N° 58
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME
I
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX
ET ASSURANCE MALADIE
Par M. Charles DESCOURS,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Dominique Larifla, Henri Le Breton,
Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges
Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet,
André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt,
Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès,
André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1106
,
1147
,
1148
et T.A.
192
.
Sénat
:
50
et
56
(1998-1999).
Sécurité sociale. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY,
MINISTRE DE L'EMPLOI
ET DE LA SOLIDARITÉ
ET DE M. BERNARD KOUCHNER,
SECRÉTAIRE
D'ÉTAT À LA SANTÉ
Le
mercredi 4 novembre 1998
, sous la
présidence de M. Jean
Delaneau
,
président
, la commission a procédé
à
l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi sur la
solidarité
sur le
projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
estimé que le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 s'organisait autour de l'objectif du retour à
l'équilibre du régime général après des
déficits de 53 milliards de francs en 1996, de 33 milliards de
francs en 1997 et de 13 milliards de francs en 1998.
Elle a estimé que l'équilibre financier était le meilleur
gage de pérennité de la sécurité sociale et qu'il
était atteint sans prélèvement nouveau, ni suppression de
remboursement. Elle a affirmé que ce retour à l'équilibre
pouvait s'expliquer, pour un quart, par la croissance et, pour les trois quarts
restants, par des mesures structurelles de redressement prises l'an dernier.
Elle a ensuite abordé la branche de l'assurance maladie. Elle a
précisé que la croissance de l'objectif national des
dépenses d'assurance maladie (ONDAM) serait fixée à
2,6 % pour 1999, soit un taux supérieur à l'objectif de
2,27 % pour 1998 et de 1,7 % pour 1997.
Elle a estimé qu'un tel taux était nécessaire, à la
fois pour mettre en oeuvre les programmes de santé publique et pour
respecter l'accord salarial de la fonction publique. Mais elle a
considéré que ce taux était également rigoureux
rappelant que la croissance de l'économie française serait de
3,8 % en 1999. Elle a affirmé que cette évolution
modérée était nécessaire pour aboutir à une
meilleure allocation des dépenses. Elle a également
rappelé qu'un projet de loi sur la couverture maladie universelle serait
déposé dans quelques semaines au Parlement.
Elle a fait part de sa conviction que l'équilibre de la branche maladie
ne pourrait être assuré que grâce à des
réformes structurelles, soulignant parallèlement le fait que ces
réformes prenaient du temps à être mises en oeuvre dans la
mesure où elles nécessitaient un large débat avec
l'ensemble des acteurs de santé.
Elle a rappelé que de nombreux accords avaient été
signés depuis le début de l'année avec les professionnels
de la santé : médecins généralistes, industries
pharmaceutiques, pharmaciens, internes. Elle a également affirmé
qu'une négociation était en cours avec le personnel hospitalier.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité
, a
déclaré que ces réformes structurelles ne relevaient pas
d'une logique partisane, mais d'une démarche pragmatique,
précisant qu'elle entendait conserver les volets les plus positifs des
réformes précédentes et compléter les lacunes des
dispositifs existants.
Elle a rappelé que plusieurs réformes avaient été
engagées avec succès depuis un an. Elle a ainsi souligné
que l'informatisation avait été relancée en constatant
qu'aujourd'hui 50 % des médecins étaient
informatisés, contre 30 % seulement il y a un an.
Concernant la démographie médicale, elle a indiqué qu'un
accord avait été signé avec les représentants des
internes de médecine et que le projet de loi proposait une
réforme du mécanisme d'incitation à la cessation
anticipée des médecins en le recentrant sur les régions ou
les spécialités excédentaires.
Elle a également estimé qu'il était nécessaire de
donner une base légale aux réseaux de soins et aux
filières organisées autour d'un médecin
généraliste choisi par le patient, jugeant qu'une telle
réforme permettrait notamment d'éviter les doubles emplois et une
meilleure prise en charge du malade.
Elle a précisé que la réforme de la nomenclature et du
codage des actes serait terminée en 2000.
