sur les conditions dans lesquelles la gendarmerie pourrait recruter l'effectif de 50.000 réservistes fixé par la loi de programmation.

M. André Dulait s'est demandé si la réduction envisagée des effectifs de certaines brigades territoriales conduirait en contrepartie à une mise en oeuvre plus fréquente des réserves de la gendarmerie.

M. Emmanuel Hamel s'est interrogé sur les conséquences de la dissolution des pelotons de frontières.

M. Xavier de Villepin, président, a souhaité obtenir des précisions sur les délais de mise en oeuvre de la réserve de premier échelon. Il a également demandé au général Marchetti les conditions dans lesquelles serait assurée l'instruction des réservistes n'ayant pas reçu de formation militaire préalable.

En réponse aux questions des commissaires, le général Marchetti a d'abord souligné qu'une grande partie du parc actuel des matériels des réserves de la gendarmerie souffrait d'obsolescence ; ainsi -a-t-il précisé- la moyenne d'âge de certains véhicules dépasse la quarantaine d'années. Il a ajouté que cette situation n'était pas conforme aux besoins d'une réserve resserrée et complètement intégrée aux forces d'active et qu'une mise à niveau interviendrait dès cette année -l'équipement du premier échelon étant réalisé grâce à une surdotation des unités territoriales-. Il a par ailleurs relevé que l'effectif de 50.000 hommes qui avait été prévu pour les réserves de la gendarmerie se justifiait par l'importance des missions dont celle-ci était investie, puisqu'aux responsabilités qui lui revenaient en matière de défense militaire s'étaient ajoutées des missions de protection du territoire. Il est revenu à cet égard sur les moyens nécessaires à la constitution des escadrons et des pelotons de réserve.

Evoquant alors le véritable défi que représentait le recrutement des réservistes de la gendarmerie, le général Marchetti a souligné que la gendarmerie se tournerait d'abord vers les anciens militaires d'active et entreprendrait parallèlement un effort important en direction de la jeunesse, notamment par le biais des préparations militaires. Il a enfin rappelé que la gendarmerie bénéficiait dans le cadre du projet de loi sur les réserves de la ressource constituée par les disponibles.

Le général Marchetti a indiqué que les pelotons de frontières n'avaient jamais été convoqués et que les tâches qui leur étaient en théorie confiées se trouvaient désormais entièrement dévolues aux unités d'active. Il a également observé que la mise sur pied de la réserve de premier échelon se ferait d'abord sur une base contractuelle, les réservistes étant alors contactés individuellement par les responsables locaux de la gendarmerie ; en cas de dégradation de la situation, le processus de mise en place prendrait environ un mois.

Abordant alors la question de la formation, le général Marchetti a précisé que la gendarmerie avait pour tâche principale de permettre aux réservistes d'exercer des missions simples de sous-officier. Il a ajouté que les réservistes qui suivaient une préparation militaire bénéficieraient ainsi de quinze jours effectifs de formation, tandis que les autres réservistes pourraient recevoir une formation équivalente. Il a enfin souligné que les réservistes seraient utilisés pour des missions comparables à celles qui étaient confiées aux forces d'active.

Audition de M. Hubert HAENEL, sénateur,
Ancien parlementaire en mission auprès du ministre de la défense

Le 17 mars 1999

M. Hubert Haenel a d'abord indiqué qu'il avait été conduit, en 1994, à la demande du gouvernement de l'époque, à poursuivre une réflexion engagée déjà depuis quelques années sur la situation des réserves, dont ni l'organisation, ni le concept d'emploi ne donnaient alors satisfaction. Il a relevé que, depuis lors, la suppression de la conscription avait rendu plus pressante encore une réforme des réserves et que le projet de loi sur les réserves aujourd'hui soumis à l'examen du Sénat répondait très largement aux préoccupations qui s'étaient manifestées.

Revenant sur l'analyse qu'il avait développée dans son rapport sur les réserves, M. Hubert Haenel a observé que nos armées ne pouvaient continuer à assumer toutes les missions liées à la sécurité et aux engagements internationaux de la France sans recourir, dès le temps de paix, aux réserves. Cette nécessité -a-t-il ajouté- impliquait de réexaminer entièrement le dispositif des réserves au regard, en particulier, du statut des réservistes, des moyens budgétaires mis en oeuvre et de la doctrine d'emploi appliquée.

Il a relevé que de tels changements impliquaient une véritable " révolution culturelle " au sein des armées, des employeurs, du monde politique et de l'opinion publique. Aux termes de l'état des lieux effectué dans son rapport, M. Hubert Haenel a indiqué qu'il avait suggéré 31 propositions et, surtout, recommandé une expérimentation à petite échelle des réformes possibles afin d'en évaluer le caractère opérationnel. Il a cité, à titre d'exemples, l'utilisation de spécialistes dans le cadre notamment d'actions civilo-militaires, ou l'emploi de réservistes pour renforcer les unités de gendarmerie.

M. Hubert Haenel a alors souligné que la réorganisation des réserves était actuellement en cours dans les différentes armées ainsi que dans la gendarmerie et qu'il convenait, dans ce contexte, de permettre une adoption rapide du projet de loi sur les réserves. Il a rappelé que la réforme des armées rendait plus nécessaire encore la mise en place des nouvelles réserves. Revenant sur le système antérieur des réserves, il a insisté, à travers plusieurs exemples, sur l'inadaptation de l'organisation qui prévalait jusqu'alors (notamment en raison de la lenteur des délais de constitution de certaines unités de réserve) et de l'équipement destiné aux réservistes.

M. Hubert Haenel a estimé que le projet de loi sur les réserves traduisait un réel changement dans les esprits sur la place et le rôle que les réserves doivent occuper au sein des armées. Il a ajouté que les réservistes seraient désormais intégrés aux forces d'active, qu'ils auraient le même statut et témoigneraient du même professionnalisme que les militaires de carrière. Evoquant la nécessité de constituer une réserve de 100.000 volontaires parmi lesquels 50.000 seraient affectés à la gendarmerie, M. Hubert Haenel a indiqué que le recrutement de ces personnels constituerait un enjeu majeur pour la nation dans les années à venir. Il a également abordé la question des moyens budgétaires consacrés aux réserves, en notant que ces derniers seraient quadruplés entre 1997 et 2002. Il a par ailleurs souligné que les réserves, dans leur ensemble, participeraient de manière décisive au maintien du lien armées-nation.

M. Hubert Haenel a attiré l'attention sur la nécessité pour la représentation nationale, et notamment, pour les rapporteurs du budget de la défense, de suivre attentivement la mise en place de la réforme. Il a aussi souhaité que le Gouvernement puisse, au terme d'un délai de deux ans, remettre un rapport au Parlement sur l'application de la future loi sur les réserves.

M. Hubert Haenel est ensuite revenu sur le rôle particulièrement important qui reviendrait aux réserves de la gendarmerie en indiquant que, parmi les 50.000 réservistes dont elle disposerait, près de 13.000 pourraient être utilisés en tous lieux et en toutes circonstances sur la base de l'engagement pour servir dans la réserve qui pourrait être souscrit dans le cadre des dispositions du projet de loi. Il a évoqué la dissolution des anciennes unités dérivées de la gendarmerie et la mise en place de deux nouveaux types d'unités constituées, les " pelotons de réserve de la gendarmerie départementale " et les " escadrons de réserve de la gendarmerie mobile ". Il a indiqué que les réserves de la gendarmerie permettraient d'intervenir soit en renfort des unités d'active dans certaines circonstances, telle qu'une catastrophe naturelle, soit, au sein même des brigades territoriales, en substitution des personnels d'active appelés eux-mêmes à assumer des missions urgentes .

M. Hubert Haenel a conclu en rappelant les trois idées fortes de la réforme des réserves auxquelles, pour sa part, il souscrivait : l'intégration des réserves au sein de l'armée active, la réduction du format des réserves, et le rôle joué par ces forces dans le lien armée-nation.

*

* *

A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon a souhaité connaître l'opinion de M. Hubert Haenel sur la mise en place d'une prime forfaitaire de compensation, afin de mettre sur un pied d'égalité les réservistes issus du secteur privé et ceux issus de la fonction publique, sur l'adaptation aux besoins des moyens budgétaires mis en place dans le cadre de la loi de programmation, sur la stratégie de communication qui pourrait être développée pour favoriser le recrutement des réservistes et, enfin, sur l'opportunité de créer, comme l'avait suggéré M. Hubert Haenel lui-même, une " agence nationale de coopération pour les réserves ".

M. Claude Estier s'est interrogé sur les délais de mobilisation des réserves, notamment en cas de catastrophes naturelles.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité obtenir des précisions sur d'éventuels points communs entre le nouveau système des réserves françaises et la garde civile américaine, ainsi que sur la formation des réservistes au moment où les préoccupations de sécurité intérieure paraissaient l'emporter sur les considérations liées à la sécurité extérieure.

