B. LA NOUVELLE OPÉRATION D'APUREMENT DE LA DETTE : UN CONTEXTE INQUIÉTANT

Annoncée le 29 septembre dernier par un communiqué du ministère de l'économie et des finances, la reprise des déficits des comptes sociaux au titre des exercices 1996, 1997 et 1998 par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, si elle ne constitue pas une surprise, appelle néanmoins de nombreuses observations.

1. La mise en place de la CADES

La nouvelle mission confiée à la CADES n'apparaît pas, de prime abord, étrangère à la vocation de cette institution créée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 portant mesures relatives au remboursement de la dette sociale.

a) Une caisse créée pour l'apurement de la dette sociale antérieure à 1996

Elle a, en effet, reçu pour mission :

- d'apurer la dette de 137 milliards de francs du régime général de sécurité sociale comprenant, pour 120 milliards de francs, le financement des déficits des exercices 1994 et 1995 et, à hauteur de 17 milliards de francs, celui du déficit prévisionnel de 1996 ;

- de verser chaque année 12,5 milliards de francs à l'Etat, pour le remboursement en capital et intérêts de la dette de 110 milliards de francs du régime général qu'il a reprise au 1er janvier 1994, versement antérieurement à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- de verser en 1996, et au cours de cette seule année, 3 milliards de francs à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) pour couvrir ses déficits 1995 et 1996.

Pour faire face à cette triple mission, la CADES s'est vu attribuer le produit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), imposition créée par le chapitre II de l'ordonnance précitée. Elle a aussi la possibilité de contracter des emprunts, notamment en faisant appel public à l'épargne et en émettant tout titre de créance négociable représentatif d'un droit de créance.

On mentionnera pour mémoire deux autres ressources potentielles qui, pour l'instant, n'ont guère été employées :

· d'une part, le produit de la vente du patrimoine privé à usage locatif des caisses nationales du régime général. L'ordonnance de 1996 prévoit que la partie de ce patrimoine qui ne sera pas vendue à la date du 31 décembre 1999 devra lui être transférée ;

· d'autre part, le reversement par la CNAMTS des remboursements de sa créance sur les organismes étrangers de sécurité sociale.

Comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale de septembre 1997, la question centrale est de savoir si les ressources attendues équilibreront les emplois prévus.

b) Un accueil satisfaisant sur les marchés financiers...

Or, la CADES a fait l'objet d'un très bon accueil sur les marchés et de conditions de prix pour ses émissions à peine supérieures à celles qu'obtenait l'Etat.

Selon la Cour des Comptes, divers éléments ont joué en faveur de la CADES.

En premier lieu, son statut d'établissement public national fait que l'Etat est, en dernier ressort, le responsable de sa solvabilité, en vertu de la loi du 16 juillet 1980 relative à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public.

En second lieu, la contribution pour le remboursement de la dette sociale a un rendement élevé et suffisamment évolutif. Le produit attendu pour 1997 en année pleine est de 25,5 milliards avec un taux de croissance annuel moyen évalué à 3,5 %.

Enfin, il semble que l'affectation prioritaire des ressources de la CADES au service et à l'amortissement de la dette par rapport aux versements annuels à l'Etat, ait été également un élément déterminant.

Comme le précise le rapport d'activité du 7 octobre dernier, les opérations financières réalisées par la CADES depuis sa mise en place en avril 1996 ont permis de la positionner comme un émetteur international de tout premier rang.

Dans un délai de quelques semaines, la CADES a refinancé au 28 juin 1996 le prêt de 140 milliards de francs contracté par l'ACOSS auprès de la Caisse des dépôts et consignations, et a consolidé progressivement ce financement.

Les opérations mises en place comprenaient notamment :

- un crédit bancaire syndiqué d'un montant total de 60 milliards de francs ;

- la mise en place d'un programme de papier commercial de 90 milliards de francs ;

- la mise en place d'un programme de billets de trésorerie de 50 milliards de francs ;

- une émission obligataire d'un montant de 25 milliards de francs, la plus importante jamais lancée sur le marché français hors Etat.

Le financement de la CADES a été progressivement consolidé par des émissions obligataires en francs français et en devises. Le financement à long terme représente ainsi aujourd'hui 65 % de l'endettement total de la CADES.

Au total, l'accueil réservé par les marchés a été excellent, comme en témoignent :

·  l'ampleur de la demande sur les instruments financiers émis : le total des soumissions lors de l'opération d'adjudication obligataire -la première hors Etat intervenue depuis 1989- a ainsi représenté quatre fois le montant proposé ; le montant souscrit dans le cadre du crédit syndiqué a excédé de deux fois le montant offert ;

·  le très bon accueil des investisseurs internationaux : la CADES a reçu le prix du " meilleur nouvel émetteur de l'année 1996 " et le prix du " meilleur émetteur de papier commercial en 1996 " des revues financières spécialisées. La CADES a également été désignée " émetteur le plus impressionnant " sur les marchés internationaux en 1996 à l'occasion d'un sondage réalisé auprès des professionnels de marché par la revue Euroweek.

c) ... mais une gestion encore trop peu transparente

La mise en place de la CADES n'a cependant pas été exempte de difficultés.

Les encaissements par la CADES des produits de la CRDS ont commencé tardivement . Le rapport de la Cour des Comptes précise que la caisse n'a reçu qu'en juin 1996 les premiers versements de l'ACOSS et que ces retards se sont poursuivis jusqu'au troisième trimestre. Une incertitude réside encore sur le point de savoir à quel exercice le produit perçu pour 1996, au titre des revenus de placement, sera rattaché, sachant que la somme correspondante avoisine 700 millions de francs.

Surtout, votre rapporteur n'a pas manqué de souligner l'an dernier une certaine opacité dans la gestion de la CADES .

Alors que le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale comportait l'an dernier quelques éléments d'informations financières sur cette caisse, celui rendu public le 26 septembre dernier ne comporte plus aucun développement sur ce sujet.

Bien que la CADES ait été placée sous la double tutelle du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la sécurité sociale, tout se passe dans la pratique comme si cette caisse ne relevait que de la seule compétence du premier.

Par ailleurs, bien que l'article 3-II de l'ordonnance du 24 janvier 1996 ait prévu la constitution d'un comité de surveillance composé notamment de membres du Parlement, celui-ci ne s'est réuni pour la première fois que le 28 octobre dernier, alors que l'Assemblée nationale examinait le projet de loi de financement pour 1998 .

La Cour des Comptes souligne également ce curieux retard dans la mise en place des instruments susceptibles de contrôler la CADES. Elle relève subtilement que " la spécificité de l'activité de la CADES, qui est celle d'un établissement financier, a conduit à alléger les contrôles qu'exercent d'ordinaire sur un établissement public à caractère administratif l'agent comptable et le contrôleur financier, sans que cet allégement soit compensé par la définition de modalités de contrôle mieux adaptées à la nature de l'établissement ".

Votre commission des affaires sociales souhaite que soient rapidement mis en place les instruments de contrôle de la CADES et améliorée la transparence des informations s'y rapportant et compte sur la périodicité des réunions du conseil de surveillance pour mettre un terme à cette opacité de gestion.

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