S'agissant de médicaments, elle a déclaré qu'une politique
de bon usage et de lutte contre la surconsommation avait été
engagée. Elle a expliqué que la politique conventionnelle
traditionnelle visait avant tout à maintenir des prix de manière
artificielle alors que les réformes entreprises cherchaient plutôt
à rendre plus cohérents les prix et les taux de remboursement en
fonction de l'efficacité thérapeutique du médicament.
Rappelant que la mesure annoncée en juillet avait permis de
récupérer 1,5 milliard de francs, elle a
déclaré que l'accord conclu avec les laboratoires avait permis
d'éviter l'institution d'une nouvelle taxe pharmaceutique.
S'agissant de l'hôpital, elle a affirmé que l'objectif du
Gouvernement était d'adapter l'offre hospitalière aux besoins de
la population. Elle a insisté sur son souci de rattraper les retards
existants en s'engageant à un effort tout particulier sur cinq ans pour
les trois régions les plus défavorisées par rapport au
reste de la Nation.
Elle a également estimé que la révision des schémas
régionaux d'organisation de la santé visait à assurer
l'établissement de pôles de qualités technique et
professionnelle dans chaque région et à garantir le maintien de
services de proximité pour les maladies chroniques.
Elle a rappelé que la réduction des capacités
excédentaires se poursuivait, en concertation avec les élus, avec
la suppression de 2.900 lits excédentaires et avec la reconversion de
330 établissements hospitaliers.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
affirmé que le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 tendait à renforcer ces évolutions
structurelles.
Concernant la médecine, elle a indiqué que le projet de loi
proposait de renforcer les unions régionales des médecins
libéraux et de créer, au sein de la Caisse nationale d'assurance
maladie (CNAM), un fonds d'aide à la qualité des soins de ville
qui serait doté de 500 millions de francs pour 1999.
S'agissant de la politique du médicament,
Mme Martine Aubry, ministre
de l'emploi et de la solidarité,
a indiqué que le projet de
loi favoriserait l'essor des médicaments génériques moins
coûteux, en instituant un droit de substitution accordé aux
pharmaciens.
Elle a estimé que ces réformes de fond devraient porter leurs
fruits de manière progressive jugeant par exemple que l'informatisation
permettrait à la fois d'offrir une aide à la prescription et
d'éviter les interactions médicamenteuses.
Elle a jugé nécessaire que, dans l'attente des résultats
de sa politique structurelle, soient mises en place les clauses de
régulation visant à responsabiliser les prescripteurs. Elle a
souligné que cette clause consistait en un dispositif de
" reversement " vers l'assurance maladie si l'objectif de
dépenses était dépassé de 0,3 à 0,5 %
par le prescripteur. Elle a souhaité que ce mécanisme n'ait pas
à jouer grâce notamment à des rendez-vous infra-annuels
entre les partenaires conventionnels et la CNAM.
S'agissant des maladies professionnelles,
Mme Martine Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité,
a indiqué que le projet de loi
cherchait à mieux garantir les droits des victimes et qu'il permettait
la réouverture des dossiers liés à l'amiante.
Abordant la politique familiale, elle a rappelé que le projet de loi
prenait en compte les décisions annoncées lors de la
conférence de la famille, qu'il s'agisse de la suppression de la mise
sous condition de ressources des allocations familiales, de l'extension de
l'allocation de rentrée scolaire aux familles n'ayant qu'un enfant ou de
l'ouverture du droit aux allocations familiales pour tous les jeunes
dépourvus de ressources propres jusqu'à l'âge de 20 ans.
Elle a rappelé que la politique familiale se fixait trois objectifs pour
1999 : la révision de l'articulation entre vie familiale et vie
professionnelle, l'amélioration de la situation des jeunes adultes et
une aide aux parents qui ont des difficultés à remplir leur
rôle éducatif.
Abordant la question des retraites,
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi
et de la solidarité,
a annoncé que le commissariat
général du Plan avait terminé son diagnostic sur les
perspectives des retraites et qu'il entrait désormais dans une phase de
concertation avec les partenaires sociaux. Elle a précisé que son
rapport serait rendu public avant la fin février et qu'il serait suivi
d'un grand débat public.
Elle a également rappelé avoir annoncé à
l'Assemblée nationale l'abrogation de la loi Thomas, indiquant que ce
dispositif serait remplacé par la mise en place de fonds
d'épargne à long terme qui pourraient bénéficier
à tous et qui seraient gérés par les partenaires sociaux.
