" Quand il est urgent, c'est déjà trop
tard "
Talleyrand
AVANT-PROPOS
Mesdames,
Messieurs,
En décidant la création d'une commission d'enquête le 19
novembre dernier, le Sénat a voulu engager une réflexion sur
l'avenir de la politique énergétique française et y
contribuer.
Cette démarche était certes liée à l'annonce par le
Gouvernement de son intention, puis de sa décision d'arrêter le
surgénérateur Superphénix, prise sans aucune concertation
avec la représentation nationale. Elle procédait de la
volonté de la Haute Assemblée d'en étudier les
conséquences économiques, sociales et financières.
Mais, bien au-delà, le Sénat a manifesté le souhait
d'examiner
tous les aspects de la politique énergétique de
notre pays
, afin de mener une réflexion prospective sur l'avenir
d'un secteur vital pour notre économie et de déterminer la nature
et la réalité des solutions susceptibles d'être mises en
place et de constituer les composantes de la fourniture d'énergie dont
la France a besoin.
La commission d'enquête a voulu se faire une image aussi complète
que possible du secteur de l'énergie aujourd'hui. Elle s'est ainsi non
seulement penchée sur les problèmes de la filière
nucléaire (de la production d'électricité à l'aval
du cycle), mais elle a aussi étudié tous les autres secteurs
énergétiques : gaz, pétrole, charbon, perspectives
offertes par le développement des énergies renouvelables,
politique de maîtrise de l'énergie ect..
Elle a également examiné
l'évolution de la politique
communautaire
et celle de nos principaux partenaires ou concurrents dans ce
domaine, afin de mieux mesurer les conséquences de l'ouverture à
la concurrence pour les secteurs de l'électricité et du gaz, en
Europe et dans le monde.
Cette initiative de responsables politiques soucieux de mener des
investigations de nature à éclairer les choix futurs a
été
accueillie favorablement par l'ensemble des groupes
politiques composant la Haute Assemblée
,
qui l'ont adoptée
à l'unanimité
, le groupe socialiste ne prenant pas part au
vote.
Cette commission, composée de vingt et un membres représentant
tous les groupes politiques du Sénat a procédé à
près d'une
centaine d'auditions
1(
*
)
, tant en France qu'à
l'étranger, compte tenu de l'internationalisation croissante du secteur
de l'énergie.
Elle a auditionné l'ensemble des acteurs de la politique
énergétique
: les ministres concernés (le
ministre de l'économie et des finances, le secrétaire
d'État à l'industrie, le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement, le ministre de l'éducation nationale,
de la recherche et de la technologie, le ministre chargé de
l'équipement, des transports et du logement), les chefs d'entreprise de
tous les secteurs énergétiques, des hauts fonctionnaires, les
syndicats, les associations de consommateurs ou de protection de
l'environnement, des scientifiques et des professeurs d'économie.
Des déplacements en province sur les sites de la centrale Phénix
et de l'usine de retraitement de La Hague ont été l'occasion de
rencontres avec les responsables des collectivités et des acteurs locaux
de l'industrie nucléaire.
Une délégation de la commission d'enquête s'est rendue
à Bruxelles où des entretiens fructueux avec les responsables des
directions de l'énergie, de la recherche, de la concurrence et de
l'environnement de la Commission européenne lui ont permis de mieux
mesurer la contrainte européenne dans ce domaine.
D'autres membres de la commission ont effectué des déplacements
dans certains États membres de l'Union européenne, afin
d'étudier l'ampleur, les modalités et les conséquences de
l'ouverture à la concurrence des secteurs de l'électricité
et du gaz. C'est ainsi qu'une délégation de la commission s'est
rendue en Grande-Bretagne, tandis que le rapporteur poursuivait des entretiens
en Suède et en Allemagne.
La commission d'enquête avait envisagé une mission en Russie et en
Chine. La crise gouvernementale russe ne lui a pas permis de se rendre à
Moscou, mais le déplacement effectué à Pékin s'est
révélé riche d'enseignements. Par ailleurs, le
Président de la commission d'enquête, qui accompagnait le
Président de la République dans son récent voyage d'Etat
au Japon, a rencontré des responsables de la politique
énergétique japonaise.
Pour compléter son information, la commission a également
adressé un questionnaire aux ambassades de tous les pays de l'Union
européenne, des pays de l'Est ainsi que des Etats-Unis et du Canada.
Enfin la commission d'enquête a recueilli les observations écrites
d'un certain nombre d'organismes qu'elle n'avait pu auditionner.
*
* *
Au terme
de ses travaux, votre commission d'enquête a pu constater que
malgré des contextes économiques variés et une grande
diversité de ressources primaires, tous les pays ont mis en place
des
politiques énergétiques nationales visant à assurer
l'indépendance énergétique et à fournir, au
meilleur coût, l'énergie indispensable à leur
compétitivité
économique
.
Voulant s'inscrire dans une démarche comparative, votre commission
s'attachera d'abord, après avoir présenté l
es
expériences menées par nos principaux partenaires
à
montrer
l'évolution de la politique énergétique
française
qui, au cours des cinquante dernières
années, a su s'adapter à l'évolution des contraintes
rencontrées.
Se tournant résolument vers l'avenir, elle s'efforcera ensuite de
réfléchir aux principes qui devront guider la politique
énergétique de la France
dans le nouveau contexte de
déréglementation du marché européen de
l'énergie et des contraintes environnementales qui s'imposent à
notre pays à la suite du sommet de Kyoto. Elle
formulera
en outre
des
propositions
tendant à garantir l'indépendance
énergétique et à préparer l'avenir.