EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 10 novembre 1998 , sous la présidence de M. Alain Lambert, président , la commission a procédé, sur le rapport de M. Henri Torre, rapporteur spécial, à l'examen des crédits de l'outre-mer pour 1999 .

Après avoir rappelé que le budget du secrétariat à l'outre-mer ne représentait que 11 % d'un effort budgétaire et financier de l'Etat en faveur de l'outre-mer évalué à plus de 51 milliards de francs, M. Henri Torre, rapporteur spécial, a brièvement évoqué le contexte général dans lequel avait été élaboré ce budget. Il a notamment retracé les évolutions récentes intervenues dans le domaine institutionnel, avec en particulier le nouveau statut de la Nouvelle Calédonie, et dans le domaine économique, la persistance d'un taux de chômage très important à la Réunion et aux Antilles.

Il a ensuite analysé les dotations du secrétariat d'état à l'outre-mer, qui, pour 1999, progresseront de 7 % et s'établiront à 5,6 milliards de francs.

A propos des dépenses d'administration générale, qui représentent 1 milliard de francs et qui progressent de 3,2 %, il a surtout souligné la mise en oeuvre de la réforme du service militaire adapté (SMA), liée à la suppression du service national. Il a précisé que le SMA serait préservé, malgré une diminution globale des effectifs, les appelés du contingent étant remplacés par des volontaires dont le statut venait d'être précisé et la rémunération alignée sur celle des emplois-jeunes. Il a ajouté qu'en 1999 devront être créés les 500 premiers postes de volontaires se substituant à 1.000 postes d'appelés qui seront supprimés.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a ensuite relevé la forte diminution des subventions aux collectivités locales qui, avec 100 millions de francs, ne représentent plus qu'une place marginale dans le budget de l'outre-mer. Il a toutefois précisé que la subvention de l'Etat au fonds de péréquation de Polynésie française, d'un montant de 52 millions de francs, serait reconduite en 1999 et viendrait s'ajouter à ces crédits si le Parlement adopte le projet de loi relatif aux communes de Polynésie française, en instance devant le Sénat.

Abordant les subventions de l'Etat au développement économique et social qui, avec 4,4 milliards de francs, soit une progression de 10 %, constituent le coeur du budget de l'outre-mer, il a particulièrement signalé :

- la progression de 6,4 % des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM), qui atteignent 1,8 milliard de francs et permettront de financer 56.500 solutions nouvelles d'insertion ;

- la très forte progression des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique, qui passent de 568 à 897 millions de francs, en vue de financer 19.000 opérations supplémentaires de logement social ;

- la relative érosion des subventions d'investissement transitant par le fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) et le fonds d'investissement économique et social (FIDES), qui représentent la participation de l'Etat au financement des contrats de plan et des contrats de développement conclus avec les collectivités locales d'outre-mer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a ensuite présenté plusieurs observations.

Il a en premier lieu rappelé le rôle très utile joué par le SMA en matière de formation professionnelle et de développement local, ce qui justifiait d'apporter une attention soutenue à la mise en oeuvre de sa réforme.

Il a ensuite souligné l'accentuation de la montée très rapide, au sein du budget de l'outre-mer, des dépenses d'intervention et de transferts publics en déplorant que les concours de l'Etat ne soient pas davantage orientés vers l'investissement public en faveur du développement local, en particulier au travers des contrats de plan.

S'agissant du logement social, il a rappelé les écarts enregistrés par le passé entre l'évolution des autorisations de programme et celle des crédits de paiement, du fait des difficultés des collectivités locales à acquérir et viabiliser des terrains permettant d'accueillir des opérations de logement social.

En matière d'aides à l'emploi, il a déploré que l'essentiel du dispositif demeure centré sur des formules relevant du secteur public et parapublic, au détriment de celles relevant du secteur privé.

Enfin, revenant sur les modifications apportées par la loi de finances pour 1998 au régime de défiscalisation outre-mer, il a constaté que le Gouvernement n'avait proposé aucune mesure de substitution susceptible de maintenir outre-mer un indispensable flux d'investissement privé.

A l'issue de cet exposé, M. Philippe Marini, rapporteur général, a interrogé le rapporteur spécial sur les perspectives d'évolution du régime d'investissement défiscalisé.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a tout d'abord considéré qu'il n'était pas illégitime, à son sens, de vouloir corriger la loi Pons afin de mettre fin à certains abus ou détournements dont elle aurait pu faire l'objet. Pour autant, il a fermement souligné l'impact positif de cette loi sur l'investissement privé outre-mer et a déploré que le Gouvernement ait modifié le dispositif l'an passé sans se soucier de l'effet que cette mesure produirait sur le flux d'investissement et sans veiller à préserver ce dernier. Faisant allusion aux suggestions présentées par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, visant notamment à proroger la loi Pons au-delà de 2001, il a jugé souhaitable qu'une discussion s'engage avec le Gouvernement à cette occasion, afin de rechercher les moyens susceptibles de maintenir un courant d'investissement indispensable.