Elle a indiqué que le projet de loi prévoyait également la
mise en place d'un fonds de réserve pour les retraites, doté de
2 milliards de francs, mais qui pourrait être abondé,
à hauteur de 15 à 20 milliards de francs, grâce au
transfert d'une partie des fonds des caisses d'épargne.
S'agissant des personnes âgées,
Mme Martine Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité,
a estimé que le projet de loi
constituait une avancée sensible sur la question des aides à
domicile, rappelant qu'un amendement adopté à l'Assemblée
nationale permettait l'exonération à 100 % des cotisations
sociales pour les associations d'aides à domicile des personnes
âgées.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a
enfin estimé que la réforme du financement de la
sécurité sociale devait être poursuivie. A cet
égard, elle a rappelé que l'Assemblée nationale avait
souhaité le dépôt d'un projet de loi avant la fin du
premier trimestre 1999 sur la réforme de l'assiette des cotisations
sociales des employeurs.
Elle a estimé que ce projet devrait permettre une répartition des
charges plus favorables à l'emploi et elle a annoncé qu'une
consultation des partenaires sociaux serait engagée dans les semaines
qui viennent.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers
généraux et l'assurance maladie,
s'est interrogé sur
le taux d'inflation prévu pour 1999, chiffré à 1,2 %
hors tabac. Il a indiqué que cette prévision lui semblait
difficilement crédible dans le contexte actuel. Il a observé
qu'une moindre inflation aurait des effets sur la croissance de la masse
salariale en valeur. Après avoir relevé que la compensation des
exonérations de charges sociales dues aux trente cinq heures serait
finalement intégrale en 1999, il s'est interrogé sur le moyen,
pour le Gouvernement, de remettre en cause cette compensation intégrale
en cours d'année. Il a relevé que l'article 3 bis (nouveau) du
projet de loi voté par l'Assemblée nationale, résultant
d'un amendement du Gouvernement, remettait en cause -concernant les aides
à domicile- le principe de la compensation intégrale posé
par la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale. Il a
demandé à Mme Martine Aubry si la mission
interministérielle portant sur la poursuite de la réforme des
droits constatés avait été mise en place.
Concernant l'assurance maladie, après avoir remarqué que le mot
" hôpital " n'était cité dans aucun article du
projet de loi, il a fait état d'un communiqué de presse de la
Fédération hospitalière de France, montrant que le total
des enveloppes de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie
(ONDAM) n'atteignait pas le montant indiqué à l'article 33
du projet de loi. Il a observé que la marge de progression de l'ONDAM
était très faible, du fait du dérapage des dépenses
intervenu en 1998. Il a demandé si le projet de loi sur la couverture
maladie universelle serait discuté avant ou après la tenue des
Etats généraux de la santé. Il s'est interrogé sur
la modification de l'article 25 du projet de loi, instituant une clause de
sauvegarde applicable à la progression du chiffre d'affaires de
l'industrie pharmaceutique, alors même que l'article 26, créant
une contribution perçue sur l'industrie pharmaceutique au titre de
l'année 1998, avait été retiré par le Gouvernement.
Après avoir remarqué que seulement deux projets avaient
été approuvés par la commission présidée par
M. Raymond Soubie, il a souhaité connaître la position du
Gouvernement sur les réseaux et filières de soins. Enfin, il
s'est interrogé sur la pertinence de relever le numerus clausus, alors
que le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité
(MICA) ne permettait pas de distinguer entre les spécialités.
M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille
, s'est interrogé
sur l'utilisation des excédents prévisionnels de la branche
famille sur les années 1999, 2000 et 2001. Il a demandé si ces
excédents allaient servir à alimenter le fonds de réserve
pour les retraites créé à l'article 2 du projet de
loi. En tant que président du groupe d'étude des problèmes
du veuvage, il s'est interrogé sur le réel progrès
représenté par le nouvel article 29 bis, résultant d'un
amendement du Gouvernement.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse,
s'est
interrogé sur les autres sources de financement -en dehors des 2
milliards de francs prévus et des sommes tirées de la
réforme des caisses d'épargne- du fonds de réserve pour
les retraites. Il a demandé à Mme la ministre de l'emploi et de
la solidarité de décrire les grandes lignes du projet de loi sur
l'épargne-retraite, et notamment de préciser le caractère
obligatoire ou non de l'adhésion à cette forme de capitalisation.
