B. DEUX AMÉNAGEMENTS CRITIQUABLES
Deux articles de première partie se traduisent par des aménagements critiquables : l'article 26 portant aménagement de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France ; l'article 35 bis nouveau portant création de la taxe de l'aviation civile.
1. L'évolution du FARIF
Le fonds
d'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF), qui est un
compte spécial du trésor (n° 902-22), a
été créé en 1990 afin de "dégager des moyens
complémentaires à ceux du budget général pour
résoudre les problèmes liés à la concentration
urbaine de cette région" Il est, pour l'essentiel, alimenté par
le produit de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en
Ile-de-France, que le présent article modifie.
Il finance en Ile-de-France des investissements à partir d'une ressource
prélevée en Ile-de-France. Mais, il constitue un instrument de
péréquation entre collectivités puisque à travers
lui l'Etat fait payer par l'intermédiaire de la taxe les investissements
qui, normalement, devraient faire l'objet d'un prélèvement sur
son propre budget.
L'article 73 de la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire
accentue la vocation péréquatrice du FARIF en prévoyant
que transiteraient par lui les crédits versés à la
région Ile-de-France en compensation de la perte de la dotation globale
de fonctionnement (DGF) de la région. Selon ce texte, "
le produit du
fonds d'aménagement de la région Ile-de-France est affecté
(...) à la région Ile-de-France à due concurrence du
montant du prélèvement effectué sur la dotation globale de
fonctionnement versée à cette région".
Le montant des versements a jusqu'alors été conforme au texte de
l'article 73 : 120 millions de francs en 1995, 240 en 1996, 360
en 1997 et 480 en 1998. Pour 1999, le versement serait de 600 millions de
francs.
Transferts du FARIF à la région Ile-de-France en application de l'article 73 de la LOADT
|
Subventions
|
|
|
1995 |
120 |
0 |
120 |
1996 |
150 |
90 |
240 |
1997 |
240 |
120 |
360 |
1998 |
310 |
170 |
480 |
Conformément à la disposition selon laquelle
"
jusqu'en 1998, la région prendra en charge, à due concurrence
des sommes transférées, les engagements de l'Etat financés
par le fonds"
, les crédits transférés à la
région étaient "affectés" et finançaient les
investissements dans le réseau routier et les transports collectifs que
l'Etat aurait du financer.
Mais à partir de 1999, la région recouvrera une totale
liberté d'utilisation des crédits versés par le FARIF.
Dès lors, une éviction des dépenses d'investissement par
le versement à la région Ile-de-France a été
redoutée, d'autant qu'en l'absence de réforme du mode
d'alimentation du FARIF, la part du versement à l'Ile-de-France dont
l'augmentation est programmée (+ 120 millions de francs par an),
dans les crédits du FARIF aurait été de 35,7 % en
1999.
Part
du versement à la région Ile-de-France dans les recettes du
FARIF
(prévisions ministère de
l'équipement)
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
27 |
30 |
33,7 |
36,5 |
39 |
41,4 |
L'article 26 du projet de loi de finances pour 1999 vise donc à
élargir l'assiette de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France afin
d'accroître les recettes du FARIF de manière à
préserver la capacité de l'Etat à financer les
investissements d'infrastructure en Ile-de-France.
Le gouvernement ayant souhaité que le transfert à la
région Ile-de-France n'entraîne pas de réduction des moyens
d'intervention de l'Etat, il lui fallait calibrer un dispositif susceptible de
rapporter 1.200 millions de francs en 2004, lorsque la DGF de la
région Ile-de-France aura complètement disparu.
L'accroissement attendu a été recherché à travers
une extension de l'assiette de la taxe, qui prend le nom de "taxe sur les
locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de
stockage" au locaux commerciaux et aux locaux de stockage et au moyen d'une
augmentation programmée de son tarif.