M. Xavier de Villepin, président, a quant à lui demandé à M. Hubert Haenel de donner son sentiment sur les dispositions sociales du projet de loi, sur l'évolution de la position du patronat vis-à-vis des réserves, ainsi que sur le rôle et les conditions de la gestion de la seconde réserve.

En réponse aux questions des commissaires, M. Hubert Haenel a apporté les réponses suivantes :

- il reviendra à la deuxième réserve d'assurer le lien armée-nation à travers notamment la participation aux journées d'appel de préparation à la défense et aux préparations militaires ;

- le travail de longue haleine conduit pour sensibiliser le patronat au rôle des réserves avait permis de favoriser une prise de conscience sur l'intérêt, pour les entreprises elles-mêmes, d'employer des réservistes parmi leurs salariés, même si toutes les incertitudes relatives notamment au statut des réservistes n'étaient pas encore levées et justifieraient la présentation, d'ici deux ans, d'un rapport du Gouvernement sur la mise en oeuvre de la future loi ;

- l'exemple de la garde civile, propre au système américain des réserves, ne paraissait pas transposable en France, où les missions d'ordre public devaient être assumées par des militaires régis par le statut et la discipline militaires ;

- s'agissant des délais de mobilisation, la possibilité notamment de faire appel à au moins une centaine de réservistes sans délai, dans le cadre d'une circonscription de gendarmerie, paraissait confirmée ;

- le déséquilibre entre la situation des salariés du secteur privé et ceux du secteur public, au regard des conditions de rémunération pendant le service dans la réserve, constituait un problème non résolu, même s'il fallait faire valoir, s'agissant notamment de certaines professions libérales -médecins notamment-, l'intérêt professionnel incontestable que pouvait procurer une expérience dans les réserves ;

- les moyens financiers prévus par la loi de programmation pour les réserves traduisaient un effort significatif, même si celui-ci devra sans doute être encore revu à la hausse lorsque l'intérêt de disposer d'une réserve bien équipée et bien entraînée aura été confirmé par les faits ;

- la sensibilisation des jeunes aux réserves pourrait intervenir dans le cadre notamment des préparations militaires ou de journées portes ouvertes ; il s'agit là d'un véritable impératif pour les années à venir ;

- l'intérêt de mettre en place, dans le contexte actuel, une agence de coopération pour les réserves s'imposait peut-être moins qu'il y a quelques années ;

- les réservistes de la gendarmerie ne pourraient pas être impliqués dans une opération de maintien de l'ordre et ne disposeraient pas, à l'exception des anciens gendarmes, de compétence en matière de police judiciaire.

M. Hubert Haenel a conclu son propos en estimant que le projet de loi sur les réserves, dont l'élaboration avait fait l'objet d'une véritable concertation, apportait une réponse adéquate aux principaux problèmes soulevés par l'organisation des réserves.

Audition du Général de brigade aérienne David ADAMS ,
Attaché de défense et de l'air auprès de l'Ambassade
de Grande-Bretagne en France


le mercredi 24 mars 1999

Tout d'abord, je voudrais vous remercier de votre accueil chaleureux. C'est un grand honneur pour moi d'avoir été invité ici aujourd'hui. Je ne suis pas bien qualifié pour parler des Réserves Britanniques, mais j'ai eu l'expérience personnelle parce que j'ai servi avec plusieurs réservistes pendant ma carrière, surtout en Bosnie.

Le moment choisi pour mon discours est opportun. Il y a trois mois en effet que le Ministre de défense britannique a annoncé les changements qui concernent nos forces de réserves, déjà prévus dans le cadre de la revue stratégique de la défense. Mon but, aujourd'hui n'est pas de vous donner un exposé tout à fait détaillé, mais plutôt de vous livrer quelques réflexions, dont plusieurs sont personnelles. Ce sujet est polémique, chez vous et chez moi. Nous habitons dans un monde incertain, avec les menaces nouvelles et il faut assurer un avenir de stabilité. Et les réserves auront un grand rôle à jouer pour maintenir la stabilité, pour garantir la paix, et pour maintenir les liens entre les militaires et les citoyens.

La contribution des réserves aux forces armées est très importante pour la Grande-Bretagne. Les réservistes participent aux opérations aux côtés de leurs collègues de l'armée de métier et sont partie intégrante de notre aptitude à étoffer nos forces en temps de crise. Les réserves sont pour nous un moyen très rationnel d'augmenter nos capacités militaires. L'une des grandes conclusions de la réflexion stratégique a été que nous ne pouvions nous passer d'elles quand il s'agit d'intervenir dans un conflit armé de quelque importance.

Il existe plusieurs types de réserves. Les deux plus importants sont les Regular Reserves constituées d'anciens membres des forces armées de métier encore mobilisables en cas d'urgence ; et les Volunteer Reserves à temps partiel recrutées directement dans la communauté civile : les réserves de la Royal Navy, les réserves des Royal marines, l'Armée Territoriale et la Royal Auxiliary Air Force. Notre loi de 1996 sur les forces de réserve permet un recours plus large aux réservistes, à ceux qui, par exemple, souhaitent servir à plein temps dans les forces armées professionnelles pour une durée limitée, et aux réservistes " sponsorisés " : il s'agit de salariés d'entreprises sous-traitantes qui se sont portés volontaires pour être mobilisés en cas de besoin, afin de poursuivre leur travail lors d'opérations, aux côtés des personnels militaires qui dépendent de leurs compétences. Ces nouvelles formes de réserve pourraient bien être appelées à prendre une place plus importante à l'avenir. Et désormais la mobilisation obligatoire est possible pour les crises d'un niveau plus bas qu'auparavant.

Les Volunteer Reserves sont plus largement réparties dans le pays que les forces armées de métier. Dans la plupart des régions, ce sont donc elles qui témoignent le plus de la présence des forces armées. Elles contribuent à informer l'opinion sur le rôles des forces armées et sur leur importance pour la Nation, et son un vecteur par lequel la communauté, dans son ensemble, peut contribuer à la sécurité nationale. Les forces de cadets permettent également d'établir des contacts importants avec les jeunes, et donc de favoriser le recrutement.

Les rôles dévolus aux forces de réserve doivent être adaptés aux situations internationales dans le cadre desquelles nos forces armées seront amenées à intervenir. Nous devons veiller à ce qu'elles soient utilisables et, comme les autres forces armées, bien entraînées, bien équipées, et dotées de l'appui nécessaire pour assumer leur rôle ; il faut que leur gestion administrative et leur soutien soient efficaces, et que leurs liens à tous les niveaux avec les forces armées professionnelles soient clairs et forts.

Nos forces de réserve, qui ont été jusqu'à présent largement considérées comme une condition de survie nationale vont être réorganisées aux fins de leur permettre de relever de nouveaux défis et de s'adapter aux missions du futur.

Les composantes principales de nos forces de réserve sont, comme j'ai déjà dit, la Royal Naval Reserve, la Royal Marines Reserve, la Territorial Army et la Royal Auxiliary Air Force. Désormais, un effectif de la Royal Naval Reserve et le Royal Marines Reserves s'élèveront à quelque 4.000, ceux de la Territorial Army à environ 40.000 et ceux de la Royal Auxiliary Air Force à environ 2.000. La RNR et la RMR fournissent les spécialistes pour les unités régulières. Le R Aux Af a quelques unités spécialisées et depuis cinq ans les personnels navigants réservistes, surtout dans les forces de transport, patrouilles maritimes et hélicoptères, mais aussi désormais dans d'autres rôles.

Selon les effectifs, l'Armée territoriale a une importance critique pour l'Armée de Terre. Je vais donc consacrer à eux les minutes qui viennent, mais la plupart de mes remarques seront applicables à tous.

L'Armée territoriale constitue à l'heure actuelle une part plus importante que jamais de notre armée de terre, en temps de paix et en temps de guerre. En fait, dans le cadre de nos forces d'intervention, le besoin en forces de l'armée territoriale couvre l'éventail complet des capacités militaires, de la reconnaissance blindée jusqu'aux hôpitaux mobiles de campagne.

Pour les unités indépendantes, qui constituent la grande majorité des unités de la TA, le recrutement se fait au niveau local, et elles sont organisées également au niveau local à partir de centres TA situés dans les grandes villes, dans les villes moyennes et dans les villages, dans l'ensemble du Royaume-Uni. Pour les unités spécialisées, le recrutement se fait au niveau national à partir d'un état-major central. La ta cherche normalement, mais pas nécessairement, à exploiter les compétences de ses volontaires.

