CHAPITRE V - LES PUBLICS "PRIORITAIRES"

Le "bleu" budgétaire des crédits de l'emploi rassemble sous un seul "agrégat" l'ensemble des mesures consacrées aux jeunes, aux demandeurs d'emploi, aux handicapés.

Ces crédits progressent de 17 % en 1998 et atteignent 67,8 milliards de francs. Ils méritent bien sûr d'être analysés en sous-ensembles plus cohérents.

I. LES ACTIONS EN FAVEUR DES JEUNES

Ces crédits progressent de 38,2 % et atteignent 25,6 milliards de francs.

Évolution des crédits

(en millions de francs)

(1) Budget des charges communes pour 1997, transfert au budget du travail en 1998.

1. La formation décentralisée aux régions

La loi quinquennale sur l'emploi du 20 décembre 1993 a organisé une décentralisation progressive de la formation des jeunes :

Le mécanisme de la décentralisation de la formation des jeunes

- le 1er juillet 1994, l'ensemble des formations dites "qualifiantes" ont été décentralisées ;

- les régions ont conclu progressivement des conventions avec l'État pour la décentralisation des formations non qualifiantes, ainsi que les actions d'accompagnement" : bilans, correspondants des jeunes... Au 1 er janvier 1997, seules trois régions (Lorraine, Provence Côte d'Azur et Guyane) demeurent en gestion étatique directe.


• s'agissant des actions qualifiantes, une dotation globale a été calculée en juin 1994 à partir des dépenses exposées par l'État en 1993 (hors Fonds social européen) : elle a été établie à 830,32 millions de francs pour le deuxième semestre 1994.


• la dotation évolue comme la dotation globale de fonctionnement, soit + 1,38 % en 1998, et s'établit donc à 1.797,15 millions de francs,


• en ce qui concerne les actions non qualifiantes, les crédits ont été calculés sur la même base : au 2 e semestre, la dotation a été établie à 561,05 millions de francs.

En 1995, les crédits ont été de 2.467,45 millions de francs, abondé d'une dotation exceptionnelle de 378,7 millions de francs pour un programme destiné à 10.000 jeunes les plus en difficulté.

En 1998, les crédits s'établissent à 1.350,26 millions de francs en fonctionnement, et à 1.255,03 millions de francs, en rémunérations, soit un total de 2.613,3 millions de francs, en diminution de 0,5 %.

Par ailleurs, une enveloppe de rééquilibrage au titre de l'aménagement du territoire s'ajoute à ces dotations : 54,11 millions de francs en 1998, soit une progression à celle de la DGF

2. La formation en alternance

a) Les contrats de qualification

L'aide de l'État à la formation en alternance dans le cadre des contrats de qualification -qui s'effectue à l'école et dans l'entreprise et doit mener à une qualification reconnue- prend la forme d'exonération de charges sociales aux entreprises : la dotation prévue pour 1998 diminue d'un peu moins d'un quart et s'établit à 2.155,5 millions de francs : le nombre d'entrées prévu est de 100.000, pour 130.000 en 1997.

Cette diminution est tout à fait dommageable, pour une mesure dont les entreprises reconnaissent l'intérêt à l'égard de l'insertion professionnelle.

b) Les contrats d'apprentissage

L'aide de l'État aux contrats d'apprentissage prend la forme d'exonérations de l'ensemble des charges sociales sur les contrats et d'aides directes à l'entreprise dans le cadre de la loi du 6 mai 1996 : prime de 6.000 francs par apprenti, et versement d'une indemnité de soutien à la formation (de 10.000 à 12.000 francs).

En 1998, l'ensemble de ces crédits atteint 9.819,66 millions de francs, en progression de 3,3 %, ce qui correspond à 240.000 entrées dans les entreprises, au lieu de 220.000 en 1997.

Cette progression est très appréciable, car elle prolonge l'effort amorcé depuis deux ans.

