B. ASSURER LA TRANSPARENCE DES COMPTES
1. Améliorer le suivi de la loi de financement
a) Il est nécessaire de relancer la réforme comptable
L'application du principe de comptabilisation en droits
constatés aux opérations des organismes de la
sécurité sociale constitue pour la Cour des comptes "
un
progrès -dans la voie de la clarification des comptes de la
sécurité sociale- dont il importe de souligner
l'importance
"
16(
*
)
.
Les considérations du rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale relatives à l'application de la
réforme sont nettement moins enthousiastes
17(
*
)
.
Les deux principes de comptabilisation
Une
comptabilité en
encaissements - décaissements
consiste
à n'enregistrer les opérations qu'à partir du moment
où celles-ci sont recouvrées (cotisations) ou payées
(prestations).
Pour résumer, une comptabilité en encaissements -
décaissements est une comptabilité de trésorerie.
Une comptabilité en
droits constatés
consiste à
rattacher à un exercice les dépenses et les recettes dès
la naissance du fait générateur. En fin d'exercice, les
opérations qui ont pris naissance dans l'année mais qui n'ont pas
donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées
à l'exercice comptable sous forme de produits à recevoir
(créances), de provisions ou de charges à payer (dettes).
Pour résumer, une comptabilité en droits constatés est une
comptabilité de créances et de dettes.
Avant la réforme, les comptes des caisses du régime
général étaient en encaissements-décaissements.
Néanmoins, elles utilisaient déjà, pour certaines
opérations, la technique des droits constatés (exemple de
certaines avances ou compensations de l'Etat).
En revanche, les régimes complémentaires et les compagnies
d'assurance étaient déjà en droits constatés.
•
La réforme des droits constatés :
histoire et avantages
L'histoire de la réforme des droits constatés montre une certaine
unanimité des acteurs ; de plus, les avantages du principe des
droits constatés sont bien réels.
En 1990, M. Claude Evin, alors ministre de la Solidarité, a
demandé à un groupe de travail interministériel,
placé sous la responsabilité d'un expert comptable, M. Robert
Mazars, d'étudier la comptabilité et les conditions de
consolidation des comptes de la sécurité sociale. Le rapport
Mazars -rendu public en décembre 1990 par M. René Teulade- a
formulé un certain nombre de propositions, parmi lesquelles l'adoption
du principe des droits constatés. A la suite du rapport Mazars, tant les
rapports de la Cour des comptes, rendus chaque année au Parlement
à la suite de la loi de 1994, que les rapports de la Commission des
comptes de la sécurité sociale ont plaidé pour la mise en
oeuvre rapide de cette réforme.
Un groupe de travail
18(
*
)
,
associant les administrations de l'Etat et les représentants a
été constitué en 1994. Le décret
n° 96-448 du 23 mai 1996, a officialisé la comptabilisation en
droits constatés dans les organismes du Régime
général à compter du 1
er
janvier 1996.
Puis, il a été décidé d'appliquer la réforme
dans les autres régimes à partir du 1
er
janvier
1997. Trois décrets du 18 mars 1997 ont étendu le principe des
droits constatés aux organismes d'assurance maladie et maternité
des travailleurs salariés des professions non agricoles, aux
organisations d'assurance vieillesse de ces professions (ORGANIC, CANCAVA et
CNAVPL notamment) et aux organismes tels que la Caisse mutuelle d'assurance
maladie des cultes (CAMAC), la Caisse mutuelle d'assurance vieillesse des
cultes (CAMAVIC), la Caisse des français à l'étranger
(CFE), la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et
employés de notaires (CRPCEN) ou la Caisse autonome nationale de
sécurité sociale dans les mines (CANMSS). Enfin, un décret
du 31 mai 1997 étend le principe au régime agricole.
La réforme des droits constatés est ainsi une réforme qui
s'est poursuivie sur un certain nombre d'années, sous des ministres
différents. Les avantages attendus sont, en effet, importants :
Les avantages attendus de la réforme des droits constatés
Le
mécanisme des droits constatés en matière de
sécurité sociale présente -pour la Cour des comptes-
quatre avantages :
1) Un résultat indépendant des événements
venant perturber le règlement des cotisations ou le paiement des
prestations ;
2) Une étape importante vers l'harmonisation des
comptabilités et des méthodes comptables de l'ensemble des
régimes ;
3) Un cadre comptable similaire pour l'ensemble des régimes, les
régimes complémentaires et les mutuelles ;
4) Une transparence financière entre les différents acteurs
de la sécurité sociale, puisque les droits constatés font
apparaître les créances et les dettes respectives de chacun.