Jusqu'à la fin de la Guerre froide, la TA avait un rôle bien défini, que ce soit au sein de l'OTAN ou pour la défense métropolitaine du RU, chaque unité sachant exactement quelle était sa tâche en cas de déclaration de guerre. Depuis, le rôle de ces unités n'est plus aussi simple à définir et s'est notamment élargi. En bref, la TA constitue à l'heure actuelle une réserve générale pour toutes les interventions et assure également un lien de plus en plus important avec la communauté civile, rapports que nos petites unités d'active ont de plus en plus de difficultés à maintenir dans le contexte actuel de sécurité au Royaume-Uni et aussi, bien sûr, à cause de leurs fréquentes absences en service actif à l'étranger.

Pour répondre aux aspects très divers de ce rôle, l'armée territoriale doit être capable d'attirer des individus de tous bords. D'un côté, elle doit offrir une perspective attrayante pour les jeunes et les autres susceptibles de répondre aux défis posés par des événements comme ceux qui sont survenus en Bosnie. Ces jeunes peuvent déjà avoir plusieurs emplois à leur actif, ou au contraire être au chômage. D'une manière générale, ils ont tendance à être sans attaches, ou du moins à n'avoir pas d'attaches qu'ils sont prêts à avouer, et ils veulent être utiles. Des sondages ont révélé que certains de ces individus quittent la TA non pas parce qu'ils ont une charge de travail trop lourde, mais au contraire parce qu'ils n'ont pas assez à faire.

D'un autre côté, la ta doit continuer d'attirer les décideurs de la société civile, des hommes et des femmes qui sont eux-mêmes des employeurs et qui appartiennent à des groupe des professions établies. Ces personnes sont disponibles en cas de crise majeure, mais il est peu probable qu'elles se portent volontaires pour une période prolongée de service. Cette section de la TA est en quelque sorte son épine dorsale pour toutes les fonctions administratives et celles qui ont trait à la formation, et elle comprend très souvent les personnes qui sont soumises aux pressions les plus fortes dans leur lieu de travail civil.

Maintenir une composition équilibrée est également la clé du problème. Les hommes et les femmes qui se portent volontaires ne le font pas pour l'argent, ni pour le plaisir d'aller prendre un verre avec des amis. Bien au contraire, car la plupart d'entre eux pourraient s'ils le voulaient gagner bien plus d'argent en un week-end de travail en équipe ou d'heures supplémentaires dans leur emploi civil. Ils le font parce que ce rôle leur plaît. Ils le font également parce qu'ils sont convaincus que cela en vaut la peine, et ils sont prêts à répondre à un appel aux armes lorsque l'on a besoin d'eux. Les militaires d'active mettent quelquefois en doute cet engagement et demandent notamment comment on peut être sûr que la TVA sera là le jour où l'on aura besoin d'elle. Il n'existe , à ma connaissance, aucun précédent historique permettant de douter que les volontaires de la TA ne soient pas au rendez-vous le jour voulu, et jusqu'à maintenant la TA l'a amplement prouvé dans tous les conflits majeurs de ce siècle.

Il faut bien souligner que les membres de la TA ne sont pas des soldats d'active. Ils consacrent leur temps de loisirs et leurs congés à travailler pour un autre employeur, ce que la plupart des militaires d'active ne feraient pas de plein gré. Winston Churchill les appelait " les deux fois citoyens " parce qu'avant toute autre chose ils sont eu emploi et son des contribuables, mais aussi parce qu'ils consacrent leur temps de loisirs et leurs vacances à l'armée territoriale. C'est là quelque chose qu'il ne faut jamais oublier lorsque l'on aborde la question des capacités de l'armée territoriale. Le temps de ses volontaires est limité et par suite leurs capacités le sont également, mais ils constituent pour la capacité opérationnelle de l'armée de terre britannique une composante enthousiaste et dévouée à la tâche.

La menace militaire pesant sur la nation étant plus distante qu'elle ne l'a jamais été depuis le début des années trente, si l'on veut tirer le maximum de la TA, il faut donner à ses réservistes un rôle plus actif dans les opérations autres que des opérations de guerre. C'est pourquoi une nouvelle législation concernant les forces de la Réserve est entrée en vigueur le 1 er avril 1996. On espère que cette législation, appelée " Loi de 1996 sur les forces de Réserve " (Reserve Forces Act 96) permettra d'augmenter la contribution déjà importante apportée par TA. Il faut que vous sachiez que pendant toute la durée de nos opérations en Bosnie, les réserves ont fourni environ 10 % du total des forces déployées par l'armée de terre britannique. Il convient aussi de noter que cette contribution a pris la forme de renforcements individuels et non pas d'unités formées.

Pour parvenir au niveau d'expertise voulu et pour recevoir la prime annuelle, les membres des réserves doivent remplir les obligations d'entraînement individuel de 27 jours pour ceux qui appartiennent à une unité indépendante et de 19jours pour les réservistes des unités spécialisées. L'exploitation des compétences civiles se traduit, du moins en théorie, par une nécessité d'entraînement moins élevée dans les unités spécialisées. Par ailleurs, il est bien entendu plus difficile et plus coûteux de regrouper pour des périodes d'entraînement des gens venant des quatre coins du pays. Dans les unités spécialisées, bien que l'obligation de base soit de 27 jours d'entraînement par an, la participation moyenne est d'une trentaine de jours ou plus.

Venons maintenant au rôle des réserves dans le maintien des liens entre les communautés civile et militaire. Les filières des réserves couvrent la totalité de la Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord. Dans bien des endroits, elle est la seule institution militaire représentée. A mesure que le format des armées diminue et se concentre dans un nombre plus restreint de bases, et à mesure également que la visibilité diminue en raison des précautions à prendre pour des raisons de sécurité, maintenir un moyen de se faire représenter auprès du public au niveau local prend une importance de plus en plus grande.

Pour aider les réserves à recruter des volontaires et pour répondre à leurs besoins en ce qui concerne leurs locaux, la publicité et les travaux de liaison, nous disposons d'organisations appelées TAVRA. TAVRA est une abréviation signifiant " Territorial Auxiliary and Volunteer Reserve Association " ; ces associations sont réparties en gros en 14 régions coïncidant plus ou moins avec les limites administratives régionales. Elles ont des responsabilités vis-à-vis des trois armées (Mer-Terre-Air) et jouent un rôle absolument vital en fournissant une source stable et continuelle de conseils, en particulier aux employeurs, aux syndicats de travailleurs et aux collectivités locales. Sans trop entrer dans le détail, il est toutefois intéressant de noter qu'historiquement les TAVRA, mises en place en 1908, ont été dotées spécifiquement dès le début d'une chaîne de commandement parallèle à la chaîne normale de commandement, allant directement jusqu'au Ministre de la Défense.

Pour en terminer avec les réserves elles-mêmes, c'est avant tout une organisation très rentable. Il ne faut pas oublier ce que les réserves produisent en termes de services, et il faut regarder les totaux pour bien apprécier combien peu nous coûtent nos volontaires toujours pleins de bonne volonté, et toujours prêts à se rendre utiles.

Avant de conclure, il serait tout à fait négligent de ma part de ne pas dire quelques mot sur les " Cadets " qui sont des élèves des classes secondaires suivant des cours de préparation militaire. Nous avons deux forces distinctes de " cadets ". La première représente un partenariat entre les écoles et le Ministère de la Défense et regroupe les élèves suivant une préparation militaire pour l'armée de terre, la marine et l'armée de l'air en détachements basés dans les établissements scolaires publics et privés dans l'ensemble du pays. Par contre, les " Cade Forces " de l'Armée de Terre, de la Marine et de l'Armée de l'Air sont les organisations nationales de jeunes volontaires, parrainées par leur propre armée et visant les jeunes de 13 à 18 ans. D'une manière générale, le recrutement est assez facile et le mouvement des " cadets " a beaucoup de succès dans la mesure où il produit des citoyens conscients de leurs responsabilités, qui sont habitués au travail en équipe, à compter sur eux-mêmes et bénéficient d'une condition physique en général au-dessus de la moyenne.

A l'heure actuelle, le Gouvernement, comme le grand public, ont une attitude extrêmement positive vis-à-vis des " cadets " ; le mouvement se porte donc bien et accomplit un excellent travail. Ceci exige toutefois une vigilance constante comme toute autres organisation se consacrant aux jeunes.

Pour conclure, nous avons besoin de réserves : elles ont une histoire éminente et nous avons bien l'intention de leur donner un avenir sûr et cohérent. Nous avons besoin de compter sur l'engagement de dizaines de milliers d'individus prêts à s'entraîner et à participer aux opérations militaires visant à protéger nos intérêts nationaux légitimes et à soutenir nos objectifs de politique étrangère. Les réserves offrent une grande flexibilité, tant par le type de services qu'elles peuvent rendre que par le large éventail de leurs rôles. Les réservistes apporteront leur contribution de nombreuses manières à l'avenir. Sans eux, nous ne pourrons faire grand chose de ce qui sera exigé de nos forces armées.

