CHAPITRE II -
DISPOSITIONS SOCIALES ET FINANCIÈRES

Les dispositions contenues dans ce chapitre constituent l'un des volets essentiels du projet de loi car elles définissent pour la première fois un socle de garanties matérielles pour les réservistes. En l'absence d'un tel dispositif, le volontariat n'aurait guère de chance de se développer.

Article 20 -
Rémunération des réservistes au titre de l'engagement dans la première réserve ou au titre de la disponibilité

Premier alinéa : versement de la solde

Le présent article tire les conséquences de l'article 5 du projet de loi qui reconnaît aux réservistes servant au titre d'un engagement de service dans la première réserve ou au titre de la disponibilité la qualité de militaires. Il accorde ainsi aux intéressés, quand ils sont appelés à servir au titre de l'ESR ou de l'obligation de disponibilité, une solde calculé dans des conditions identiques à celles des militaires en activité de même grade, de même ancienneté et de même qualification.

Toute autre activité, indépendante des périodes couvertes par un engagement pour servir dans la première réserve ou d'un rappel au titre de la disponibilité, ne donne aucun droit à solde ou à un quelconque défraiement.

De même, il n'est tenu compte que des services militaires effectifs pour l'appréciation des conditions requises pour un avancement d'échelon dans un grade déterminé.

Par rémunération, il faut entendre la solde brute, l'indemnité de résidence, suivant le lieu d'affectation, éventuellement le supplément familial de solde, l'indemnité pour charges militaires et les indemnités et primes normalement acquises par les militaires de même grade et de même ancienneté, placés dans la même situation ou titulaires de mêmes certificats, diplômes ou brevets militaires.

La solde brute ainsi déterminée subit toutes les retenues appliquées à celle des militaires d'active.

Les soldes versées pour des durées inférieures à un mois donnent lieu à un versement calculé par trentième d'un mois de solde entier.

Deuxième alinéa : octroi d'une prime de fidélité

Ce deuxième alinéa pose pour principe le versement d'une prime de fidélité aux réservistes exerçant une activité au titre de la première réserve. D'une part, cette prime représente une juste récompense pour un engagement durable des réservistes, d'autre part, elle constitue ainsi un atout pour les armées. La fidélisation des réservistes représente en effet un enjeu en effet essentiel au regard d'une triple préoccupation :

- la mise en place d'une gestion prévisionnelle des effectifs,

- la constitution progressive d'une pyramide des âges ,

- un retour sur l'investissements financier consenti au tire de la formation.

En principe, cette prime, dont les modalités d'attribution seront fixées par décret, sera versée aux réservistes qui auront effectué au moins trente jours d'activité dans le cadre d'un engagement de service dans la réserve d'une durée de cinq ans . Son montant correspondra à une somme forfaitaire journalière multipliée par le nombre de jours d'activité réelle accomplis. La prime serait versée avec la dernière solde à la fin de la période de cinq ans.

Par ailleurs, il est prévu d'augmenter la somme allouée en fonction du nombre d'engagements souscrits (plus 25 % pour le second contrat, plus 50 % pour le troisième et plus 75 % au-delà).

Votre Commission estime cependant que l'octroi, tout à fait justifié, de cette prime ne doit pas être exclusif d'autres incitations. C'est pourquoi il convient de prévoir que les réservistes peuvent bénéficier, outre la prime de fidélité, d'autres mesures incitatives dans des conditions prévues par décret.

Cet amendement vise principalement à permettre que des mesures complémentaires puissent être mises en place dans l'hypothèse où le nombre de volontaires au sein de la réserve opérationnelle serait jugé insuffisant.

Votre commission vous propose l'adoption du présent article ainsi modifié.

Article 21 -
Couverture sociale pendant la période d'activité dans la première réserve

Le premier alinéa du présent article rappelle seulement que le droit commun en matière de couverture de risques s'applique aux réservistes. En effet, la couverture des risques maladie, maternité, invalidité et divers reste assurée même en cas d'interruption de suspension du salaire civil, pendant une période d'un an, de date à date.

Le principe posé à l'article L.161-8 du code de la Sécurité Sociale et précisé à l'article R.313-2 du même code s'applique à l'ensemble de régimes obligatoires (régime général, des professions indépendantes, libérales, agricoles).

Dans la mesure où les périodes de réserve sont, en tout état de cause, inférieures à une année, il ne s'avère pas nécessaire de mettre en place un système particulier pour la couverture de ces risques.

Le maintien de l'application a pour contrepartie l'assujettissement de la solde au prélèvement de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale.

Le délai maximal de couverture d'un an n'est toutefois opposable ni aux réservistes, ni à ses ayants droit dans les cas où l'activité militaire se trouve prolongée de fait (disparition, enlèvement, capture).