Toutefois, la dotation afférente aux primes transférées du budget des charges communes au budget de l'emploi fait l'objet d'une réfaction de 400 millions de francs qui devrait être compensée par une contribution versée au budget de l'État par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Par ailleurs, lors de l'examen du budget par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a diminué de 500 millions de francs les crédits d'exonérations sur les contrats d'apprentissage, justifiant cette baisse -qui "gageait" le prolongement du plan textile- par :

- le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG pour 400 millions de francs,

- un nouveau prélèvement sur les fonds de l'alternance de 100 millions de francs.

Ces prélèvements inopinés sur les fonds de l'alternance posent un véritable problème du point de vue de l'unité budgétaire. Par ailleurs, ils justifient que soit présentée en même temps que le budget de l'emploi, la situation des fonds de l'alternance, avant et après les prélèvements.

3. Le réseau d'accueil

Les subventions versées par l'État aux missions locales et permanences accueil-information-orientation (PAIO), progressent en 1998 de 1,1 % et atteignent 359,9 millions de francs. La loi quinquennale du 20 décembre 1993 prévoit la transformation de ces structures en "espaces jeunes" où les jeunes peuvent disposer, en un lieu unique, de tous les services proposés par l'État, les régions et l'ANPE.

4. Les emplois jeunes

a) Les caractéristiques générales du dispositif

Le budget de 1998 prévoit l'inscription de 8,050 milliards de francs à un chapitre nouveau 44.01 "Programme en faveur de l'emploi des jeunes" correspondant au financement de la loi du 16 octobre 1997 1 ( * ) : l'État fournit une aide par emploi égale à 80 % du SMIC charges sociales comprises -soit 92.000 francs en 1997- pour des contrats de droit privé conclus avec des associations ou des collectivités locales en vue de répondre à des besoins non satisfaits ou émergents.

Cette aide devrait atteindre 100 % pour les emplois jeunes recrutés directement par l'État à l'Education nationale, ou à l'Intérieur 2 ( * ) .

Financés en 1997 à hauteur de 2 milliards de francs par décret d'avances, les emplois jeunes sont censés compter 50.000 bénéficiaires en 1997 et 100.000 bénéficiaires en 1998. L'objectif est de 350.000 emplois sur cinq ans. En contrepartie, le dispositif des emplois-ville est supprimé (- 0,6 milliard de francs), étant considéré comme devant être absorbé par le dispositif plus général -car non "zone"- des emplois jeunes.

b) Une source de multiples inquiétudes

Lors de l'examen du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes par le Sénat, les inconvénients du dispositif ont été mis en lumière :

- il s'agit d'une mesure particulièrement coûteuse, puisque l'État prend en charge les emplois jeunes sur la base de 80 % du SMIC avec charges sociales, ce qui représente une aide de 92.000 francs par emploi ;

- il s'agit d'un dispositif qui risque d'apporter une concurrence déloyale à des emplois existants, malgré les assurances données par le Gouvernement : ainsi, il semble acquis que les emplois ville, pourtant ciblés sur les jeunes en difficulté, seront absorbés par les emplois jeunes. Mais cette concurrence risque fort de s'étendre à d'autres emplois aidés, et même aux emplois du secteur privé, étant donné l'avantage financier considérable consenti par l'État pour les emplois jeunes ;

- la transformation de ces emplois à l'issue des cinq ans assurés par l'État donnera lieu à une fonctionnarisation ou à de graves désillusions pour les jeunes concernés ;

- enfin, et surtout, le véritable problème du chômage des jeunes, qui est celui de l'inadaptation de la formation et d'un coût du travail excessif, est en quelque sorte "camouflé" par ce dispositif. Pas totalement toutefois, car il apparaît actuellement que les 350.000 emplois qui devaient être créés pour les jeunes dans le secteur privé restent à l'état de pure annonce.

Au total, cette mesure "phare" du budget de l'emploi suscite de réelles inquiétudes. Au demeurant, il est vraisemblable que le chiffre de 150.000 emplois jeunes en 1998 ne pourra pas être atteint, sauf à exercer une concurrence frontale avec des emplois existants.

* 1 Par ailleurs, 300 millions de francs sont inscrits au budget de l'outre-mer pour les emplois jeunes

* 2 200 millions de francs sont inscrits au budget de l'intérieur pour les "adjoints de sécurité".

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