III. HÔPITAL : SILENCE ! LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EST MUET SUR L'HÔPITAL PUBLIC, QUI CONSTITUE POURTANT L'ENJEU PRINCIPAL POUR L'AVENIR DU SYSTÈME DE SANTÉ ET DE L'ASSURANCE MALADIE
Le
présent projet de loi est muet sur l'hôpital public.
Ce silence pourrait être compris comme un hommage à la perfection
des dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de
l'hospitalisation publique et privée.
Il reflète malheureusement l'absence de politique hospitalière du
Gouvernement et son souci, malgré l'urgence des enjeux, de mettre
l'accent sur la réflexion prospective.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, n'a
d'ailleurs évoqué l'hôpital, dans son discours de
présentation du projet de loi de financement de la
sécurité sociale, le mardi 27 octobre, que pour souligner
l'importance de ce " travail prospectif ".
Elle a affirmé que ce travail n'avait toutefois pas
entraîné de " pause dans la recomposition de notre tissu
hospitalier ", puisque la réduction des capacités
excédentaires en médecine, chirurgie et obstétrique s'est
poursuivie, avec 2.900 lits supprimés.
Compte tenu de l'excédent estimé de l'offre hospitalière
(31.000 lits, soit 13 % de l'offre totale), il faudra cependant attendre
longtemps avant qu'il soit résorbé si le rythme actuel est
conservé : l'excédent augmente chaque année avec le
progrès technique, et il ne sera, à ce rythme, pas
supprimé dans 10 ans !
Votre commission estime, comme le conseil d'administration de la CNAMTS
(avis sur l'avant-projet de loi de financement de la sécurité
sociale, 29 septembre 1998)
que l'ONDAM 1999 de 2,6 %
" n'a de
justification que si les marges qui en découlent sont orientées
prioritairement vers la restructuration de l'offre de soins ambulatoire et
hospitalière, afin de mieux répondre aux besoins de la
population ".
Or, telle n'est malheureusement pas l'orientation retenue par le présent
projet de loi.
A. MALGRÉ L'URGENCE DES ENJEUX, LE GOUVERNEMENT " FAIT DE LA PROSPECTIVE "
L'immobilisme du Gouvernement en matière
hospitalière
s'était traduit, dès l'an dernier, par la décision
d'engager la révision des schémas régionaux d'organisation
sanitaire (SROS), qui repoussait d'un an et demi les échéances de
la nécessaire adaptation de l'offre de soins hospitaliers
Il n'est pas démenti cette année, le Gouvernement n'ayant
décidé que de mettre en place des groupes de travail et
s'étant abstenu de prendre les mesures qui s'imposent sur des dossiers,
tels que celui des praticiens hospitaliers, pour lesquels la réflexion a
déjà été menée.
Il se traduit aussi par les retards dans la mise en oeuvre des outils
institués par les ordonnances et qui auraient pour ambition
d'accélérer la recomposition de l'hôpital public.
1. Un an et demi après son entrée en fonctions, le Gouvernement... met en place des groupes de travail sur l'hôpital
En
matière hospitalière, la préoccupation du Gouvernement
semble être celle de retarder, toujours, les échéances.
Après la décision de révision des SROS, il compte en effet
mettre en place des groupes de travail sur l'hôpital, afin de conduire
une
" réflexion et une concertation sur les principales
évolutions dans le secteur hospitalier public et privé ".
Placés sous la coordination de M. Alain Bacquet, quatre groupes de
travail vont ainsi être mis en place :
* Groupe 1 : Les réseaux de soins et les relations entre
l'hôpital et la médecine de ville ".
Placé sous la
présidence de M. le Pr. François de Paillerets, Président
de la Conférence nationale de santé, il aura pour objectif :
- de développer une démarche de réseaux de soins
hospitaliers, afin de mettre le patient au centre du système de soins ;
- d'optimiser les moyens pour garantir une qualité, une
continuité et une sécurité des soins alliant prise en
charge globale et soins de proximité ;
- de prendre en compte l'évolution des techniques médicales et de
communication (traitements ambulatoires, télémédecine...) ;
- de développer une culture partagée entre les
établissements et les professionnels de santé hospitaliers et
libéraux par des actions de coopération et de
complémentarité.