La revue de défense stratégique a été pour nous l'occasion de réorganiser nos forces de réserve de façon cohérente et durable. Elle a confirmé que nous avions besoin d'elles pour continuer à assumer certaines missions et en remplir de nouvelles, plus exigeantes.

Cette réflexion aura des répercussions sur de nombreux régiments de l'Armée de Terre au passé honorable. Nous savons que ce sera dur pour beaucoup. Mais les forces qui en résulteront seront capables et utilisables - mieux adaptées et mieux à même de soutenir les forces armées de métier dans tous types d'opérations. Grâce à l'engagement des réservistes et de leurs employeurs, avec une formation, un appui et des matériels adéquats et un nouveau système de gestion, nos forces de réserves occuperont une place plus importante et plus cohérente. Les volontaires y trouveront des occasions de servir leur pays d'une manière nécessaire et significative.

*

* *

A la suite de cet exposé, M. Serge Vinçon, rapporteur, a interrogé le général Adams sur les effectifs engagés en opérations extérieures et sur les moyens de fidéliser les réservistes.

M. Emmanuel Hamel a souhaité connaître la position des forces politiques britanniques sur la nouvelle loi relative aux réserves adoptée en 1996 ; il a également demandé des précisions sur la proportion des femmes dans les réserves britanniques, sur la rémunération des réservistes et sur le nombre d'étudiants des grandes universités ayant suivi une préparation militaire.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin demandé si l'armée britannique rencontrait des difficultés pour recruter des réservistes.

En réponse à ces différentes questions, le général Adams a apporté les précisions suivantes :

- l'armée britannique compte actuellement environ 30 % de ses effectifs engagés en opération extérieure,

- c'est en fournissant aux réservistes un rôle actif, une bonne formation et, surtout, un équipement moderne comparable à celui des militaires d'active que l'on accroît leur motivation,

- les réserves pourraient compter environ 30 % de femmes,

- la rémunération quotidienne d'un réserviste est équivalente à celle d'un militaire d'active,

- la possibilité de suivre des cours d'instruction militaire est ouverte au sein des universités,

- l'armée britannique ne rencontre pas de difficultés particulières pour recruter des réservistes, sauf en ce qui concerne les médecins, pour lesquels les besoins sont importants en raison de la forte diminution des effectifs de médecins d'active.

Audition du Capitaine de Vaisseau Gregory Robert OSTROWSKI
Adjoint au directeur de la mobilisation et des éléments de réserve au sein du Commandement des Etats-Unis en Europe

(L'exposé a été présenté en français par le colonel Jean-Pierre Manley ,
Attaché militaire adjoint auprès de l'ambassade des Etats-Unis en France .)

Le 24 mars 1999

Mesdames, Messieurs,

Je suis le Colonel Jean-Pierre Manley. je souhaiterais vous présenter le Capitaine de Vaisseau Gregory Robert OSTROWSKI, Adjoint au Directeur de la Mobilisation et des Eléments de Réserve au sein du Commandement des Etats-Unis en Europe. Son bureau est l'auteur de l'exposé qui va vous être présenté aujourd'hui et notre expert sur place dans le cadre de la séance de questions-réponses qui suivra cet exposé.

Afin de compenser la réduction de nos forces d'Active, nous tirons profit du potentiel de nos forces de Réserve. Nous faisons appel à elles pour soutenir toute la gamme d'opérations militaires, en temps de guerre comme en temps de paix. Ainsi, nos éléments de Réserve constituent la valeur ajoutée du soutien apporté à nos forces armées, à nos citoyens et à nos autorités civiles.

PROGRAMME

Aujourd'hui, je vais évoquer l'organisation, l'utilisation et l'intégration des éléments de Réserve au sein de ce que le Ministère américain de la Défense appelle le concept de Force totale.

CONTROLE DES FORCES DE RÉSERVE

Ce schéma montre les relations entre le Bureau du Ministre de la Défense, les Secrétariats d'Etat des différentes Armées, les Chefs d'Etat-Major et leurs éléments de Réserve respectifs.

Il convient de noter que l'Adjoint au Ministre de la Défense chargé des Affaires de Réserve n'apparaît pas dans la chaîne de commandement. Il est chargé des Affaires de Réserve et a pour mission de contrôler et de coordonner la politique menée.

Les " éléments de Réserve s'en remettent directement au Chef de leurs Armées respectives, ainsi qu'aux Directeurs de la Garde Nationale de l'Armée de Terre et de l'Armée de l'Air.

Les éléments de Réserve sont directement subordonnés aux Chefs des différentes Armées en matière d'entraînement, d'effectifs et d'équipement de la force. Lorsqu'elles sont en service actif, les forces de Réserve sont subordonnées à leur commandant, tout comme les forces d'Active.

Le Bureau de la Garde Nationale est un état-major interarmées composé du Département de l'Armée de Terre et du Département de l'Armée de l'Air.

Le Bureau de la Garde Nationale est chargé d'assurer la coordination entre les forces armées et les Etats en ce qui concerne la politique et les ressources propres à la Garde Nationale dans le cadre de sa mission de sécurité fédérale et nationale.

Les Directeurs de la Garde Nationale de l'Armée de Terre et de l'Armée de l'Air ont deux casquettes puisqu'ils sont officiers d'état-major et membres du Bureau de la Garde Nationale.

ORGANISATION

Il existe cinq composantes de la Réserve Fédérale (l'Armée de Terre de Réserve, la Marine de Réserve, l'Armée de l'Air de Réserve, le Corps des "Marines" de Réserve et les Garde Côtes de Réserve). Parmi ces composantes, les Garde Côtes de Réserve, bien que constituant une force navale, sont rattachées au Ministère des Transports en temps de paix mais rejoignent le Ministère de la Marine à la demande du Président. En l'absence de déclaration présidentielle mentionnant une urgence nationale, les forces fédérales ne peuvent pas être utilisées directement pour faire appliquer la loi criminelle.

Nous avons également deux milices organisées (Garde Nationale de l'Armée de Terre et de l'Armée de l'Air) qui travaillent normalement au niveau des Etats mais qui peuvent être appelées au service fédéral. La Garde Nationale de l'Armée de Terre et de l'Armée de l'Air sont uniques dans la mesure où elles ont toutes deux un rôle fédéral et étatique.

LA GARDE NATIONALE

Notre Garde Nationale est une force de Réserve exclusivement américaine, née de la tradition des milices de notre époque coloniale et du pouvoir constitutionnel de l'Etat.

Tandis qu'elle est soumise à la mobilisation comme tout autre force de Réserve, la Garde Nationale travaille en temps de paix pour le gouverneur de chaque Etat, pour les missions qui lui sont propres.

La Garde Nationale est pour le gouverneur un moyen militaire soumis à son autorité. Elle est essentiellement utilisée dans le cadre des opérations d'aide en cas de catastrophes mais, en vertu de la loi de chaque Etat, elle peut être amenée à faire appliquer la loi criminelle.

MISSIONS DE LA GARDE NATIONALE

La Garde Nationale de chaque Etat est à la fois une force militaire placée nous le commandement du gouverneur de l'état où elle est présente, et une partie de la Réserve fédérale lorsque celle-ci est mobilisée par le Gouvernement fédéral. La Garde Nationale est également une composante de réserve totalement intégrée au sein de chaque branche des forces armées. En tant que milice d'état, elle est responsable auprès du Gouverneur de la protection de la vie et des biens des citoyens, du respect des lois étatiques et locales, et du soutien aux autorités civiles en cas de catastrophes ou de troubles de l'ordre public.

LA FORCE DE RÉSERVE DES ÉTATS-UNIS

Les forces armées des Etats-Unis sont composées exclusivement de volontaires depuis 1972.

Notre politique de Force Totale a intégré les forces de Réserve au sein de la force d'Active, ce qui leur donne accès à toute la gamme de missions militaires.

Aujourd'hui, les forces de Réserve sont absolument indispensables à la réussite de toute opération d'urgence de grande envergure grâce à leur potentiel, notamment en matière d'Appui et de Soutien.

En tant que partenaires à part entière des éléments d'Active, les forces de Réserve sont parfaitement formées à leurs missions militaires spécifiques et sont aussi bien équipées. La plupart des Réservistes s'entraînent 39 jours par an. Toutefois, la plupart d'entre eux a la possibilité de s'entraîner pendant plus longtemps et même de participer à des exercices ou à des activités sur le terrain avec les forces d'Active.

LES ÉLÉMENTS DE RÉSERVE DANS LA STRATÉGIE
DE L'APRÈS-GUERRE FROIDE


Les forces de réserve constituent une part importante de notre stratégie nationale ayant appelé au service actif le nombre impressionnant de 250 000 réservistes pendant la Guerre du Golfe. Ajoutez au nombre des appelés celui de 17 000 volontaires supplémentaires. Sur le total, plus de 106 000 réservistes ont été déployés sur le théâtre des opérations.

