CHAPITRE II -
LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE RESTE AU CoeUR DE
LA POLITIQUE DES ÉTATS
Il
n'entre pas dans les intentions de votre commission d'enquête de rappeler
les grandes tendances intervenues ces trente dernières années en
matière énergétique (lien entre évolution du PIB et
demande de services énergétiques, réduction de
l'intensité énergétique
11(
*
)
, augmentation de la part du gaz...)
dans la mesure où elles ont été relativement
déconnectées des politiques menées en matière
énergétique et ont dépendu davantage de facteurs
structurels (croissance de la population, structure de l'économie,
évolution des prix relatifs des différentes énergies...).
Au demeurant, ces perspectives sont excellemment rappelées par le
Commissariat Général du Plan dans un rapport
récent
12(
*
)
.
Il paraît utile en revanche de faire ressortir les points communs entre
les politiques énergétiques menées par les principaux pays
développés.
Il apparaît, en effet, que malgré des contextes
économiques, géographiques et climatiques divers, malgré
des ressources énergétiques primaires variables, les
politiques nationales convergent le plus souvent vers les mêmes
objectifs finaux : fournir de façon continue et au meilleur
coût l'énergie indispensable à la production
d'électricité
et de chaleur et à la propulsion des
véhicules, pour
satisfaire les besoins fondamentaux de l'individu
et ceux de l'activité économique ou de la vie de la
société.
Il est important de noter également que les
politiques
énergétiques sont
fortement influencées par des
facteurs exogènes
et partagés :
déterminées hier par le prix du pétrole, elles le seront
demain également par la nécessité de préserver
l'environnement des agressions liées aux émissions de gaz de
combustion et aux déchets de toute nature.
Ainsi, si dans les années 1970, la quasi-totalité des
États ont été conduits à diversifier leurs sources
d'approvisionnement en énergie et à valoriser leurs propres
ressources et leurs innovations nationales pour faire face à la
très forte hausse du prix du pétrole imposée par les pays
de l'OPEP, la
relative abondance actuelle en hydrocarbures conduit la
plupart d'entre eux à négliger la recherche de
l'indépendance nationale au profit de l'ouverture des
marchés
, qui peut, selon eux, assurer la sécurité des
approvisionnements énergétiques au meilleur prix. Dans ce
contexte, le gaz naturel semble avoir pris une avance durable sur les autres
sources d'énergie.
Parallèlement, si la cherté du pétrole avait conduit la
plupart des États à tenter de maîtriser le niveau de leur
consommation et à promouvoir des énergies de substitution, le
contre-choc pétrolier a coupé court aux efforts de
maîtrise de l'énergie et rendu plus contestables les
investissements en faveur des énergies renouvelables
.
Toutefois, les énergies renouvelables et l'utilisation rationnelle de
l'énergie font l'objet d'un
nouvel engouement
à la faveur
de la prise de conscience internationale des effets nocifs du dioxyde de
carbone ou du dioxyde de soufre qui émanent de la combustion des
énergies fossiles (charbon, pétrole). La plupart des Etats
développés
se remettent
ainsi
de nouveau à
promouvoir des modes de production d'électricité et de chaleur
ainsi que des modes de transport moins polluants et plus économes en
énergie
, conformément aux engagements qu'ils ont pris lors de
la conférence de Kyoto de 1997.
De même, si la recherche de l'indépendance
énergétique a constitué le motif essentiel du recours
à
l'énergie nucléaire
dans les années 1970,
le double souci d'économiser les ressources énergétiques
fossiles - dont l'épuisement apparaît inéluctable,
même s'il sera progressif, dans un contexte de concurrence de plus en
plus sévère pour l'accès aux ressources engendrée
par l'émergence des pays du Sud - et de lutter contre l'effet de
serre induit par le rejet dans l'atmosphère de différents gaz de
combustion, est à l'origine, à quelques exceptions près,
de l'intérêt renouvelé des Etats pour l'atome.
Ainsi, après avoir mis en cause leur parc de centrales
nucléaires, de nombreux pays s'interrogent aujourd'hui sur
l'opportunité d'abandonner une technologie qui a fait ses preuves et
qui, si elle n'est pas dépourvue d'inconvénients, reste la seule
susceptible de remplacer les énergies fossiles à terme.
Quatre grandes tendances semblent au total se dégager :
- la libéralisation des marchés de
l'électricité ;
- la croissance de la part du gaz dans le bilan énergétique
des pays dans un contexte d'ouverture à la concurrence ;
- l'intérêt renouvelé pour l'énergie
nucléaire ;
- le nouvel élan en faveur du développement des
énergies renouvelables et de la maîtrise de la consommation
d'énergie.
Votre commission d'enquête tentera de démontrer, à travers
ces tendances et leurs déclinaisons pays par pays, qu'en dépit
d'un relatif effacement de l'Etat au profit des mécanismes de
marché, le rôle des pouvoirs publics reste déterminant pour
réguler des marchés ouverts à la concurrence, pour pallier
la myopie des marchés et pour garantir l'avenir de la planète.
Elle s'efforcera également de montrer que si les Etats se sont, par
leurs politiques énergétiques volontaristes, partiellement
affranchis du joug du pétrole, c'est pour se soumettre à une
obligation plus " noble " mais tout aussi contraignante, celle de la
préservation de la planète.
En bref, intégrant le nouveau concept de développement
durable, la politique énergétique reste au coeur des politiques
nationales.