Enfin, après avoir rappelé qu'il avait interrogé à
ce sujet Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité le
15 octobre 1998, dans le cadre des questions d'actualité, il s'est
interrogé sur les conditions d'examen par le Parlement de l'amendement
de séance présenté par le Gouvernement au cours du
débat à l'Assemblée nationale, modifiant
profondément le cadre législatif dans lequel s'inscrit l'aide
à domicile.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
répondant à M. Charles Descours, a observé que
les prévisions de croissance avaient déjà
été contestées lors de la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1998. Elle a
indiqué que les organismes internationaux avaient retenu pour la France,
en 1999, les mêmes prévisions de croissance que le Gouvernement.
Elle a rappelé que la loi du 25 juillet 1994 sur la
sécurité sociale n'avait institué le principe de la
compensation intégrale des exonérations de charges sociales
qu'à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi et que
l'exonération de 30 % dont bénéficient actuellement les
associations d'aide à domicile n'était pas compensée. Elle
a indiqué que, dans le cadre de la réduction du temps de travail,
les exonérations de charges sociales reposaient sur un mécanisme
fondamentalement différent de celui de la ristourne dégressive,
puisqu'il était possible de déterminer le nombre d'emplois
créés grâce aux effets des trente-cinq heures. Après
avoir estimé que les " retours " pour la
sécurité sociale étaient chiffrés aux alentours de
30 %, elle a confirmé que la compensation intégrale
s'appliquerait en 1999. Elle a précisé que cette compensation
n'avait pas pour autant vocation à demeurer intégrale et qu'un
bilan précis serait effectué, à l'issue d'une année
d'application de la loi d'orientation et d'incitation à la
réduction du temps de travail. Elle a estimé que le Gouvernement
n'avait pas l'intention de remettre en cause, pour l'ensemble des
exonérations de charges sociales, le principe posé par la loi de
1994.
Evoquant la situation des hôpitaux, et constatant que la progression de
leurs dépenses était de 2,50 % contre 2,29 % pour les
cliniques, elle a estimé qu'il n'y avait aucune raison d'affirmer que
l'hôpital public était pénalisé. Elle a
déclaré que la présence ou l'absence d'un article du
projet de loi sur l'hôpital n'était pas un critère
pertinent pour juger de la politique hospitalière du Gouvernement. Elle
a reconnu que des problèmes importants étaient néanmoins
posés, notamment du fait du mécanisme de
péréquation entre les régions. Elle a rappelé
qu'une marge restait dans l'ONDAM à la disposition du Gouvernement. Elle
a observé que la marge de l'année dernière avait
été très utile pour prendre en compte des problèmes
spécifiques posés par certains hôpitaux.
Elle a indiqué que le taux d'augmentation des dépenses avait
été fortement dépassé en 1998 pour certains
spécialistes, dont les radiologues. Elle a estimé que des bilans
en cours d'année (quatre mois et huit mois) permettraient de mieux
réagir à l'évolution des dépenses de santé.
Elle a confirmé que le projet de loi sur la couverture maladie
universelle serait déposé avant la fin de l'automne 1998.
Evoquant les articles 25 et 26 du projet de loi, elle a précisé
que les négociations avaient commencé depuis le mois de juillet
1998 avec les laboratoires pharmaceutiques. Elle a indiqué que le
Gouvernement s'était opposé à l'amendement modifiant
l'article 25, adopté par l'Assemblée nationale, tout en
reconnaissant que les arguments invoqués par les députés
n'étaient pas sans fondement. Elle a souhaité défendre la
politique conventionnelle, en indiquant que le syndicat national de l'industrie
pharmaceutique (SNIP) et le Gouvernement discutaient toujours pour aboutir au
meilleur dispositif possible.
Concernant la réforme des droits constatés, elle a rappelé
qu'il s'agissait d'une réforme récente. Elle a
précisé qu'une mission interministérielle sur
l'harmonisation des plans comptables était en cours d'installation, ce
qui permettrait de disposer dans des délais plus brefs des comptes des
régimes de sécurité sociale.