La mise en oeuvre de la réforme elle-même ne semble pas poser de
problèmes majeurs, contrairement aux craintes émises en 1994.
Ces craintes pouvaient se justifier.
Un organisme de
sécurité sociale n'est pas une entreprise privée. La
définition d'un fait générateur -qui va de soi dans le
cadre d'une activité lucrative- apparaît beaucoup plus complexe.
La notion de résultat est beaucoup moins pertinente.
Grâce à l'opiniâtreté et au pragmatisme du groupe de
travail, grâce aux efforts réalisés par les agents
comptables, des réponses ont été apportées aux deux
principales questions, à savoir la définition des faits
générateurs et les modalités de rattachement à
l'exercice. Des applications informatiques de comptabilité, lourdes
à faire évoluer, sont en train d'être modifiées pour
tenir compte de la réforme.
•
Le bilan de la réforme apparaît aujourd'hui
décevant par rapport aux espoirs affichés
Le groupe de travail s'est vu confier, par lettre du 12 novembre 1997, quatre
nouveaux objectifs :
1. veiller à la mise en oeuvre de la réforme ;
2. s'engager dans la voie de l'homogénéisation des pratiques
comptables ;
3. accélérer la sortie des comptes ;
4. réfléchir à la suppression à terme aussi
proche que possible de la présentation des comptes en
encaissement/décaissement.
La poursuite de la mission du groupe de travail placé sous
l'autorité de M. Alain Déniel montre que le bilan de la
réforme, eu égard aux avantages attendus, est plus que
nuancé. L'année 1998 est venue confirmer cette impression :
alors que la méthode de comptabilisation en droits constatés
devait éviter normalement les trop longues périodes
complémentaires, les comptes des régimes sociaux pour 1997 ont
été remis avec beaucoup de retard. Les comptes 1997 de la CNAF,
par exemple, ont été approuvés le 9 septembre 1998.
Deux ans après l'application de la réforme pour le régime
général et un an après l'extension de cette
réforme, trois questions principales sont apparues, qui avaient
été probablement sous-estimées :
- La question du basculement
Les résultats 1996, 1997 et 1998 du régime général
sont présentés à la fois en droits constatés et en
encaissements/décaissements, afin de garantir la continuité des
informations comptables. En effet, les lois de financement pour 1997 et 1998
ont été votées en encaissements/décaissements. Il a
donc été nécessaire de reconstruire des comptes en
encaissements/décaissements à partir de comptes originaux en
droits constatés, ce qui est incontestablement une source de
complication supplémentaire et de retard pour la fourniture des comptes.
Les incertitudes statistiques dont fait part le rapport de la Commission des
comptes de la sécurité sociale de mai 1998 trouvent pour une
bonne part leur source dans cette reconstruction.
Il est possible d'apprécier les différences de déficit
entre le système des encaissements/décaissements et le
système des droits constatés :
Solde du régime général |
1996 |
1997 |
Encaissements/décaissements |
- 53 |
- 33 |
Droits constatés |
- 56 |
- 24 |
en
milliards de francs
La date du basculement a été fixée au projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000. Il faut
espérer que la réforme puisse être mise en oeuvre à
temps par les régimes spéciaux.
- La question des relations financières
Etat-sécurité sociale
Les relations financières entre l'Etat et la sécurité
sociale sont nombreuses, complexes et financièrement lourdes.
Si l'Etat tient une comptabilité générale en droits
constatés, celle-ci n'est guère utilisée. L'Etat reste
dans une logique de caisse -dépendant de l'ordonnance portant loi
organique du 2 janvier 1959- pour sa comptabilité budgétaire. Le
régime de retraite des fonctionnaires et le budget annexe des
prestations sociales agricoles (BAPSA) restent ainsi en
encaissements/décaissements.