Etant donné que ces forces fournissent un soutien toujours plus important aux opérations en temps de paix, il est encore plus important qu'avant qu'elles soient totalement intégrées. Je développerai cela plus en détails à la fin de mon exposé.

RESTRUCTURATION DES FORCES DE RÉSERVE

Les forces de Réserve de l'Armée de Terre et de la Garde Nationale ont été réduites en taille, donnant à la Garde de l'Armée de Terre des forces de manoeuvre de combat, alors que les forces de Réserve de l'Armée de Terre ont reçu la principale responsabilité de fournir des unités de l'appui logistique au-dessus du niveau division.

La Garde de l'Armée de l'Air a assumé le rôle de défense aérienne continentale alors que la Réserve de l'Armée de l'Air s'est ajoutée à sa mission de transport aérien et d'avions ravitailleurs.

CAPACITÉS DES RÉSERVES CHOISIES

Certaines particularités prédominent au sein des Forces de Réserve. Aujourd'hui par exemple, les composantes des forces de Réserve de l'Armée de l'Air possèdent 100 % de tous les "chasseurs-intercepteurs" de la défense aérienne des Etats-Unis et 50 % du transport aérien stratégique et tactique, du ravitaillement en vol et des capacités liées aux communications en temps de combat.

Les éléments des forces de Réserve choisis à partir des composantes terrestres constituent 53 % de l'Armée de Terre dans son ensemble. Cela comprend les unités de soutien déployées-avancées des forces de Réserve de l'Armée de Terre et les brigades renforcées de la Garde Nationale.

Les forces de Réserve de la Marine et du Corps des "Marines" fournissent un apport considérable aux unités d'active. Les forces de Réserve des Garde-côtes sont totalement intégrées, la plupart des réservistes servant dans les unités d'active.

Afin de pouvoir avoir accès à ces capacités, nous avons promulgué un certain nombre de lois qui garantissent une certaine souplesse pour satisfaire nos exigences en matière de mobilisation.

TITRE 10 DU CODE DES ETATS-UNIS

STATUTS RELATIFS A LA MOBILISATION


Je présenterai les différents niveaux de mobilisation, allant d'une mobilisation à grande échelle en cas de conflit important jusqu'à l'utilisation des appelée volontaires.

La loi nous donne une très grande souplesse. Nous pouvons appeler des volontaires, des réservistes au service actif, dans le cadre d'un entraînement annuel.

Pour préparer les opérations contre l'Irak, le Président a rapidement usé de son autorité pour mobiliser les premiers 200 000 réservistes. Etant donné le nombre croissant d'exigences, le Congrès a instauré une mobilisation partielle d'un total de 250 000 individus. Pour la Bosnie, l'autorité présidentielle a permis d'appeler immédiatement de nombreuses unités particulières et des individus dont le rôle est si important lors d'opérations de maintien de la paix.

Avant avril 1998, le Président pouvait uniquement mobiliser des réservistes sélectionnés dans le cadre de l'Appel des Forces de Réserve sélectionnées par le Président. En avril 1998, le Congrès l'a autorisé à appeler pas plus de 30 000 E1éments de la Force de Réserve Disponibles (IRR) possédant les aptitudes particulières requises avant un déploiement, utilisées pour mobiliser et déployer la force. Toutefois, le nombre total de personnes mobilisées ne peut pas excéder 200 000.

Depuis la Guerre du Golfe, des centaines de milliers de réservistes servent avec distinction et professionnalisme. Ils trouvent une place nouvelle et respectable au sein de nos forces d'Active.

ÉLÉMENTS DE RÉSERVE

SOUTIEN OUTRE-MER EN TEMPS DE PAIX


Les forces de Réserve des Etats-Unis continuent à jouer un rôle actif dans des opérations d'urgence de petite envergure. Depuis la Guerre du Golfe, nous avons appelé au service actif cinq mille réservistes pour des opérations en Somalie et 3 000 autres en Haïti. Plus de 10 000 réservistes, essentiellement de l'Armée de l'Air, ont volontairement soutenu les opérations " NORTHERN " et " SOUTHERN WATCH ", au Nord et au Sud de l'Irak.

Les réservistes conviennent parfaitement pour des missions humanitaires et de maintien de la paix. Ils ont tendance à être plus âgés et à avoir plus d'expérience que le soldat d'active avec son premier contrat d'engagement.

Les spécialités, que l'on ne trouve pas au sein des forces d'Active en temps de paix, font des forces de Réserve "1'unité de choix", en particulier dans le cadre de l'aide humanitaire et du maintien de la paix. Nous constatons que les aptitudes civiles des réservistes sont aussi importantes que leurs aptitudes militaires pour garantir le succès de ce type d'opérations.

De 1994 à 1995, 446 hommes de la Garde Nationale de l'Armée de Terre ainsi que des réservistes se sont organisés pour constituer un bataillon polyvalent avec du personnel d'Active et ont servi au sein de la force multinationale, dans le cadre de missions de maintien de la paix dans le Sinaï. Plus récemment, un détachement de soldats de la Garde Nationale de l'Armée de Terre a pris part à des missions de maintien de la paix dans l'ex-République Yougoslave de Macédoine.

A ce jour, un total de 17 542 réservistes ont été mobilisés pour apporter leur soutien aux opérations en Bosnie. Actuellement, avec des rotations de 270 jours, nous avons 586 réservistes servant aux Etats-Unis, en Hongrie, en Allemagne et en Bosnie. Ces chiffres ne comprennent pas 10 000 autres qui se sont déployés volontairement en Bosnie.

Des unités des forces de Réserve rejoignent leurs homologues des forces d'Active, dans le cadre d'opérations d'aide humanitaire dans plus de 40 pays en voie de développement, partout dans le monde.

Vous êtes conscients des dégâts considérables causés par les ouragans Mitch et George en Amérique Centrale. Des membres de nos éléments de Réserve ont répondu et ont apporté leur soutien au Commandant en Chef du Commandement Sud des Etats-Unis, au cours des opérations d'aide organisées en trois phases : réponse immédiate à la situation d'urgence, réhabilitation et restauration.

Un élément de notre stratégie d'engagement en temps de paix utilise plusieurs missions pour soutenir et façonner l'environnement international. Les réservistes jouent un rôle important et utile grâce au Partenariat pour la Paix et à d'autres programmes bilatéraux qui sont "dans l'esprit du Partenariat pour la Paix".

L'année dernière, les réservistes ont fourni un peu moins de 10 millions de jours d'aide à nos missions routinières de soutien en temps de paix et d'engagement outre-mer. C'est une nouvelle façon de faire des affaires, où les réservistes ou les unités remplacent leurs homologues des forces d'Active dans le cadre d'exercices ou d'activités d'engagement.

Ils remplacent également le personnel des éléments d'Active en assurant le ravitaillement, le transport aérien, le transport et autre soutien logistique qui devrait sinon être assuré par du personnel des éléments d'Active. Par exemple, les réservistes de la Marine remplissent toutes les missions de transport aérien lourd de la Marine et les unités des forces de Réserve de l'Armée de Terre remplacent régulièrement des unités d'Active qui se sont déployées ailleurs ou à la place des forces d'Active surengagées.

Les réservistes font également la lien entre la communauté civile et militaire. L'aide qu'ils octroient lors de situations d'urgence et de catastrophes accentue l'utilité des militaires pour les citoyens américains. Les programmes civils et militaires améliorent la disponibilité opérationnelle militaire en capitalisant sur le temps d'entraînement des forces de Réserve au profit à la fois de l'unité et des communautés qu'ils soutiennent.

L'année dernière, les éléments de Réserve ont fourni environ 1,2 million de jours d'aide aux communautés et aux autorités civiles. L'entraînement novateur à la disponibilité opérationnelle (Innovative Readiness Training) est un programme qui combine un entraînement à la disponibilité opérationnelle militaire solide et contribue en même temps à reconstruire l'infrastructure d'une nation. Premièrement, en utilisant les forces de réserve pour construire des routes dans des régions éloignées de l'Alaska, des salles de classe dans des réserves indiennes du Grand Sud-Ouest et même en pêchant au large des récifs des côtes de l'ensemble du pays.

Deux autres programmes montrent le soutien apporté par les forces de Réserve aux autorités civiles :

" Starbase " : nous utilisons le matériel militaire de haute technologie et les infrastructures d'entraînement de niveau international dans le cadre d'un programme de cinq millions de dollars, visant essentiellement à atteindre la jeunesse défavorisée des quartiers déshérités.