M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du plan , a rejoint certaines analyses du rapporteur spécial relatives à la priorité donnée aux transferts publics par rapport à l'investissement productif. Il a rappelé les lourds handicaps, en particulier l'éloignement, qui entravent le développement de l'outre-mer. Il a déploré le coup d'arrêt provoqué par la modification de la loi Pons sur l'investissement outre-mer et rappelé que ce dernier souffrait déjà des difficultés du système bancaire et des taux d'intérêts supérieurs de 2,5 à 3 points à ceux de la métropole. Il a ajouté que l'entrée en vigueur de l'euro entraînerait la suppression de la pratique du réescompte qui permettait à l'Institut d'émission des départements d'outre-mer de financer des investissements productifs. Il a constaté l'absence d'évolution sur le dossier de la surrémunération des fonctionnaires outre-mer. Il a conclu en souhaitant que l'année 1999 soit celle d'une réflexion approfondie et d'un réajustement permettant de trouver pour l'outre-mer des moyens plus efficients de financer son développement.

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois, au titre des départements d'outre-mer, a évoqué les perspectives d'évolution des statuts des DOM et de Mayotte, la place de l'outre-mer dans l'Union européenne, les dossiers de la justice et du logement dans les DOM ainsi que les problèmes d'immigration clandestine, notamment celle constatée en Guyane en provenance du Surinam.

Estimant que la seule évolution positive constatée outre-mer, durant ces dernières années, était l'achèvement de la transition démographique, M. Yann Gaillard a manifesté son pessimisme au regard de la détérioration de la situation dans la plupart des autres domaines. Il a déploré l'absence d'évolution du dossier de la surrémunération des fonctionnaires et s'est interrogé sur les perspectives d'évolution institutionnelle des DOM.

Mme Marie-Claude Beaudeau a interrogé le rapporteur spécial sur l'évolution des crédits et des activités de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) et sur l'ouverture du marché européen, à compter du 1er janvier 1999, aux bananes d'origine non européenne.

M. Claude Lise a regretté la suppression du FIDOM décentralisé, qui témoigne d'une absence de confiance envers les élus locaux alors que ces crédits présentaient, pour les collectivités locales, une très grande efficacité. Il a souligné les problèmes rencontrés, malgré l'augmentation des crédits, pour le financement de logements très sociaux, en raison de procédures inadaptées. Il a déploré l'érosion des moyens de l'ANT et surtout la réorientation de ses objectifs, effectuée au détriment de l'accompagnement social des migrants originaires d'outre-mer. Il a constaté, sur ce plan, une inquiétante dérive tendant à assimiler les travailleurs originaires d'outre-mer aux migrants d'origine étrangère. S'agissant de la révision de la loi Pons, il s'est vivement inquiété de l'absence de vision à long terme et de stratégie en faveur du développement de l'outre-mer. Il a signalé les difficultés provoquées par la nouvelle législation dans le secteur hôtelier, la forte réduction des délivrances d'agrément et l'effet négatif de l'absence de possibilité pour les sociétés de se grouper en GIE pour réaliser des investissements outre-mer. Il a enfin souligné la nécessité de simplifier l'organisation administrative des DOM par l'instauration dans chacun d'entre eux d'une assemblée unique exerçant les compétences du conseil régional et du conseil général.

M. Alain Lambert, président , a rappelé les positions constantes de la commission, exprimées face aux gouvernements successifs, et favorables au maintien en outre-mer d'un dispositif de défiscalisation adapté qui a eu des effets notables sur l'investissement.

En réponse à ces différents intervenants, M. Henri Torre, rapporteur spécial , a apporté les précisions suivantes :

- il importera que le Gouvernement expose clairement les conséquences, pour l'outre-mer, de l'entrée en vigueur de la réforme monétaire européenne ;

- la question de la surrémunération des fonctionnaires, soulevée par le précédent gouvernement, semble aujourd'hui en suspens ;

- il semble souhaitable que, très rapidement, soit décidée la prorogation, au-delà de 2001, de la fiscalité incitative en faveur des investissements outre-mer  ;

- l'émigration clandestine a pris des proportions inquiétantes en Guyane et provoque des effets déstabilisants sur le département ;

- si la subvention de l'Etat à l'ANT diminue légèrement, le budget de cette dernière est également alimenté par les collectivités locales et le fonds social européen. Il s'élevait en 1998 à 126 millions de francs ;

- l'accord intervenu au sein du Conseil européen sur le dossier de la banane ouvre davantage le marché européen aux produits des pays tiers mais, en contrepartie, la France a obtenu pour les planteurs des Antilles une revalorisation de 8 % du plafond servant au calcul des subventions ;

- le dispositif réglementaire d'aide au logement social mériterait d'être adapté afin de permettre une meilleure utilisation des moyens budgétaires disponibles.

La commission a alors adopté deux amendements réduisant les crédits des titres III et IV, puis les crédits de l'outre-mer ainsi modifiés.

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