En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille,
Mme Martine Aubry
a indiqué que l'allocation veuvage, qui
était auparavant versée de manière dégressive sur
trois ans, serait désormais accordée pendant deux années
seulement, mais au taux de le première année, soit 3.107 francs
par mois.
En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance
vieillesse,
Mme Martine Aubry
a déclaré que la
création d'un fonds de réserve avait pour objectif de conforter
les régimes de retraite par répartition. Après avoir
affirmé que ce fonds de réserve constituait une grande
réforme, malgré le caractère symbolique des financements
qui lui étaient affectés, elle a ajouté que les efforts du
Gouvernement consisteraient désormais à trouver des moyens
financiers pour alimenter ce fonds.
Evoquant l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 créant les plans
d'épargne-retraite dite " Loi Thomas ", annoncée par le
Gouvernement,
Mme Martine Aubry
a considéré que cette
loi, d'inspiration anglo-saxonne, comportait des dispositifs
d'exonération de charges sociales trop avantageux qui risquaient de
conduire à un " siphonnage " de la sécurité
sociale. Elle a également ajouté que cette loi ne
prévoyait pas de garanties suffisantes quant à l'utilisation des
sommes collectées.
Mme Martine Aubry
a ensuite évoqué le nouveau
dispositif d'épargne-retraite que le Gouvernement souhaitait mettre en
place au cours de l'année 1999. Elle a indiqué que ce dispositif,
ouvert à tous et facultatif, devait répondre aux besoins
d'épargne à long terme des Français et comporter des
avantages fiscaux incitatifs égaux pour tous. Elle a
précisé que les fonds ainsi créés devraient
être gérés par les partenaires sociaux et qu'ils auraient
également pour objet, tout en garantissant une certaine
sécurité des placements, de conforter l'assise financière
des entreprises françaises.
S'agissant de la situation des associations d'aide à domicile,
Mme Martine Aubry
a considéré que les
problèmes qu'elles rencontraient -coût du travail, concurrence du
gré à gré, professionnalisation- présentaient un
caractère plus structurel que conjoncturel. Après avoir reconnu
que l'adoption, par l'Assemblée nationale, de la réforme de
l'aide à domicile avait été caractérisée par
une certaine précipitation,
Mme Martine Aubry
a cependant
souligné qu'elle n'avait eu connaissance du rapport Hespel-Thierry que
depuis quelques semaines et qu'elle avait souhaité agir rapidement.
S'agissant de la prestation spécifique dépendance (PSD),
Mme Martine Aubry
a rappelé qu'elle avait déjà
mis l'accent, l'année précédente, sur les avancées
que comportait cette nouvelle prestation, notamment l'évaluation de la
dépendance grâce à la grille Autonomie gérontologie
groupe iso-ressources (AGGIR) et la coordination des actions des
différents intervenants. Elle s'est réjouie de la progression du
nombre de bénéficiaires, passé de 15.000 personnes
l'année précédente à 60.000 à la fin du mois
de juin 1998. Elle a estimé que l'on pouvait espérer attendre 80
à 100.000 bénéficiaires à la fin de
l'année 1998.
Après avoir relevé que cinq départements ne versaient
toujours pas la PSD,
Mme Martine Aubry
a précisé que
les décrets porteurs de la réforme de la tarification des
établissements paraîtraient incessamment. Elle a
considéré que cette réforme de la tarification apporterait
plus de transparence dans les financements et les services offerts par les
établissements.
Mme Martine Aubry
a déclaré qu'elle entendait
réfléchir aux modifications souhaitables du dispositif de la PSD
à partir du mois de janvier 1999, au vu du bilan établi au
31 décembre 1998. Elle a précisé qu'il conviendrait
éventuellement de modifier le seuil de récupération sur
succession et, le cas échéant, d'instaurer, par voie
réglementaire, des minima nationaux pour les montants de la prestation
versée en établissement
M. Claude Huriet
s'est interrogé sur les déclarations du
Gouvernement sur le plan Juppé de réforme de la
sécurité sociale, sur le rôle des unions régionales
de médecins libéraux, sur la définition juridique des
médicaments génériques et sur la compatibilité
d'une régulation infra-annuelle des dépenses médicales
avec l'existence de pathologies saisonnières ; il a souligné
la difficulté à définir les besoins dans le domaine de la
santé dès lors que l'on souhaite y adapter l'offre et
l'inadéquation du Programme de médicalisation du système
d'information (PMSI) et des points ISA lorsqu'ils sont appliqués
à certaines activités hospitalières notamment dans le
domaine de la gériatrie.
