II. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1998 : OBJECTIFS ET PRÉVISIONS

Le ministre de l'emploi et de la solidarité a présenté, dès la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 26 septembre dernier, les grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 établi sur la base de prévisions faisant apparaître, un déficit du régime général de 37 milliards de francs en 1997 et avant toute mesure nouvelle de 33 milliards de francs en 1998.

La présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit ainsi la place quasi-exclusive qu'occupe l'évolution des comptes du régime général dans les préoccupations du Gouvernement . De fait, les mesures annoncées concernent toutes l'équilibre financier de ce régime.

Or, la loi de financement annuelle de la sécurité sociale a un objet plus large. La loi organique (Art. L.O. 111-3) dispose que, chaque année, cette loi :

" 1° - Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

" 2° - Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;

" 3° - Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;

" 4° - Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;

" 5 - Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.


Votre commission des Affaires sociales ne sous-estime pas le fait que le régime général représente les deux tiers des dépenses et des recettes de l'ensemble des régimes de sécurité sociale. Cependant, elle déplore l'approche faite du présent projet de loi qui conduit à occulter la situation des autres régimes alors que celle-ci justifierait une approche globale et approfondie.

Cette présentation contribue, ainsi, à centrer le débat parlementaire sur l'évolution du seul régime général, à faire l'impasse sur les réformes nécessaires de certains régimes spéciaux et conduit en définitive à une vision tronquée des comptes sociaux.

Ne seront abordés dans la présente partie que les aspects relatifs aux conditions de l'équilibre financier pour 1998 et à l'apurement de la dette sociale. On se reportera, pour les politiques de la famille, de la santé et de la vieillesse, aux rapports spécifiques qui leur sont consacrés.

A. LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE : UN EXERCICE ENCORE IMPARFAIT

Il convient d'observer en préambule que lors de l'examen du projet de loi en première lecture, l'Assemblée nationale a modifié la présentation du projet de loi de financement en réduisant le nombre de titres à trois au lieu de cinq figurant dans le projet de loi initial et en modifiant l'enchaînement des articles ayant trait aux " conditions générales de l'équilibre financier ".

Présentation des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998

Projet de loi initial

Projet de loi adopté par l'Assemblée Nationale

Titre I : Orientations et objectifs de la politique de santé et de sécurité sociale

Sans changement

Article premier (approbation du rapport annexé)

Titre II : Dispositions relatives aux ressources

Titre II : Dispositions relatives aux ressources

Articles 2 à 14

Articles 2 à 14

Titre III : Dispositions relatives aux conditions générales de l'équilibre financier

(division supprimée)

Article 15 (prévisions de recettes)

Article 15 (prévisions de recettes)

Article 16 (objectif de dépenses par branche)

Article 16 à 18 supprimés

Article 17 (ONDAM)

Article 18 (plafond d'avances de trésorerie)

Titre IV : Dispositions relatives aux dépenses

Titre IV : Dispositions relatives aux dépenses et à la trésorerie

Articles 19 à 23

Articles 19 à 23

Article 23 bis (objectif de dépenses par branche)

Article 23 ter (ONDAM)

Titre V : Dispositions diverses

(division supprimée)

Articles 24 et 25

Articles 24 et 25

Article 26 (plafond d'avances de trésorerie)

Sans lui donner la portée symbolique, ayant trait au respect des prérogatives du Parlement, que l'Assemblée nationale a, semble-t-il, souhaité, cette nouvelle présentation apparaît plus claire pour l'organisation de la discussion parlementaire : il apparaît logique que les objectifs de dépenses par branche figurent après les articles comportant des dispositions susceptibles de modifier ces objectifs et que l'article fixant le plafond des avances de trésorerie se situe in fine du projet de loi (article 26 nouveau) dès lors que ce plafond dépend de l'équilibre financier résultant des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses mais également de l'impact de la reprise de dette prévue à l'article 25.

Cette présentation évite ainsi la multiplication des réserves d'articles lors de la discussion en séance publique ou la nécessité de procéder à des coordinations nombreuses. Deux exceptions demeurent toutefois : la modification de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) (article 23 ter nouveau) doit, d'une part, entraîner une coordination avec l'objectif de dépenses de la branche maladie-maternité-invalidité-décès figurant à l'article 23 bis nouveau ou la réserve de ce dernier article ; comme l'a démontré le débat en première lecture à l'Assemblée nationale, l'article premier et le rapport qui lui est annexé doivent être, d'autre part, réservés jusqu'à la fin du projet de loi dès lors que ce rapport se présente pour bon nombre de ses développements comme la mise bout à bout des exposés des motifs des différents articles.

