II. LA CONVENTION DU 21 NOVEMBRE 1947 : UN TEXTE CONFORME AUX PRINCIPES GÉNÉRAUX RÉGISSANT LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
La
convention du 21 novembre 1947 présente la particularité de
s'appliquer non pas à une seule, mais à un ensemble
d'organisations, ayant pour point commun de relever du système des
Nations unies.
Son contenu est très proche de celui de la convention du 13
février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations
unies.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION
En
application de son article premier,
la convention sur les privilèges
et immunités des institutions spécialisées des Nations
unies couvre les organisations suivantes :
- l'Organisation internationale du travail (OIT) dont le siège est
à Genève,
- l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO),
dont le siège est à Rome,
- l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la
culture (UNESCO) dont le siège est à Paris,
- l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) dont le
siège est à Montréal,
- le Fonds monétaire international (FMI) dont le siège est
à Washington,
- la Banque mondiale (ex Banque internationale pour la reconstruction et le
développement -BIRD), dont le siège est à Washington,
- l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dont le siège est
à Genève,
- l'Union postale universelle (UPU) dont le siège est à Berne,
- l'Union internationale des télécommunications (UIT) dont le
siège est à Genève.
Elle s'applique également à
"toute autre institution
reliée à l'Organisation des Nations unies conformément aux
articles 57 et 63 de la charte",
ce qui vise notamment :
- l'Organisation météorologique mondiale (OMM) qui siège
à Genève,
- l'Organisation maritime internationale (OMI) qui siège à
Londres,
- l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)
qui siège à Genève,
- le Fonds international de développement agricole (FIDA) qui
siège à Rome,
- l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel
(ONUDI) qui siège à Vienne.
La convention comporte des
"clauses standard"
qui s'appliquent à
l'ensemble des organisations mais celles-ci peuvent être adaptées,
par chaque organisation, dans le cadre d'une annexe à la
convention.
B. L'ÉTENDUE ET LES LIMITES DES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS DES INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES DES NATIONS UNIES
La
convention rappelle, dans son préambule, la résolution
adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies
le 13 février 1946 en vue d'unifier, dans la mesure du possible, les
privilèges et immunités dont jouissent l'ONU et les
différentes institutions spécialisées.
Cette démarche a justifié la rédaction d'une
convention
unique pour l'ensemble des institutions spécialisées
et
l'adoption de dispositions analogues pour l'essentiel à celles de la
convention sur les privilèges et immunités des Nations
unies.
1. Les privilèges et immunités des organisations
Après avoir reconnu, dans l'article 2, la
personnalité juridique des institutions spécialisées,
qui ont la capacité de contracter, d'acquérir et de disposer
des biens immobiliers et mobiliers et d'ester en justice, la convention
énumère les privilèges et immunités dont elles
bénéficient (article 3).
Il s'agit tout d'abord de
l'immunité de juridiction,
pour
elles-mêmes, leurs biens et leurs avoirs, de
l'inviolabilité de
leurs locaux,
de leurs archives et documents et de la
liberté de
détenir et de transférer des fonds.
En
matière fiscale,
les institutions spécialisées
sont
exonérées de tout impôt direct, de tout droit de
douane
et de toute restriction d'importation ou d'exportation à
l'égard de leurs publications et d'objets nécessaires pour leur
usage officiel.
L'article 4 leur reconnaît toutes
facilités de communications,
sur la base du traitement le plus favorable accordé aux missions
diplomatiques, et pose le principe du respect du secret de leurs
correspondances.
2. Les privilèges et immunités des représentants des Etats membres
Les
représentants des Etats membres aux réunions convoquées
par une institution spécialisée jouissent, pendant l'exercice de
leurs fonctions et au cours de leur voyage, des privilèges et
immunités suivants (article 5) :
-
immunités d'arrestation ou de détention
et de saisie de
leurs bagages personnels,
-
inviolabilité de tous papiers ou documents,
- droit de faire usage de codes
ou de recevoir des correspondances par
courrier ou valise scellés,
-
exemption de toute mesure restrictive à l'immigration.
Ils bénéficient en outre de
l'immunité de juridiction
pour les actes, les paroles ou écrits émanant d'eux dans
l'exercice de leurs fonctions.
Enfin, ils bénéficient d'une
exemption fiscale,
leur
période de présence auprès de l'institution n'étant
pas considérée, au plan fiscal, comme une période de
résidence.
3. Les privilèges et immunités des fonctionnaires des institutions spécialisées
Les
privilèges et immunités des fonctionnaires des institutions
spécialisées sont définis à l'article 6. Il s'agit
de :
-
l'immunité de juridiction
pour les actes accomplis par eux en
leur qualité officielle,
-
l'exonération d'impôts,
dans les mêmes conditions
que les fonctionnaires de l'ONU, pour leurs traitements et émoluments,
- l'octroi de
facilités de change et de rapatriement
comparables
à celles des agents diplomatiques,
- la
possibilité d'importer en franchise
leur mobilier et leurs
effets lors de leur prise de fonction.
En outre, le directeur général de chaque institution
spécialisée bénéficie des privilèges,
immunités, exemptions et facilités accordés,
conformément au droit international, aux envoyés diplomatiques.
Les annexes adoptées par chaque institution ont étendu cette
disposition à un certain nombre d'autres hauts fonctionnaires (par
exemple le directeur général adjoint et les sous-directeurs
généraux du BIT, les directeurs généraux adjoints,
sous-directeurs généraux adjoints et directeurs régionaux
de l'OMS).
4. Les autres dispositions
La
convention comporte un article 7 relatif à l'
abus des
privilèges.
Il s'agit à la fois de prévoir la saisine de la Cour
internationale de justice, à défaut d'aboutissement des
consultations avec l'institution concernée, lorsqu'un Etat
considère qu'un tel abus s'est produit, et de préciser les cas
dans lesquels les représentants des membres ou les fonctionnaires des
organisations peuvent être contraints de quitter le pays de
résidence s'ils abusent des privilèges qui leur sont reconnus ou
exercent des activités sans rapport avec leurs fonctions officielles.
L'article 8 étend aux fonctionnaires des institutions
spécialisées le bénéfice des
laissez-passer des
Nations unies.
C. LE PROJET DE DÉCLARATION ET RÉSERVES DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
Ainsi
qu'il est d'usage pour l'application d'accords multilatéraux
s'appliquant à un grand nombre d'Etats, dont les intérêts
particuliers ne peuvent être entièrement pris en compte par le
texte, le gouvernement français envisage d'assortir son adhésion
d'un projet de déclarations et réserves.
Ainsi que cela avait été annoncé en avril 1995, ce projet
ne comporte aucune réserve d'ordre fiscal restreignant la portée
des exonérations prévues par la convention.
Soumis au Conseil d'Etat, ce projet se limite aux thèmes faisant l'objet
d'une attention soutenue des pouvoirs publics afin d'éviter en
particulier une utilisation des privilèges et immunités qui ne
serait pas conforme aux objectifs poursuivis par la convention.
Il vise notamment :
- à préciser que les privilèges et immunités ne
s'appliquent pas pour les infractions à la circulation routière
commises par des personnels des institutions spécialisées ne
relevant pas du statut diplomatique,
- à prévoir l'application du droit français sur
l'entrée et le séjour des étrangers aux fonctionnaires des
institutions spécialisées travaillant à l'étranger
et résidant en France.