A l'exception de l'amendement tendant à modifier la désignation de la première réserve, votre commission vous propose l'adoption de cet article sans autre modification.

Article 22 -
Maintien de la qualité de militaire pour le réserviste
en cas de force majeure

Le présent article permet au réserviste dans le cas où, pour force majeure (disparition, enlèvement, capture), la période d'activité se trouve prolongée au-delà de la durée initialement prévue, de conserver au réserviste sa qualité de militaire.

Cette disposition assure ainsi au réserviste, ainsi qu'à ses ayants droit, le maintien de sa protection sociale. De même, la solde continue d'être versée.

A l'exception de l'amendement tendant à modifier la dénomination de la " première réserve ", votre commission vous propose l'adoption de cet article sans autre modification.

Article 23 -
Protection du réserviste dans son contrat de travail

L'article 23 pose pour principe que le réserviste ne doit subir aucun préjudice professionnel du fait de ses activités militaires. Ainsi, il ne peut être ni licencié, ni sanctionné du fait d'une activité dans la réserve effectuée dans les conditions prévues par la loi.

L'article n'offre cependant pas une protection générale aux réservistes. Ainsi, il doit être entendu que, même pendant des périodes de réserve, celui-ci peut être licencié pour raison économique ou pour faute. Il faut seulement que ce licenciement n'ait pas pour origine une absence liée à une activité au titre de la première réserve ou de la disponibilité.

A l'exception de l'amendement tendant à modifier la dénomination de la " première réserve ", votre commission vous propose l'adoption de cet article sans autre modification.

Article 24 -
Suspension du contrat de travail du salarié pendant l'activité dans la première réserve

Cet article prévoit que le contrat de travail du réserviste est suspendu pendant ses activités dans la première réserve dans la mesure où le salarié ne se trouve plus, alors, sous l'autorité de l'employeur .

La jurisprudence de la Cour de cassation a en effet retenu parmi les trois principales caractéristiques du travail dépendant - l'existence d'un lien de subordination , le versement d'une rémunération, l'existence d'une convention- le premier de ces éléments comme critère déterminant.

D'après la Cour de cassation, ce lien de subordination se traduit par plusieurs faits significatifs comme le pouvoir de direction ou de contrôle, l'intégration dans le cadre d'un service organisé par l'employeur ou l'exercice d'une activité accomplie pour le compte et au profit de l'entreprise qui assume le risque économique.

Or, dans le cadre d'une activité accomplie au titre d'un ESR ou de l'obligation de disponibilité, l'intéressé échappe incontestablement à l'autorité de son employeur. Dans ces conditions, le maintien du contrat de travail aurait été contraire à l'état du droit.

Toutefois, la volonté de protéger les intérêts du salarié réserviste a conduit à retenir la notion de suspension du contrat de travail. Cette disposition permet une interruption momentanée de la vie du contrat. Dès lors, les parties peuvent se dispenser de l'obligation d'en assumer certaines clauses : ainsi le réserviste ne sera pas tenu d'apporter sa prestation de travail et, de son côté, l'employeur pourra suspendre ou non le paiement du salaire . A l'issue de la suspension, le contrat est naturellement rétabli dans toutes ses clauses.

La liberté laissée à l'employeur de suspendre ou non le paiement du salaire obéit à un double motif.

En premier lieu, elle répond à un principe fondamental du code du travail rappelé récemment par le Conseil d'Etat (19 décembre 1996) : " la rémunération ne correspondant pas à du travail effectif ne peut être décidée que conformément à des usages et à des conventions collectives, c'est-à-dire par les partenaires sociaux eux-mêmes ".

Ensuite, cette liberté apparaît comme une condition de l'adhésion des entreprises à la réforme des réserves. Un maintien obligatoire du salaire aurait ainsi sans doute dissuadé les entreprises de donner leur accord aux demandes d'autorisation d'absence du réserviste au-delà des cinq jours prévus par l'article 9 de la loi.

En fait, comme le précisait d'ailleurs le Conseil d'Etat, il revient à l'employeur d'accorder de sa propre initiative, dans le cadre de conventions ou d'accords collectifs, le maintien du salaire.

Aux termes des conventions déjà signées, la moitié des réservistes salariés perçoivent déjà intégralement leur rémunération civile pendant l'accomplissement de leurs périodes. Une politique de communication adaptée devrait permettre de développer la signature de telles conventions.

Malgré la suspension du contrat de travail, la loi permet le maintien des avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droit aux prestations sociales.

