II. UN PROJET DE LOI QUI RENFORCE LES POUVOIRS ET L'INDEPENDANCE DE L'ORGANISME CHARGÉ DES ENQUÊTES TECHNIQUES

A. UN TEXTE QUI RÉPOND À DEUX OBJECTIFS : TRANSPOSER LA DIRECTIVE N° 94/56/CE ET COORDONNER LES ENQUÊTES TECHNIQUES ET JUDICIAIRES

Le premier objectif du projet de loi est de transposer en droit interne la directive n° 94/56 du Conseil de l'Union européenne du 21 novembre 1994 qui tend à harmoniser les principes fondamentaux régissant les enquêtes techniques sur les accidents et les incidents au sein de l'Union européenne.

Cette directive devait être transposée depuis le 21 novembre 1996. Il convenait par conséquent d'introduire dans le code de l'aviation civile les dispositions d'ordre législatif qu'elle contient. Ces dispositions portent sur l'obligation d'une enquête en cas d'accident ou d'incident grave, l'indépendance fonctionnelle de l'organisme chargé des enquêtes, les pouvoirs d'investigation des enquêteurs et la diffusion des rapports d'enquête.

La transposition de ces dispositions supposait de revoir le régime juridique de l'enquête technique qui repose actuellement sur une base réglementaire très succincte et, sur un certain nombre de points, en contradiction avec la directive.

Dans l'ensemble, les mesures prévues par la directive ne devraient cependant pas entraîner un bouleversement de la procédure appliquée lors des enquêtes techniques. En effet, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires définissant les modalités des enquêtes techniques, le BEA s'est largement inspiré, dans sa pratique, des recommandations de l'annexe 13 de la convention de l'OACI que la directive reprend.

L'application en droit interne de ces dispositions conduit toutefois à accroître de façon significative les garanties d'indépendance de l'organisme chargé des enquêtes techniques et à renforcer les pouvoirs d'investigation des enquêteurs ainsi que le caractère public des rapports d'enquêtes.

Le deuxième objectif du projet de loi est d'assurer une meilleure coordination entre l'enquête technique et l'enquête judiciaire.

En France, une information ou une instruction judiciaire est généralement ouverte après un accident d'avion. Elle se déroule parallèlement à l'enquête technique, en particulier pendant la phase de détermination des faits.

Ces deux démarches, dont les finalités, les échéances et les contraintes sont différentes, utilisent les mêmes matériaux de base pour leurs travaux. Certains d'entre eux sont uniques. Il s'agit notamment des pièces et équipements de l'avion à expertiser et des enregistrements faits à bord et au sol. Il est donc nécessaire d'organiser leur prélèvement et leur exploitation.

La coordination de l'information judiciaire et de l'enquête technique et administrative fait l'objet de l'instruction interministérielle du 3 janvier 1953. Il ne s'agit cependant que d'un document à caractère indicatif qui n'est pas parvenu à pallier de façon satisfaisante l'absence d'un véritable statut législatif de l'enquête technique.

L'absence d'une définition formelle des objectifs des enquêtes techniques et d'un statut garantissant l'indépendance de l'organisme en charge des enquêtes est, en effet, source de malentendus et a parfois conduit à jeter le soupçon sur les objectifs d'une enquête jugée dans certains cas proche des intérêts des administrations et industries de l'aviation civile.

L'absence de règles de procédure claires a également entraîné des difficultés pratiques et juridiques insolubles. Ainsi, en l'absence de disposition légale autorisant explicitement les enquêteurs techniques à accéder au lieu de l'accident, certains juges ont pu, par crainte que l'intervention des enquêteurs techniques n'entache de nullité la procédure judiciaire, leur refuser l'accès à l'épave, empêchant toute investigation technique. Dans d'autres cas, l'absence de règles relatives à l'accès aux enregistreurs de bord a également contribué, dans certaines enquêtes, à un climat de suspicion, aboutissant même à des perquisitions chez les enquêteurs techniques.

Bien que la bonne volonté de la plupart des intervenants limite le nombre de cas où les difficultés se transforment en blocage, les risques de chevauchement ou d'interférence entre les enquêtes judiciaire et technique existent en permanence. Il importait donc d'organiser une coopération entre enquêtes technique et judiciaire qui, tout en préservant les prérogatives de l'autorité judiciaire, permette aux enquêteurs d'accomplir sans délai leur mission.

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