- La question de l'harmonisation des comptes
La réforme des droits constatés ne semble pas avoir
été l'occasion d'une harmonisation des comptes. Il est d'ailleurs
légitime de se demander si la réforme de l'organisation comptable
n'aurait pas dû précéder la réforme des droits
constatés.
La comptabilité des organismes de sécurité sociale ne
permet pas ainsi :
- de mettre en évidence des opérations réciproques
entre les organismes et de procéder à leur
élimination ;
- de comptabiliser les transferts entre régimes de manière
homogène.
•
Les pistes de réforme
A la lecture des actes d'un colloque consacré à ce sujet le 15
mai 1997
19(
*
)
, des rapports de
la Cour des comptes de septembre 1997
20(
*
)
et de la Commission des comptes de la
sécurité sociale, quatre pistes de réforme sont
envisageables (
cf. encadré
).
Quatre propositions pour réussir la réforme comptable
1. Harmoniser les plans comptables des organismes de
sécurité sociale.
Un plan comptable unique des organismes de
sécurité sociale devrait être approuvé par le
Conseil national de la Comptabilité. Il faudra réfléchir
aux notions d'amortissement et insister sur la réforme patrimoniale.
L'exercice devra aboutir à la consolidation des comptes au niveau de la
branche, qui est le niveau retenu par les lois de financement.
2. Unifier les pratiques comptables
, ce qui signifie
hiérarchiser et contrôler les différents organismes. A cet
égard, le système actuel ne permet pas de savoir, par exemple, si
les 125 caisses d'allocations familiales passent leurs écritures dans
les mêmes conditions. La fixation de normes de liquidation est
nécessaire. Par ailleurs, il est à noter qu'il n'existe aucun
texte établissant une autorité directe des agents comptables des
caisses nationales sur les caisses primaires, ni de texte relatif à la
responsabilité des uns par rapport aux autres. Il serait envisageable de
donner aux caisses du régime général la
responsabilité de la centralisation et de la consolidation des comptes
des différents régimes, pour arriver aux comptes d'une
" branche ", au sens des lois de financement. La question de la
répartition des pouvoirs entre directeur et agents comptables est
également posée.
3. Lier plus étroitement systèmes comptables et
systèmes d'information.
L'architecture des systèmes
d'information pourrait être le moyen d'assurer une unité des
systèmes comptables. Une comptabilité n'a plus seulement
aujourd'hui pour but de décrire des opérations de gestion
administrative, elle doit donner des informations nécessaires et
suffisantes sur les recettes et les dépenses.
4. Clarifier les relations financières entre l'Etat et les
organismes de sécurité sociale dans le cadre de la réforme
des droits constatés
; à cet égard, il serait
souhaitable que la réforme de la comptabilité de l'Etat,
initiée par M. Jean Arthuis, soit réamorcée dès
maintenant.
Il est désormais important de disposer d'une démarche globale. Le
rapport demandé, en juin 1997, par M. Lionel Jospin, Premier ministre,
à MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse sur l'état des
finances publiques mentionnait une difficulté
méthodologique : "
Une dernière difficulté
examinée durant notre mission concerne le passage à la
comptabilité en " droits constatés " (...). La
comptabilité nationale doit, ultérieurement, passer en droits
constatés bien que l'Etat ne prévoie pas de traiter ses comptes
dans ce système. Cette situation est troublante. Nous avons donc
cherché à mesurer si l'introduction des droits constatés
dans les comptes des organismes de sécurité sociale pouvait
modifier notre prévision du déficit de 1997 en nous appuyant sur
l'information de 1996 disponible dans les deux systèmes. Nous avons
dû renoncer à anticiper, même seulement, le signe de la
correction, tant l'interprétation du double résultat de 1996 nous
a semblé difficile. Par ailleurs, nous n'avons pas abordé ce que
pourrait être l'effet d'un retraitement des comptes de l'Etat les
rapprochant des droits constatés
. "
21(
*
)
.
Une mission interministérielle, sous l'égide du ministère
de l'emploi et de la solidarité et en accord avec le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, a été
chargée de la refonte des dispositifs comptables des régimes de
sécurité sociale en vue de leur harmonisation. Sa mise en place,
décidée en mai 1998, n'est toujours pas effective, alors que ses
axes de travail semblent aller dans le bon sens :
- définition d'un plan comptable des régimes de
sécurité sociale ;
- neutralisation des transferts financiers permettant d'agréger les
comptes des différents régimes au niveau de la branche ;
- description plus claire des relations financières entre l'Etat et
la sécurité sociale ;
- propositions d'accélération des délais de
production des comptes.