Le maintien des avantages conventionnels en matière de couverture sociale pose un problème particulier dans la mesure où les contrats de prévoyance souscrits par les entreprises au bénéfice de leurs salariés excluent généralement de leurs garanties les sinistres survenus pendant une période de réserve . L'employeur sera alors contraint de souscrire une assurance supplémentaire au profit du salarié en période de réserve. Cette obligation ne paraît guère compatible avec l'esprit général du projet de loi fondé sur la recherche d'une adhésion des entreprises à la politique des réserves. Pour autant, il ne semble pas possible de refuser aux salariés réservistes les avantages souvent importants qui résultent des conventions collectives. La promotion du volontariat y perdrait à coup sûr. C'est pourquoi il apparaît indispensable que le Gouvernement, en liaison avec le MEDEF, entame des démarches auprès des compagnies d'assurance afin de la convaincre d'introduire systématiquement dans les contrats de prévoyance proposés aux entreprises une couverture du " risque réserve ".

Sous réserve de l'amendement tendant à modifier la désignation de la première réserve, votre commission vous propose l'adoption de cet article sans autre modification.

Article 25 -
Position des fonctionnaires exerçant une activité dans la première réserve

Le présent article permet aux fonctionnaires d'être placés en position d'" accomplissement du service national " quand la durée de leur service au titre de l'Etat ou de l'obligation de disponibilité ne dépasse pas trente jours et en position de détachement au-delà de cette durée.

La position d'" accomplissement du service national " est déjà reconnue par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (art. 32). Elle permet que le fonctionnaire qui accomplit une période d'instruction militaire soit mis en congé avec traitement pour la durée de cette période. Aux termes de l'article L.2 du code du service national, cet avantage ne peut toutefois excéder la durée maximale des obligations militaires due au titre de la réserve, soit 30 jours par an .

La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives, respectivement à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, établissent le même dispositif.

Par ailleurs, le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions du fonctionnaire de l'Etat autorise (art. 14-13) le détachement d'un fonctionnaire pour contracter un engagement dans une formation militaire de l'armée française .

Malgré la suspension de l'appel sous les drapeaux à compter du 1 er janvier 2003, la position " d'accomplissement du service national " doit être conservée de manière d'une part, à couvrir les obligations nouvelles résultant de la création de l'appel de préparation à la défense et, d'autre part, la période normale de 30 jours par an au titre de l'ESR. Il faut toutefois prévoir le cas où l'activité peut être portée à 60, voire 120 jours par an. C'est pourquoi le projet de loi a retenu pour les périodes supérieures à 30 jours le principe de la position de détachement.

Fallait-il, comme l'aurait alors permis la position d'" accomplissement du service national ", compte tenu de la remise en cause des limites habituelles à la durée des périodes, maintenir le traitement du fonctionnaire réserviste au-delà des 30 jours ?

En prévoyant qu'au-delà des 30 jours, le fonctionnaire est placé en position de détachement , le projet de loi a finalement reconduit la situation antérieure.

Certes, on peut estimer que la situation faite au fonctionnaire dans le cadre de la position d' "accomplissement du service national " l'avantage par rapport au réserviste du secteur privé. Toutefois, le choix de placer le fonctionnaire en congé sans traitement aurait, d'une part, marqué un recul par rapport au dispositif existant. Par ailleurs, il importe de le rappeler, une grande partie des salariés du secteur privé bénéficie du cumul de leur rémunération et de la solde.

Convenait-il dès lors de renoncer à verser une solde aux réservistes de la fonction publique au risque de méconnaître la qualité de militaire reconnue à tout réserviste ? C'eut été, en outre, une source supplémentaire de complexité dans la gestion du dispositif.

Le cumul de la solde a donc été autorisé tout en limitant cette possibilité à la limite de 30 jours par an, conformément aux dispositions en vigueur actuellement.

Des dispositions analogues seront prises en faveur des agents publics contractuels dans le cadre d'un décret.

A l'exception de l'amendement tendant à modifier la désignation de la première réserve, votre commission vous propose l'adoption de cet article sans autre modification.

Article 26 -
Régime d'indemnisation du réserviste victime de dommages

Cet article a pour objet de définir les conditions d'indemnisation du réserviste en cas de dommages subis dans le service lorsque la responsabilité de l'Etat est engagée. La référence aux règles du droit commun pour le calcul de la réparation permet d'assurer une meilleure couverture du risque professionnel.

En effet, elle conduit à distinguer divers préjudices dont l'indemnisation vient en complément de forfait de pension. Les règles du droit commun sont totalement indépendantes des dispositions statutaires propres aux militaires, ainsi que des conditions d'imputabilité au service et des éléments de calcul servant à l'attribution des pensions militaires. Toutefois, l'application du droit commun implique le respect de principe et de règles pratiques résultant de la jurisprudence des tribunaux civils et administratifs pour l'ouverture du droit à réparation, l'évaluation des dommages et le calcul des indemnités.

Votre commission vous propose l'adoption de cet article sans modification.

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