Défi : le Programme "Défi Jeunesse de la Garde Nationale" utilise l'infrastructure de base militaire existante, l'associe aux combinaisons exceptionnelles de l'aptitude d'enseignement militaire et civil des soldats et du citoyen et traite un des problèmes qui s'amplifie : celui des étudiants qui abandonnent leurs études et se retrouvent sans emploi. Il s'agit d'adolescents ayant abandonné leurs études et souhaitant rejoindre, pendant cinq mois et demi, un environnement quasi militaire. Ils doivent se familiariser aux qualités de chef, aux aptitudes pour affronter la vie, à l'autodiscipline tout en obtenant un diplôme équivalent à celui d'un établissement d'enseignement secondaire. Presque 80 % obtiennent ce diplôme et tous nos diplômés sont proposés pour une année supplémentaire après le retour vers leurs communautés.

FINANCEMENT

Les forces de Réserve constituent une alternative rentable, lorsque vous ne pouvez pas vous permettre d'avoir des quantités importantes de forces d'Active. Bien qu'elles comprennent environ 50 pour cent de la force, elles représentent environ 8 pour cent du budget d'exploitation.

Cela ne signifie pas que vous pouvez maintenir les forces de Réserve à un tel pourcentage. Les forces de Réserve ont l'appui des armées en ce qui concerne les acquisitions et les installations et ont accès aux écoles et aux infrastructures d'entraînement des forces d'Active, ce qui n'apparaît pas dans ces chiffres.

Une fois rendues opérationnelles, elles risquent de coûter aussi cher sinon plus que les forces d'Active, en raison des exigences liées à l'entraînement après la mobilisation.

CONTRIBUTION DES ÉLÉMENTS DE RÉSERVE À LA FORCE TOTALE AU COURS DE L'ANNÉE 1998

Notre politique relative au personnel des forces de Réserve nous permet d'atteindre son niveau actuel d'environ 13 millions de jours de soutien. Cela est révélateur pour deux raisons :

- Premièrement, nous aurions dû avoir besoin de 35 000 membres supplémentaires du personnel d'Active pour atteindre le même niveau d'effort.

- Deuxièmement, il apparaît que nous ayons atteint un palier. Si nous mettons cela en corrélation avec les données sur le terrain, il ressort que nous avons probablement atteint le seuil de participation en temps de paix par nos réservistes.

En conséquence, nous écartons notre politique d'utilisation accrue en faveur d'une utilisation plus efficace de leurs aptitudes et de leur niveau d'aide et au sein de plusieurs nouvelles missions.

FUTURS DÉFIS ET MISSIONS

Reconnaissant les résultats que les réservistes obtiennent tout au long de la gamme des opérations militaires, le Secrétaire à la Défense a prodigué des conseils sur l'abolition de toutes les frontières structurelles et culturelles au profit de l'intégration de la force totale. Il en résulte que des progrès constants ont été réalisée à tous les niveaux du Ministère de la Défense.

Nos Centres de Renseignement des forces de Réserve Interarmées constituent un modèle de création d'organisations de forces de Réserve Interarmées fonctionnellement responsables, capables d'apporter un soutien quotidien en temps de paix aux commandants en chef régionaux de 27 endroits aux Etats-Unis. Pendant les week-ends de manoeuvres et les stages d'entraînement annuels, le personnel du Renseignement des forces de Réserve apporte à nos commandements un soutien varié en matière de Renseignement.

La stratégie pour faire face aux attentats terroristes à l'avenir est appelée stratégie de "Défense de la Patrie (Homeland Defense). La responsabilité des éléments des forces de Réserve pour cette stratégie ne situe à deux niveaux : réponse militaire face aux accidents liés aux Armes de Destruction Massive et Opérations d'Information.

Les équipes de Détection Initiale et d'Evaluation Rapide des forces de Réserve (équipes "RAID") sont constituées dans 10 régions géographiques pour aider des agences fédérales d'Etat et locales à estimer la situation relative aux Armes de Destruction Massive. Les équipes "RAID" fourniront les moyens et l'entraînement nécessaires aux experts civils dans le cadre d'estimation nucléaire, biologique et chimique rapide, de détection, de décontamination, de reconnaissance et de communications.

De nombreux réservistes possèdent des aptitudes civiles liées à l'informatique et travaillent pour des sociétés spécialisées dans les techniques de pointe. Leur expérience et leur parfaite connaissance des technologies des systèmes les placent pour être à la tête de la mission naissante liée à l'Assurance en matière d'Information et les Opérations d'Information.

Etant donné que de nombreux réservistes habitent très loin de leur site de manoeuvre, l'utilisation de technologies d'apprentissage à distance minimise les temps de trajet sur ce site et leur permet de passer plus de temps à s'entraîner. De la même façon, notre travail avec les Centres de Renseignement des forces de Réserve Interarmées prouve que nous pouvons utiliser les technologies existantes pour "travailler à distance".

L'emploi accru de réservistes nécessite d'améliorer leur qualité de vie et de résoudre de nombreux problèmes d'équité qui jouent sur le moral.

Certaines initiatives incluent : prestations dentaires, prestations maladie, accès accru aux économats militaires et prestations décès. Nous avons récemment eu un accident d'avion où une partie de l'équipage était du personnel d'active et l'autre, des réservistes. Les épouses des disparus reçurent différentes prestation alors que le personnel militaire accomplissait la même mission. Cela n'est pas juste et nécessite que nous y prêtions attention.

SOUTIEN DE L'EMPLOYEUR

Pour satisfaire les exigences que nous attendons du réserviste, nous devons admettre qu'il a des obligations importantes à l'égard de son employeur. Par conséquent, il est primordial qu'il y ait un soutien de l'employeur pour les fonctions militaires des réservistes.

Aux Etats-Unis, nous avons instauré une législation qui garantit son emploi au réserviste, dut-il être appelé au service actif. Toutefois, il revient à l'employeur de prendre en charge les frais liés à son absence et de protéger le poste de l'employé jusqu'à son retour. Dans de nombreux cas, les employeurs sont d'un grand soutien. Dans d'autres, ils agissent ainsi uniquement parce que la loi l'exige.

Le Comité National pour le Soutien des Employeurs de la Garde Nationale et des Forces de Réserve (NCESGR) nous aide à nous assurer que nous obtenons ce soutien, que les employeurs comprennent l'importance de ce que fait leur personnel et qu'ils ont bien connaissance également des lois qui protègent l'emploi du Réserviste pendant les périodes de mobilisation.

CONSTRUIRE UNE PORCE DE RÉSERVE EFFICACE

Notre expérience a prouvé que le réserviste devait être totalement qualifié dans ses aptitudes militaires. Cela signifie que les tâches et les normes doivent être clairement établies. Tous nos réservistes engagés suivent les mêmes cours de base que le soldat d'active. Les officiers suivent les cours des mêmes écoles. Nous engageons également un grand nombre d'anciens éléments d'Active dans la force de Réserve.

Ils doivent être dotés de matériel compatible avec celui de la force d'Active. Il ne doit pas forcément s'agir des modèles les plus récente mais ils doivent leur permettre d'opérer efficacement avec la force d'Active.

Ils doivent être affectés à des missions spécifiques et posséder suffisamment d'argent, de personnel, de matériel et de temps pour accomplir la mission.

Ils doivent être entraînés et ne peuvent pas constituer une force en dernier recours. Avoir recours à eux leur assure une expérience opérationnelle ainsi qu'une mobilisation et une formation au déploiement. Cela intensifie leur niveau de disponibilité opérationnelle et forge la confiance entre eux et la force d'Active.

Les éléments des forces d'Active dépendent de leur disponibilité. Par conséquent, des codes et réglementations légales ont été instaurés pour garantir une facilité d'accès aux forces de Réserve.

*

* *

A la suite de cet exposé, le capitaine de vaisseau Gregory Robert Ostrowski a répondu aux questions des commissaires. Il a précisé à l'intention de M. Serge Vinçon, rapporteur, que les réservistes bénéficiaient d'une solde identique à celle versée aux militaires professionnels. Il lui a également indiqué que le recrutement des réservistes, qui n'avait soulevé aucun problème particulier pendant les vingt-cinq dernières années, rencontrait aujourd'hui certaines difficultés, qui restaient toutefois limitées. Il a également observé que les absences répétées des réservistes de leur poste de travail liées à leur appel dans le cadre d'opérations extérieures étaient parfois considérées comme une contrainte excessive aux yeux de l'employeur et du salarié.