Si votre commission ne peut être qu'approuver de tels objectifs, elle
s'étonne néanmoins du peu d'empressement mis à installer
cette mission. Six mois, depuis mai 1998, ont d'ores et déjà
été perdus, alors même que la fiabilité des chiffres
est mise en doute au plus haut niveau, à travers la mission
confiée à l'IGAS.
b) La réforme comptable devrait permettre l'élaboration de tableaux de bord et de suivi incontestables
La
réforme comptable est le moyen de disposer d'une information fiable
annuelle, mais également infra annuelle.
Il n'est pas possible pour le Gouvernement, comme pour les responsables de la
sécurité sociale, de se contenter d'effectuer chaque année
un vague bilan des comptes de la sécurité sociale et, à
l'issue de l'adoption de la loi de financement, de donner rendez-vous pour
l'année suivante au Parlement et aux partenaires sociaux. Des tableaux
de bord et de suivi infra-annuels, ce que M. Philippe Nasse, secrétaire
général de la Commission des comptes de la sécurité
sociale, appelle le
" reporting social "
, sont
désormais nécessaires
22(
*
)
. Certes, les principaux
régimes publient de telles données, mais leur agrégation
se révèle délicate. Il faut bien comprendre que les
chiffres publiés par la Commission des comptes sont une
agrégation effectuée par la direction de la
sécurité sociale du ministère de l'emploi et de la
solidarité (division des évaluations économiques et
financières, devenue sous-direction de la prévision et des
études financières) à partir des chiffres fournis par les
caisses
23(
*
)
.
La réforme des droits constatés porte en elle-même des
enjeux de nature politique
, qu'il convient de clarifier. Le Parlement
doit contribuer à cette tâche : ces réformes sont la
condition d'un débat véritablement démocratique. Les
comptes de la sécurité sociale doivent devenir incontestables,
puisqu'ils sont opposables à un certain nombre de professions.
2. Assainir les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale
Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont complexes. Elles ont tendance à l'être chaque année davantage. Cette question recouvre des aspects multiples :
a) L'Etat employeur
La
question du contrôle de la cohérence entre les versements de
cotisations de l'Etat et l'assiette salariale correspondante se pose. Le bilan
des encaissements 1997 montre une progression de l'assiette salariale du
secteur public de 1,4 %. Ce chiffre ne correspond pas à
l'évolution de la masse salariale brute résultant de
l'évolution des rémunérations et du glissement vieillesse
technicité (GVT). La Cour des comptes a confirmé que le calcul
des cotisations patronales de l'Etat employeur était effectuée
sur la base d'une assiette minorée. Le décret n° 95-38
du 6 janvier 1995 limite l'assiette aux traitements soumis à retenue
pour pensions (2
ème
alinéa de l'article D. 712-38
du code de la sécurité sociale), alors que les articles
L. 241-6 et L. 242-1 précisent la règle
générale : l'assiette est constituée par la
totalité des sommes versées aux salariés. Même si
elle n'est pas en mesure de chiffrer l'ampleur du manque à gagner pour
le régime général
24(
*
)
, elle l'a estimé de 10
à 15 milliards de francs par an
25(
*
)
.
Le contrôle apparaît difficile, les URSSAF n'ayant pas
d'habilitation juridique pour effectuer le contrôle des versements de
l'Etat employeur au régime général. Il faut remarquer que
c'est seulement depuis 1997 que la part patronale des cotisations maladie des
fonctionnaires est versée aux URSSAF et non plus à l'ACOSS.
Enfin, la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale a
donné mission à la Cour des comptes d'opérer le
contrôle de déclaration de l'assiette des administrations
centrales et services déconcentrés de l'Etat.
Cette situation est dénoncée depuis de nombreuses années
-à juste titre- par les employeurs privés, qui -strictement
encadrés par la réglementation- s'y conforment sous le
contrôle exigeant des URSSAF.
b) Les exonérations de cotisations
Grâce aux travaux de la Commission des comptes et de la
Cour
des comptes, on dispose désormais d'une bonne évaluation du
montant des cotisations exonérées et non remboursées par
l'Etat :
16,9 milliards de francs en 1998
, correspondant à
des mesures prises avant la loi du 25 juillet 1994, c'est-à-dire avant
que ne soit posé le principe de la compensation intégrale.