Si ce toilettage de la structure du projet de loi facilite les modifications mineures qui lui seraient apportées lors de la discussion dans une assemblée, il reste qu'il est inopérant dès lors qu'il s'agit de modifier substantiellement les conditions générales de l'équilibre financier.

1. Les prévisions de recettes : une modification de la structure des prélèvements sociaux

Comme l'année précédente, ces prévisions distinguent sept catégories de recettes dont la définition est précisée à l'annexe c du projet de loi.

Pour la définition de chacune de ces catégories, on se reportera au rapport consacré à l'examen des articles.

Il convient de noter, par ailleurs, que les ressources des régimes obligatoires de base de sécurité sociale font l'objet d'une annexe spécifique, l'annexe d.

On soulignera, en outre, que la Cour des Comptes a notamment émis des réserves sur l'évaluation faite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 des recettes et notamment sur le montant des cotisations fictives.

Ainsi, la Cour des Comptes estime que " du fait des lacunes qu'elles présentent au regard des comptes des organismes de sécurité sociale, les données comptables annexées au projet de loi de financement ne constituent pas une référence incontestable, alors qu'elles sous-tendent des prévisions de recettes et fondent les objectifs de dépenses, notamment l'objectif national d'assurance maladie (ONDAM) qui est assorti d'effets juridiques ".

Nonobstant ces remarques, on ne peut que constater la forte progression des recettes sociales en 1998.

a) Une forte progression des recettes

Ces recettes progresseront globalement de 3,8 % passant de 1.658,3 milliards de francs à 1.722,1 milliards de francs. L'accroissement de recettes porte donc sur 63,8 milliards de francs.

Cette progression est légèrement inférieure à celle de la masse salariale estimée à 4 % en 1998, mais est nettement supérieure à la croissance du PIB évaluée à 3 %.

Ressources en milliards de francs

LFSS 1997

PLFSS 1998

Evolution
en masse

Evolution
en %

Cotisations effectives

1.152,4

1.033,7

- 118,7

- 11,3

Cotisations fictives

181,9

186,9

+ 5

+ 2,7

Contributions publiques

63,9

61,5

- 2,4

- 3,8

Impôts et taxes affectés

223,6

403,0

+ 179,4

+ 80,2

Transferts reçus

4,7

4,6

- 0,1

- 2,2

Revenus des capitaux

1,8

1,3

- 0,5

- 2,8

Autres ressources

30,0

31,1

+ 1,1

+ 3,6

Total

1.658,3

1.722,1

+ 63,8

+ 3,8

Ce tableau met en évidence plusieurs évolutions :

- la baisse des cotisations sociales ne compense pas intégralement la hausse des impôts et taxes affectés : l'écart est, en effet, de 60,7 milliards !

- la progression des impôts et taxes affectés est à l'origine de la quasi-totalité de l'augmentation des recettes de la sécurité sociale puisqu'elle présente 60,7 milliards sur un total de 63,8 milliards de francs ;

- le présent projet de loi opère donc un transfert massif des cotisations sociales vers l'impôt en modifiant la structure du financement de la sécurité sociale.

Le poids relatif des cotisations et des impôts et taxes affectés varie ainsi fortement, comme le montre le tableau ci-dessous :

Ressources en pourcentage

LFSS 1997

PLFSS 1998

Cotisations effectives

69,5 %

60,0 %

Cotisations fictives

10,9 %

10,9 %

Contributions publiques

3,8 %

3,6 %

Impôts et taxes affectés

13,5 %

23,4 %

Transferts reçus

0,3 %

0,2 %

Revenus des capitaux

0,1 %

0,07 %

Autres ressources

1,8 %

1,8 %

Total

100 %

100 %

Votre commission des Affaires sociales ne peut que constater la fiscalisation croissante des ressources de la sécurité sociale et l'aggravation préoccupante des prélèvements affectés à la sécurité sociale.

b) ... qui traduit une évolution préoccupante sur longue période

L'annexe g du projet de loi consacrée aux comptes de la protection sociale -concept plus large que celui de la sécurité sociale, celle-ci étant contenue dans la première- montre que les tendances prévues pour 1998 accentuent des évolutions antérieures déjà préoccupantes.

Ainsi, le taux de pression sociale, qui est défini comme le rapport entre les prélèvements contributifs et fiscaux directement affectés à des dépenses de protection sociale et le PIB, a enregistré une croissance soutenue, passant de 23,6 % à 25,7 %, entre 1990 et 1996. Pendant cette période, ces prélèvements ont donc évolué plus rapidement que le PIB.

