CHAPITRE II -
REFAIRE DE LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE UNE
PRIORITÉ
Il
ressort du rapport d'évaluation de la politique de maîtrise de
l'énergie menée de 1973 à 1993
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)
que cette politique fut en
réalité essentiellement conjoncturelle avec pour objectif premier
de réduire à court terme la facture pétrolière dans
la période 1974-1986 : l'ampleur des dépenses publiques de
maîtrise de l'énergie a accompagné assez étroitement
la variation des prix du pétrole.
Ainsi, si les 1,3 milliards de francs consacrés en moyenne chaque
année à la maîtrise de l'énergie entre 1973 et 1986,
ont permis à la France de réaliser des économies
d'énergie de 1,5 % par an en moyenne sur la même
période et pendant les trois années qui ont suivi
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)
, la période 1991-1996 a
enregistré une croissance de la consommation d'énergie
supérieure de 0,5 % par an en moyenne à celle du PIB. De
surcroît, la décroissance très rapide de la dépense
publique à partir du contre-choc pétrolier a eu pour
conséquence d'amplifier l'effet démobilisateur que la chute des
prix du pétrole a eu sur l'attention spontanée portée par
les consommateurs à l'optimisation de leurs décisions en
matière d'utilisation de l'énergie.
Il est vraisemblable, selon l'instance d'évaluation, que
l'efficacité de l'action publique aurait été
supérieure, à dépense globale identique sur la
période 1973-1993, si les aides avaient été plus
constantes (une partie des aides à l'investissement de la période
1973-1986 étant transférée sous forme d'aides à la
démonstration et d'aides à la décision après 1986).
On doit aussi regretter que la fiscalité ait accentué les
fluctuations des prix au lieu de les lisser (la baisse des prix s'est en effet
accompagnée de la baisse de certaines fiscalités
spécifiques aux produits énergétiques : fioul lourd,
fioul domestique, gazole).
Enfin, l'instance met en évidence le contraste entre, d'une part, la
très grande continuité de l'effort public en faveur du
nucléaire et de l'effort privé d'investissement des grands
producteurs d'énergie fossile, et, d'autre part, le caractère
conjoncturel de l'impulsion publique en matière de maîtrise de
l'énergie : les pouvoirs publics ont davantage réagi
à court terme, pour accélérer le rétablissement de
notre balance des paiements compromise par la facture pétrolière,
sans réellement chercher à instaurer un meilleur équilibre
à long terme, reflétant correctement le prix des ressources
rares, entre les investissements consentis pour développer l'offre
d'énergie et ceux consacrés à optimiser la demande.
Aujourd'hui,
la libéralisation des marchés de l'énergie
et les engagements que nous prenons au niveau international au titre de l'effet
de serre rendent doublement nécessaire une politique énergique de
maîtrise de l'énergie
. La libéralisation des
marchés risque en effet non seulement de tirer vers le bas les prix de
l'énergie au détriment de l'utilisation rationnelle de
l'énergie, mais aussi de conduire à terme à une
réduction de la part du nucléaire. Or, même dans
l'hypothèse la plus favorable d'un maintien du parc nucléaire
à son niveau actuel, seul un effort conséquent de maîtrise
de l'énergie pourra nous permettre de respecter les engagements
résultant du sommet de Kyoto.
Une relance énergique de la politique de maîtrise de
l'énergie doit également nous permettre de modérer une
facture pétrolière en croissance
. Il convient en effet de
rappeler que si la France produit aujourd'hui 50 % de l'énergie
qu'elle consomme, le secteur des transports dépend encore à
100 % du pétrole importé. Or, en 1997, la facture
énergétique de la France s'est accrue de 8 % en raison
notamment de la hausse de la consommation d'énergie dans les transports.
De même, les livraisons de produits pétroliers ont fortement
augmenté en mars dernier (+ 9,5 % pour le gazole, + 1,2 % pour les
supers). Or, rien ne garantit que le prix du baril de pétrole se
maintienne au très bas niveau qu'il a atteint depuis quelques mois.
Au total, il ne s'agit pas pour les autorités nationales de compenser
par une action sur la demande les compétences qu'elles perdent dans le
domaine de l'offre énergétique, mais bel et bien de brider la
préférence des marchés pour le présent en
intégrant dans le calcul des agents économiques des facteurs
qu'ils sont spontanément amenés à négliger,
à savoir le caractère fini des ressources utilisées, les
risques d'approvisionnement et les atteintes à l'environnement.
Néanmoins, il ne faut pas se leurrer, les économies
d'énergie restant à réaliser seront les plus difficiles et
les plus coûteuses à obtenir.