Ces exonérations concernent principalement les contrats emploi
solidarité, les contrats emplois consolidés, l'embauche premier
salarié et le temps partiel.
Exonérations de cotisations non compensées
en milliards de francs
1996 |
1997 |
1998 (prévisions) |
1999 (prévisions) |
15,0 |
16,8 |
16,9 |
17,3 |
Le
montant des exonérations de cotisations patronales compensées
intégralement par l'Etat a connu une très vive augmentation
à partir de 1996, année marquée par la fusion des deux
dispositifs généraux d'allégement de charges sur les bas
salaires -exonération de cotisations d'allocations familiales et
ristourne dégressive-, par la montée en charge du contrat
initiative emploi et par les premiers effets de la " loi Robien ".
Les différentes mesures relèvent des interventions de plusieurs
chapitres budgétaires ministériels (Budget, Emploi et
Solidarité et DOM), alors que leurs objectifs sont très proches.
Deux chapitres budgétaires étaient jusqu'à cette
année principalement concernés : le chapitre 44-75
" Mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi et de la formation
professionnelle "
(budget des charges communes) et le chapitre 44-78
" Exonération de cotisations sociales en faveur de l'emploi et
de la formation professionnelle "
(budget du travail, de l'emploi et
de la formation professionnelle).
Exonérations de cotisations prises en charge par l'Etat
Année |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Montant en millions de francs |
29.531 |
53.216 |
66.492 |
65.525 |
61.402 26( * ) |
La
refonte de la nomenclature à l'occasion du projet de loi de finances
pour 1999, et la création dans le fascicule " Emploi " d'un
nouveau chapitre intitulé
" compensation de l'exonération
des cotisations patronales "
(44-77) a permis de regrouper les mesures
du chapitre 44-75 et du chapitre 44-78.
Cette refonte de la nomenclature va dans le sens d'une clarification ;
en conséquence, votre rapporteur s'en félicite.
A la suite du rapport 1997 de la Cour des comptes, estimant que les estimations
des exonérations de cotisations étaient trop
"
dépendantes de la qualité des déclarations des
employeurs
" et "
les contrôles réalisés
par l'ACOSS insuffisants
"
27(
*
)
, une mission d'enquête a
été décidée en septembre 1997
28(
*
)
par le ministère de
l'économie et le ministère de l'emploi et de la
solidarité. Elle a été confiée à
l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection
générale des affaires sociales (IGAS). Présentées
fin juillet aux administrateurs de l'ACOSS, les conclusions ont
été rendues publiques fin août 1998. "
Les
faiblesses importantes
" sont "
peu compatibles avec l'enjeu
que ces mesures représentent pour le budget de l'Etat et la politique de
l'emploi
"
Le projet RACINE, qui a débuté le 1
er
janvier 1998,
devrait permettre d'améliorer la gestion des mesures
d'exonération, en raison d'un caractère plus
détaillé des imputations comptables et de la plus grande
rapidité de leur remontée, qui permettra de calculer
mensuellement la dette de l'Etat, ainsi que de la possibilité de
décentraliser, en les affinant, les contrôles jusque là
réalisés par l'ACOSS. Mais les auteurs du rapport notent que la
mise en place de RACINE devra s'accompagner d'un développement de la
politique de contrôle de l'ACOSS et des URSSAF.
Votre commission observe que la gestion pour l'instant déficiente des
exonérations est une des conséquences de la complexité des
différents dispositifs établis sans
cohérence.
c) Les remboursements de prestations
Des
prestations sont gérées et versées par le régime
général pour le compte de l'Etat. Il s'agit principalement de la
CNAF, qui a été jugée la mieux placée pour
gérer ce type de prestations, pour des raisons de proximité.
Malheureusement, l'Etat ne verse pas le plus souvent de participation aux frais
de gestion. Le montant total des prestations versées pour le compte de
l'Etat est de l'ordre de 96,95 milliards de francs. L'Etat participe à
hauteur de 380 millions (seule l'allocation de logement à
caractère social fait l'objet d'une participation aux frais de gestion).