Les tableaux suivants retracent l'évolution prévue des tarifs
entre 1999 et 2004 :
Pour les locaux à usage de bureaux
|
1ère circonscription |
2ème circonscription |
3ème circonscription |
|||
|
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
Tarif normal |
Tarif réduit |
1999 |
70 F |
35 F |
42 F |
25 F |
20 F |
18 F |
2000 |
72 F |
36 F |
43 F |
26 F |
21 F |
19 F |
2001 |
74 F |
37 F |
44 F |
27 F |
22 F |
20 F |
2002 |
76 F |
38 F |
45 F |
28 F |
23 F |
21 F |
2003 |
78 F |
39 F |
46 F |
29 F |
24 F |
22 F |
2004 |
80 F |
40 F |
47 F |
30 F |
25 F |
23 F |
Pour les locaux commerciaux
Année |
Surface totale comprise
|
Surface totale égale
|
1999 |
12 F |
30 F |
2000 |
15 F |
36 F |
2001 |
18 F |
42 F |
2002 |
21 F |
48 F |
2003 |
24 F |
54 F |
2004 |
27 F |
60 F |
Pour les locaux de stockage
Année |
Surface totale comprise
|
Surface totale égale
|
1999 |
7F |
14 F |
2000 |
9 F |
17F |
2001 |
11 F |
20 F |
2002 |
13 F |
23 F |
2003 |
15 F |
26 F |
2004 |
17 F |
28 F |
Au terme de cette réforme, les recettes du FARIF évolueraient comme suit.
Evolution des recettes de la taxe sur les bureaux,
les
locaux
commerciaux et les locaux de stockage
(en millions de francs)
|
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
Bureaux |
1676 |
1844 |
1886 |
1941 |
1997 |
2052 |
2108 |
Locaux commerciaux |
0 |
198 |
240 |
282 |
324 |
366 |
408 |
Locaux de stockage |
0 |
178 |
220 |
263 |
305 |
348 |
382 |
Total |
1676 |
2220 |
2346 |
2486 |
2626 |
2766 |
2898 |
Restitution région |
0* |
600 |
720 |
840 |
960 |
1080 |
1200 |
Disponible Etat |
1676 |
1620 |
1626 |
1646 |
1666 |
1686 |
1698 |
* En 1998, la région perçoit un versement mais n'est pas encore libre de disposer à sa guise des sommes en provenance du FARIF
Le
rapporteur général a excellemment exposé les raisons qui
conduisent à refuser l'élargissement de la taxe.
L'amendement
adopté par la commission se traduit par une perte importante des
ressources du FARIF disponibles pour financer les interventions propres de
l'Etat.
Le tableau ci-après rend compte de cet impact.
|
1999 |
2004 |
||
|
Gouvernement |
Commission |
Gouvernement |
Commission |
Bureaux |
1844 |
1844 |
2108 |
2108 |
Commerces |
198 |
99 |
408 |
196 |
Stockage |
178 |
93 |
382 |
179 |
TOTAL |
2220 |
2036 |
2898 |
2483 |
Versement région |
600 |
600 |
1200 |
1200 |
Disponible Etat |
1620 |
1436 |
1698 |
1283 |
Il est souhaitable que cette diminution des moyens trouve des compensations dans des financements alternatifs qu'il convient d'esquisser dès maintenant.
2. L'aménagement du Fonds de péréquation des transports aériens (FPTA) et le nouveau "Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA)
L'instauration par voie d'amendements adoptés lors de
l'examen du projet de loi de finances devant l'Assemblée nationale d'une
taxe d'aéroport et d'une taxe de l'aviation civile s'est
accompagnée d'une réforme du FPTA transformé en FIATA.
On sait que ces deux taxes ont été créées pour
donner une assise juridique plus solide au financement de certaines missions de
transport aérien comme l'a si bien rappelé notre collègue
Yvon Collin dans son rapport sur le projet de loi relatif à
"l'organisation de certains services au transport aérien".
L'extension des missions du FPTA est le résultat de la volonté
d'alléger la fiscalité affectée au budget annexe de
l'aviation civile (contrainte constitutionnelle) en sortant de ce budget annexe
une part des missions d'intérêt général qu'il assume
et du souci d'assurer une certaine péréquation entre
plates-formes aéroportuaires.
Le dispositif retient une extension du compte d'affectation spéciale
n° 902-25 intitulé "Fonds de péréquation des
transports aériens" (FPTA).
Ce fonds, créé par l'article 46 de la loi de finances pour 1995
afin de financer les déficits d'exploitation de certaines lignes
aériennes dites "d'aménagement du territoire" prendrait une autre
dénomination et s'intitulerait désormais "Fonds d'intervention
pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA).