* Groupe 2 : " La modernisation du fonctionnement interne de
l'hôpital ".
Placé sous la présidence de M.
Jean-Paul Darnis, il aura pour objectif :
- d'améliorer le processus décisionnel par l'élaboration
participative du projet d'établissement en favorisant la dynamique
collective (sic...) ;
- d'améliorer le dialogue social ;
- de repenser l'organisation du travail ;
- de gérer les risques de manière coordonnée au sein de
l'hôpital et de simplifier les relations entre l'administration, les
personnels médicaux et hospitaliers.
* Groupe 3 : " Evolution et perspective d'évolution de l'offre
hospitalière privée et propositions permettant d'accroître
la coopération public/privé ".
Placé sous la
présidence de M. Michel Durafour, il aura pour objectif :
- de mieux définir le rôle et la place du secteur public et
privé dans le système de santé, en alliant les
critères de sécurité de qualité, d'efficience, de
proximité et de coût pour bien répondre aux besoins de
santé publique et en créant les conditions nécessaires
à une optimisation des coopérations inter-hospitalières
publiques et privées ;
- d'élaborer une charge de coopération hospitalière fixant
les droits et les obligations réciproques des partenaires publics et
privés.
* Groupe 4 : " Améliorer l'évaluation de
l'activité hospitalière pour affecter de manière plus
équitable les ressources ".
Placé sous la
présidence de M. Dominique Noiré, il aura pour objectif :
- de faire en sorte que l'évaluation soit un outil d'aide à la
décision de répartition équitable des ressources pour bien
prendre en compte les besoins de la population et mieux valoriser certaines
activités (soins palliatifs, par exemple) ;
- de définir le rôle et les missions des différents
établissements de santé publics et privés :
- de préciser la place des outils de connaissance ou des informations
existant dans le processus d'allocation des ressources (SROS, contrats
d'objectifs et de moyens, PMSI...).
C'est ainsi l'ensemble de la politique hospitalière qui est
posé comme objet de réflexion.
Votre commission, bien entendu, est favorable à tout travail de
réflexion et de concertation. Elle ne peut toutefois l'encourager quand
il constitue un prétexte à l'inaction ou quand ses
résultats ne sont pas, ensuite, utilisés.
L'exemple du dossier des praticiens hospitaliers montre malheureusement que,
même lorsque la réflexion a eu lieu, le Gouvernement ne semble pas
décidé à agir.
2. Il ne met pas à profit les résultats des études qu'il a lui-même demandées : ainsi, le dossier des praticiens hospitaliers n'a fait l'objet d'aucune décision malgré une réflexion préalable de qualité
Les
difficultés rencontrées par certains hôpitaux à
recruter des médecins spécialistes ont conduit les pouvoirs
publics à engager une réflexion et une concertation approfondies.
Ainsi, le rapport Nicolas a formulé plusieurs propositions en partant
d'une analyse de quatre spécialités (obstétrique,
anesthésie, psychiatrie, radiologie) pour lesquelles ces
difficultés sont les plus graves. Faute de décisions rapides, il
est à craindre que les restructurations hospitalières se fassent,
spontanément, par la pénurie de médecins
spécialistes dans certains hôpitaux qui va de pair avec une
situation pouvant être qualifiée d'excédentaire dans
d'autres établissements.
Or, les restructurations doivent être décidées en fonction
de l'analyse des besoins de la population. Il serait regrettable que des
inadaptations de nature réglementaire concernant les praticiens
hospitaliers se substituent à une telle analyse.
Malgré les propositions faites, voici un an, par le rapport Nicolas,
aucune décision n'a été prise par le Gouvernement.
Depuis 1997, seuls deux décrets sont intervenus :
- le décret n° 97-623 du 31 mai 1997 a modifié le
statut des praticiens hospitaliers pour prendre en compte les dispositions de
l'ordonnance du 24 avril 1996 relatives à l'obligation de formation
continue ; il a également procédé à
l'aménagement des règles concernant la mutation des praticiens
hospitaliers dont l'emploi a été transformé ou
transféré dans le cadre d'une opération de restructuration
ou de coopération ;
- le décret n° 97-1175 du 23 décembre 1997,
instaurant un congé de fin d'exercice et un mécanisme de
cessation progressive d'activité.