Si l'Etat remboursait aux caisses un montant de 3 % pour participation aux
frais de gestion de l'ensemble des prestations servies pour son compte, il
devrait verser 2,9 milliards de francs.
En sens inverse, l'Etat fait payer à l'ACOSS un taux de
prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement
opéré sur le produit des prélèvements sociaux sur
les produits du patrimoine de 0,5 %
29(
*
)
.
d) Les charges de trésorerie
La
charge de trésorerie pesant sur le régime général
-pour certaines prestations- est loin d'être neutre. La majoration de
l'allocation de rentrée scolaire est principalement à l'origine
du décret du n° 98-753 du 26 août 1998
30(
*
)
, qui a relevé le plafond des
avances de trésorerie au régime général de 20
à 31 milliards de francs.
Des prestations liées aux fonds logement sont remboursées
ex
post
par l'Etat. A l'inverse, le versement de prestations comme le revenu
minimum d'insertion (RMI) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH)
fait heureusement l'objet d'une mensualisation.
Les effets de trésorerie de la CSG ne sont pas négligeables ; la
CSG sur patrimoine (6,4 milliards de francs en 1997) est recouvrée selon
les mêmes règles que l'impôt sur le revenu, par voie de
rôle. Elle est reversée à l'ACOSS le
15 décembre de chaque année, à la différence
de la CSG sur les placements (prélèvement libératoire),
versée en plusieurs acomptes, mais le plus souvent en fin d'année
(2,2 milliards de francs en 1997).
La création par la loi de financement d'une contribution unique de
2 % affectée à la CNAVTS et à la CNAF, se substituant
aux deux contributions de 1 % existantes, a également
modifié le reversement de cette contribution, en l'alignant sur le
système mis en place pour la CSG sur patrimoine ou sur placements.
Plus d'une quinzaine de milliards de francs seront ainsi perçus par la
sécurité sociale à la fin de l'année 1998.
Dans son rapport adressé au Parlement pour justifier un plafond des
avances de trésorerie au régime général
supérieur aux objectifs fixés par la loi de financement pour
1998, le Gouvernement évoque lui-même cet argument, après
ceux relatifs à la majoration de l'allocation de rentrée scolaire
et au dérapage des dépenses d'assurance maladie.
Votre rapporteur, Président du Conseil de surveillance de l'ACOSS,
veillera à ce que l'application de la convention d'objectifs et de
gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS pour les années 1998-2001
fasse bien respecter le principe de complète neutralité en
trésorerie entre les deux partenaires.
e) Le régime des fonctionnaires
L'Etat
sert les prestations familiales pour les agents de droit public qu'il
rémunère (art. D. 212-3 du code de la sécurité
sociale).
Le taux de cotisation est inférieur au droit commun pour tenir compte du
coût administratif du service et de l'action sociale exercée par
l'Etat.
La comptabilité budgétaire de l'Etat ne décrit pas le
régime des prestations familiales des agents de droit public de l'Etat.
Elle cumule toutes les prestations, qu'elles soient servies en métropole
ou dans les départements d'outre-mer. Le solde compensatoire
métropole n'a pas de sens : ce n'est pas la différence entre
les cotisations versées par l'Etat employeur et les prestations
versées par l'Etat, remboursées par la CNAF. Comme l'indiquait la
Cour des comptes en juillet 1997
31(
*
)
: "
Les comptes de
l'Etat se présentent comme s'il avait en charge les prestations et
versait une subvention au régime général, sous l'apparence
d'un solde compensatoire. Ils traduisent là l'Etat puissance publique
plus que l'Etat employeur.
"
Le régime des retraites des fonctionnaires décrit par les annexes
de la loi de financement n'a pas réellement de sens. Il s'agit d'une
reconstruction ; l'Etat, par le biais des " cotisations fictives ",
l'équilibrera toujours.
La création d'un véritable régime spécifique
pour les fonctionnaires de l'Etat serait de nature à clarifier les
responsabilités et éviter que la puissance publique soit à
la fois juge et partie. Cette mesure s'impose dans le cadre d'un débat
sur les retraites en France.
f) La question du BAPSA
•
Le BAPSA est un héritage historique
Le BAPSA a été créé par l'article 58 de la loi de
finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959). Il est
régi par les articles 1003-1 à 1003-7 du code rural.