Evolution du taux de pression sociale (en pourcentage)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Cotisations/PIB

22,6 %

22,7 %

23,0 %

23,3 %

22,8 %

23,0 %

23,3 %

Impôts et taxes affectés/PIB

1,0 %

1,3 %

1,4 %

1,7 %

2,3 %

2,3 %

2,4 %

Cotisations + impôts et taxes affectés/PIB

23,6 %

23,9 %

24,3 %

25,0 %

25,1 %

25,3 %

25,7 %

Sur cette période 1990-1996, l'augmentation de 2,1 points du taux de pression sociale est due pour 0,7 point aux cotisations et pour 1,4 point -soit le double- aux impôts et taxes affectés.

Par ailleurs, l'annexe g souligne que la faiblesse de la croissance économique ainsi que la montée du chômage ont engendré une limitation des recettes qui remet en cause, pour partie, le système de financement de la protection sociale et que ceci a conduit à des modifications de la structure de son financement.

La part des cotisations sociales dans ce financement est passée de 78,3 % en 1990 à 75,1 % en 1996 -soit une baisse de 3,2 points- au profit des impôts et taxes affectés.

Structure du financement de la protection sociale en 1990 et 1996

1990

1996

Millions de francs

%

Millions de francs

%

Cotisations totales

1.472.691

78,3

1.832.110

75,1

Cotisations effectives

1.301.174

69,2

1.607.586

65,9

cotisations d'employeurs

776.260

41,3

890.725

36,5

dont cotisations à la charge des employeurs

771.498

41,0

52.686

2,2

dont cotisations prises en charge par l'Etat

4.762

0,3

49.179

2,0

cotisations de salariés

416.645

22,2

528.787

21,7

autres cotisations effectives

108.269

5,8

135.388

5,6

Cotisations fictives

171.517

9,1

224.524

9,2

Impôts et taxes affectés

63.827

3,4

192.388

7,9

Contributions publiques

240.598

12,8

295.187

12,1

Contrepartie des prestations fiscales

57.750

3,1

74.829

3,1

Autres ressources

45.332

2,4

43.535

1,8

Total

1.880.198

100,0

2.438.049

100,0

c) La part croissante des financements publics

Si on prend par ailleurs en compte les contributions publiques, on constate que la part du financement public a augmenté depuis 1990 de 3,8 points pour représenter 20 % des ressources de la protection sociale en 1996 .

Les contributions publiques et les impôts et taxes affectés ont augmenté à un rythme annuel de 8,2 % entre 1990 et 1996. Ce rythme a été soutenu par la croissance rapide des impôts et taxes affectés de 20,2 % en moyenne annuelle alors que la croissance des contributions publiques n'était que de 3,5 %.

Le montant des impôts et taxes affectés a ainsi triplé entre 1990 et 1996 passant de 63,8 milliards de francs à 192,4 milliards de francs.

Par rapport aux pays de l'Union européenne, la France continue à se distinguer même si l'accroissement de la part du financement public tend à la rapprocher des autres Etats. Malheureusement, les statistiques comparatives les plus récentes ne portent que sur l'année 1994. A cette date, on constate que :

- la France est le pays où la part des cotisations sociales reste la plus élevée (76,5 % du total contre moins de 20 % au Danemark) ;

- l'évolution des structures de financement laisse apparaître une certaine convergence : une part croissante de fiscalisation et la baisse des cotisations employeurs ;

- la part des financements publics dans l'ensemble des recettes, entre 1981 et 1994, augmente dans huit pays sur douze. La baisse de la part fiscale ne se produit que dans les pays où les contributions publiques étaient importantes (Danemark, Irlande, Belgique et Allemagne). A l'inverse, on assiste à un accroissement du financement public dans les pays où les cotisations pèsent d'un poids important en particulier dans les pays d'Europe du Sud.

*

Au terme de cet examen, votre commission des Affaires sociales observe que la " pression sociale " s'accroît fortement dans notre pays en 1998. Si cette évolution n'est pas récente, elle constate qu'au lieu de la freiner, les mesures contenues dans le présent projet de loi ne font que l'accentuer.

Elle considère que cette " pression sociale " ajoutée à la " pression fiscale " tend à asphyxier notre économie avec des taux de prélèvements excessifs.