Le FIATA continuerait à assumer cette dernière charge mais il
serait en outre appelé à financer :
a) les dépenses directes de l'Etat en fonctionnement et en capital
concernant les services de sécurité-incendie-sauvetage et la
sûreté, à l'exception des dépenses de personnel ;
b) les subventions aux gestionnaires d'aérodromes en matière de
sécurité-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte
contre le péril aviaire et de mesures effectuées dans le cadre
des contrôles environnementaux ;
c) les frais de gestion ;
d) les restitutions des sommes indûment perçues ;
e) les dépenses diverses ou accidentelles.
Le FIATA serait financé au moyen d'une part du produit de la taxe
d'aviation civile (TAC) comme il a été dit plus haut.
En 1999, le FIATA présenterait le profil suivant :
(En millions de francs)
|
Dépenses |
Recettes |
Péréquation lignes aériennes |
51 |
|
Financement aéroportuaire |
97 |
|
dont dépenses en capital directes de l'Etat |
50 |
|
dont péréquation petites plates-formes |
15 |
|
dont Bâle-Mulhouse |
10 |
|
dont TOM |
22 |
|
Total |
148 |
148 |
Une
analyse des charges du FIATA fait ressortir que :
- pour 34,5 % et 51 millions de francs, elles correspondraient aux
charges théoriques du FPTA estimées à l'an dernier
à 48,5 millions de francs et qui progresseraient donc de
5,15 % ;
- pour le reste, 65,5 % et 97 millions de francs au financement des
aérodromes.
Cette dernière catégorie de dépenses se
répartiraient en :
- 50 millions de francs au titre des dépenses en capital anciennement
logées dans le BAAC et financées à travers les
redevances ;
- 15 millions de francs au titre des subventions versées aux
exploitants d'aérodromes pour lesquels le produit de la taxe
d'aéroport ne suffirait pas à couvrir les coûts des
missions que cette taxe nouvelle serait censée financer ;
- 32 millions de francs pour intervenir sur les aéroports de
Bâle-Mulhouse et des territoires d'outre-mer qui, en l'état,
seraient hors du champ de la taxe d'aéroport.
En bref, le FIATA subrogé dans les missions du FPTA servirait
à :
- financer les dépenses des missions de sûreté dans les
aéroports sans taxe d'aéroport (32 millions de francs soit
1/3 des interventions dans les aéroports) ;
- financer les seules dépenses de sûreté du BAAC
auparavant financées via la RSTCA (50 millions de francs,
51,5 % des interventions aéroportuaires du FIATA mais seulement
15,7 % des dépenses de sûreté identifiables
assumées par l'Etat et 6,2 % de l'ensemble des dépenses de
sûreté aéroportuaire) ;
- et financer l'impasse de financement des aéroports en déficit
de produit de taxe d'aéroport pour 15 millions de francs.
Face à ce dispositif, votre commission s'est posée plusieurs
questions.
Une première question est de savoir si le FIATA doit
intégrer les opérations du FPTA. Une réponse
négative doit être apportée
à cette question car
l'on peut craindre d'une telle intégration qu'elle ne comporte un
certain mélange des genres au terme duquel des arbitrages opaques
défavoriseraient les interventions jusqu'alors mises à la charge
du FPTA. Cette perspective est d'autant plus vraisemblable que le FPTA dispose
d'un solde qui, en 1998, représentait près de quatre fois les
crédits ouverts en loi de finances
3(
*
)
.
Une seconde question est de savoir comment devrait être
formaté le FIATA, et, partant, de savoir quel sort budgétaire
réserver aux dépenses d'intérêt
général dans les aéroports et quel mode de financement
choisir pour couvrir ces dépenses.
Sur cette question, votre commission a souhaité qu'une solution puisse
être trouvée afin que la réforme du financement des
missions d'intérêt général liées à
l'exploitation du transport aérien soit respectueuse de trois
exigences :
sa conformité au droit budgétaire ;
la préservation de l'aménagement du territoire ;
le financement par une contribution commune des charges normales de
maintien de la sûreté publique.
En l'état, ces conditions ne sont pas réunies et votre
commission ayant supprimé l'article de première partie portant
création de la taxe de l'aviation civile ne peut faire autrement que
d'adopter une solution analogue pour le dispositif relatif au FIATA.