Il a également répondu aux interrogations de M. Emmanuel Hamel en rappelant que l'armée américaine avait eu recours à 250.000 réservistes pendant la guerre du Golfe et à quelque 18.000 réservistes en Bosnie. Il a ajouté que la durée moyenne de service était en principe de six mois mais pouvait souvent atteindre neuf mois. Il a par ailleurs rappelé qu'il avait été décidé en 1973, dans le cadre de la restructuration des réserves, qu'aucune force militaire ne serait désormais engagée sans une participation de la réserve. Il a en outre précisé que les infrastructures destinées aux réservistes étaient très majoritairement implantées sur le territoire américain et qu'elles avaient vocation à accueillir également des militaires professionnels afin de favoriser l'intégration entre forces de réserve et forces d'active.

Enfin, le colonel Grégory Robert Ostrowski a indiqué à M. Xavier de Villepin, président, que les réservistes étaient tenus à une disponibilité de huit ans dans le cadre de leur engagement et que les délais de mobilisation, en principe fixés à 24 heures, pouvaient en réalité atteindre une semaine.

Audition de M. Guy TEISSIER, Député,
Ancien parlementaire en mission auprès du Premier ministre

le 31 mars 1999

Monsieur le Président,

Monsieur le Rapporteur,

Mesdames, Messieurs les Sénateurs,

Mes Chers Collègues,

Avant toute chose, je souhaite vous dire combien je suis sensible au fait que votre commission ait émis le souhait de m'auditionner dans le cadre de la préparation du prochain débat parlementaire sur le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

Ce texte qui nous est présenté et dont l'examen débutera par le Sénat, constitue le dernier pilier de la professionnalisation de nos armées, engagée par le Président de la République. Il fait suite :

- au projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées ;

- au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 1997-2002 ;

- au projet portant réforme du service national.

Le choix d'une professionnalisation totale de nos forces armées accompagné logiquement de la suppression du service national obligatoire fait entrer notre système de défense dans une aire nouvelle, dont toutes les conséquences n'ont sans doute pas encore été appréhendées à ce jour.

Notre pays dispose d'une longue tradition de recours aux réserves pour faire face aux menaces graves qui ont mis en cause la survie même de la Nation. A trois reprises au cours de ce siècle, dont deux de façon massive, les réserves militaires ont été mobilisées pour assurer la défense du pays.

Aujourd'hui, il s'agit de concevoir un dispositif entièrement nouveau qui ne fera plus, dans l'avenir prévisible, du recours aux réserves l'ultima-ratio de notre défense. Un concept nouveau d'emploi des réserves doit accompagner le concept nouveau d'emploi de nos forces armées défini par le Président de la République et le Parlement. Il convient en effet d'aller au-delà de la seule affirmation de la disparition d'une menace militaire majeure sur notre territoire pour élaborer un concept nouveau et adapté.

Toute la difficulté de la démarche réside, comme pour les autres défis que doit relever la professionnalisation, dans notre défaut complet d'expérience propre sur ce que devront être à l'avenir nos réserves, de la façon dont elles se constitueront comme de leur organisation et de leur gestion.

C'est la raison pour laquelle à l'occasion du rapport qui m'avait été confié par Monsieur le Premier ministre et Monsieur le Ministre de la Défense, je me suis tourné sans complexe vers des expériences étrangères là où des réserves professionnelles coexistent avec des armées professionnelles de manière à en tirer les règles essentielles pour les adapter ensuite aux particularités de notre culture nationale.

Il ne peut être concevable de se lancer dans la rénovation de nos réserves sans s'interroger initialement sur ce à quoi doit répondre cet ensemble dans le futur. En un mot, pourquoi avons-nous besoin de réserves et que voulons-nous leur faire faire ?

La reconnaissance est quasi-unanime de la grande variété, et donc de la grande incertitude concernant la nature des menaces auxquelles notre pays peut être confronté au cours des 20 et 30 années à venir. Plutôt que de conduire à la remise en cause des principes inscrits dans l'ordonnance de 1959, il apparaît que le seul moyen de garantir l'avenir de la sécurité de notre pays est de revenir aux sources de la notion de défense globale contenue dans l'ordonnance. Globalité à un double titre : globalité de la sécurité qui associe toutes les forces militaires et civiles qui y concourent ; globalité des moyens en associant étroitement ceux qui font profession de garantie de la sécurité et ceux qui veulent et peuvent y participer à temps partiel dès lors que les circonstances le nécessitent.

En effet, il convient de surmonter la contradiction qui naît de la nécessité d'une part de disposer des moyens optima pour faire face à toutes les menaces et d'autre part de ne pas grever exagérément les ressources budgétaires du pays pour l'entretien de moyens trop importants. A mon sens, le recours à la réserve constitue le compromis qui permet de disposer des moyens adaptés aux besoins sans avoir à entretenir en permanence les hommes et les femmes qui doivent les mettre en oeuvre.

La longue tradition d'une force militaire de réserves d'un volume considérable, comme le rôle essentiel tenu par elle, à l'occasion des deux grands conflits mondiaux de ce siècle laisse à penser que le principe est bien établi, dans nos forces armées, de la prise en compte de la réserve dans la préparation de l'ensemble des forces. Bien plus, la lente mise en oeuvre du plan réserve 2000 peut apparaître comme une évolution nécessaire qui permet de satisfaire les besoins qui ont pu apparaître, à échelle réduite, au cours de dernières années pour nos engagements militaire. Le sujet est donc familier et ne devrait pas, en principe, nécessiter qu'on y consacre une attention particulière dans cette période de réforme radicale.

Toutefois, l'observation de la réalité produit à insister sur la nécessité et l'ampleur de la réforme à entreprendre.

Il n'est sans doute pas utile de revenir abondamment sur les anecdotes qui ont émaillé l'histoire récente de la réserve, relatives aussi bien à la vétusté des matériels dont elle est dotée, à l'illusion sinon à la dérision provoquée par la convocation d'unités de réservistes, qu'à la condescendance avec laquelle les unités d'active considéraient encore hier la réserve, comme davantage de contraintes dominicales que de satisfaction opérationnelle.

Par ailleurs si , dans la globalité de la réforme de la défense aujourd'hui entreprise, l'accent a été mis à juste titre sur la professionnalisation et la déflation des unités, comme sur la nécessaire restructuration de l'industrie d'armement, les principes établis pour l'avenir de la réserve restaient jusqu'à un passé récent encore trop généraux et trop imprécis. Car, plus qu'un changement d'échelles, la professionnalisation des forces induit une révolution qui est en train de transformer la nature même de notre réserve militaire.

Il aurait pu être concevable de rester dans la continuité des principes d'emploi et de gestion de la réserve qui prévalent depuis le début du siècle et qui n'ont connu qu'une évolution limitée au sein d'une logique inchangée. La réserve était nombreuse, alimentée par tous les appelés qui avaient effectué leur service militaire et instruite pendant le service militaire, ce qui ne demandait que peu d'effort dans ce domaine, notamment pour la troupe. Environ 4 millions de réservistes étaient donc, dans ce but, répertoriés et gérés dans les bureaux du service national et les centres mobilisateurs, sans que personne connaisse très bien la situation personnelle de ces administrés.

La pratique de ces errements aurait pu se poursuivre pour les 100 000 réservistes prévus pour l'avenir sauf pour quelques rares spécialistes dont le besoin s'est fait sentir au cours des dernières années dans nos interventions extérieures. Raisonner ainsi serait en fait profondément méconnaître les conséquences de l'instauration d'une armée entièrement professionnalisée comme le prouvent tous les exemples étrangers.

Un aperçu de ce que devrait être notre réserve a été fourni par l'expérience de la guerre du Golfe. Seuls des professionnels y ont participé mais avec le renfort indispensable de quelques officiers de réserve pour tenir des emplois très précis auxquels les militaires d'active n'étaient pas préparés. Il s'est alors agi de trouver les individus aux compétences bien spécifiques dont les armées avaient absolument besoin. De plus, au fil des semaines puis des mois, s'est posé avec de plus en plus d'acuité le problème de la relève des unités engagées.

Avec la professionnalisation totale de nos forces cette évolution permettra à l'avenir de mieux répondre à ce besoin qui ne s'est finalement pas concrétisé en raison de la brièveté du conflit.

Mais la réduction des effectifs professionnels entraînera quasi certainement un recours à d'autres unités. La force d'une réserve, certes moins nombreuse, pourra donc venir renforcer les forces d'active, d'où l'importance du texte qui est soumis à votre examen aujourd'hui.

Cette réserve devra donc être parfaitement connue, instruite, identifiée comme apte à tenir des emplois spécialisés en tous temps et en tous lieux.

On voit bien alors qu'une telle composante de nos forces ne peut être sollicitée qu'à la condition que son emploi repose sur une légitimité et donc sur un concept de participation à la défense du pays, indiscutable et donc connu de tous. Précisément, le texte du Gouvernement dispose, dans son article 2, que " la réserve est une composante à part entière des forces armées. Son emploi concourt à renforcer en cas de besoin leurs capacités, afin que soient assurés en tous temps et en toutes circonstances, la sécurité et l'intégrité du territoire, la vie de la population, la protection des intérêts économiques et le respect des engagements internationaux de la France. Elle a également pour rôle d'entretenir le lien entre l'armée et la Nation . " Je note avec satisfaction cette définition, qui curieusement, reprend à quelques mots près celle contenue dans ma proposition de loi et qui me paraît être de nature à clarifier les missions et le concept dans lequel s'inscrit cette réforme.