2. Les objectifs de dépenses : des évolutions contrastées

Les objectifs de dépenses enregistrent également une progression significative, contrastée toutefois selon les branches.

a) Une notion de branche qui nécessite une harmonisation rapide

La notion de branche n'a été définie que pour le seul régime général (loi du 25 juillet 1994). L'absence de définition générale de cette notion a conduit à adopter un certain nombre de conventions pour la ventilation des dépenses.

Ces conventions sont précisées à l'annexe c du projet de loi de financement. Toutefois, à la suite de la Cour des Comptes, on peut noter plusieurs approximations :

- s'agissant des charges annexes (frais, intérêts) lorsque les régimes ne les individualisent pas, elles sont réparties en fonction des clés conventionnelles sur lesquelles l'annexe c n'apporte pas de précision ;

- par ailleurs, le concept de dépenses utilisé par la loi organique ne recoupe pas exactement celui d'emplois retenu dans les comptes présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale. Ces différences de ressources résultent principalement du traitement des dépenses des départements d'outre-mer dans les comptes de la sécurité sociale, où elles sont consolidées avec les recettes perçues dans les départements d'outre-mer, des doubles emplois qui apparaissent dans les comptes de la sécurité sociale du fait des transferts internes aux régimes de base, des cotisations prises en charge par les régimes et de l'exclusion des régimes de base de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires de droits propres.

Les objectifs de dépenses par branche figurant à l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont donc définis à partir du total des dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoires :

- diminué des dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires et des transferts internes aux régimes de base considérés, ainsi que les dépenses constituant la contrepartie des cotisations prises en charge par la sécurité sociale et

- et majoré des dépenses dans les DOM qui, dans les comptes de la sécurité sociale, sont consolidées avec les recettes perçues dans les DOM.

Le tableau ci-après explicite pour 1998 ces opérations pour les quatre branches retenues :

Passage des dépenses par branche des régimes de base
aux objectifs de dépenses par branche

Branche maladie-invalidité

Branche accidents du travail

Branche vieillesse

Branche famille


Total

Emplois de l'ensemble des régimes de base dans la nomenclature des comptes de la sécurité sociale


706,9


55,8


844,1


246,5


1.853,3

Recettes DOM

8,0

0,5

5,5

2,9

16,9

Transferts internes à consolider

- 30,2

- 5,5

- 93,1

- 1,2

- 130,1

Cotisations prises en charge par la sécurité sociale à consolider

- 5,9

0,0

0,0

- 1,4

- 7,3

Dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires

- 0,5

0,0

- 2,1

0,0

- 2,6

Objectifs de dépenses par branche (régime de plus de 20.000 cotisants ou bénéficiaires)


678,3


50,8


754,3


246,8


1.730,2

b) Une progression essentiellement liée à la montée en charge des pensions de vieillesse

Par rapport à la loi de financement votée pour 1997, on constate des évolutions importantes, comme le souligne le tableau ci-après :

Evolution des dépenses

En milliards de francs

LFSS 1997

PLFSS 1998

Evolution en masse

Evolution en %

Maladie-maternité-invalidité-décès

662,1

678,3

+ 16,2

+ 2,4

Vieillesse-Veuvage

726,7

754,3

+ 27,6

+ 3,8

Accidents du travail

54,7

50,8

- 3,9

- 0,7

Famille

241,7

246,8

+ 5,1

+ 2,1

Total des dépenses

1.685,2

1.730,2

+ 45,0

+ 2,7

La progression des dépenses prévisionnelles est donc inférieure de plus d'un point à celle des recettes. Elles augmentent, en 1998, de 45 milliards, soit une hausse de 2,7 %.

Ce tableau fait apparaître, en outre, que :

- c'est la branche vieillesse qui enregistre la plus forte progression avec un taux de croissance de 3,8 %. A elle seule, cette branche est responsable de près de 60 % de l'augmentation des dépenses en 1998 ;

- le second poste qui progresse le plus est celui des dépenses de maladie-maternité-invalidité-décès . Avec une hausse de 2,4 %, ces dépenses s'alourdissent de 16,2 milliards supplémentaires en un an ;

- l'évolution des dépenses de la branche famille reste, dans ce contexte, modérée. Celles-ci ne progressent que de 5,1 milliards de francs, soit une hausse de 2,1 % ;

- enfin, la branche des accidents du travail enregistre une baisse de 0,8 % de ses dépenses, soit un recul de 3,9 milliards de francs.

En valeur relative, on constate que la branche vieillesse-veuvage reste le premier poste de dépenses de sécurité sociale.