La Cour des comptes a consacré à la protection sociale agricole
le chapitre VI de son
Rapport 1996
. Certaines orientations de son
rapport ont pu laisser croire qu'elle remettait en cause l'existence même
du régime.
Au-delà des simplifications techniques, d'une plus grande
cohérence intellectuelle, il faut reconnaître que l'année
1997 a donné des arguments de poids aux partisans d'une
intégration du BAPSA dans la loi de financement. En effet,
l'articulation du BAPSA et de la loi de financement s'est avérée
impossible.
En raison de la structure démographique très défavorable
du monde agricole, le régime des exploitants agricoles est l'un des
régimes de sécurité sociale qui dépend le plus de
la solidarité des autres régimes et du contribuable. Le BAPSA
n'est pas un cas unique ; plusieurs régimes spéciaux
bénéficient de subventions d'équilibre, sans faire pour
autant l'objet d'un budget annexe : SNCF, marins, mineurs...
L'existence d'un budget annexe des prestations sociales agricoles donne au
monde agricole l'assurance que ce budget annexe sera toujours
équilibré, parce que le budget général assurera -en
dernier ressort- cet équilibre.
Il apparaît à l'analyse que le statut de budget annexe n'est pas
-en lui-même- source d'équilibre systématique.
L'exécution du BAPSA peut révéler un excédent ou un
déficit (art. 1003-6 du code rural). Un fonds de roulement existe.
Le système des budgets annexes est un cadre juridique (art. 20 à
22 de l'ordonnance de 1959) créé pour les services de l'Etat
producteurs de biens et services marchands. Un régime de
sécurité sociale -financé par des
prélèvements obligatoires, des transferts et des subventions
diverses- correspond difficilement à cette définition.
•
L'articulation impossible du BAPSA et de la loi de
financement de la sécurité sociale
La lecture comparée du fascicule budgétaire (" bleu ")
BAPSA et des comptes prévisionnels du régime des exploitants
agricoles présentés en annexe du projet de loi de financement
laisse apparaître une différence de présentation. Le BAPSA
est, en effet, plus détaillé, notamment en ce qui concerne les
recettes ; l'annexe de la loi de financement les regroupe par
catégories, alors que le BAPSA permet d'identifier chacune des
cotisations ou des impositions.
Le champ couvert par les deux documents n'est pas le
même :
|
LOI DE FINANCEMENT |
BAPSA |
|
- Frais de gestion du régime |
- Détail des recettes |
Existe |
- Action sanitaire et sociale |
- Prestations familiales agricoles et recettes correspondantes |
Manque |
- Branche famille des exploitants agricoles |
- Fraction des dépenses de pensions de retraite des exploitants (majorations pour enfants) + recettes FSV |
Pour
1998, le projet de BAPSA a été construit " à droit
constant ", sans tenir compte de la poursuite du basculement des
cotisations sociales maladie sur la CSG et de la mise sous condition de
ressources des allocations familiales proposé par le projet de loi de
financement.
Pour 1999, le projet de BAPSA n'est pas non plus cohérent avec le projet
de loi de financement.
D'une part, les mesures " famille " ne sont pas prises en compte,
en-dehors du retour à l'universalité des allocations familiales.
D'autre part, la part d'excédent de contribution sociale de
solidarité sur les sociétés (C3S) affectée au BAPSA
est de 600 millions de francs dans le bleu budgétaire et d'un
milliard de francs dans le projet de loi de financement.
Le calendrier d'élaboration des deux projets n'est pas seul en
cause ; bien évidemment, le projet de loi de finances initial doit
être déposé au plus tard le premier mardi d'octobre, alors
que le projet de loi de financement doit être déposé le 15
octobre, mais le projet de BAPSA est préparé très en amont.
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, un amendement de
coordination a été nécessaire pour mettre en
conformité la loi de finances avec la loi de financement.
Au total, une intégration du BAPSA dans la loi de financement
semblerait logique à votre rapporteur sous trois conditions :
1. Assurer le même niveau d'informations ;
2. Etre préparée en concertation avec le monde agricole ;
3. Garantir l'autonomie du régime agricole.