M. Jean-Pierre Cantegrit
a rappelé que, le 15 décembre
prochain, serait célébré le cinquantenaire de la caisse de
sécurité sociale des Français de l'étranger et il a
souhaité que les deux rapports demandés par la ministre, l'un sur
cette caisse, l'autre confié à Mme Monique Ben Guiga, sur la
paupérisation des Français de l'étranger puissent donner
lieu à débat ; il a souhaité que le dispositif
annoncé d'épargne-retraite n'exclut pas les Français de
l'étranger.
M. Alain Gournac
s'est interrogé sur les différentes
déclarations des membres du Gouvernement sur l'épargne-retraite
et s'est inquiété de l'article 35 bis introduit par
l'Assemblée nationale concernant la gestion de la trésorerie des
différentes branches du régime général ; il a
souligné les difficultés rencontrées dans l'application
sur le terrain de la politique en faveur des handicapés.
M. Jean Chérioux
s'est associé à cette
dernière observation ; il a souligné par ailleurs que
l'alimentation en fonds propres des entreprises n'était pas
nécessairement compatible avec la garantie nécessaire des
retraites ; abordant les problèmes de l'hôpital, il a
souligné que les mesures tendant à réguler la
démographie médicale coexistaient avec de nombreux postes vacants
dans les hôpitaux.
M. François Autain
s'est inquiété de la
réforme du système d'aide au départ à la retraite
anticipée des médecins et son impact sur les médecins qui
pourraient voir, de ce fait, leurs projets remis en cause ; s'agissant de la
clause de sauvegarde applicable aux dépenses médicales, il a
souhaité que le texte de l'article 21 distingue davantage entre les
généralistes et les spécialistes.
M. Philippe Darniche
s'est interrogé sur le droit de substitution
de médicaments génériques et sur une modification
éventuelle des seuils de population pour la création d'officines.
M. Bernard Cazeau
s'est interrogé sur la
télétransmission des feuilles de soins, sur le choix entre
responsabilité collective et responsabilité individuelle pour la
mise en oeuvre d'une régulation des dépenses, ainsi que sur le
cumul des rémunérations privées et publiques des
praticiens hospitaliers.
Mme Nicole Borvo
s'est félicitée de la perspective d'une
abrogation rapide de la loi Thomas ; elle a regretté que le projet de
loi ne comporte pas de réforme de l'assiette des cotisations employeurs
et qu'il n'y ait pas concomitance entre le projet de loi de financement de la
sécurité sociale et le projet de loi relatif à la
couverture maladie universelle ; elle a estimé qu'une réforme de
la loi du 30 janvier 1975 relative aux institutions sociales et
médico-sociales aurait dû précéder la
régulation des dépenses introduites par l'article 27 du projet de
loi ; elle a en outre fait part de sa crainte d'une remise en cause de
l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à travers les critiques
qui lui sont adressées.
M. Francis Giraud
a souhaité insister sur la question de la
formation initiale et continue des médecins.
M. Marcel Lesbros
a dénoncé la campagne de presse dont ont
été l'objet les chirurgiens-dentistes sur la question des
prothèses.
M. Serge Franchis
a mis l'accent sur les conduites à risque et
les moyens d'une action permettant de responsabiliser les
intéressés.
En réponse aux intervenants,
Mme Martine Aubry
a souligné
qu'elle avait souhaité s'abstenir pendant un an de toute
déclaration sur le plan Juppé, mais qu'il lui semblait que
l'action du Gouvernement relevait d'un esprit différent, fondé
moins sur la coercition que sur la négociation et la mise en place
d'outils permettant de soigner mieux à un moindre coût. A l'appui
de ses propos,
Mme Martine Aubry
a cité notamment la politique du
Gouvernement dans le domaine de l'informatisation médicale et l'accent
mis notamment sur l'aide au diagnostic et sur la veille
épidémiologique, les négociations conduites avec les
internes permettant de mieux répondre aux besoins par
spécialités, l'accord global conclu avec les pharmaciens, la
demande faite aux directeurs des agences régionales d'hospitalisation de
mieux prendre en compte les réalités du terrain, le point de vue
des élus et les besoins de la population.