Cette analyse permet de reconsidérer les priorités définies par le présent projet de loi. On constate que, globalement, c'est la branche vieillesse-veuvage et la branche maladie qui sont principalement à l'origine de l'augmentation des dépenses. En revanche, la légère progression des dépenses de la branche famille est compensée par la diminution des dépenses de la branche accidents du travail.

En conséquence, votre commission regrette que le Gouvernement n'ait défini d'orientations -par ailleurs contestables- dans le présent projet de loi que pour les branches maladie et famille. Ce faisant, il montre son incapacité à faire face au problème crucial de la montée en charge des pensions de vieillesse et aux ajustements inéluctables des règles de cotisations et de prestations des régimes concernés.

Le poids relatif des différentes branches

3. La fixation des plafonds d'avance de trésorerie : des anticipations ambiguës

L'article 18 du projet de loi fixe le plafond des avances de trésorerie pour 1998. 1( * )

Il prévoit des plafonds d'avances pour cinq régimes (régime général, régime des exploitants agricoles, Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, Fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat (FSPOEIE)) et interdit a contrario aux autres régimes de recourir à des ressources non permanentes.

Par rapport à 1997, deux différences majeures apparaissent :

a) Emprunter pour compenser : le cas de la CNRACL

Parmi les régimes autorisés cette année à recourir à des ressources non permanentes, se trouve un nouveau régime : la CNRACL . Son plafond d'avances autorisées est fixé à 2,5 milliards de francs.

Une telle mesure ne peut que surprendre. En effet, elle ne se justifie pas à court terme. La CNRACL est un régime structurellement bénéficiaire et contributeur et elle dispose du meilleur rapport démographique de l'ensemble des régimes de sécurité sociale (trois cotisants pour un retraité).

Par ailleurs, cette mesure ne fait que déplacer sur la CNRACL les déséquilibres enregistrés par les autres régimes spéciaux qu'elle compense financièrement.

Enfin, elle incite les pouvoirs publics à reporter une fois encore les réformes nécessaires du système de compensation entre régimes à l'origine de transferts considérables et évalués en 1997 à près de 34 milliards de francs.

b) Majorer a priori pour ne pas avoir à justifier un dépassement ultérieur

Le plafond du régime général est fortement réduit puisqu'il passe de 66 à 15 milliards de francs dans le projet initial du Gouvernement. Ceci est le résultat de la reprise de dette prévue à hauteur de 87 milliards de francs par l'article 25 du projet de loi.

Toutefois, ce plafond a été porté à 20 milliards de francs à l'issue de l'examen du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale. La commission des affaires culturelles familiales et sociales avait proposé dans un premier temps de porter ce plafond à 30 milliards de francs " afin d'éviter au Gouvernement de se voir reprocher de tarder à adresser un rapport au Parlement en cas de décret visant à relever ce plafond " 2( * ) avant de se rallier en séance publique à un " moyen terme " en l'espèce 20 milliards de francs.

Ce souci a priori louable d'épargner au Gouvernement la peine de prendre un décret majorant le plafond des avances de trésorerie du régime général est pourtant doublement irrecevable .

Il est en premier lieu impératif que le Gouvernement s'explique au plus vite devant le Parlement dès lors qu'il apparaît que le déficit du régime général enregistre un dérapage.

Il est en second lieu fâcheux, en majorant par précaution le plafond des avances qui est une des dispositions véritablement normatives des projets de loi de financement de la sécurité sociale et qui lui tient lieu en quelque sorte d'article d'équilibre, d'anticiper voire d'entériner un tel dérapage.

La tenue des comptes sociaux repose largement sur la motivation et la mobilisation de l'ensemble des acteurs.

Il serait pour le moins étrange de leur signifier que le redressement des équilibres financiers reste en quelque sorte facultatif.

Mais, en réalité, il semble que cette majoration du plafond d'avances soit imputable à la modification des structures des ressources du régime général : le basculement des cotisations vers la CSG a ainsi un coût en trésorerie.

*

* *

Modifications apportées par l'Assemblée nationale
en première lecture

(en milliards de francs)

Projet de loi de financement

Assemblée nationale

Différence

Prévisions de recettes

Cotisations effectives

1.033,7

1.034,1

+ 0,4

Contributions publiques

61,5

62,0

+ 0,5

Total

1.722,1

1.723

+ 0,9

ONDAM

613,6

613,8

+ 0,2

Objectifs de dépenses

Maladie maternité invalidité décès

678,3

678,5

+ 0,2

Vieillesse veuvage

754,3

755,0

+ 0,7

Famille

246,8

246,9

+ 0,1

Total

1.730,2

1.731,2

+ 1,0



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