J'aurais par contre souhaité, pour la cohérence du texte, que cet article en quelque sorte fondateur soit le premier du présent projet de loi, ce qui n'est pas le cas puisque le Gouvernement préfère mettre en exergue le principe de volontariat dans son article premier.

Restant sur la forme et les similitudes retrouvées dans ce texte, je constate également avec satisfaction que les conditions pour l'accès à la qualité de réserviste, le principe de l'honorariat du grade, la qualité militaire du réserviste, l'emploi, le rôle et l'évolution de professionnels à spécialités ou encore l'obligation de disponibilité aux anciens militaires, les relations avec les employeurs, la prime de fidélité et la couverture sociale du réserviste, sont autant de principes fortement inspirés de mon rapport.

En conséquence, il serait indélicat de ma part de ne pas y souscrire, et de critiquer voire de condamner ces dispositions. Par contre, je trouver quelque peu regrettable que le Gouvernement ait décidé de ne pas retenir ma suggestion de créer une Réserve Hautement Disponible et une Réserve plus " classique " pour ne retenir qu'une réserve unique. Cette unicité ne me semble, en effet, pas être le meilleur atout pour faire de la réserve une entité souple, facilement adaptable aux besoins opérationnels.

Par ailleurs, dans sa rédaction actuelle, le Gouvernement propose, je cite " qu'en cas de nécessité, les activités dans la Réserve peuvent être prolongées pour une durée qui ne peut excéder 90 jours par année civile, par décision du ministre, après accord du réserviste et de son employeur ". J'ai tendance à comprendre, à la lecture de cet article, que l'accord du réserviste et de l'employeur serait un accord a posteriori. Or, il me semble au contraire que, pour une période supérieure à 90 jours, il conviendrait que soit signé un accord de disponibilité a priori. J'avoue avoir trouvé la rédaction gouvernementale assez ambiguë, aussi peut-être conviendrait-il de reformuler cette disposition.

Par ailleurs, je déplore que le Gouvernement ait écarté l'idée d'une obligation de disponibilité du personnel des entreprises civiles à la réserve militaire qui me paraissait pourtant constituer une proposition de nature à renforcer les liens entre l'armée et les sociétés civiles oeuvrant pour elle, et surtout comme un juste retour aux choses.

Ces différents exemples non exhaustifs témoignent d'un manque de rigueur de ce projet de loi qui, me semble-t-il, est bien loin de répondre aux ambitions affichées du Gouvernement et contenues dans l'exposé des motifs du projet de loi.

En effet, le Gouvernement nous indique que son objectif est de susciter suffisamment d'adhésions volontaires à servir dans la réserve, en nombre et en qualité, afin d'atteindre les effectifs nécessaires. Je partage bien sûr cette déclaration d'intention. Mais un texte qui ne prévoit pas, par exemple, qu'en cas de renouvellement du contrat d'engagement, le réserviste puisse bénéficier d'une prime annuelle d'instruction ou de contracter des prêts immobiliers à taux bonifiés. Un texte qui ne prévoit pas non plus de permettre aux réservistes ayant 20 années d'ancienneté dans la réserve de bénéficier d'une allocation de formation de vétérance non soumise à l'impôt est un texte qui n'est pas de nature à rendre attrayante la réserve.

Egalement, le Gouvernement nous assure que son but est de convaincre le monde de l'entreprise afin de construire un véritable partenariat actif et durable. Intention louable que j'approuve sans réserve. Mais là aussi, rien n'est prévu pour compenser, par exemple, une absence prolongée du réserviste.

Personnellement j'avais prévu et souhaité que dans le cadre de la convention conclue entre un employeur et l'Etat, les parties fixaient le seuil d'absence du réserviste au-delà duquel des compensations pouvaient être accordées. J'avais également soumis l'idée que, lorsque l'employeur prend à sa charge les coûts liés au remplacement éventuel du réserviste, celui-ci puisse bénéficier d'un crédit d'impôt. Je constate, là également, que le projet de loi est étrangement muet sur ce sujet.

Egalement, et quel paradoxe ! Comment aller expliquer à un militaire que dans le cadre de la professionnalisation il doit s'en aller, quitter les armées et en même temps lui demander de s'investir dans les réserves sans autre motivation que l'amour qu'il porte à sa patrie.

Ma grande crainte, finalement, réside dans le fait que nous nous retrouvions face à une réserve a minima aux effectifs réduits et qui ne sera donc pas en mesure d'assurer son rôle de force d'appoint à notre système professionnel. Les nombreuses références à mes propositions tendent à masquer en réalité les insuffisances du système de réserves tel qu'il nous est proposé.

Il s'agit d'un texte cadre, généraliste, peu ambitieux, qui cache mal les difficultés du Gouvernement dans la rédaction d'un projet de loi à la hauteur des défis à atteindre et des attentes légitimes des mondes militaires et de la réserve. Il est clair que le Gouvernement a imaginé un système de réserves à partir de contraintes budgétaires imposées par Bercy. Alors que la démarche aurait dû être inverse, c'est-à-dire définir un système de réserve qui s'inscrit dans notre stratégie de défense, et oeuvrer par la suite pour dégager les moyens budgétaires correspondants.

*

* *

A la suite de l'exposé de M. Guy Teissier, M. Serge Vinçon, rapporteur, a souhaité connaître son sentiment sur l'équilibre réalisé par le projet de loi entre l'intérêt des réservistes et celui des entreprises, s'agissant notamment de l'autorisation d'absence de droit d'une durée de cinq jours actuellement prévue par le texte. Il a également interrogé M. Guy Tessier sur le rôle de la deuxième réserve, sur l'opportunité de reconnaître dans la loi la possibilité pour les réservistes de participer à des opérations extérieures et, enfin, sur les perspectives de recrutement de réservistes pour occuper des emplois de militaire du rang.

M. Xavier de Villepin, président, a interrogé M. Guy Teissier sur les moyens financiers prévus pour les réserves dans la loi de programmation et sur les délais de convocation des réservistes de la gendarmerie.

M. Robert Del Picchia a souhaité connaître le sentiment de M. Guy Tessier sur les leçons à tirer de la pratique suisse des réserves.

M. Guy Tessier, en réponse aux commissaires, a apporté les précisions suivantes :

- le système des réserves suisses, issu d'une armée de conscription, présentait une forte spécificité et paraissait difficilement transposable dans notre pays ;

- la mise en place d'une réserve hautement disponible, dont l'équipement et l'entraînement seraient alignés sur les pratiques de l'armée d'active, apparaissait indispensable et ne pouvait pas s'appuyer sur la distinction faite dans le projet de loi entre première et deuxième réserves ;

- le recrutement de réservistes appelés à occuper des postes de militaires du rang se présentait sous des auspices peu favorables ; toutefois, les volontaires qui ont fait le choix de s'engager dans les armées sur la base d'un contrat de courte durée représentaient un vivier utile pour la réserve et l'un des instruments indispensables à même de faire perdurer le lien armée-nation ; il restait cependant aux pouvoirs publics à engager un véritable effort de sensibilisation pour encourager le volontariat dans la réserve ;

- l'organisation des réserves au Canada pouvait fournir d'utiles exemples ; ainsi, le système des " cadets " destiné aux adolescents donnait à ces derniers le sens du civisme et les préparait à l'engagement au sein des réserves ; la réserve jouait dans ce pays un rôle essentiel dans la surveillance du territoire ; toutefois, les responsabilités dévolues aux réservistes pouvaient aussi présenter un caractère dissuasif vis-à-vis de l'employeur au moment de l'embauche ;

- la possibilité pour les réservistes de participer à des opérations extérieures pourrait être explicitée dans le texte même du projet de loi ;

- la durée de cinq jours pour une autorisation d'absence de droit pour participer à des activités dans les réserves représentait un minimum, quinze jours pouvant constituer une formule plus souple et plus adaptée ;

- les crédits actuellement destinés aux réserves apparaissaient très insuffisants au regard de la volonté de mettre en oeuvre une véritable réforme des réserves ;

- les délais de convocation des réserves de la gendarmerie devaient prendre en compte la nécessité pour la gendarmerie d'assumer des missions s'apparentant à la défense opérationnelle du territoire (DOT) qui n'entraient pas dans le cadre de ses responsabilités habituelles ; à cette fin, il serait sans doute d'ailleurs utile que soit créé au sein de la gendarmerie un état-major adapté à de telles missions.

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