Ces mesures ne peuvent être considérées comme une
réponse au problème posé. Les récents mouvements
engagés par les urgentistes et les anesthésistes viennent, si
besoin était, le rappeler.
Votre commission en vient presque à regretter que la
Fédération hospitalière de France ne soit pas investie du
pouvoir réglementaire...
Elle vient en effet d'élaborer un document comportant de très
intéressantes propositions qui devraient être prises en compte.
Elle propose ainsi :
- d'étudier l'institution d'un engagement de servir, comparable
à ce qui se pratique dans la haute fonction publique (prise en charge
d'une partie des études en contrepartie d'un engagement de dix ans, par
exemple) ;
- de procéder à une revalorisation statutaire des praticiens
hospitaliers et de reconnaître des sujétions ou activités
particulières (présidence de CME ou de commissions diverses,
chefferie de service, enseignement) ;
- une reconnaissance prudente des sujétions particulières
liées aux postes, la responsabilité de l'attribution de
compensations étant laissée aux conseils d'administration des
établissements de santé (compensations attribuées pour les
disciplines comportant systématiquement des gardes ou un risque
médico-légal supérieur à d'autres prises en compte
de l'âge pour limiter certaines sujétions telles que les gardes) ;
- des avantages divers accordés aux femmes, tels que la retraite
anticipée ;
- une couverture de la responsabilité pénale et civile des
praticiens hospitaliers, avec la prise en charge de l'assurance par
l'établissement ;
- une révision des procédures de nomination des praticiens
hospitaliers dans le sens d'une plus grande rapidité;
- une plus grande attractivité de la collaboration des
médecins libéraux au fonctionnement de l'hôpital, avec une
révision du statut d'attaché ;
- le règlement de la question des médecins à
diplômes étrangers.
La Fédération hospitalière de France précise, dans
ce document, que
" les mesures qui devront être prises pour
rendre plus attractifs les postes médicaux là où les
besoins sont réels impliqueront, pour les financer, une politique
rigoureuse de suppression des activités et services inutiles ou
redondants ".
Votre commission ne peut qu'encourager le Gouvernement a s'inspirer dans les
plus brefs délais, de l'ensemble de ces propositions.
3. Les instruments créés par l'ordonnance du 24 avril 1996 ne sont utilisés qu'avec retard
Si le
Gouvernement semble avoir renoncé, cette année, à des
déclarations de nature à rendre inconfortable la position des
directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation, ces derniers
demeurent toujours demandeurs de recommandations nationales de nature à
harmoniser la politique qu'ils mettent en oeuvre sur l'ensemble du territoire.
En outre, compte tenu, de la décision de réviser les SROS, la
contractualisation des établissements de santé avec les agences
régionales, qui constitue un des instruments majeurs mis en place par
l'ordonnance du 24 avril 1996, n'a pu être prioritaire. Selon le
ministère, 17 contrats seulement auraient été
signés et 38 sont actuellement en négociation.
L'accréditation est aussi en retard, et le calendrier prévu par
l'ordonnance, certes ambitieux, ne pourra probablement pas être tenu.
Aux termes de l'article L. 710-5 du code de la santé publique qu'elle a
institué, tous les établissements de santé devraient
être engagés dans la procédure d'accréditation avant
le 24 avril 2001.
Mais les retards pris pour l'installation de l'ANAES et le temps qu'elle a
dû consacrer au règlement de questions purement administratives se
répercutent aujourd'hui sur ses activités : ce n'est qu'à
la fin de l'année que 40 hôpitaux et cliniques
" expérimentateurs " entreront dans la procédure
d'accréditation et testeront, en quelque sorte, le manuel
d'accréditation publié à la rentrée par l'ANAES.
Votre rapporteur tient à rappeler, à cet égard, qu'il est
favorable à l'accréditation, non seulement des
établissements de santé, mais aussi des services qui les
composent.