Mme Martine Aubry
a souligné que le grief fait à la loi
Thomas était d'ouvrir une possibilité de réserver le
dispositif de l'épargne-retraite à certaines catégories de
salariés et de permettre un " siphonnage " des recettes de la
sécurité sociale, que le dispositif envisagé par le
Gouvernement serait ouvert à tous mais sans obligation.
Elle a par ailleurs insisté sur l'effort budgétaire consenti en
faveur des handicapés dans le projet de loi de finances pour 1999.
Elle a souligné que la péréquation régionale dans
le domaine hospitalier avait été réformée,
l'objectif était de conforter les dotations des trois
départements les plus défavorisés et que la situation des
différents départements serait prise en compte au sein de la
région Ile-de- France.
Considérant que, s'il appartenait aux caisses d'assurance maladie de
contrôler les excès, elle ne croyait pas en revanche à
l'individualisation dans la régulation des dépenses
médicales consistant à dire à chaque médecin, quels
que soient ses patients ou son lieu d'exercice, combien il doit
dépenser. Elle a estimé que le dispositif mis en place par
l'article 21 était plus souple et plus juste que le
mécanisme précédent.
Mme Martine Aubry
a souligné par ailleurs les difficultés
à réaliser un consensus sur la réforme de l'assiette des
cotisations patronales au sein des organisations de salariés et
d'employeurs et la nécessité d'un délai de
réflexion supplémentaire sur un sujet difficile.
S'agissant de la régulation des dépenses des
établissements sociaux et médico-sociaux financés par
l'assurance maladie prévue par le projet de loi, elle a souligné
qu'il s'agissait largement de mettre le droit en accord avec la pratique ; elle
a observé qu'au demeurant l'enveloppe de ces dépenses progressait
plus fortement que les autres enveloppes de l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie.
Répondant à son tour aux intervenants,
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé
, a précisé
les points suivants :
- trois spécialités nouvelles ont été
créées pour l'internat ; le numerus clausus serait porté
à 3.800 postes afin de faire face à des besoins précis en
2003 et 2005 ; les internes, dans le cadre des négociations
menées sur les quotas par spécialités, n'ont pas
accepté le principe d'une répartition géographique ;
- tous les dossiers de départ à la retraite
constitués par les médecins seront pris en compte jusqu'au
1
er
juillet 1999 conformément au dispositif en vigueur ;
- le ministère a, d'ores et déjà, donné son
agrément à l'un des trois dossiers ayant reçu un avis
favorable de la commission présidée par M. Raymond Soubie ;
- le projet de loi comporte plusieurs dispositions permettant la prise en
charge, par l'assurance maladie, de dépenses non prescriptives et il
ouvre la possibilité de rémunérations forfaitaires en
complément du paiement à l'acte ;
- le droit de substitution par du médicament
générique accordé aux pharmaciens a été
accepté par la quasi-totalité d'entre eux mais également
par une majorité de médecins ; l'économie attendue de la
prescription des génériques existant actuellement pourrait
être évaluée à 4 milliards de francs et
pourrait atteindre jusqu'à 11 milliards de francs compte tenu du
nombre de médicaments pouvant donner lieu à fabrication de
génériques ;
- la mise en place de la formation médicale est actuellement
bloquée faute d'un accord avec la profession et le Gouvernement
prévoit d'insérer dans le prochain projet de loi portant diverses
mesures d'ordre social, les dispositions législatives nécessaires
;
- les unions régionales de médecins libéraux auront
un rôle essentiel dans l'évaluation et l'amélioration des
pratiques médicales.
Enfin, s'agissant des conduites à risque,
M. Bernard Kouchner
a
estimé que la communication était difficile à
l'égard de jeunes dépourvus de perspectives d'avenir, notamment
professionnelles ; il s'est félicité de l'amendement
adopté par l'Assemblée nationale majorant les taxes sur le tabac
car la hausse du prix du tabac a un impact direct sur la consommation.